Appel de l’Alliance des travailleurs soudanais contre le coup d’État (plus autres textes)

Des millions de personnes restent dans les rues de Khartoum, la capitale du Soudan, et d’autres villes, pour s’opposer au coup d’État mené par le chef de l’armée, le général Abdel Fattah Al-Burhan. Au 26 octobre, 12 personnes avaient été tuées et plus de 100 blessées, la troupe ayant tiré sur les manifestants. L’Association des professionnels soudanai  (SPA), qui a joué un rôle de premier plan dans le soulèvement de 2019 contre la dictature d’al-Bashir, a déclaré : « Ce coup d’État est dans la continuation [des agissements] des forces de sécurité du Parti du Congrès national et de ses milices, qui ont commencé le 11 avril 2019 dans le but de bloquer le chemin de la révolution de décembre et de la faire avorter. Nous lançons un nouvel appel aux comités de résistance de tous les districts et à toutes les forces politiques, professionnelles et de défense des droits révolutionnaires de toutes les villes et des villages du Soudan pour qu’ils se rassemblent et occupent les rues et les barricadent, et qu’ils poursuivent toutes les formes de désobéissance civile et de grève jusqu’à ce que nous vainquions le coup d’État en atteignant ce que notre peuple mérite sous les drapeaux de la liberté, de la justice et de la paix. »

L’Alliance des travailleurs soudanais pour la restauration des syndicats a publié la déclaration suivante le 26 octobre, en réponse au coup d’État :

Front uni démocratique : Un appel à la solidarité !

Il n’y a pas d’autre alternative que de poursuivre la lutte, de faire obstacle au coup d’État, de mobiliser nos masses et de réaliser l’ensemble des revendications et des aspirations de la révolution de décembre.

Le coup d’État du capitalisme parasitaire a été fomenté par le chef de guerre, Hemeti, et Burhan, l’appareil de sécurité d’Al-Bashir, et le reste des chefs de guerre qui trafiquent sur la souffrance de leur peuple, et les courtiers politiques qui se présentent sous toutes les couleurs et toutes les formes.

Nous demandons à la classe ouvrière du monde entier d’être solidaire avec le peuple du Soudan.

Aujourd’hui, 25 octobre 2021, le grand peuple soudanais mène sa lutte brillante, dure et sanglante contre un coup d’État militaire. Il n’y a pas d’autre alternative que de renverser et de déraciner toutes les forces qui s’opposent à la transformation démocratique, et qui servant les intérêts du capitalisme parasite et de ses maîtres internationaux et régionaux, et qui doivent être tenues responsables de tous leurs crimes, de leur corruption, et de leur hostilité profondément ancrée à l’aspiration de notre peuple à la liberté, à la justice et à la paix.

Nous, l’Alliance des travailleurs soudanais pour la restauration des syndicats, appelons nos membres, travailleurs et travailleuses, artisans, salariés, producteurs et travailleuses des campagnes et des villes à s’engager dans une lutte prolongée contre ce clair et indéniable coup d’État, nous les appelons à s’engager dans la désobéissance civile et la grève générale jusqu’à la chute de la contre-révolution. Nous devons le faire avec la vigilance et la prudence qui s’imposent pour résister à tous les marchandages ou accords qui vont à l’encontre des exigences de la révolution.

Nous devons éviter sans réserve les compromis, comme l’accord signé le 17 août 2019, qui a contraint la révolution de décembre 2018 à une impasse, et empêché la réalisation de tous ses glorieux objectifs. Nous exhortons le peuple à construire un bloc syndical démocratique indépendant qui tire sa légitimité du travail et qui s’engagera à respecter les principes qu’il a lui-même adoptés. Nous tenons également à préciser que l’Alliance des travailleurs soudanais pour la restauration des syndicats s’engage à faire tout son possible pour coordonner, mettre en réseau et fournir toutes les informations nécessaires à la diffusion de ce bloc démocratique sur nos pages de médias sociaux.

Le pouvoir du coup d’État est le pouvoir du capitalisme parasitaire. Il est intrinsèquement hostile aux intérêts communs des travailleurs et travailleuses et de toutes les classes de salariés ; il est nécessairement hostile à notre peuple et à son droit à une vie digne. Le capitalisme parasitaire est en contradiction avec la juste demande du peuple soudanais pour la souveraineté sur les richesses et les ressources de notre pays. Il n’y a pas d’autre alternative que la lutte prolongée pour la chute du coup d’État, la liquidation de ses institutions et agences compromises et l’annulation de toutes ses alliances régionales et internationales.

Notre message aux honorables sous-officiers, aux soldats des forces armées, aux officiers des forces armées, de la police et des mouvements armés est qu’ils doivent respecter leur devoir de protéger leur peuple et s’aligner sur la cause de la transition démocratique. Ils ne doivent pas pointer leurs armes sur les poitrines dénudées des filles et des fils du Soudan, qui se dressent fièrement avec détermination et aspirent à la liberté, à la justice et à la paix.

Nous devons être clairs. Ce coup d’État désastreux ne servira que les mêmes classes sociales, et les intérêts régionaux et internationaux que le régime de Bashir a toujours cherché à protéger, et qui à leur tour sont restés silencieuse face à sa corruption, et ses crimes tout au long du régime dictatorial.

Nous allons réussir.

Notre peuple est plus fort que les assassins et les saboteurs, nous avons accumulé un immense héritage de résistance qui ont été à l’origine de la chute de nombreuses dictatures qui pensaient avoir réussi à briser la détermination du peuple soudanais. La victoire de notre révolution est certaine, quelle que soit la brutalité des contre-révolutionnaires et la soif de sang des putschistes vampiriques.

Gloire au peuple du Soudan et aux martyrs de la révolution soudanaise de toutes les époques.

Vive la lutte de la classe ouvrière soudanaise, de tous les travailleurs soudanais. Gloire au bloc des affamés.

27 octobre 2021

Susan Price

Traduction Patrick Le Tréhondat

http://www.laboursolidarity.org/L-appel-de-l-Alliance-des

*******

Les dessous du coup d’État au Soudan

Le général Abdel Fattah al-Burhane vient de mettre fin au processus de transition issu de la révolution de 2018 qui avait renversé Omar al-Bashir. Ce coup d’État s’accompagne d’une féroce répression à l’encontre des manifestantEs, des militantEs de l’opposition et de la société civile. Déjà plus d’une centaine de blesséEs et une dizaine de mortEs étaient dénombrés au 31 octobre.

Les généraux ne veulent pas d’une transition démocratique au Soudan. Ils ont beaucoup trop à perdre. En effet, la haute hiérarchie militaire a fait main basse sur l’essentiel des richesses et des entreprises du pays. Les galonnés voyaient d’un mauvais œil l’immixtion du gouvernement civil dans leurs affaires. Déjà, des conseils d’administration de banques ont été dissous. La Commission soudanaise pour le démantèlement du régime Ingaz (nom du régime d’al-Bashir) commençait à mettre à nu les importants détournements de fonds.

Quant à Mohamed Hamdan Dogolo, dit Hemidt, un des hommes forts du Soudan, il était opposé à l’intégration dans l’armée de sa structure paramilitaire, les Rapid Support Forces, proposée par le pouvoir civil. Forte de 60 000 hommes, cette milice est financée à partir des rackets sur le trafic humain, le contrôle des mines d’or, ou le mercenariat au Yémen pour le compte de l’Arabie saoudite.

De plus l’inquiétude régnait dans l’armée que la justice, nationale ou de la Cour pénale internationale, rattrape les officiers supérieurs qui se sont rendus coupables de crimes de guerre dans les différentes régions du Soudan – notamment au Darfour.

Enfin, la signature de paix en 2020 avec les deux dirigeants de la rébellion armée, Mini Minawi et Djibril Ibrahim, a permis une alliance entre eux et l’armée. C’est ainsi que leurs milices participent désormais à la répression.

Un gouvernement civil qui a déçu

Les généraux, pour justifier leur putsch, tentent de surfer sur le mécontentement populaire bien réel. En effet, le Premier ministre Abdallah Hamdok, sous les injonctions du FMI, a mené une politique d’austérité afin de payer les arriérés de la dette et ainsi bénéficier de « l’Initiative renforcée en faveur des pays pauvres très endettés » (PPTE).

Les mesures prises comme la suppression des aides à l’énergie ou la réduction des dépenses budgétaires ont accentué la précarité de la majorité des SoudanaisES et érodé la popularité du Premier ministre et de son équipe.

Cette situation économique s’est considérablement dégradée avec le blocage pendant un mois de Port-Soudan, principale source d’approvisionnement du pays, organisé par Mohammed el-Amin Tirik, leader de la tribu des Béja. Beaucoup considèrent qu’il a été instrumentalisé par les dirigeants de l’armée. Ce n’est certainement pas un hasard si Amin Tirik vient d’apporter son soutien aux généraux.

L’ironie est que cette tribu a souffert pendant des décennies, comme beaucoup d’autres, de la marginalisation orchestrée par ceux-là même qui ont fait le coup d’État.

Le général Abdel Fattah al-Burhane a donc réussi à renforcer sa position en s’alliant avec Hemidt et en gagnant les chefs rebelles Mini Minawi et Djibril Ibrahim. Leur départ du gouvernement civil n’est pas une surprise. Depuis plusieurs mois ils exigeaient une meilleure représentation dans les structures gouvernementales.

Hypocrisie occidentale et mobilisation populaire

Si les dirigeants des pays occidentaux ont condamné le coup d’État, ils en sont en partie responsables en soutenant la politique du FMI. Celle-ci n’a fait que dégrader les conditions économiques de la majorité des SoudanaisES et a favorisé la prise du pouvoir d’Abdel Fattah al-Burhane. Notons qu’il a bénéficié du soutien de l’Égypte, des Émirats arabes unis et de l’Arabie saoudite, fidèles alliés des USA dans la région.

La défaite du coup d’État viendra avant tout de la résistance des populations. La grève générale est massivement suivie et en dépit de la répression, la participation aux manifestations est forte comme en témoignent les centaines de milliers de SoudanaisES qui sont descendus samedi dernier dans la rue pour exiger un gouvernement 100 % civil.

Paul Martial

https://www.afriquesenlutte.org/afrique-de-l-est/soudan/article/les-dessous-du-coup-d-etat-au-soudan

Pulso contra el régimen militar en Sudán

https://vientosur.info/pulso-contra-el-regimen-militar-en-sudan/

Lo que hay detrás del golpe de Estado en Sudán

https://vientosur.info/lo-que-hay-detras-del-golpe-de-estado-en-sudan/

 

********

Coup d’état mortifère pour la révolution

Un mois après une première tentative de putsch, le général Abdel Fattah al-Burhane, qui est à la tête du Conseil de transition militaire (CMT), a annoncé le 25 octobre l’état d’urgence, la dissolution des instances de transition et le limogeage des gouverneurs de région avec l’objectif clair de mettre fin au processus révolutionnaire au Soudan. Le CMT, avec ses soutiens locaux, régionaux et internationaux, tente de mettre un terme au processus révolutionnaire soudanais.

Arrestations et Répressions tous azimuts 

Le général al-Burhane a justifié ces mesures, qui équivaut à un coup d’état, par la crise économique, la nécessité de « rectifier le cours de la transition » ou encore la préservation du pays du risque de « guerre civile ». Il a ajouté que l’armée serait garante de l’établissement d’un nouveau gouvernement composé de « personnes compétentes » représentant tous les partis politiques, jusqu’à la tenue d’élections en juillet 2023.

A la suite de l’annonce du coup d’état, des soldats de l’armée ont arrêté le Premier ministre Abdallah Hamdok, la plupart de ses ministres et les membres civils du Conseil en charge de la transition (à majorité civile mais dirigé par les militaires). Outre l’arrestation de nombreux responsables civils, les forces armées, cherchant à museler toute opposition au putsch, ont arrêté des figures politiques, des militant·e·s et des manifestant·e·s. Du côté des médias, les soldats ont pris d’assaut la télévision d’État dont le patron, partisan d’un pouvoir civil, a été limogé, et l’agence officielle SUNA. 

Depuis plusieurs mois, les tensions entre les civils et militaires n’ont fait que se renforcer, à mesure que se rapprochait la date butoir fixée par le gouvernement de Abdallah Hamdok pour la passation de flambeau entre le général al-Burhane et un civil à la tête du Conseil de souveraineté. Pour les forces armées, l’aboutissement du processus transitoire remettrait en cause leur domination politique et économique sur le pays.

Les généraux de l’armée et des services de sécurité exercent un large contrôle sur des secteurs économiques clés du pays, gérant un réseau d’entreprises avec des milliards de dollars d’actifs. Ces entreprises militaires sont impliquées dans la production et la vente d’or et d’autres minéraux, de marbre, de cuir, de bétail et de gomme arabique. Elles sont également présentes dans le commerce d’importation   y compris le contrôle de 60% du marché du blé – les télécommunications, les banques, la distribution d’eau, les contrats, la construction, le développement immobilier, l’aviation, les transports, les installations touristiques et la fabrication d’appareils électroménagers, de tuyauterie, produits pharmaceutiques, détergents et textiles. Un accord a été conclu en mars 2021 entre le gouvernement et les forces armées pour un désinvestissement progressif de l’armée du champ économique et transfert des compagnies militaires aux autorités étatiques civiles, mais aucune mesure allant dans ce sens n’a eu lieu face au refus des hauts dirigeants de l’armée. Le gouvernement avait également pris des mesures pour récupérer les biens publics saisis par d’anciens hauts fonctionnaires. Un comité créé en vertu de la charte de transition pour récupérer les fonds pillés a annoncé en avril 2020 qu’il avait repris en mains publiques 20 millions de m² de terrains résidentiels, plus d’un million d’acres de terres agricoles et des dizaines d’entreprises. De plus, des conseils d’administration de banques ont été dissous. Tout cela reste très limité face aux ressources massives et compagnies privées appartenant à l’armée, des services de sécurité et milices du pays. 

De plus, de nombreux dirigeants civils n’ont pas hésité à publiquement appeler à l’ouverture d’enquêtes sur les violations des droits humains et sur la corruption à grande échelle propre à l’ère Bachir, dans laquelle le général al-Burhane et d’autres membres des forces armées, sécuritaires et miliciennes ont joué un rôle central.

Erreurs et divisions du camp civil

Ce coup d’état survient également dans une période d’affaiblissement continu de la principale force civile au sein du conseil de transition la coalition des Forces pour la liberté et le changement (FLC), qui a déçu de larges sections des classes populaires à différents niveaux.

L’alliance des FLC a souffert de plus en plus de divisions en son sein depuis 2019, menant même certains de ses dirigeant·e·s à rejoindre le camp pro-armée à la suite du coup d’état.

En même temps, la direction des FLC a marginalisé les autres courants qui ne voulaient pas dialoguer avec l’armée. De nombreux secteurs du mouvement populaire ont critiqué la coalition des FLC pour avoir davantage chercher un modus vivendi avec les forces armées, qu’une accélération vers une réelle transition démocratique et la sortie des militaires du pouvoir politique, ou en prenant du retard notamment dans la création d’un Conseil législatif transitionnel, avec plus de deux ans de délai. Les leviers du pouvoir politique et économiques restent largement entre les mains des membres de l’establishment militaire et sécuritaire. Le premier ministre reconnaissait lui-même en aout 2021 que 80% des entreprises contrôlées par l’armée étaient « hors de la juridiction » du ministère des finances et du gouvernement civil. C’est sans oublier la prédominance continue des « Rapid Support Forces (RSF) », des milices paramilitaires composées d’environ 60 000 hommes et dirigées par le vice-président du CMT, Mohamed Hamdan Daglo, auteurs de nombreux crimes de guerres au Darfour et de massacres contre des manifestant·e·s. S’appuyant sur sa forte base tribale au Darfour et son alliance étroite avec les Émirats Arabes Unis et l’Arabie Saoudite, il se projette dans un rôle de politique étrangère de premier plan et est considéré par certains au Soudan comme l’homme fort et le président de facto du pays. Des dissensions et rivalités existent d’ailleurs entre les RSF et les forcées armées dirigées par al-Burhane, même si ces deux acteurs sont unis pour mettre fin au processus révolutionnaire. Les RSF gèrent également leurs propres sociétés commerciales, qui comme les forces armées, ont profité de la période de transition pour étendre leurs activités économiques. Ces deux entités disposeraient de plus de 450 compagnies privées, et ont également reçu des importantes sommes d’argent pour la participation de leurs troupes pour combattre aux côtés des forces soutenues par les Émirats Arabes Unis et l’Arabie Saoudite au Yémen (pour les RSF) et en Libye (pour les forces armées).

De même, les FLC ont été incapable d’améliorer les conditions de vie des classes populaires, qui se sont au contraire encore dégradés. Le gouvernement de Hamdok a mis en place des politiques d’austérités sévères à la demande du FMI, qui comprenaient la suppression des subventions pour les carburants et la forte réduction des subventions pour le blé, l’électricité et les médicaments. Ces mesures ont causé des souffrances considérables pour les classes travailleuses et populaires en augmentant fortement le cout de la vie. L’inflation s’élève aujourd’hui 400% et près de la moitié de la population vit sous le seuil de pauvreté. 

Des inégalités régionales sont également persistantes. Par exemple, la crise dans l’est du Soudan, poumon commercial du pays, a été le témoin de manifestations importantes en septembre pour protester contre les inégalités sociales et le manque d’investissement dans la région, mais également une plus grande autonomie. L’Est, qui regroupe les États de la mer Rouge, de Kessala et de Gedaref, est une zone stratégique à de nombreux niveaux. Il borde l’Égypte, l’Érythrée et l’Éthiopie, et compte 714 kilomètres de littoral où se trouvent les principaux terminaux maritimes et pétroliers du pays. En outre, c’est là que se trouvent les montagnes d’or du Soudan, cinq fleuves et plus de trois millions et demi d’hectares agricoles. Pourtant, le taux de pauvreté y est plus élevé que la moyenne nationale, dépassant les 54%, selon les statistiques officielles.

Finalement, la politique étrangère du Soudan à la suite de la chute de l’ancien dictateur de Omar al-Béchir a été redessinée par l’armée, et cela s’est traduit par des liens plus étroits avec les États-Unis, qui a retiré le Soudan de la liste des États terroristes, et le processus de normalisation des relations avec Israël, En contrepartie du rapprochement de l’armée avec Tel Aviv, les États-Unis ont fourni au Soudan une aide financière dont il avait un besoin urgent, un programme d’allégement de la dette dans le cadre de l’initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE), ainsi que des fournitures de blé pour nourrir les villes affamées de pain. Les relations entre le Soudan et la Russie se sont également considérablement améliorées après la signature d’un accord de coopération militaire en 2019. En outre, en novembre 2020, un accord de 25 ans entre les autorités russes et soudanaises a été conclu pour l’établissement d’une nouvelle base navale russe à Port Soudan qui accueillerait environ 300 soldats russes. De même, la paix avec les rebelles a aussi été négociée par les généraux, et c’est le chef des RSF Mohamma Hamdan Daglo qui a signé au nom du gouvernement. Pour ces accords, la participation des civils a été limitée, notamment parce qu’eux-mêmes ont laissé l’armée gérer seule ce dossier.

Résistances populaires massives

La répression meurtrière (plusieurs dizaines de mort·e·s et plusieurs centaines de blessé·e·s) et les coupures d’internet par le CMT n’ont pas empêché la résistance populaire, qui s’est tout de suite organisée avec des mobilisations et grèves massives à travers le pays. Dans la capitale Khartoum, les manifestant·e·s ne cessent de s’organiser et d’installer des barricades en travers des avenues pour paralyser le pays avec une campagne de « désobéissance civile ». 

L’épine dorsale et véritable moteur de cette résistance est constituée du Rassemblement des professionnels soudanais (mouvement rassemblant de nombreux syndicats et associations de travailleurs·euses) et les comités de résistances populaires. 

Le 30 octobre était une mobilisation massive appelé par les diverses forces vives du mouvement populaire à travers le pays avec des manifestations rassemblant des manifestations rassemblant environ 4 millions de personnes dans près de 30 villes du pays demandant le transfert à un pouvoir civil et la libération des prisonniers politiques. Des grèves ouvertes se sont poursuivis dans plusieurs secteurs (banque, transport, champs de pétrole, institutions publiques, etc…). 

A la suite des manifestations du 30 octobre, le Rassemblement des professionnels soudanais a appelé à une nouvelle étape dans les mobilisations avec une série de revendications radicales :

    • le renversement du coup d’État militaire

    • le jugement des généraux des forces militaires et de sécurité pour leurs crimes 

    • le transfert du pouvoir vers un gouvernement civil sans négociation ni partenariat avec les forces armées et sécuritaires et composé par des ministres sélectionnés par les forces révolutionnaires qui luttent pour le changement radical et aux objectifs de la révolution de décembre (2018). 

    • la liquidation du Services de Sécurité Nationale, la dissolution des milices, et la constitution d’une armée nationale professionnelle avec une doctrine basée sur la protection des personnes et des frontières, sous le commandement de l’autorité civile. 

    • Le transfert de toutes les entreprises de sécurité, militaires et de milice à l’autorité civile et mettre fin à l’ingérence de ces entités dans les activités économiques et d’investissements  

    • la fin à l’ingérence des axes régionaux et internationaux hostiles au peuple soudanais et à ses aspirations dans la gestion des affaires intérieures et du processus politique au Soudan.

Les comités de résistances populaires ont également depuis le début des manifestations émis des déclarations dans le même sens refusant toute négociation et partenariat avec le régime militaire, demandant la fin de l’impunité des crimes des généraux et de leur rôle économique dans le pays, tout en appelant à une véritable souveraineté nationale loin de toute ingérences étrangères.

Conclusion 

Le coup d’état du CMT bénéficie du soutien de l’Egypte, du royaume saoudien, des Émirats Arabes Unis, Israël, et dans une moindre mesure, sur celui de la Russie, tandis que les États Unis, les États occidentaux, l’Union Africaine et organisations internationales appellent au dialogue et souhaitent davantage un retour au statu quo. Ces deux options sont clairement refusées par les forces vives du mouvement populaire et une grande majorité des manifestant·e·s. Il ne s’agit pas seulement de rejeter le coup d’état, mais aussi de refuser un retour à un statu quo intolérable. Il y a une réelle volonté d’approfondir le processus révolutionnaire et d’accomplir une véritable émancipation pour les classes populaires du pays en luttant à la fois pour les pleins droits démocratiques et sociaux-économiques tout en cherchant à réaliser une souveraineté populaire complète afin d’empêcher les ingérences des pays régionaux et internationaux.  

Le CMT ne va jamais abandonner le pouvoir de manière progressive et sans violence comme l’espère les FLC. Seules les mobilisations et l’auto-organisation du mouvement populaire, avec pour objectif la construction d’un contre-pouvoir débouchant sur une situation de double pouvoir, permettront aux classes populaires soudanaises d’obtenir un changement véritable par la chute du régime des généraux et de leurs soutiens.

Le destin du processus révolutionnaire au Soudan influera sans aucun doute sur les autres processus régionaux. Leurs destins sont liés.

Solidarité internationaliste

Joseph Daher

https://solidarites.ch/journal/397-2/coup-detat-mortifere-pour-la-revolution/?

*******

Comités de résistance soudanais :
« Cet accord ne signifie rien, la révolution continue »

L’accord conclu [voir l’article publié sur ce site le 22 novembre] entre le Premier ministre soudanais déchu Abdalla Hamdok et les dirigeants du coup d’Etat militaire qui a renversé son gouvernement le 25 octobre a été rejeté avec colère par les principaux réseaux des Comités de résistance, autrement dit les organisations révolutionnaires enracinées dans les quartiers et qui ont mené la résistance au pouvoir militaire. « Cet accord ne signifie rien, nous restons sur notre position: pas de négociations, pas de participation, pas d’accord », souligne, le 22 novembre, une déclaration signée par les Comités de coordination reliant les Comités de résistance de la ville de Khartoum, de Bahri, du Grand Omdurman, du Nil du Sud-Est et d’El-Haj Youssef. « Nous appelons les révolutionnaires et les masses populaires à se rassembler autour de la direction de la révolution dans les rues, direction représentée par les Comités de résistance et des quartiers, jusqu’à ce que les objectifs de la révolution soient atteints par la défaite du coup d’Etat et l’installation d’une autorité de transition populaire et civile. »

L’accord, annoncé dimanche 21 novembre, rétablit Hamdok dans ses fonctions de Premier ministre, mais laisse intact le pouvoir des généraux qui l’ont arrêté et ont envoyé des soldats dans les rues pour tenter d’écraser les mobilisations de protestation. Le général Abdel Fattah al-Burhan restera à la tête du Conseil souverain, qui supervise les travaux du gouvernement de transition et examine la nomination des ministres. Le général Mohamed Hamdan Dagalo (Hemmeti), qui commande la brutale milice des Forces de soutien rapide, a été confirmé comme adjoint du général Al-Burhan.

L’Association des professionnels soudanais, une coalition de syndicats et d’organismes professionnels qui ont joué un rôle majeur dans le soulèvement populaire contre l’ancien dictateur Omar el-Béchir en 2019, a déclaré dans un communiqué le 21 novembre :

« Cet accord de trahison est totalement et complètement rejeté : il ne concerne que ses signataires… L’accord répond aux objectifs déclarés des putschistes en donnant du pouvoir aux restes de l’ancien régime et en perpétuant l’autorité du Service du renseignement et de la sécurité meurtrier d’El-Béchir. C’est une trahison du sang des martyrs. »

Les militant·e·s qui œuvrent à la reconstruction du mouvement syndical soudanais se sont également prononcés contre l’accord. L’Alliance des travailleurs soudanais pour la restauration des syndicats (SWARTU-Sudanese Workers Alliance for the Restoration of Trade Unions) a déclaré sur sa page Facebook : « Celui qui veut une trêve veut maintenant sauver Al-Burhan, et non protéger la révolution. » La répression dans les rues s’est intensifiée ces derniers jours, avec une douzaine de jeunes manifestants tués dans les rues de Bahri le 17 novembre, ce qui porte à plus de 40 le nombre total de morts depuis le coup d’Etat.

Les lieux de travail ont également été pris pour cible par les militaires dans le but d’installer leurs partisans à des postes de pouvoir. Vingt-cinq syndicats indépendants ont publié le 18 novembre une déclaration commune documentant certaines de ces exactions, notamment l’arrestation et la détention du président de l’Université de Gezira, l’arrestation du responsable du syndicat du personnel enseignant de l’Université de Nyala, l’arrestation et la torture d’enseignants à Kosti, dans l’Etat du Nil Blanc, et l’arrestation de travailleurs et de cadres de la compagnie pétrolière Sudapet [qui gère les concessions pétrolières accordées aux transnationales], parmi lesquels le président du comité provisoire du syndicat indépendant des travailleurs du pétrole Petro-Energy.

Les militant·e·s se mobilisent pour une nouvelle série de grandes manifestations le 25 novembre, qui marqueront le premier mois du coup d’Etat et rendront hommage aux manifestants tués par l’armée.

Publié par MENA Solidarity Network, le 23 novembre 2021 ; traduction rédaction A l’Encontre

http://alencontre.org/afrique/soudan/soudan-comites-de-resistance-soudanais-cet-accord-ne-signifie-rien-la-revolution-continue.html

Comités de Resistencia Sudanesa : « Este acuerdo no significa nada, la revolución continúa »

https://vientosur.info/comites-de-resistencia-sudanesa-este-acuerdo-no-significa-nada-la-revolucion-continua/

Auteur : entreleslignesentrelesmots

notes de lecture

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

%d blogueurs aiment cette page :