Si des conditions objectives permettent indubitablement l’accélération des processus d’appropriation collective des moyens de production, comme cela s’est notamment vérifié lors des révolutions sociales en 1917 en Russie et, surtout en 1936 avec les collectivisations spontanées en Catalogne et en Aragon, d’autres formes et modalités d’appropriation ont vu le jour ces dernières années dans des contextes bien différents. Les mouvements de récupération d’entreprises en Argentine (220 en une décennie), de l’usine sidérurgique vénézuélienne SIDOR, de l’usine de pneumatiques Hulera Euzkadi S.A, qui appartenait à Continental Tire, à El Salto au Mexique démontrent que des luttes contemporaines dans des contextes différents peuvent remettre en cause la propriété capitaliste de moyens de production et redémarrer une production sous gestion ouvrière.
Ces expériences émanent, le plus souvent, d’équipes syndicales influencées par des marxistes révolutionnaires ou autogestionnaires mais cette condition n’est pas exclusive. Elles peuvent parfois résulter de démarches beaucoup plus pragmatiques en cas de crise grave mais tout à la fois s’inscrire dans une tradition historique et culturelle, telle que l’on peut l’observer en Argentine où « Aujourd’hui, quel que soit l’endroit dans le pays, lorsqu’une entreprise ferme, les travailleurs brandissent le drapeau de l’autogestion. C’est le grand acquis de la lutte de la classe ouvrière argentine » (Abelli-2009). C’est donc bien toute une culture ouvrière qu’il faut tenter de changer en Europe.