Le 18 décembre 2021, à l’occasion de la Journée internationale des personnes migrants, La Via Campesina et une série d’organisations internationales alliées ont organisé un forum virtuel intitulé « Les droits des migrant·es sont des droits humains », un espace de rencontre et de réflexion qui a réuni des activistes de différentes parties du monde travaillant actuellement à exiger le respect des droits et de la vie des migrant·es et des réfugié·es.
L’événement s’était fixé comme objectif fort de consolider un Pacte mondial de solidarité comme réponse populaire au Pacte sur les migrations et l’asile, récemment présenté par l’Union européenne, qui a été fortement remis en question par les mouvements sociaux pour avoir criminalisé la libre circulation des personnes et pour avoir représenté un recul par rapport aux droits humains et aux droits à la protection des migrant·es et de leurs familles, tels qu’établis dans les conventions internationales précédentes approuvées par les Nations unies et d’autres institutions comme l’Organisation internationale du travail (OIT).
« Notre proposition est née au Maroc, il y a trois ans, lorsque, avec d’autres mouvements, nous avons décidé de rejeter radicalement le Pacte mondial des Nations unies pour des migrations sûres, ordonnées et régulières, car il ne représentait pas un changement dans les politiques anti-migratoires et ne faisait rien contre le traitement inhumain des migrant·es et des demandeur·euses d’asile », a déclaré Golam Sorowor, membre de LVC au Bangladesh.
Témoignage et luttes des personnes migrantes elles-mêmes
Cette dénonciation a été soutenue par des paysan·nes et des travailleur·euses ruraux·ales de régions telles que l’Afrique, la région région arabe et nord-africaine, les Amériques, l’Asie et l’Europe ; dont la réalité territoriale change en fonction des contextes de guerre, de trafic d’êtres humains, d’accaparement de terres, entre autres circonstances difficiles. « Chaque jour, nous voyons des milliers de jeunes, surtout des femmes, qui veulent rejoindre les îles Canaries à cause de la faim, des problèmes liés aux changements climatiques ou à la pression des entreprises extractives », a déclaré Awa Djigal (LVC), originaire du Sénégal. Une réalité complexe et inquiétante qu’Aziza Errechaiech (LVC) a complétée depuis son pays : « Le Maroc est un pays de passage et de sur-contrôle des personnes qui veulent rejoindre l’Europe. Beaucoup risquent leur vie et migrent pour faire des jobs précaires dont d’autres ne veulent pas. En tant que peuple sahraoui, nous nous organisons pour dénoncer tout cela », a-t-elle déclaré.
Ces problèmes territoriaux sont directement liés à la lutte mondiale pour la souveraineté alimentaire, comme l’a souligné Paula Gioia (membre du comité de coordination d’ECVC), originaire du Brésil, vivant actuellement en Allemagne : « Les processus migratoires sont liés au manque de nourriture dans nos territoires. Les luttes des migrant·es sont directement liées à la lutte mondiale pour la souveraineté alimentaire. Nous présenterons cela lors du prochain Forum mondial à Nyéléni », a-t-elle souligné.
De son côté, Carlos Marentes (membre du Comité international de coordination de LVC), Mexicain originaire basé sur le territoire Hopi Navajo aux Etats-Unis, a souligné le rôle transformateur du mouvement des personnes migrantes au niveau mondial : « Aujourd’hui, les migrant·es dénoncent le capitalisme sauvage et indiquent où le changement est nécessaire face au massacre auquel nous assistons. Avec une vision critique, nous remettons en question la structure de ce monde, jonché des corps des migrant·es et des réfugié·es », a-t-il déclaré.
Au cours de l’événement, les principales actions menées par diverses organisations pour consolider le Pacte mondial de solidarité ont également été partagées. Les institutions et organisations à avoir participé, en plus de La Via Campesina, sont :
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Poème de Warsan Shire : « Home »
Fille de migrant Warsan shire se souvient. Traduction en français, par le Boojum.
Née au Kenya de parents somaliens, elle arrive en Grande-Bretagne à l’âge de un an. Elle est diplômée d’un Bachelor of Arts in Creative Writing. En 2015, elle réside à Londres.
Personne ne quitte sa maison
A moins d’habiter dans la gueule d’un requin.
Tu ne t’enfuis vers la frontière
Que lorsque toute la ville s’enfuit comme toi.
Tes voisins courent plus vite que toi
Le goût du sang dans la gorge.
Celui qui t’a embrassé à perdre haleine
Derrière la vieille ferronnerie
Traine un fusil plus grand que lui.
Tu ne quittes ta maison
Que quand ta maison ne te permet plus de rester.
Personne ne quitte sa maison
A moins que sa maison ne le chasse
Le feu sous les pieds
Le sang qui bouillonne dans le ventre.
Tu n’y avais jamais pensé
Jusqu’à sentir les menaces brulantes de la lame
Contre ton cou.
Et même alors tu conservais l’hymne national
A portée de souffle
Ce n’est que quand tu as déchiré ton passeport
Dans les toilettes d’un aéroport
En t’étranglant à chaque bouchée de papier
Que tu as su que tu ne reviendrais plus.
Il faut que tu comprennes,
Que personne ne pousse ses enfants dans un bateau
A moins que la mer te semble plus sûre que la terre.
Personne ne brûle ses paumes
Suspendu à un train
Accroché sous un wagon
Personne ne passe des jours et des nuits dans le ventre d’un camion
Avec rien à bouffer que du papier journal
A moins que chaque kilomètre parcouru
Compte plus qu’un simple voyage.
Personne ne rampe sous des barrières
Personne ne veut être battu
Ni recevoir de la pitié.
Personne ne choisit les camps de réfugiés
Ni les fouilles à nu
Qui laissent ton corps brisé
Ni la prison
Mais la prison est plus sûre
Qu’une ville en feu
Et un seul garde
Dans la nuit
C’est mieux que tout un camion
De types qui ressemblent à ton père.
Personne ne peut le supporter
Personne ne peut digérer ça
Aucune peau n’est assez tannée pour ça.
Alors tous les :
A la porte les réfugiés noirs Sales immigrants
Demandeurs d’asile
Qui sucent le sang de notre pays, Nègres mendiants
Qui sentent le bizarre
Et le sauvage,
Ils ont foutu la merde dans leur propre pays
Et maintenant ils veulent
Foutre en l’air le nôtre
Tous ces mots-là
Ces regards haineux
Ils nous glissent dessus
Parce que leurs coups
Sont beaucoup plus doux
Que de se faire arracher un membre.
Ou les mots sont plus tendres
Que quatorze types entre tes jambes.
Et les insultes sont plus faciles
A avaler
Que les gravats
Que les morceaux d’os
Que ton corps d’enfant
Mis en pièces.
Je veux rentrer à la maison
Mais ma maison est la gueule d’un requin
Ma maison est le canon d’un fusil.
Et personne ne voudrait quitter sa maison
A moins d’en être chassé jusqu’au rivage
A moins que ta propre maison te dise
Cours plus vite
Laisse tes vêtements derrière toi
Rampe dans le désert
Patauge dans les océans
Noie-toi
Sauve-toi
Meurs de faim
Mendie
Oublie ta fierté
Ta survie importe plus que tout.
Personne ne quitte sa maison
A moins que ta maison ne chuchote grassement à ton oreille
Pars
Fuis moi.
Je ne sais pas ce que je suis devenue
Mais je sais que n’importe où
Vaut mieux qu’ici.
https://vssa.fr/gallery/poème%20de%20warsan%20shire.pdf
https://www.pressenza.com/fr/2018/06/home-poeme-sur-limmigration-ecrit-par-une-immigrante/
“Home”, a poem about immigration written by an immigrant
https://www.pressenza.com/2018/06/home-poem-about-immigration-written-by-an-immigrant/
«Hogar», un poema sobre inmigración escrito por una inmigrante
https://www.pressenza.com/es/2018/06/hogar-un-poema-sobre-inmigracion-escrito-por-una-inmigrante/
“Casa”, una poesia sull’immigrazione scritta da un’immigrata
https://www.pressenza.com/it/2018/06/casa-poesia-sullimmigrazione-scritta-unimmigrata/