Le FN mariniste : continuités et ruptures

Pour répondre à cette problématique, il me semble nécessaires de répondre à ces questions :

En quoi le FN a-t-il changé depuis l’arrivée de Marine Le Pen à sa direction ?

Du congrès de Tours (2011) au congrès de Lyon (2014) Marine Le Pen a pris la direction du FN et a imposé son autorité en s’appuyant sur une équipe qui lui est totalement dévouée (Louis Aliot, Steeve Briois, Nicolas Bay, Florian Philippot…). Elle a entrepris une politique dite de « dédiabolisation » (en opposition à son père). Elle a lissé le vocabulaire frontiste, voulant apparaitre crédible et elle s’est affirmée candidate à la gestion du pays : « je veux le pouvoir pour changer les choses (…). Prendre le pouvoir pour redresser la France ». Le FN a toujours fait preuve d’une grande capacité d’adaptation et d’opportunisme, développant un programme à géométrie variable, passant d’un libéralisme pro reaganien à un étatisme revendiqué. Louis Aliot déclare : « le FN essaie de s’adapter aux réalités du terrain ». Le FN s’est doté de collectifs ad-hoc : Marianne (étudiants), Banlieues patriot, Cercle Balaud-Argos (défense des animaux, en particulier contre l’abattage halal, Collectif Croissance Bleu Marine (hauts fonctionnaires rédigeant des argumentaires pour la présidente), CLIC (culture), Cercle Fraternité-Famille ( n défense de la famille), Racine (enseignants), Audace (jeunes entrepreneurs), Nouvelle Ecologie…

L’accession de Marine Le Pen à la présidence du FN coïncide avec une inversion des performances électorales. En 2002, Jean-Marie Le Pen n’a retiré aucun profit de sa qualification pour le deuxième tour de l’élection présidentielle. Au niveau des scores obtenus, le FN a enregistré des scores jamais atteints depuis sa création en 1972 : cantonales 2011, présidentielle et législatives de 2012, municipales, européennes, sénatoriales en 2014 et même lors des départementales en 2015. Marine Le Pen a enclenché une double dynamique : s’efforcer d’effacer l’étiquette d’extrême droite et d’antisémite et tenter de se forger une image respectable « républicainement compatible ». Elle déclare à Valeurs Actuelles en juin 2014 « je me suis battue avant même mon élection à la présidence du mouvement pour que le Front National devienne un parti de gouvernement ». Elle suit en cela la ligne défendue dans le passé par Bruno Mégret lorsqu’il était n° 2 du mouvement.

Le programme du FN a-t-il changé entre le père et la fille ?

Même si la terminologie change, les fondamentaux restent. Ainsi ce qui constitue l’ADN frontiste : « la préférence nationale » rebaptisée « priorité nationale » terme moins connoté mais qui pour le FN reste « non négociable ». Dans les cortèges, les manifestants ne scandent plus « La France aux Français », slogan typique de l’extrême droite, mais « On est chez nous ». En ce qui concerne l’immigration, il ne s’agit plus, comme à l’époque de Jean-Pierre Stirbois de renvoyer « les immigrés d’au-delà de la Méditerranée dans leurs gourbis » mais « d’organiser le retour chez eux des immigrés du Tiers-Monde ». En effet pour le fondateur du FN comme pour l’actuelle présidente, la France est menacée par les quatre I : « immigration, insécurité, islamisme, imposition », auxquels s’ajoute la défense de l’identité, défense des « Français de souche ». Marine Le Pen reprend le thème développé par Laurent Obertone « l’ensauvagement » dans son livre « La France Orange mécanique » en 2013. Comme le déclare Nicolas Bay : « nous sortons de la séquence de l’idéologie mondialiste et nous assistons au retour des identités ». La question de l’identité est une illusion typique des nationalistes apparus à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle, la nation est considérée comme un abri identitaire à l’heure où les communautés traditionnelles se désagrègent sous la poussée de la mondialisation. La nation est ainsi perçue comme éternelle et immémoriale. Ainsi les Français descendraient en ligne droite des Francs du temps de Clovis. Comme l’a déclaré le sociologue Michel Wieviorka, la société française a tendance « à l’ethnicisation et à la racialisation. Avant de se voir en terme de classes sociales, la France se voit maintenant en terme de groupes religieux, de groupes ethniques ». Le FN sait exploiter cette fragmentation qui ouvre la voie au racisme. Le FN, lepéniste ou mariniste, reste durablement un vecteur important de la xénophobie. Marine Le Pen se situe donc dans la continuité frontiste des origines. De même le FN maintient son opposition totale à l’UE, « l’arnaque européenne, agent de démantèlement des nations, Union soviétique européenne, créature de Frankenstein qui a mis la France sous tutelle » et stigmatise le mondialisme comme vecteur du communautarisme : « la mondialisation, c’est I’ alignement sur le moins disant social, la dilution de nos valeurs de civilisation ». Il y a donc des « intérêts communs entre mondialisme et islamisme ».

Dans un certain nombre de domaines, le FN a « évolué ». Marine Le Pen veut accentuer sa « fibre sociale » et s’adresser aux « invisibles et aux oubliés » (précaires, ouvriers, employés…) abandonnés par des « élites incapables et corrompues », s’occuper « des vraies questions qui préoccupent les Français (chômage, pouvoir d’achat, insécurité, immigration, islamisation ». Elle entend jouer le rôle « d’éveilleuse du peuple ». En 1977, François Duprat, alors membre du bureau politique, écrivait « défendons nos compatriotes dans leur pain quotidien et ils comprendront beaucoup mieux la valeur de nos prises de positions purement politiques ». Marine Le Pen développe un discours étatiste autour du thème de l’Etat fort qui tourne le dos à la position reaganienne adoptée par son père à la fin des années 80. Elle fait sienne la position de François Duprat défendue dans le « Manifeste NR » des années 70. François Duprat écrivait : « la véritable fonction de l’Etat est (…) de compenser les inégalités inévitables afin de maintenir la cohésion du groupe national (…). L’Etat doit nécessairement disposer de larges pouvoirs et de moyens d’action étendus pour réaliser ses objectifs. Il doit être un régulateur de l’activité nationale en cherchant en priorité à permettre le libre développement de notre peuple. Pour cela l’Etat doit être directement issu du peuple et contrôlé par lui ». Marine Le Pen se considère comme le porte drapeau de la laïcité. Dans la pratique, sa conception de la laïcité est une machine de guerre antimusulmane. Elle a une lecture très personnelle du triptyque républicain. Au nom des valeurs de la République, elle dénonce l’islam « une religion de l’invasion, incompatible avec la laïcité, la démocratie et liant étroitement la sphère publique. Dans les faits la vision mariniste de la laïcité induit un traitement inégal des religions. Cette conception de la laïcité revient à la protection de la religion chrétienne. Son républicanisme exclut une partie des citoyens au profit du peuple dit « de souche ». Cette dénonciation « du péril islamique » permet au FN de dénoncer l’immigration d’une façon censée être plus acceptable. On assiste à un renversement complet d’argumentation à propos de l’islam. Sous le règne de Jean-Marie Le Pen, les musulmans sont stigmatisées comme étrangers qui prennent le travail des Français et qui sapent la culture chrétienne multiséculaire (d’où les références à Clovis, Jeanne d’Arc). Avec Marine Le Pen, cette dialectique est abandonnée au profit d’une nouvelle : l’islam représente un danger réel, une menace pour la laïcité et pour la République. En fait, elle est partie en croisade et développe une vision très manichéenne du monde. Le musulman, c’est le Sarrasin. Elle joue ainsi sur deux tableaux : en direction des traditionalistes en défendant la chrétienté et en direction des progressistes en prétendant défendre les homosexuels, les droits des femmes (Marine Le Pen est opposée au remboursement de l’IVG par la Sécurité sociale) en dénonçant le sexisme et l’abattage rituel halal.. La dénonciation de l’islam sert, dans les faits à exclure de la nation et de la République tous les musulmans de France. Comme Bruno. Mégret, elle dénonce « une immigration-invasion » thème repris par Marine Le Pen dans son discours de Brachay, le 29-08-2015. (confère Renaud Camus et « le grand remplacement ». Le FN a ouvert un nouveau fond de commerce : l’islamisation, même si l’immigration reste toujours un marqueur du discours frontiste. Elle est parvenue à tisser un lien entre immigration, islamisme et insécurité : « à la question migratoire se mêle indissociablement celle du fondamentalisme islamiste qui tue et qui violente la France ». Le même type de thématique est présent dans l’ensemble de l’extrême droite européenne. Dans la foulée, Marine Le Pen considère que les changements au Proche et Moyen Orient (Irak, Libye, Printemps arabes) représentent un réel danger pour la France et pour l’Europe car ils vont entrainer une montée de l’islamisme radical dans ces régions et « une déferlante immigrés-musulmans » (Nicolas Sarkozy a livré « la Libye aux bouchers islamistes et à l’épuration religieuse, il a fait assassiner un chef d’Etat qu’il avait reçu au début de son mandat »). Elle soutient le régime syrien, verrou contre « les terroristes islamistes ». Peu lui importe l’évolution réelle de la situation politique dans le monde musulman. Ce qui compte à ses yeux, ce’st l’impact de ces événements sur la population et la situation en Europe. Lors de l’UDT du FN, Marseille les 5 et 6 septembre 2015, Nicolas Bay a déclaré que si le FN avait été au pouvoir, il n’y aurait jamais eu Coulibaly et les Frères Kouachi. Florian Philippot intervient sur le thème « immigration : les nouvelles menaces », Stéphane Ravier brandit la menace du « grand remplacement », Marion Maréchal Le Pen entend lutter en PACA contre « l’extrémisme islamiste ». Marine Le Pen prononce un discours de 75 minutes dont 30 consacrées à l’immigration : « terrifiante crise migratoire » qui menace l’identité, « je mettrai l’islam radical à genoux et les islamistes hors d’état de nuire » (retour double peine, fermeture des mosquées radicales, expulsion des imams radicaux), attaque contre Nicolas Sarkozy qui a livré « la Libye aux bouchers islamistes et à l’épuration religieuse ». Pour le FN, les événements du Stade de France et du Bataclan prouvent et démontrent la « justesse de ses analyses et de ses propositions… Le FN avait raison ».

En politique étrangère, comme son père, Marine Le Pen soutient Poutine, Assad et Trump. Le changement important est le positionnement, par rapport à Israël, Marine Le Pen appartient au courant pro-sioniste de l’extrême droite (comme l’écrivain collaborationniste Pierre Drieu La Rochelle ou Pierre Sergent le patron de l’OAS-Métro pendant la guerre d’Algérie). Elle donne régulièrement des interview à des organes de presse (Israël Magazine Haaretz…) et a rencontré dernièrement à New -York Ehud Barak (ex premier ministre d’Israël) qui l’a félicitée « pour son action », rencontre non officielle mais qui peut toujours servir… Elle affirme que « les Juifs n’ont rien à craindre du Front National » et que le FN « est sans doute dans l’avenir le meilleur bouclier pour vous protéger, il se trouve à vos côtés (…) face au seul vrai ennemi, le fondamentaliste islamiste ». Elle doit donc se débarrasser des scories antisémites que traine le Front National et qui représentent un double verrou : à la fois par rapport à Israël (Marine Le Pen est à la recherche d’une invitation officielle par l’Etat hébreu) et est partie prenante de sa politique de dédiabolisation. Ceci explique la rupture avec son père, coutumier des déclarations antisémites : dans les années 50 contre Mendès-France, puis l’affaire du « détail » et des chambres à gaz, « la fournée » qui va lui valoir une mise en examen et les déclarations dans les colonne de Rivarol. Dernièrement, Nicolas Bay (secrétaire général du FN) s’est rendu en Israël et a rencontré le président des jeunes du Likoud et un ministre. Certains membres de son entourage entretiennent des liens avec la LDJ (Ligue de Défense Juive), « Une Union des Patriotes Français Juifs » a été créée, elle est dirigée par Michel Thooris, ancien membre du syndicat Action-Police de la CFTC et conseiller Sécurité de Marine Le Pen. L’antisémitisme a cédé la place à un anti-islamisme face au nouveau danger d’un « antisémitisme islamique ».

Concernant l’antisémitisme, il n’y en a pas de trace dans les différents programmes officiels du FN. Mais il est présent dans des propos tenus par certains membres (en tête Jean-Marie Le Pen) et dans des articles publiés par la presse frontiste.

Alain Renault (ancien secrétaire général du FN) écrivait en septembre 1980 dans la revue Militant à propos d’un attentat commis à Anvers « Autre bombe, celle d’Anvers. Plus exactement une grenade jetée distraitement par un Palestinien sur un groupe d’ados juifs, progéniture en ballade des diamantaires d’Anvers. Remarquez tout d’abord qu’on peut s’étonner de l’existence d’une descendance chez cette intéressante communauté de modestes tailleurs de verroterie puisqu’on nous affirme qu’elle fut entièrement exterminée par les vilains SS du défunt führer. On ne saurait, c’est bien connu, discuter de la véracité de l’holocauste, il doit donc s’agir d’une génération spontanée ».

Dans National hebdo (hebdomadaire du FN) Anne Sainclair était qualifiée de « grosse charcutière casher » et l’hebdomadaire titrait à la une « Judapo » (procès Papon)

Le négationnisme était également présent : Alain Renault s’en faisait le porte parole « il est évident que le chiffre de 6 millions de juifs exterminés n’est qu’une grossière affabulation » ( evue Militant novembre-décembre 1978)

Le National (organe de presse frontiste), en avril 1978, rend un hommage à François Duprat, (mort dans un attentat le 18 mars 1978). « Dans le Manifeste NR, tu nous as montré l’aliénation, la domination, la colonisation dans laquelle se trouve la France. Etudiant les noms de ses promoteurs nous retrouvons les mêmes incrustés dans les médias… En tant qu’historien soucieux de la vérité historique, tes patientes études t’avaient amené à remettre en question « ces mensonges nourriciers ». Tu faisais partie de ce qu’il est convenu d’appeler l’Ecole révisionniste et naturellement tu te trouvais en relation avec d’autres historiens de même tendance que R Hartwood). Dans les Cahiers européens dirigés par François Duprat, parmi les lectures recommandées R Hartwood (ex FN britannique) en 1974 « 6 millions de juifs sont-ils vraiment morts ? » et Thies Christophersen (ex SS à Auschwitz) « Le mensonge d’Auschwitz » en 1973. En 1987, Jean-Marie Le Pen fait sa sortie sur « point de détail » et se demande « si c’est la vérité révélée à laquelle tout le monde doit croire » (condamnation en 1989). En mai 2008, il maintient ses propos dans le mensuel « Bretons » et les réaffirme au micro de Jean-Jacques Bourdin sur RMC en 2015. Dans le quotidien d’extrême droit Présent, le 11 août 1989, Jean-Marie Le Pen dénonce l’existence d’« une internationale juive ».

Il ne nie pas l’existence des cambres à gaz, comme les vrais négationnistes tel Robert Faurisson… mais il « doute », il est « dubitationniste » selon Pierre-André Taguieff. Ainsi il déclare : « laissons les historiens travailler ». Pour Jean-Marie Le Pen, comme pour Bruno Gollnisch (sanctionné par les autorités universitaires de Lyon 3), les négationnistes sont des historiens !

Donc Jean-Marie Le Pen est plus prudent. Jérôme Bourbon écrit dans Rivarol (hebdomadaire d’extrême droite) le 30 mai 2008 ) que Le Pen fait preuve de « scepticisme à l’égard du dogme ».

Comment analyser la crise entre Jean-Marie Le Pen et sa fille ?

Jean-Marie Le Pen est rompu au jeu de la récidive. Il a été condamné 18 fois dont 9 pour « apologie de crimes de guerre ». Pour sa dernière provocation, il a choisi Rivarol, ce qui n’est pas anodin. Rivarol, fondé en 1951 par René Malliavin et Maurice Gaït (ancien directeur de cabinet d’Abel Bonnard ministre de l’Education dans le gouvernement de Pétain). C’est la plus ancienne publication d’extrême droite et le lieu de rencontre des diverses tendances de l’extrême droite (pétainiste, négationniste, Algérie française, identitaire, antisémite, catholique intégriste, complotiste, supporter de Dieudonné…). Ses colonnes sont un véritable catalogue idéologique de l’extrême droite. Jean-Marie Le Pen a été interviewé par Jérôme. Bourbon (proche de l’Œuvre française) et Robert Spieler (ex député frontiste et dirigeant d’un groupuscule : la Nouvelle Droite Populaire). Tous deux ont soutenu Bruno Gollnisch lorsqu’il était candidat à la présidence du FN et sont des anti-marinistes virulents. Jérôme Bourbon qualifie Marine Le Pen de « gourgandine » entourée d’une bande « d’invertis notoires, d’arrivistes et d’enjuivés… Le néo FN est une vraie cage aux folles. Vous avez fait du FN le parti qui, au km2, compte le plus d’invertis, et plus encore qu’au PS où la concurrence était pourtant redoutable. A côté de vous et de votre entourage, Delanoë apparaît comme un petit joueur ! Chapeau bas ». Comme Jean-Marie Le Pen, il est opposé à la stratégie de dédiabolisation. Rivarol se montre donc très accueillant vis-à-vis du fondateur du FN.

La réaction de Marine Le Pen ne s’est pas faite attendre. Elle dénonce « la stratégie de terre brulée, le suicide et l’irresponsabilité politiques » de son père. Une fois de plus, Jean-Marie Le Pen tente de gripper la mécanique mariniste. Ses propos ont peu d’impact sur les nouveaux adhérents du FN-RBM (Rassemblement Bleu Marine). Sanctionné par le Bureau Exécutif, Jean-Marie Le Pen a perdu son titre de Président d’Honneur et a été suspendu du mouvement (certains y voient la main de Florian Philippot qui n’a pas que des amis au FN…) et dernière péripétie : exclusion de Jean-Marie Le Pen du FN en août 2015. La marginalisation de Jean-Marie Le Pen a de nombreux avantages pour le « nouveau FN », effacer une bonne fois pour toute l’étiquette antisémite et négationniste et devenir ainsi de plus en plus respectable (les sondages semblent donner raison à Marine Le Pen). Ces tensions dépassent largement des bisbilles entre celui qui se considère toujours comme le propriétaire de la PME frontiste et sa gérante. Elles traduisent l’opposition entre deux stratégies (diabolisation vs dédiabolisation). Marine Le Pen se place dans l’optique de l’arrivée au pouvoir en 2017, ce qui n’a jamais été le cas de son père qui préfère les tribunes parlementaires et se drape dans une attitude protestataire. Avantages pour Marine Le Pen : création d’un groupe au Parlement européen « Europe des Nations et des Libertés »  (20 à 30 millions d’euros de subventions). Finalement la justice a maintenu Jean-Marie Le Pen dans son statut de président d’honneur et s’est prononcée pour sa réintégration au FN.

Y-a-t-il des tendances au FN ?

On ne peut pas parler de tendances au FN. Différentes sensibilités apparaissent : des nationaux républicains étatistes (Florian. Philippot, contre des libéraux conservateurs (Marion Maréchal Le Pen), des jacobins (Marine Le Pen, Louis Aliot, Florian. Philippot) contre des régionalistes (les identitaires), les « laïcards » (Louis Aliot, Marine Le Pen) contre des nationaux catholiques (Bruno Gollnisch), les défenseurs de « l’immigration raisonnée » contre les adeptes du « Grand Remplacement » (Aymeric Chauprade favorable aux théories de Renaud Camus. En novembre 2015, il démissionne du FN), les sionistes (Louis Aliot, Marine Le Pen) contre les pro-palestiniens (Bruno Gollnisch et les ex du GUD). Deux lignes existent au sein du FN, deux stratégies par rapport à la droite. Marion Maréchal-Le Pen est partisane d’une union avec une droite, alors que Marine Le Pen et Florian Philippot la rejettent totalement. Question cornélienne pour le FN, comment arriver au pouvoir sans passer d’alliances ? Le discours frontiste s’adapte en fonction des territoires. Quand Marine Le Pen est dans le nord, territoire historiquement ouvrier et très touché par la crise, elle développe une thématique plus sociale. Quand elle est dans le Sud (en particulier sur les terres de sa nièce), elle met en avant l’immigration, l’insécurité…

« Tête Haute, mains propres », scandait il y a peu le FN, empêtré dans des affaires judiciaires, le FN est donc devenu membre du « club des Tous pourris » ?

Pour passer de la théorie à la pratique, la marche est parfois haute. Les Ex Gudards qui tiennent les cordons de la bourse font l’objet de poursuites judiciaires pour surfacturation des kits de campagne. C’est le cas de Frédéric Chatillon (ancien patron musclé du GUD) et de sa société Riwal, d’Axel Loustau (patron de boites de sécurité) et trésorier de « Jeanne », le micro parti de Marine Le Pen. Frédéric Chatillon a été mis en examen pour « faux et usage de faux, escroquerie et financement illégal de parti politique ». Quant à son compère Loustau, il a été mis en examen pour « escroquerie » et la liste n’est pas terminée. Le 9 septembre 2015, le FN est mis en examen pour « recel de biens sociaux et complicité d’escroquerie », mise en examen du trésorier Wallérand de St Just (tête liste régionales en Ile de France et trésorier du mouvement). Jean-Marie Le Pen n’est pas en reste (perquisitions à son domicile). Comme le souligne le Canard Enchaîné, Le Pen applique le programme du FN, il quitte la zone euro pour la Suisse. Le FN se trouve aussi pris dans une affaire d’attachés parlementaires à Strasbourg qui dans les faits étaient employés par le parti. Le FN donne à son tour dans les emplois fictifs Marine Le Pen et les ex Gudards sont « copains comme coquins ».

« Continuités et ruptures » : de quel côté penche le plateau de la balance ?

Il y a-t-il des véritables changements de fond, la qualification de « nouveau FN » est elle pertinente ou s’agit-il d’un simple ripolinage de la façade, l’arrière boutique restant inchangée. Si l’on met les deux termes dans la balance, force est de constater qu’elle penche du côté des continuités (maintien des fondamentaux frontistes). Père et fille sont sur la même longueur d’onde (immigration, Union Européenne, préférence nationale). Certaines ruptures peuvent apparaître marginales et elles peuvent évoluer en fonction de la situation économique du pays. Deux ruptures me semblent fondamentales : la volonté affichée par la présidente d’arriver au pouvoir et surtout la disparition d’une thématique antisémite et négationniste c’est vraiment le verrou idéologique qu’il fallait faire sauter pour mener à bien la dédiabolisation. C’est là la véritable rupture avec le FN historique. Louis Aliot l’a déclaré à l’historienne Valérie Igounet : « la dédiabolisation ne porte que sur l’antisémitisme (…) A partir du moment où vous faites sauter ce verrou idéologique vous libérez le reste »

La chirurgie esthétique est une technique très délicate est derrière le lifting apparaissent à bien des égards, les traits du père.

Jean-Paul Gautier, historien, auteur « De Le Pen à Le Pen, continuités et ruptures », éditions Syllepse, 2015. « Les extrêmes droites en France, de 1945 à nos jours » Syllepse, 2017.

De l’auteur :

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Auteur : entreleslignesentrelesmots

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