Mise en question des évidences

Dans cet ouvrage très détaillé, Philippe Vienne interroge les liaisons dangereuses (« lésions dangereuses ») entre politiques et violences, les regards posant les évidences, les naïvetés méthodologiques, les boites noires conceptuelles et plus généralement le rôle des experts dans la construction de certains objets et de leur négation comme objets sociaux.

A cela s’ajoute un démontage d’une certaine sociologie « arc-boutée sur ses modélisations mathématiques » et se voulant « non seulement utile pour qui requiert ses services mais plus encore, s’estime à même de pouvoir faire œuvre de prévision et de prédiction de la réalité sociale. »

Il y a en effet, un vrai danger dans cette littérature omniprésente, soit disant experte et directement en phase avec les demandes bureaucratiques, institutionnelles et politiques. L’expertise, au lieu d’éclairer les débats démocratiques, s’affirme alors comme production d’une soit disant utilité sociale, naturalisant ou essentialisant des rapports humains historiques.

En quoi la sociologie pourrait-elle nous indiquer les bonnes pratiques ? Sans autonomie aux donneurs d’ordre, des  »chercheurs » nous content des légendes noires d’un monde où l’individu serait seul et en totalité responsable de son comportement ou de son être  »non-social ».

De la violence à l’école à la prédiction de comportement délinquant, au repérage des délinquants potentiels, au non de la science, c’est une véritable politique d’enclavement sécuritaire que certains prônent et d’autres mettent en place.

 Si, à juste titre l’auteur critique la transformation « de la question sociale en une série de problème sociaux », il reste muet sur les modifications de notre société ou sur des aspects contradictoires de cette question sociale, dont la violence, dans ses expressions en permanence remodelées, dans certains rapports quotidiens.

Il me semble qu’il convient d’essayer de ne pas contourner certains aspects déplaisants de la réalité, des conséquences des délitements sociaux, de nier les possibles actions immédiates pour trouver ensemble les voies de possibles lendemains, sans miser simplement sur l’action longue sur les causes ou sur un avenir meilleur à advenir.

Mais ceci est un autre débat qui aurait cependant renforcé l’argumentation et déplacé la thématique traitée, de la stricte dénonciation à l’interrogation plus large des modalités du vivre ensemble.

 Philippe Vienne : Violences à l’école : au bonheur des experts

Une analyse critique des réseaux d’expertise de la violence scolaire

Editions Syllepse, Paris 2009, 433 pages, 25 euros

 Didier Epsztajn

Auteur : entreleslignesentrelesmots

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