De l’intérêt de la dette. D’après La terre aux fruits d’or (Jorge Amado)

(De notre reporter à travers les âges Jean Casanova, à la rencontre de Jorge Amado de Faria – Bahia – Brésil).

Jorge Amado de Faria, romancier et poète brésilien né en 1912, mort à Bahia le 6 Août 2001, auteur de Dona Flor et ses deux maris, de Gabriela, girofle et cannelle, du Pays du Carnaval et de bien d’autres magnifiques récits, nous a laissé dans la Terre aux fruits d’or, le récit de l’histoire des terres du cacao, de l’économie cacaoyère du début des années 1900, de la conquête de la terre par les colonels féodaux, les fazendeiros, puis du passage de ces mêmes terres des mains des colonels aux mains avides des marchands exportateurs, évoquant ainsi, il était marxiste, la transition de la conquête féodale à la conquête impérialiste.

Tout d’abord, il y avait la Forêt Vierge. Des hommes sont arrivés, paysans pauvres, et ont défriché la forêt pour pouvoir cultiver le cacaoyer, l’arbre aux fruits d’or. S’ensuivit une lutte sanglante entre grands propriétaires terriens, les fazendeiros ou colonels, pour bâtir leurs immenses plantations et s’asservir l’homme et la terre: le paysan et l’arbre aux fruits d’or. Pour maintenir leur domination sur les paysans qui travaillaient la terre du cacao, les colonels ont inventé la dette. Les maîtres des plantations y détenaient les magasins ou s’approvisionnaient les misérables journaliers et, leur salaire étant de misère, ne cessait de croître la dette auprès des tenanciers, en réalité auprès des véritables propriétaires des magasins, les fazendeiros eux-mêmes. Le salaire était trop maigre pour vivre; la dette ne cessait de croître et, avec elle, la dépendance vis-à-vis du maître des terres.

Permettez, chers lecteurs, cette transition. La dette, comme mécanisme de la fabrique du consentement à l’exploitation et aux salaires de misère, comment ne pas en voir aujourd’hui le retour, dans l’asservissement, au prétexte justement de la dette, des patrimoines publics aux féodalités financières.

Ce patrimoine public et national, celui de la France, l’État le gère, et il y a déjà là un problème, car le dépositaire d’un bien a-t-il tout pouvoir en matière de gestion, notamment celui de vendre, sans référer au propriétaire en dernier ressort, la collectivité humaine qui a construit ce patrimoine depuis des siècles, collectivité séculaire représentée par le peuple citoyen d’aujourd’hui, son descendant. C’est le premier problème. Le second, c’est de voir ce patrimoine s’en aller peu à peu en lambeaux depuis 30 ans, bradés par des gouvernants à des copains ou des coquins, les deux à la fois quelquefois et même le plus souvent, sous la forme dite de privatisation.

Dans un premier temps, celui des années 80-90, au prétexte que l’intérêt actionnarial serait mieux à même que l’intérêt public de développer l’outil de production.

La liste est longue et je ne vais pas vous l’infliger, mais souvenez-vous de Renault, Thomson, France Telecom… Dans un second temps, et nous y sommes précisément, au prétexte de vendre son patrimoine pour payer sa dette. Je dis bien prétexte, car la réalité c’est que l’Etat lui-même, par le biais de majorités frelatées, insincères et successives, a organisé depuis 30 ans la prolifération de la dette (allégements fiscaux pour les très hauts revenus et les sociétés, recours à l’emprunt à 3 % auprès des banques privées au lieu de 0 % auprès de sa banque centrale…) pour justifier la vente du patrimoine public. Après les autoroutes, l’Etat veut maintenant mettre en vente ses participations dans toutes les infrastructures, les réseaux de transport et d’énergie, RFF (Réseau Ferré de France), RTE (Réseau de Transport Électrique), les aéroports, d’abord ceux de Toulouse, Lyon et Nice, puis peut-être celui de Paris.A Toulouse, ici même, se discute et se prépare la vente par l’Etat d’une part de la propriété de la Nation (49,9%) dans l’Aéroport de Blagnac. Pour récupérer 170 à 300 millions d’euros, destiné à boucler son budget 2015 et à assurer le service d’une dette dont l’audit citoyen est toujours refusé, le Gouvernement Valls brade illégitimement :

– un immense domaine foncier de plusieurs milliers d’hectares,

– domaine foncier où est implanté, entre autres, à titre de locataire, le fleuron industriel Airbus, poumon économique, scientifique et technologique de toute une région,

– brade également les rentrées financières pour l’Etat et la maîtrise en termes de sécurité aérienne, d’emplois et d’environnement de l’activité aéroportuaire.Acheteurs en ligne et à départager dans ce qui n’est rien d’autre que le dépeçage du bien public: Aéroport de Paris (lui aussi privatisable dans un second temps, la mise sera plus grosse à ramasser), Vinci et un duo de requins financiers sino-canadien. Sino-canadien, chers lecteurs, veut dire chinois et canadien. Quand vous saurez que l’avionneur commercial chinois Commercial Aircraft Corporation of China (AVIC) se propose, à l’horizon 2020, de devenir le challenger unique de Boeing, vous mesurerez, le mot irresponsables est-il le bon, ce que sont nos gouvernants. Ou plutôt, forcenés et enragés à illustrer la formule célèbre du révolutionnaire Saint-Just : «  Un peuple n’a pas de pire ennemi que son gouvernement! »

Retour plus que jamais nécessaire, par la pétition, la manifestation ou tout autre moyen d’expression, à la Déclaration des Droits de l’homme et du Citoyen de 1793 dans son art. 35 : « Quand le Gouvernement viole les droits du Peuple, l’Insurrection est pour le peuple et chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs ».

Jean Casanova, 17 novembre 2014

Auteur : entreleslignesentrelesmots

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