Ni commémorés, ni célébrés, pas même mentionnés, des événements de notre histoire nationale restent quasi tabous encore aujourd’hui.
Il aura fallu attendre 1995, pour qu’un président de la République reconnaisse la responsabilité de la France dans la rafle des 16 et 17 juillet 1942 qui vit le Vel d’Hiv devenir pour nombre d’entre eux l’antichambre d’Auschwitz. Reconnaissance certainement d’autant plus facilitée que les responsables, les Pétain, les Bousquet et les Laval étaient les « félons » de l’Etat Français, allié aux nazis.
En fait le Vel d’Hiv, deux ans auparavant, avait déjà servi à emprisonner des milliers de personnes.
Et pourtant quand on saisit « Vel d’Hiv » dans un moteur de recherche, il n’est pas question de mai 1940, mais seulement de juillet 1942. Et même résultat négatif si l’on fait cette recherche sur le site de la Fondation pour la Mémorial de la Shoah.
Que s’est-il donc passé à Paris le 15 mai 1940 sur décision du gouvernement en place de l’époque dirigé par Paul Raynaud et en application de l’article 2 du décret du 12 octobre 1938 sur les « indésirables » ?
Les rares historiens qui en ont parlé et les survivantes ont avancé le chiffre de 5 000 femmes internées au Vel d’Hiv. Arrêtées car étrangères, « indésirables », susceptibles de faire partie de la « 5è colonne » selon la tristement célèbre expression de Charles Maurras. Alors même que beaucoup avaient été déchues de leur nationalité d’origine. Ce fut le cas de ma mère pour avoir dès janvier 1933 quittait l’Allemagne où Hitler venait de s’installer. Il s’agissait donc en grande partie des femmes originaires d’Allemagne et d’Autriche, souvent juives, pratiquement toutes antinazies, souvent militantes de la gauche dans leur pays d’origine. Donc toutes des réfugiées fuyant la barbarie nazie.
Il suffit de lire les souvenirs des rescapées de cette épisode pour voir que les conditions qu’elles vécurent dans cette enceinte sportive sont les mêmes que celles que vécurent les raflés de juillet 1942 : pas de nourriture pendant plusieurs jours, les rares toilettes très vite bouchées, pratiquement pas d’eau, l’interdiction de communiquer avec l’extérieur, la promiscuité …
Puis ce fut le transfert vers le camp français de Gurs1 dans les Pyrénées où le gouvernement, depuis 1939, « hébergeait » dans le plus grand dénuement des soldats républicains espagnols, des brigadistes internationaux, des communistes français. Dans son livre sur Gurs, au titre prémonitoire « Les oubliées »2, Lilo Petersen résume la situation prévalant à Gurs en ces termes « Les Allemands faisaient crever, les Français laissaient crever ». Aussi Gurs où plus de 60 000 personnes furent « internées » verra plusieurs trains partirent vers les camps de la mort.
Etant moi-même fils d’une raflée de mai 40, né en octobre 1942, interné à Gurs à partir de mes …13 ours, je ne vois qu’une seule explication à ce quasi-silence : ces faits relèvent non pas d’un gouvernement de « traites », mais d’un gouvernement légal et républicain.
Regarder notre histoire commence par ne pas occulter ce qui fait tache dans « notre roman national républicain » !
Paquito Schmidt, le 28 avril 2021