La campagne pour les élections présidentielles est engagée, il est plus que temps de parler du fond, et de dresser le bilan de la politique menée ces 5 dernières années – des cadeaux fiscaux à l’aggravation de la dette, de la RGPP à la réduction des dépenses publiques avec, pour chacun-e, des conséquences très concrètes : baisse de la protection sociale, compression des salaires et de l’indemnisation du chômage, suppression des aides aux associations, continuelles réductions des effectifs… Certaines réformes sont connues : le bouclier fiscal, le recul de l’âge de la retraite, le démantèlement de la fonction publique, la privatisation de la poste, la compression des moyens de la justice et des hôpitaux publics, de l’école et de la police, la fermeture de maternités et de centres IVG … Il faut rappeler ce que ces réformes libérales ont concrètement détruit, ce qu’elles coûtent et à qui, en conditions de travail comme aux usagers. D’autres réformes, dissimulées ou peu visibles, constituent aussi le bilan de la présidence Sarkozy : désorganisation du service public de l’emploi, remise en question de l’accueil en école maternelle, démembrement de la médecine du travail, taxation des indemnités des accidentés du travail… Il faut les donner à voir.
Sous la forme d’un abécédaire, la Fondation Copernic a récapitulé tout ce qui été défait ces dernières années. Pour chacune des mesures, elle avance également des contre-propositions.
Pas un gouvernement, depuis 1945, n’a autant détruit, méticuleusement détricoté, l’un après l’autre, les droits sociaux conquis de haute lutte par les générations qui nous ont précédés. Aujourd’hui, 10% de la population détiennent 48% du patrimoine national, quand 50% n’en possèdent pas 7%. Ces quinze dernières années, les premières fortunes professionnelles françaises ont progressé six fois plus vite que la richesse nationale. Mieux, de 2010 à 2011, selon le baromètre Forbes, le nombre des milliardaires français en dollars a augmenté de 16,7% – quand la France compte 8 millions de pauvres. Il faut en finir avec ces inégalités, avec la précarité qui progresse et encourage les replis sur soi, la peur du plus proche, les rivalités dans et pour l’emploi, la concurrence à tous les niveaux, la fin des solidarités.
Par un singulier tour de passe-passe, l’équipe Sarkozy prétend être évaluée sur ses promesses, son projet, les solutions qu’elle dit vouloir apporter à la crise. Nous l’avons prise au mot : la Fondation Copernic, réunissant 64 auteurs, a dressé le bilan de ce quinquennat en traitant 130 items, et autant de contre-réformes.
Un bilan du quinquennat de Nicolas Sarkozy sous forme d’abécédaire.
Le traitement de certains sujets aurait pu être amélioré (place dominante de la France dans la division internationale, colonies déguisées en départements, racialisation des rapports sociaux, conjugaison de l’ensemble des politiques sous l’angle des rapports sociaux de sexe), certaines formulations pourraient être critiquées (référence à la République sociale, classes moyennes non définies, niveau du budget de l’armée non analysé), etc.
Quoiqu’il en soit, cet inventaire des mesures de casse sociale, d’exacerbation des inégalités, de déni de droits, de mépris de la démocratie est plus qu’utile. Chacun-e pourra y trouver de multiples informations et découvrir des mesures dissimulées ou oubliées.
Ce que le néolibéralisme et le gouvernement Sarkozy a détricoté ne pourra être simplement re-tricoté. Il ne faudrait pas idéaliser ni la situation antérieure ni les politiques menées par les sociolibéraux. La crise du système capitaliste est aussi la crise des réponses construites antérieurement.
Renouer avec des solutions crédibles d’émancipation pour toutes et tous, nécessitera de mettre au centre de la politique, l’intervention des salarié-e-s et des citoyen-ne-s et l’invention de nouvelles formes de démocratie.
Cela passe aussi par un bilan sans concession des pratiques politiques, de l’abandon, par l’État néolibéral, de certaines de ses prérogatives en faveur d’entreprises privées, comme par exemple les traités européens (art. 63, 121 et 125 du traité de Lisbonne) qui font obligation aux États de se financer sur les marchés et non auprès de la Banque Centrale Européenne (BCE)).
Ce livre, malgré ses limites, contribue indéniablement à tirer ce bilan.
Fondation Copernic : Sarkozy bilan de la casse
Coordonné par Josiane Boutet, Caroline Mécary, Francis Parny, Willy Pelletier, Gaëlle Rougerie
Editions Syllepse, Paris 2012, 198 pages, 7 euros
Didier Epsztajn
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