L’imagination peut voyager très loin dans l’espace d’un seul couloir

1« L’objectif présent est aussi de faire œuvre à la fois d’historien et d’artiste, en se situant au plus proche de l’autoreflexivité d’une mémoire d’un événement vécu jour après jour dans le passé d’un ancien étudiant et professeur d’histoire, Jacques Guilhaumou, et toujours d’actualité par le regard présent porté par un jeune dessinateur, également étudiant en histoire, Thomas Stehlin ».

Dans son avant propos l’auteur indique, entre autres, « Ainsi l’événement mai 68 nous dit quelque chose sur l’altérité radicale, et son potentiel émancipateur, utopique au point d’en inscrire la nostalgie au cœur même de notre existence actuelle ».

J’ai lu le livre comme une ballade dans un hier vécu, toujours présent, et projetant des flammes vers demain. Au gré de quelques errances, très subjectives, entre les pages et les beaux dessins de Thomas Stehlin.

Du contexte nanterrois, pour celles et ceux qui auraient oublié l’existence du gigantesque bidonville, aux graffitis, « nos paroles faisaient alors signe vers des mentions passées, extérieures, autres donc, et surtout propices à combler ce lieu vide jusqu’à proclamer qu’il était aussi vide de savoir ».

Un spectre. Le surgissent de l’événement et son inscription dans le temps. L’imagination au pouvoir. « Le temps n’est plus sous la dépendance d’un mouvement mouvement préétabli, c’est l’image-temps elle-même qui fait l’événement en abolissant la distance entre l’actuel et le virtuel, le réel et le possible ». L’écriture comme création de soi, toujours recommencée, toujours en tension. « quelque chose existe », « quelqu’un parle », l’ouverture sur le futur.

Grèves, barricades, « ce que peut-être une démocratie inédite dans les assemblées générales », des scènes en mémoire, « utopie concrète devenue nostalgie au fil du temps », un « événement irréductible à une réalité objective ». Des slogans, des inscriptions transformant les murs, la nostalgie de la lecture. Le complot médiatique. La nuit des barricades. « la grève ouvrière d’une puissance inégalée ». L’engament individuel et le collectif. Le désir d’utopie. La joie d’exister. Les liens entre soi et les réalités. Les chaînes de pavés. La quête de la révolution permanente. Le souvenir de 1848. La gare Saint-Lazare.

« Le lecteur de mon parcours en mai 68 pourra, à juste titre, me reprocher de ne pas dire grand-chose sur mes motivations à l’écrire. Je propose donc, dans un épilogue, d’entrer dans des explications en la matière par une séquence mémorielle, située du coté de la commémoration »…

Oui, un spectre hante toujours les tenants de l’ordre établi.

Sur mes propres « positions » sur mai 68, voir l’avant propos rédigé avec mon ami Patrick pour l’ouvrage collectif « La France des années 1968 »dirigé par Antoine Artous, Didier Epsztajn et Patrick Silberstein (Syllepse Paris 2008) Actualité des possibles

Jacques Guilhaumou avec la collaboration de Thomas Stehlin : Cartographier la nostalgie. L’utopie concrète de mai 68

Presses universitaires de Franche-Comté, 2013, 133 pages, 16 euros

Didier Epsztajn

Auteur : entreleslignesentrelesmots

notes de lecture

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

En savoir plus sur Entre les lignes entre les mots

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture