Les thèmes inoubliables d’un des grands du piano, Thelonious Monk, sont repris, réappropriés, redessinés ou déconstruits par d’autres musicien-ne-s.
Variations, au hasard de ré-écoutes récentes.
Et pour débuter, un incontournable, Steve Lacy. Un grand familier de l’œuvre du pianiste. Il en a enregistré de nombreuses pièces, dans de multiples formats, du solo à toutes les autres formations pratiquées.
Je suis notamment attaché à la forme la plus dépouillée, le solo.
Pourquoi ne pas commencer cette longue suite d’interprétations par Only Monk enregistré sur le label Black Saint en juillet 1985, ou par More Monkd’avril 1989. Immédiatement, la musique est d’Évidence (comme le premier titre de cet album). Monk et un saxophone soprano, musique dépouillée mais jamais réduite. Un sentiment de très grande familiarité, pour celles et ceux qui ne sont pas fermé-e-s à ce format exigeant.
Réédité en 2011dans un coffret de 6 Cd CAM (deux autres pièces de Thelonious Monk dans le second CD de duo avec Mal Waldron)
Beaucoup plus « accessible ».
Les frappes de Dennis Charles, l’entrelacement du saxo soprano (Steve Lacy) et du trombone (Roswell Rudd) pour Bye-Ya, un début tout en rythme.
Trombone et saxe se succèdent, sur le premier plan dans ce quartet sans piano pour improviser autour de thèmes plus ou moins connus, dont Brillant Corner, Monk’Dream ou Monk’s Mood.
Une rythmique assurée avec brio par Henry Grimes à la contrebasse, avec parfois des accents de Charlie Mingus et Dennis Charles très présent à la batterie.
Duo plus que duel du trombone et du saxe pour ce bel et joyeux hommage.
Steve Lacy, Roswell Rudd Quartet : Scholl Days(Improvisations on compositions byTheloniuos Monk
Concert probablement de mars 1963 à New-york et réédité en 2002 par Hat Hut
Et pour clore cette première note, un disque récent, aux timbres chauds, à l’écriture luxuriante. Un beau mariage instrumental, des unissons particulièrement réussis. Une symbiose colorée pour une visite chaleureuse, dansante, au présent, de l’univers fabuleux de Monk. J’ai notamment apprécié It Don’t Mean A Thing,Reflexions et une nouvelle fois Évidence. Manque peut-être un brin de folie.
Jimmy Owens (trumpet, flugelhorn), Wycliffe Gordon (trombone), Marcus Strickland (tenor sax), Howard Johnson (tuba, baritone sax), Kenny Barron (piano), Kenny Davis (bass) et Winard Harper (drums)
Jimmy Owens : The Monk Project, Cd IPO, 2011
Didier Epsztajn
Les mondes de Monk sont spécifiques. Ils sont entrés progressivement dans ce que les Américains appellent le « Mainstream », le courant principal tout en étant encore suffisamment hermétiques pour continuer à susciter les commentaires musicaux de beaucoup de pianistes à commencer par Eric Reed qui revendique cet héritage. Steve Lacy a creusé les mondes de Monk pour en faire son univers. Il a su respecter les brisures du discours, les originalités pour dessiner les contours d’un véritable innovateur/Compositeur. A l’instar d’un Jelly Roll Morton – dans les années 20-40 -, Thelonious Monk est un compositeur au sens plein du terme. Il faut découvrir son univers. Un univers rempli de New York, de Harlem en particulier, le Noir et le Latin (il habitait à la frontière virtuelle). On retrouve dans sa musique les bruits, la trépidation de la Ville-Monde et aussi le balancement des claves de la musique afro-cubaine.
Il faut lire Laurent de Wilde rendant hommage à Monk, dans la collection Folio chez Gallimard.
Nicolas Béniès.