Polar historique
Londres 1381. Paul Doherty, avec comme détective frère Athelstan, poursuit sa chronique de Londres qui a vu la révolte prendre possession de ses rues. Les séquelles sont encore présentes, les braises peuvent redonner naissance aux feux de l’émeute face à la pauvreté et à la misère augmentée d’un hiver rigoureux. Dans ce contexte, une double affaire occupe le moine, responsable de la paroisse de St Erconwald, une série de meurtres de prostituées dépouillées de leur peau qui donne son titre à ces enquêtes, « L’Écorcheur de Londres », référence à Jack l’éventreur, et des assassinats de moines à l’Abbaye de Westminster liés à des questions de géopolitiques comme on dirait aujourd’hui. Là ce sont les promesses du roi d’Angleterre vis-à-vis de l’Ecosse qui sont en jeu.
Avouons que la partie véritablement historique est plus intéressante, plus détaillée que celle de l’Ecorcheur plus traditionnelle, plus psychanalytique. Le lien est ténu entre les deux. Seul le Régent, Jean de Gand, fait son possible pour donner un contenu commun aux deux affaires.
Une réserve qui ne bloque pas le plaisir de la lecture. Doherty donne un aperçu de cette période pas très connue et sait aussi décrire l’abbaye de Westminster pour rendre compte de son histoire.
Paul Doherty : L’Écorcheur de Londres, traduit par Élisabeth Kern, 10/18
Rouen 1594. En cette fin d’année, il pleut. Henri IV, arrivé Roi de France après une conversion à laquelle peu de gens croient, est en butte à plusieurs complots. Il a eu la bonne idée d’écrire à la reine Élisabeth première du nom une lettre compromettante qui pourrait lui coûter le trône. Le Béarnais à l’odeur de bouc si l’on en croit les contemporains, ne décolère pas. Le chancelier, responsable des espions dont la Fourmi, c’est son surnom, lui aussi porté disparu, charge Gilles Bayonne de retrouver lettre et espion.
Le mélange réussi de Fabienne Ferrère dans « Un chien du diable », espionnage, enquête policière et contexte historique donne de l’épaisseur à ce « grand détective ». Même si, à force de donner des détails, on se doute de l’identité du traître.
Fabienne Ferrère : Un chien du diable, 10/18
Un thriller
Tout savoir du somnambulisme.
Un thriller est une mécanique. « Les yeux fermés » – c’est curieux la référence à Kubrick qui se retrouve, « Eyes Wide Shut » est un film qui a marqué beaucoup d’auteurs – permet à Chris Bohjalian d’attirer l’attention sur le somnambulisme et la manière d’être mort-vivant, loup-garou. Le rêve et la réalité s’entremêlent. Certains n’en ont pas de souvenir, tandis que d’autres conservent une vague sensation de ce qui s’est passé.
Il pose le problème dans un cadre réduit, ici une famille de quatre personnes, le père, la mère et deux filles – 21 et 12 ans, l’aînée est la narratrice – dans un petit village où les maisons sont espacées pour éviter toutes les interférences. La clé se trouve donc dans la famille elle-même. La mère, somnambule, a disparu. Que s’est-il passé ? Le mari était absent : il participait à un congrès, il n’est pas coupable et la narratrice dormait. L’enquête semble piétiner d’autant que l’enquêteur – lui aussi atteint de somnambulisme, décidément – tombe amoureux de la jeune femme et réciproquement.
La mise en exergue d’une citation de la poétesse Sylvie Path est une bonne entrée en matière : « je suis terrifiée par cette noire entité qui sommeille en moi ».
Il faut aimer ces intrigues sans contexte social ni politique pour apprécier pleinement cette histoire.
Chris Bohjalian : Les yeux fermés, traduit par Caroline Nicolas, Le Cherche Midi
Nicolas Béniès