Pour notre liberté et la vôtre !

L’antisionisme fut d’abord et avant tout un courant majoritaire dans les populations juives du Yiddishland, qui se pensaient chez elles en Pologne comme dans l’ensemble de l’Europe de l’Est.

L’antisionisme, contrairement aux allégations de certain-e-s, n’était et n’est pas une forme d’antisémitisme.

Cette assimilation actuelle des termes relève d’une volonté de couvrir la violation du droit international et les crimes de l’Etat d’Israël, assimilé à l’Etat des Juifs et non des Israélien-ne-s, sans oublier la négation des droits des populations palestiniennes.

Il s’agit de plus de la négation, du combat mené, entre autres, par un parti révolutionnaire juif – le Bund. Cette négation s’accompagne souvent d’un déni de ce qu’a représenté le Yiddisland, la diaspora, la Galout.

Dans les soutiens au sionisme, il y a des antisémites qui ne veulent pas de populations se considérant comme juives sur « leurs » territoires, d’autres pour raisons religieuses (dont la reprise des accusations chrétiennes de déicide), ou d’autres enfin ayant des conceptions non-inclusives de la nation ou refusant le pluri-nationalisme…

Chez les antisionistes des courants antisémites existent aussi, confondant volontairement israélien-ne-s et juifs/juives, jonglant quelques fois avec des stéréotypes ou niant l’existence de droits culturels ou d’auto-organisation aux populations se considérant comme juifs/juives dans les différents états où elles et ils vivent…

Il conviendrait aussi de discuter, la négation d’un ou de fait(s) national(aux) israélien(s) et donc de droits pour cette(ces) minorité(s) nationale(s) dans une solution émancipatrice pour tous les peuples vivants en Palestine ou dans cette région sud-méditerranéenne.

« Les études sur le Bund, aussi fouillées soient-elles, loin de se substituer à la lecture de ces documents, ne font que rendre celle-ci possible et constitue un support minimal indispensable à leur contextualisation ».

Les textes réunis ont été rédigés dans la période l’entre-deux-guerres.

Dans son introduction Enguerran Massis rappelle la place de la communauté juive en Pologne, « l’une des plus nombreuses d’Europe », le dynamisme de la société dans laquelle évolue le Bund « principale force ouvrière juive organisée dans le nouvel Etat polonais ». Il indique que les études sur le sionisme semblent « toutefois déformer quelque peu la mémoire historique et donner du passé une image altérée, si ce n’est erronée », oublient souvent de mentionner le Bund, « « réalité » incomparablement plus « profondément vécue » que le sionisme ». Le livre donne donc la parole à ces innombrables Juifs qui combattirent le projet sioniste comme une dangereuse utopie et une entrave à l’émancipation des populations juives.

« Désigner le sionisme comme le mouvement d’émancipation nationale des Juifs relève au mieux d’une illusion d’optique décrite plus haut, au pire d’une volonté d’ajuster l’histoire à des impératifs politiques présents, à tout le moins d’un biais idéologique plus ou moins assumé ».

Quatre thème sont particulièrement abordés : la colonisation juive de la Palestine et les réalités arabes, la question de la « spécificité » juive – le Bund combattit l’idée d’une spécificité « transcendantalement » juive -, l’« antisémitisme économique », le sionisme.

Le premier texte est un entretien avec Henryk Erlich sur « La Question de la Palestine », le rappel des habitant-e-s arabes de cette région, les politiques de l’impérialisme anglais… et la lutte pour l’égalité pleine et réelle des droits politiques et nationaux en Pologne.

Le second texte est un essai d’Emanuel Szerer « Le socialisme et le sionisme ». L’auteur aborde, entre autres, le « fardeau de l’oppression nationale », l’hostilité antisioniste du mouvement socialiste juif, les sources et les fondements du sionisme, le sionisme dans la politique en Pologne, le front sioniste-orthodoxe, « Les sionistes en Pologne se réfèrent à la démocratie européenne, mais ici, sur place, ils s’allient à la réaction, aux cléricaux et aux fascistes dans un front commun antidémocratique et anti-prolétarien », le travail de colonisation en Palestine et la résistance des populations arabes, l’extrémiste Vladimir Jabotinsky, le sionisme et l’impérialisme anglais, la soi-disant « mission civilisatrice », « Cette position n’a toutefois rien à voir avec le socialisme et est aussi éloignée de la résolution socialiste de la question arabe que celle-ci l’est de toute oppression nationale ou de race », le combat contre leurs propres bourgeoises pour les populations juives et arabes, « L’activité des sionistes entrave en effet l’émergence d’une conscience de classe chez les classes laborieuses arabes et conforte le front unique nationaliste arabe des effendis jusqu’aux fellahs, voire au-delà », l’émancipation des peuples colonisés de la tutelle de l’impérialisme, le rôle de l’Agence juive, le slogan antisémite de « chacun chez soi », l’égalité des ouvrier-e-s de différentes nationalités, les politiques des sionistes dit de gauche et « la fiction bourgeoise de l’unité nationale », la haine sioniste du « jargon » et la lutte pour l’égalité des droits pour la langue yiddish dans la Galout, l’idéal sioniste comme utopie réactionnaire…

Les deux textes suivants reviennent sur l’idée d’« élection », « un peuple égal aux autres », « nous ne sommes pas un peuple élu », la lutte pour les droits culturels et linguistiques, l’oppression nationale et les politiques d’assimilation forcée, l’unité de la classe ouvrière et le nationalisme juif…

Je souligne le grand intérêt du texte de Wiktor Alter « L’antisémitisme économique à la lumière des chiffres ». Une analyse de la place des travailleurs juifs (il ne parle pas des femmes) dans les processus économiques, du processus d’exode rural, des forces productives juives, de l’urbanisation et de la concentration des populations juives, des actifs et de leurs secteurs d’activité, du petit commerce et de l’artisanat, des tendances économiques et des effets sur les populations vivant en Pologne, l’interdiction d’être fonctionnaires, les différenciations sociales…

L’auteur montre que l’éviction des travailleurs juifs et leur émigration n’auraient pas créé d’emplois pour les autres polonais.

Le titre de cette note est une « vieille et belle devise » citée conclusion de ce texte.

Le dernier texte est une réponse à la question « Le sionisme est-il, un mouvement d’émancipation démocratique ? »

Le Yiddishland et ses populations ont été détruits par les nazis. Les analyses du Bund, « puiser au contraire dans l’arsenal théorique constitué par ces activistes révolutionnaires pour poursuivre les combats qui furent les leurs : tel est sans doute l’hommage le plus approprié que l’on puisse aujourd’hui rendre aux militants du Bund », comme celles d’Otto Bauer, restent d’une grande actualité pour celles et ceux qui veulent vivre et travailler « au » pays…

Avant-propos à la réédition de l’ouvrage d’Otto Bauer : La question des nationalités, avant-propos-a-la-reedition-de-louvrage-dotto-bauer-la-question-des-nationalites/

Introduction de Claudie Weill à la réédition de l’ouvrage d’Otto Bauer : La question des nationalités, introduction-de-claudie-weill-a-la-reedition-de-louvrage-dotto-bauer-la-question-des-nationalites/.

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« Non nous ne sommes pas un peuple élu ! »

Sionisme et antisémitisme dans les années trente

La doctrine du Bund polonais dans les textes

Traduction, introduction et notes : Enguerran Massis

Editions Acratie, Les Lilas 2016, 176 pages, 15 euros

Didier Epsztajn

Auteur : entreleslignesentrelesmots

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