Les organisations de l’Union syndicale Solidaires ont noué des relations avec des syndicats autonomes (c’est à dire autonomes par rapport au pouvoir) dans de nombreux pays. Ce numéro de leur revue internationale est consacré à l’Algérie.
Les auteur-e-s reviennent sur la situation syndicale du pays, la violence du pouvoir (des généraux et du DRS – Département du renseignement et de la Sécurité), les forces de résistance démocratique à la dictature, car il s’agit bien d’un Etat dictatorial, les réseaux de corruption, la fondation de la Confédération Générale autonome des travailleurs algériens (CGATA) en mars 2014, le non-respect par le pouvoir, malgré sa signature, des conventions internationales du travail établies par l’Organisation international du travail (BIT)…
Le dossier présenté est composé de trois parties : « La première, « L’importance des syndicats autonomes dans le combat pour la démocratie », retrace l’histoire de ces syndicats ainsi que celle du régime algérien. La deuxième, « Les luttes du syndicalisme autonome face à la répression incessante », explique les conditions de son combat et l’importance de la solidarité internationale. Quant à la troisième, « Pétrole et gaz, la malédiction algérienne ? », elle donne des clés essentielles pour comprendre le rôle majeur des richesses en hydrocarbures pour l’économie et la politique du pays, ce qui a conduit en 2015 à une mobilisation de grande ampleur contre l’exploitation des gaz de schistes »
Les auteur-e-s soulignent, entre autres, la multiplication des conflits sociaux depuis les années 2000, la criminalisation de l’activité syndicale, les grèves dans les secteurs stratégiques liés à la rente énergétique, le lien entre idéologie ultralibérale et activisme antisyndical, les zones franches créées (loi de 1993), la ratification de conventions internationales sans application, la construction de nouvelles forces syndicales…
J’ai particulièrement été intéressé par l’entretien avec Omar Benderra sur la dictature rentière, la répartition de cette rente, les projets pharaoniques d’infrastructure, le système clientéliste, la privatisation du très lucratif secteur des importations, la gabegie, l’absence de représentation légitime et d’institutions réelles, la guerre de l’ombre, le recours aux gaz et au pétrole de schiste contre l’avis des experts et des populations concernées, la corruption ou la doxa libérale…
Des articles traitent de la Loi de juin 1990 sur le pluralisme syndical, l’histoire de l’UGTA, trop longtemps syndicat unique et rouage du pouvoir, du coup d’Etat et des années de « sale guerre »…
Luttes syndicales, répression, entraves à l’action des syndicats autonomes, muselage des voix discordantes, harcèlement des militant-e-s, « clonage » ou création de structures contrôlées en fait par le DRS, création de nouvelles structures autonomes et coordinations, multiplication des conflits sociaux, création de la Confédération générale autonome des travailleurs algériens (administration publique et secteur économique), révoltes des plus démunis « les chômeurs et les employés précaires », reconnaissance internationale, comité femmes du SNAPAP, lutte des comités de chômeurs pour le « droit d’être entendu »…
Je souligne l’intérêt de la troisième partie sur le pétrole et le gaz, la Sonatrach, Etat dans l’Etat, les politiques au fil du temps, les fonds secrets, les relations avec les multinationales de l’énergie, la substitution à l’Etat, le contrôle de la rente et la corruption, le développement du gaz de schiste, le gaspillage de l’eau dans des régions où elle est une question de vie ou de mort, le rôle de Total et de GDF-Suez, les conséquences environnementales (un écocide)…
Sommaire :
Repères
Introduction : L’algérie d’aujourd’hui, chronique d’une ignorance savamment entretenue
Partie 1 : L’importance des syndicats autonomes dans le combat pour la démocratie
Les travailleurs algériens orphelins d’une organisation syndicale
Le temps de la dictature rentière est compté
La loi de juin 1990 sur le pluralisme syndical et l’entrée dans la lutte des syndicats autonomes
L’histoire méconnue de l’UGTA, trop longtemps syndicat unique et interlocuteur exclusif des syndicats français
Partie 2 : Les luttes du syndicalisme autonome face à la répression incessante
« Clonage » et désinformation, matraque et prison : les outils de répression des syndicalistes autonomes
Le long combat des syndicats autonomes et des défenseurs des droits humains pour la reconnaissance internationale
L’expérience du comité des femmes du Snapap
La lutte exemplaire des comités de chômeurs du Sud pour le « droit d’être entendu »
Partie 3 : Pétrole et gaz, la malédiction algérienne ?
La Sonatrach, un État dans l’État ?
Gaz de schiste en Algérie: un nouveau désastre pour la population, une nouvelle rente pour son gouvernement
L’exploitation du gaz de schiste en Algérie et la « main de l’étranger »
Partie 4:Chronologie de l’Algérie contemporaine, 1988-2015
La persécution des syndicalistes autonomes algériens par le pouvoir enfin reconnue officiellement par l’Organisation Internationale du Travail (OIT)
Panorama syndical au Canada à propos du Forum social des peuples à Ottawa août 2014
Solidaires International
N°10, automne 2015, 128 pages, 2 euros
Didier Epsztajn