Comme l’indique Bernard Duterme dans son éditorial, l’économie verte, n’est qu’une « manière écologique de faire des affaires » et encore, en réduisant le sens ce que devrait être l’écologie. Il souligne aussi que les politiques environnementales continuent à être perçues comme « un frein à la croissance (hausse des coûts, des restrictions, des régulations, baisse de la compétitivité…)». Le débat ne devrait d’ailleurs pas être entre « frein » et « moteur » de la croissance, mais sur la remise en cause de la croissance telle qu’elle s’est construite depuis plus d’un siècle. A la croissance des marchandises, ne faut-il pas opposer la satisfaction des besoins de toutes et tous ? Ou pour le dire autrement une « économie verte » en « rupture réelle avec l’actuel modèle de production et de consommation à l’origine même de l’aggravation des déséquilibres sociaux et environnementaux ».
Les théories libérales teintées de vert prônent la valorisation (attribution d’une valeur, d’un prix) à la biodiversité, aux fonctions des écosystèmes, aux produits de la « nature » pour renforcer le capital et transformer ce qui ne l’est pas encore en marchandises. L’asymétrie entre pays du Sud et pays du Nord ne peut qu’être renforcée par cette marchandisation accélérée, et annuler, ce qui n’est par ailleurs pas appliqué, le « principe des responsabilités communes mais différenciées ».
Les auteurs présentent des analyses plus ou moins radicales de « l’économie verte ». Sauf erreur aucun-e n’évoque l’éco-socialisme. Au fil des textes, sont traitées les dimensions sociales des changements, la problématique des financements et des transferts technologiques, « la promotion des technologies endogènes écologiquement rationnelle dans les pays en développement », le protectionnisme derrière l’utilisation de normes environnementales, l’accès aux marchés et plus globalement la régulation du commerce mondial, le rôle du secteur public, le droit des communautés autochtones et des communautés rurales, la sécurité alimentaire, le colonisation de l’écologie par la logique d’accumulation, les bilans de Rio Janeiro, les brevetages du vivant, le rôle des industries agro-alimentaires, pharmaceutiques et biotechnologiques, etc.
Je souligne notamment l’intérêt des sept points avancés dans le chapitre « Vers un développement durable » dans l’article de Pio Verzola Jr. Et de Paul Quintos « Économie verte : un bien ou un mal pour les pauvres ? »
Editorial : Économie verte : marchandiser la planète pour la sauver ? par Bernard Duterme
Points de vue du Sud
Les risques du concept d’économie verte au regard du développement durable, de la pauvreté et de l’équité par Martin Khor
Économie verte : un bien ou un mal pour les pauvres ? par Pio Verzola Jr., Paul Quintos
Économie verte : le loup déguisé en agneau par Edgardo Lander
Verdir le libre-échange pour mieux maintenir le statu quo par Joseph Purugganan
Capitalisme kleptocrate, finances climatiques et économie verte en Afrique par Yash Tandon
« Économie verte » versus « droits de la nature » par Pablo Solon
La lutte des « biomassters » pour le contrôle de la Green Economy par ETC Group, Heinrich Böll Foundation
Économie verte et développement durable après Rio+20 par Martin Khor
Deux remarques : Certain-e-s auteur-e-s ont une conception essentialiste de la nature, d’une nature « naturelle » trans-historique, ce qui ne permet pas de penser les interactions multiples et variables entre les sociétés humaines et leurs environnements. Plus discutable encore, me semble-t-il, la réduction des changements à des changements institutionnels et la sous-estimation des nécessaires auto-organisations et mobilisations des populations.
Quoiqu’il en soit, des analyses pour comprendre non seulement les limites de l’économie verte mais son incapacité à répondre aux bouleversements climatiques et environnementaux générés par le mode de production capitaliste et son productivisme.
« Les conditions d’une véritable « transition » sont aujourd’hui étudiés, revendiquées ou déjà expérimentées par une multitude d’acteurs individuels et collectifs, scientifiques, sociaux, politiques, économiques… de part le monde. Théoriques ou pratiques, elles passent nécessairement tant par une réélaboration du rapport à la nature des sociétés contemporaines, que par un questionnement des rationalités, des rapports sociaux et des pratiques politiques intimement liés au modèle économique dominant à changer ».
« Il s’agit, par les voies d’un développement respectueux de l’environnement, qui privilégie la valeur d’usage à la valeur d’échange, le partage public à l’appropriation privée, la redistribution à l’accumulation, les processus démocratiques aux rapports de domination, la diversité et l’interculturalité à l’uniformisation, d’assurer l’accès de tous et de chacun au bien commun …, au bien-être …, au buen vivir, à la prospérité ».
Pour compléter :
La Via Campesina : Appel à l’action – Prenons en main notre futur : Rio+20 et au delà, Appel à l’action – Prenons en main notre futur : Rio+20 et au delà
Espace climat : Pour reprendre notre avenir en main, nous devons changer le présent ! Espace climat : Pour reprendre notre avenir en main, nous devons changer le présent !
Alternatives Sud : Economie verte. Marchandiser la planète pour la sauver ?
Centre Tricontinental et Editions Syllepse (Editions Syllepse – Economie verte), Louvain-le-Neuve (Belgique) 2013, 190 pages, 13 euros
Didier Epsztajn