1939, les armées russes envahissent la Finlande. Un village évacué par ses habitant-e-s, des maisons détruites, brûlées et un homme qui ne veut pas partir de son lieu.
Une histoire de bûcherons « Quand les bûcherons se sont réveillés, je leur ai donné la nourriture disponible, de la bouillie de gruau, de la confiture, du lard, un peu de pain », de guerre « Une foule d’hommes qui courent, marchent, en camion, à cheval, des étrangers, des silhouettes en noir et leurs machines qui ont brisé le silence et rempli la ville d’odeurs et de bruits qui n’y ont jamais existé, des milliers de silhouettes étrangères qui ont toutes quelque chose de bizarre et d’incertain, comme si elles avaient émergé du sol et ne supportaient pas la lumière du jour », de froid, de grand froid et de fuite « Mais pas pour le moment, pour l’instant nous étions arrivés, nous étions parvenus aussi loin qu’il était possibles à des hommes comme nous, qui ne valent rien ».
Mais les être humains ne sont pas des êtres séparables seulement par des frontières, des langues et la guerre. Le vide d’un village n’est jamais totalement vide « Et puis, j’ai fait deux découvertes : premièrement, tous les êtres vivants n’avaient pas déserté la ville, il restait les chats, j’en ai vu certains de mes yeux, quant aux autres, j’ai vu seulement leurs traces, il y en avait toujours plus qui zébraient la neige, telle une farine d’un blanc étincelant saupoudrée sur toute cette noirceur ».
Le froid, la neige, la glace, la guerre, les incompréhensions et les refus. La fuite et encore le froid. Le travail et la propreté aussi.
Refuser c’est aussi ne pas accepter la vaine autorité, et l’absurdité de situations « Tant que le fait de mourir ou de rester en vie ne me devenait pas complètement indifférent, je ne distinguais plus l’un de l’autre, et tant que je parvenais à survivre à ces premiers jours de labeur sans sommeil, je m’en sortais, et cela m’a donné une forme nouvelle de sérénité. »
Les mots, les phrases de l’auteur soulignent ce froid qui tue, ce froid qui exige tant de mouvements, les aberrations du terme « ennemi », les hommes ensembles, semblables et différents, mesquins. Mais aussi la liberté, la survie et toujours le choix. L’instant figé ne peut masquer le temps…
Et puis des années plus tard, les souvenirs, les rêveries, les interrogations « Cette nuit du 26 mars 1967, la guerre était terminée. »
Roy Jacobsen : Les bûcherons
Traduit du norvégien par Alain Gnaedig
Editions Gallimard, Paris 2011, 192 pages, 16,90 euros
Didier Epsztajn
Roy Jacobsen : Les bûcherons
Traduit du norvégien par Alain Gnaedig
Editions Gallimard, Paris 2011, 192 pages, 16,90 euros
Didier Epsztajn