Avec l’aimable autorisation de l’autrice
Prendre le pouvoir par ma caméra
Cette révolte est historique. Les femmes ont pris la parole sur des abus sexuels qui jusque-là étaient dissimulés par le système lui-même, qu’il s’agisse du cinéma, de la musique ou du monde de l’art. Cette volonté d’inversion des rapports de pouvoir m’a intéressée très tôt puisque, en tant qu’artiste, j’ai évolué dans un contexte d’éducation artistique patriarcale.
« Certaines imaginent la subversion dans la domination même, d’autres vont la chercher en dehors de ce processus. Il existe plusieurs possibilités de résistance », explique la philosophe Geneviève Fraisse dans ses réflexions sur l’émancipation.
Moi, c’est en prenant la caméra que j’ai pris le pouvoir.
En effet, il y a plus de dix ans, j’ai entamé mes recherches sur ce que j’ai défini comme le « point de vue du modèle nu féminin » ou « l’œil du sexe ». Ce concept porte sur ce regard non pas dirigé sur la nudité mais porté par la nudité féminine, une position que Geneviève Fraisse définit aujourd’hui plus largement comme le concept du « corps qui regarde » du point de vue philosophique et historique.
Dans mon travail, partant du « point de vue » symbolique de « l’origine du monde », c’est « le sexe qui regarde ».
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« Miroir de l’origine ».
© DR
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Contrairement aux idées reçues, le regard est le sujet de mon travail et de ma réflexion, et non le sexe, car c’est par ce regard d’auteur dirigé vers l’extérieur et signifié par l’objectif de la caméra que j’interroge l’émancipation de la nudité.
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Ma nudité est un trompe-l’œil, un vêtement qui fait référence aux nus féminins, partant toujours du principe que les artistes femmes ont d’abord été les inspi- ratrices, les muses, les modèles de l’artiste masculin. De ce point de vue, il devient alors clair que n’est pas la nudité féminine qui offense, c’est l’émancipation, la liberté d’expression de la nudité.
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Ce qui dérange véritablement, ce n’est pas nos seins ou nos sexes, c’est le regard critique qui vise directement le patriarcat et le pouvoir, en exposant sur la toile ces mécanismes de domination. Ces seins ou ce sexe de femme exposent à ce moment-là un point de vue sur lequel les institutions muséales, religieuses ou politiques n’ont aucun contrôle. En effet, contrairement à ce que l’on pourrait penser, ce n’est pas mon corps qui est l’outil de mon travail mais ce sont les lieux de pouvoir dans lesquels j’impose mon corps de femme; en les mettant ainsi au service de mon regard et de nos sexes.
Deborah De Robertis
Sous la direction de Samuel Lequette & Delphine Le Vergos : Cours petite fille ! #metoo #timesup #noshamefist
Editions des femmes – Antoinette Fouque, Paris 2019, 300 pages, 20 euros
Note de lecture : notre-colere-nest-pas-un-detail-de-lhistoire-quon-peut-passer-sous-le-tapis/