(Siège de BFM TV – 12, rue d’Oradour-sur-Glane – Paris 15°, 5 Novembre 2016)
Beaucoup d’entre vous connaissaient déjà, heureusement sans pour autant y avoir été soumis, le supplice chinois.
Depuis leur relation à l’époque du Moyen Âge, les supplices chinois ont fait couler beaucoup d’encre et beaucoup de larmes.
Le terme de bourreau chinois est ainsi resté depuis dans l’expression populaire comme celui de l’homme le plus cruel. Et l’Empire du Milieu comme celui du pays de la cruauté la plus raffinée.
Le plus célèbre de ces supplices était celui de la goutte d’eau. Le condamné, attaché, allongé et immobile sur une planche, recevait une goutte d’eau sur le front, toujours au même endroit, à intervalles réguliers. Immanquablement, le supplicié sombrait dans la folie au bout de quelques jours.
Mais qu’en est-il du supplice libyen ?
Plusieurs associations de défense des Droits de l’Homme, ainsi qu’Amnesty International, viennent de lancer une pétition pour dénoncer le traitement, ce supplice justement, aujourd’hui infligé à un prévenu bénéficiant encore de la présomption d’innocence. Serait-il coupable que la chose n’en serait pas moins cruelle et intolérable.
Dénommons ce supplicié. Paul Bismuth. Nous verrons plus loin de quoi il retourne dans ce supplice. Et si risque vraiment d’en perdre la raison il y a.
Paul Bismuth est déjà soumis à la question dans nombre d’autres affaires, nous peinons à en dresser la liste exhaustive, Bygmalion, Kazakhgate, trafic d’influence, rétrocommissions sur ventes d’armement, escroquerie en bande organisée…
Les associations humanitaires ont plaidé pour que se tienne enfin un procès en bonne et due forme et que cessent toutes ces cruautés dignes de celles infligées par Philippe le Bel aux malheureux Templiers et de l’exécution par écartèlement du régicide Ravaillac. Arrêtons le supplice libyen, ont-elles demandé.
Venons y. En quoi consiste-t-il exactement ? Le décrire est déjà lourd d’angoisse. Il ne se passe pas de jour, et ce n’est pas sans nous rappeler le supplice de la goutte d’eau, que ne soit mis sur la table par les grands médias écrits et audiovisuels, ceux qui font l’opinion, Le Monde, Mediapart, Le Figaro avec peut-être moins d’intensité, L’Humanité également, que ne soit mis sur la table, et Paul Bismuth sur la sellette, le fantôme de Kadhafi.
Financement corrupteur de campagnes électorales en 2007, accueil à Paris d’une tente de bédouin dans les jardins de l’Hôtel de Marigny en 2008, puis, en 2011, brutal retournement et opérations aéroportées de grande envergure sur Benghazi et Tripoli. Jusqu’au soupçon d’exécution pure et simple au sortir d’une bouche d’égout dans le désert. Autre soupçon, la contribution à l’élimination de témoins gênants, comme celle de Choukri Ghanem, le ministre libyen du Pétrole, retrouvé noyé dans le lac Léman en 2012. C’est tout cela le fantôme de Kadhafi.
Et les questions s’enchaînent. La guerre de Libye de Mars à Septembre 2011, engagée par Paul Bismuth avec le soutien de David Cameron et du Royaume-Uni, l’a-t-elle été pour effacer et enterrer ce lourd dossier ? Ou tout simplement à l’appel du célèbre destructeur de dictateurs, l’humaniste BHL ?
A big lie, un gros mensonge, a répondu de façon cinglante un rapport de la Commission des Affaires Étrangères du Parlement britannique. Lequel rapport pointe comme élément-clé du déclenchement de cette guerre et du chaos qui l’a suivie, l’objectif souterrain de Paul Bismuth de « conforter sa situation politique personnelle en France ».
Qu’est-ce à dire, conforter ? Soyez plus clair, my dear.
La justice française ne veut pas baisser les bras. À preuve, la confrontation organisée il y a 48 heures dans les bureaux des juges Erik Vansteerbergen et Andréï Vychinski, confrontation que vous avez pu voir retransmise en direct sur vos écrans par la chaîne BFM TV.
Les plus érudits se souviendront d’Andréï Vychinski, le célèbre procureur des Procès de Moscou des années 30 et 40. Célèbre pour sa capacité à arracher aux accusés, sous la menace ou par la promesse de la clémence, les aveux les plus compromettants. Il vient dans ce dossier, de montrer qu’il a perdu sa pugnacité d’antan.
Car au cours de cette confrontation publique, personne, ni Paul Bismuth, ni ses supposés complices, le Premier Ministre d’alors, Mars 2011, et son Ministre des Affaires Étrangères, encore le mois précédent Ministre de la Défense, donc parfaitement au courant, il les avait probablement lui-même organisés, au courant des préparatifs militaires et des raids en vue sur Benghazi, Tobrouk et Tripoli, personne n’a voulu parler. Tactique de défense habituelle de tout les marlous dans les bureaux des juges, tous se sont livrés à d’inutiles et d’interminables digressions sur l’Emploi qu’ils allaient améliorer, l’immigration qu’ils allaient stopper, que sais-je encore, la Fonction Publique qu’ils allaient réduire comme peau de chagrin.
Pardonnez-nous cette outrageuse et offensante comparaison. Jean Moulin, sous la torture, n’avait donné à Klaus Barbie qu’un nom : le sien. À la même chose, donner son nom, Paul Bismuth s’est refusé.
La pétition lancée par Amnesty International pour l’abolition du supplice libyen dans les commissariats, les bureaux de juges et dans les médias, et donc sur la place publique, cette pétition doit continuer d’être signée. Car, en ce moment même, le supplice libyen se poursuit.
« L’œil était dans la tombe et regardait Caïn »
(La Légende des Siècles – Victor Hugo)
Jean Casanova