Thèse dessinée en 180 secondes – Glòria Casas Vila – Université de Lausanne, dans le cadre des dix ans de l’Institut des Sciences Sociales (ISS). Octobre 2019.
Depuis quinze ans, l’État espagnol dispose d’une des législations contre les violences machistes les plus avancées en Europe. Rappelons tout d’abord ceci : quand on parle de violences machistes nous ne référons pas seulement aux violences physiques, mais aussi aux violences psychologiques, sexuelles ou économiques. Après des décennies de luttes, de campagnes et de débats, et grâce à une alliance réussie entre, d’un côté, le mouvement féministe, de l’autre des femmes universitaires – notamment des juristes – et enfin des femmes dans le pouvoir politique – que parfois on appelle des « fémocrates », une loi-cadre de mesures de protection intégrale contre la violence de genre a été promulguée. Cependant, sa mise en œuvre fait face à plusieurs obstacles, comme l’application de coupes budgétaires au temps de l’austérité, ou le manque de formation rigoureuse et obligatoire sur les mécanismes de ce type de violences pour les professionnel·le·s (des policiers, des juges, de psychologues, des avocats, des médecins) qui maintiennent ainsi des nombreux stéréotypes sexistes. Trois-quarts des femmes victimes de violences machistes dans le couple ont des enfants avec leurs agresseurs. Même si la loi considère que l’existence des violences devrait être un frein à l’exercice de la parentalité, dans la réalité la plupart des hommes violents conserve leurs droits paternels. Ils les conservent d’une part, parce que 70% des femmes victimes ne portent pas plainte, la plupart des violences restent donc invisibles. Parmi celles qui portent plainte, seul un tiers obtient une condamnation. D’autre part, parce que des réformes du Droit de la Famille imposent le principe de la coparentalité, considérant qu’il faut toujours maintenir le lien parental. Marianne Hester, sociologue anglaise, appelle cela la « logique des Trois Planètes » : les services de protection des femmes, ceux de la protection de l’enfance et ceux du contact parent-enfant suivent des logiques irréconciliables qui mettent les femmes mères victimes dans une situation structurellement contradictoire. Elles doivent se protéger elles-mêmes et leurs enfants, mais en même temps elles doivent permettre et garantir le lien père-enfant. Des professionnel·le·s de la coparentalité (des juges de la famille, des travailleurs sociaux, des médiatrices familiales) sont formés à penser que les violences machistes ne portent pas forcement atteinte aux enfants, que le lien avec le père violent doit être maintenu car « un mari violent peut être un bon père ». Or, de nombreuses recherches montrent le contraire : les enfants témoins des violences machistes doivent être considérés comme des victimes directes. Grandir dans un climat de terreur a des conséquences graves pour leur bon développement. Un long chemin reste à faire pour assurer les droits des femmes et des enfants à une vie libre de violences machistes…