Une grosse déception : les monographies locales sur « Mai 68 » ne sont pas nombreuses et, devenu lillois depuis 1973, j’attendais beaucoup du livre de Guy Ciancia, compositeur, chanteur et militant anarchiste lillois. Or, plus qu’une étude documentée (les grèves ouvrières par exemples sont mentionnées au détour d’anecdotes au pire, de règlements de comptes avec « les syndicats » au mieux !), il s’agit d’un pamphlet politique. Avec la verve du chroniqueur irrespectueux, la phrase assassine, le jugement lapidaire qui laissent entrevoir une vague nostalgie des « années-provocations ».
Centrées, pour l’essentiel, sur le milieu étudiant, les luttes d’influence au sein de l’AGEL-UNEF (Lille était une des rares université où l’UNEF était dirigée par l’Union de Etudiants Communistes), l’émergence du courant maoïste dont la « radicalité » ne manque pas d’influencer une mouvance « anarchiste » aux contours assez flous, ces chroniques valent plus pour la description des courants « ultra-gauches » (situationnistes, anarchistes, conseillistes…), des modes de vie qui les caractérisaient (ainsi un portrait de Serge July en dirigeant clandestin qui ne manque pas de sel !) que pour une réflexion sur l’articulation des luttes ouvrières et étudiantes dans les conditions particulières d’une région de tradition guesdiste.
Guy Cianca : Lille en Mai. Chroniques anarchistes, Editions Passez Muscade, 2015
Dominique Gérardin