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En cette heure de grand danger, en solidarité avec la résistance ukrainienne, reconstruisons le mouvement international contre la guerre
Nous présentons ci-dessous notre compréhension des tâches auxquelles sont confrontées les forces de gauche et, en particulier, la gauche occidentale. Nous espérons contribuer au débat et à la construction du mouvement pour la paix, à la solidarité avec la gauche et les mouvements sociaux ukrainiens, au soutien aux réfugiés et à l’antiracisme, ainsi qu’au renforcement des alternatives à l’impérialisme à l’ouest et à l’est du sous-continent européen.
Nous vivons dans un monde de guerre permanente. Nous avons connu plusieurs alertes nucléaires depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Mais l’invasion de l’Ukraine par la Russie représente un tournant : c’est la première fois depuis 1945 qu’une alerte nucléaire a lieu dans le contexte d’une guerre chaude au cœur de l’Europe.
Ce conflit a un impact mondial, sur les prix des denrées alimentaires et du carburant, sur les relations commerciales, sur l’intégration régionale et sur la façon dont la gauche comprend la guerre, l’impérialisme et la solidarité.
Le mouvement international anti-guerre est devenu moins actif ces dernières années, malgré les conflits au Yémen, au Congo, en Éthiopie, et bien sûr, plus d’une fois en Ukraine. Nous sommes maintenant confrontés à un défi urgent : reconstruire nos mouvements de solidarité internationale et de paix.
La reconstruction ou le renforcement des mouvements anti-guerre pose des défis différents pour les courants socialistes qui agissent dans un pays impérialiste ou non, dans un pays de l’OTAN avec des bases et des missiles américains (comme l’Etat espagnol) ou sans (comme la France), dans un pays menacé militairement par la Russie (Géorgie) ou dépendant d’une garantie de sécurité russe (Arménie).
Ici, en Europe, nous devons tout faire pour renforcer les liens entre les résistances anti-guerre à l’ouest et à l’est de notre sous-continent, de tous les côtés du conflit. Nous devons comprendre la spécificité de chacun, et trouver des moyens d’agir ensemble au niveau continental et mondial autour d’axes de mobilisation communs (voir ci-dessous).
Dans l’ouest de l’Europe, nous pourrions commencer par poser la question suivante : pourquoi n’avons-nous pas vu cette guerre venir plus tôt ? Les camarades et alliés de gauche d’Ukraine, de Russie et d’autres pays de la région ont tiré la sonnette d’alarme depuis plusieurs années. Mais beaucoup, dans la gauche occidentale, pensaient que la montée de la tension militaire aux frontières de l’Ukraine était essentiellement un moyen de pression exercé par Moscou sur les pays de l’OTAN. Nous ne tenions compte que du facteur OTAN – et de notre propre lutte contre notre propre classe dirigeante.
Nous voyons maintenant les choses plus clairement. Les discours de Poutine juste avant et depuis l’invasion ont en effet mis en lumière le projet impérial de la Russie, dans ses dimensions militaire, économique, politique et culturelle.
Ce conflit est survenu à un moment de crise profonde de l’OTAN, après la débâcle d’Afghanistan et les tensions suscitées par l’administration Trump. Les divisions internes étaient évidentes, certains pays européens de l’OTAN proposant une coordination militaire ouest européenne plus forte, avec un affaiblissement de la coordination américaine. Ainsi, le président US Biden a choisi d’autres leviers pour reprendre le contrôle étatsunien dans la zone Asie-Pacifique, avec la redéfinition du rôle de la Quad et la mise en place de l’AUKUS (au prix des relations entre les États-Unis et le Royaume-Uni d’une part et la France d’autre part).
Les moyens militaires des Etats-Unis et de l’OTAN étaient (et restent) faibles en Europe, par rapport à la période de la guerre froide. Cette faiblesse s’est manifestée dans la réponse immédiate de Biden à l’invasion russe, lorsqu’il a annoncé qu’il n’y aurait pas d’intervention militaire des USA. Plusieurs pays européens de l’OTAN, en particulier ceux qui ont une mémoire historique de l’invasion et de l’occupation russes ou soviétiques, s’attendaient à une position bien différente.
Poutine avait l’intention de gagner rapidement et de mettre les puissances occidentales devant le fait accompli, comme il l’avait fait avec succès à de nombreuses reprises, en Tchétchénie, en Syrie, au Donbas, en Crimée et au Kazakhstan. Cette fois, les planificateurs de Poutine ont sous-estimé la résistance de l’armée et de la population ukrainiennes – ukrainophones et russophones. Néanmoins, la démonstration de force de Poutine a exposé et accentué les divisions au sein de l’OTAN. Presque chaque jour, les dirigeants des pays de l’OTAN font des déclarations contradictoires sur la stratégie de l’alliance, notamment en ce qui concerne le soutien à l’Ukraine.
Le conflit a également mis en évidence une triple division au sein de la gauche européenne. La majeure partie des personnes se réclamant de la gauche suivent les sociaux-démocrates ou les Verts. Or, ces courants s’affirment les plus grands supporters de l’OTAN, comme lors de conflits précédents. Nous voudrions convaincre ces personnes de l’injustice commise par nos gouvernements en Europe de l’Est, ainsi que dans le monde entier. Poutine a rendu ce travail d’explication plus difficile parce, face à l’invasion, il donne aux yeux de bien des gens, une légitimité nouvelle à l’Union européenne et à l’OTAN. Par ailleurs, une partie de la gauche anticapitaliste a été incapable de trouver ses marques dans un conflit imposé par un impérialisme non occidental. Ces camarades sont désorientés. Ils refusent d’aller au-delà d’une légère critique de l’invasion russe, sont réticents à étendre la solidarité à l’Ukraine, et insistent pour affirmer, contre toute évidence, que l’OTAN est le seul ou le principal responsable du conflit, que l’Ukraine est une marionnette occidentale ou un État protofasciste, et que la Russie est la véritable victime. Leur position est « campiste » – ils soutiennent automatiquement quiconque s’oppose à la classe dirigeante occidentale. Les Ukrainiens, mais aussi les Syriens, tentent depuis des années de mettre en garde la gauche occidentale contre cette politique sans issue. Espérons que les yeux de certains camarades s’ouvriront enfin, maintenant que nous devons faire face à une nouvelle guerre impérialiste russe.
L’échec du campisme ne concerne pas seulement la dimension militaire et géopolitique. Le point de départ de la solidarité se doit d’être la défense des populations victimes de la guerre. Les campistes n’agissent pas en solidarité avec la population ukrainienne, au nom de leurs considérations géopolitiques emberlificotées. Ils séparent froidement la souffrance humaine en deux parties, reconnaissant les victimes de l’impérialisme américain et marginalisant, ignorant ou niant l’existence des victimes d’autres impérialismes (en Syrie, les victimes de Bachar al-Assad et de ses partisans russes, en Eurasie les Tchétchènes, les Géorgiens et les Ukrainiens et en Chine les Ouïgours et les Tibétains).
Nous rejetons cette approche. Nous considérons que l’empathie envers les populations touchées par la guerre, la répression et l’exil est un moteur fondamental de l’internationalisme et de l’éthique militante.
« Si tu trembles d’indignation à chaque injustice, alors tu es un de mes camarades ». Ernesto Che Guevara
Nous présentons ci-dessous notre compréhension des tâches auxquelles est confrontée, en particulier, la gauche occidentale. Nous espérons contribuer au débat et à la construction du mouvement pour la paix, à la solidarité avec la gauche et les mouvements sociaux ukrainiens, au soutien aux réfugiés et à l’antiracisme, ainsi qu’au renforcement des alternatives à l’impérialisme à l’ouest et à l’est du sous-continent européen.
Thèses sur le mouvement de la paix
Il s’agit d’une guerre injustifiée de l’impérialisme russe contre le pays le plus pauvre du continent européen. La Russie doit immédiatement mettre fin à toute forme d’ingérence en Ukraine, retirer toutes ses troupes et ses mercenaires, et couper immédiatement les fonds aux milices pro-russes dans le Donbas. Les forces de maintien de la paix des Nations Unies devraient être déployées sur le territoire des soi-disant républiques populaires de Donetsk et de Louhansk, ainsi qu’en Crimée, jusqu’à ce que le statut définitif de ces territoires puisse être résolu pacifiquement, sur la base de la volonté de la population, y compris les anciens résidents qui ont quitté ces régions à la suite des conflits de ces dernières années.
Nous soutenons la résistance armée ukrainienne ; nous souhaitons la libération de l’Ukraine de ses occupants étrangers par tout moyen légitime. Il s’ensuit que nous sommes favorables à la fourniture d’armement défensif aux autorités et au peuple ukrainiens. Nous reconnaissons le droit des Ukrainiens à obtenir des armes de n’importe quelle source, y compris des pays de l’OTAN.
Nous sommes particulièrement favorables à la livraison des armes les plus adaptées aux besoins d’une résistance populaire, notamment les armes antichars et les systèmes de défense antiaérienne. Nous rejetons les conditions préalables impossibles et les excuses de ceux qui s’opposent à une victoire ukrainienne en exigeant que l’Ukraine garantisse d’abord qu’aucune arme ne tombe entre les mains de l’extrême droite ou d’éléments criminels (impossible), ou que l’Ukraine n’achète des armes qu’aux pays non alignés, même lorsque les pays de l’OTAN les fournissent gratuitement.
Face à une guerre d’agression, la solidarité signifie reconnaître le droit des Ukrainiens à se défendre. Que le gouvernement ukrainien soit capitaliste ne change rien à la situation. Pas plus que l’existence de l’extrême droite en Ukraine, comme partout ailleurs, et même moins que dans de nombreux autres pays, la Russie en particulier.
Ce n’est pas à nous de décider pour les Ukrainiens de la forme de leur résistance. Jusqu’à présent, ils se sont engagés dans une lutte armée multiforme (ainsi que des manifestations civiques). Le pacifisme et la résistance passive n’auraient pas suffi à éviter les drames et le coût humain de cette guerre, dont nous sommes tous conscients. Une victoire éclair de Poutine aurait été un encouragement pour lui à aller encore plus loin.
L’industrie ukrainienne de l’armement ne suffit pas à répondre aux besoins immédiats du pays et a été fortement endommagée pendant le conflit. Elle ne produit pas les armes spécifiques qui sont les plus nécessaires, et pas en quantité suffisante.
Face au risque d’escalade vers une guerre continentale et l’utilisation d’armes nucléaires, nous devons nous opposer à toute tentative de conflit direct entre l’OTAN et la Russie.
Un conflit direct entre pays impérialistes entraînerait des souffrances bien plus grandes, avec des impacts négatifs potentiellement mondiaux. Le conflit ukrainien est le dernier d’une longue série de confrontations indirectes entre les pays de l’OTAN et la Russie, anciennement l’Union soviétique, qui remonte à la Guerre froide. Les mesures susceptibles de provoquer l’entrée dans un conflit inter-impérialiste direct comprennent l’utilisation « tactique » de petites armes nucléaires ou chimiques en Ukraine, l’imposition par l’OTAN d’une « zone d’exclusion aérienne » au-dessus de certaines parties de l’Ukraine et la présence de troupes de l’OTAN en Ukraine.
Le soutien occidental à l’Ukraine dans ce conflit, y compris la fourniture d’armes défensives et d’aide non militaire, n’en fait pas une guerre inter-impérialiste directe, tout comme les nombreux conflits de la guerre froide n’étaient pas des guerres inter-impérialistes, même si l’Occident et l’URSS apportaient généralement leur soutien aux parties adverses.
Contre l’invasion russe, nous appelons au boycott, aux sanctions et au désinvestissement (BDS).
Nous soutenons les sanctions étatiques qui visent les biens personnels de l’élite russe, ainsi que les sanctions commerciales et financières qui réduisent les revenus de l’État russe et sa capacité à poursuivre son invasion et son occupation de l’Ukraine.
Nous soutenons également les initiatives de la société civile en faveur du boycott et les pressions exercées sur les entreprises pour qu’elles se désengagent de la Russie, lorsque la cible est un soutien direct à l’invasion et à l’occupation de l’Ukraine par la Russie.
Ce n’est pas la première fois que nous préconisons le recours à des sanctions internationales. Nous avons demandé des sanctions contre le régime d’apartheid en Afrique du Sud. Nous le faisons maintenant, dans le cadre de la campagne BDS pour la défense des Palestiniens, et à l’égard de la Birmanie (Myanmar) depuis le coup d’État militaire de l’an dernier. Le type de sanctions est évidemment une question fondamentale. Nous ne devons pas nous aligner sur Washington ou Bruxelles en la matière. Nous devons plutôt tenir compte de l’avis des courants progressistes ukrainiens concernant la nature des sanctions qui peuvent être défendues et celles qui doivent être condamnées, dans la situation spécifique actuelle. Depuis l’invasion, la population ukrainienne s’est montrée majoritairement favorable aux sanctions proposées par les gouvernements occidentaux. La gauche ukrainienne ne s’est pas opposée à des sanctions spécifiques jusqu’à présent. La gauche radicale russe ne s’y est pas opposée jusqu’à présent, pas plus qu’elle n’a appelé au BDS.
Les sanctions se sont concentrées sur la réduction de l’accès de la Russie aux marchés financiers et aux services bancaires, parallèlement à une liste d’interdictions d’importation/exportation qui s’allonge rapidement. Certains États membres de l’Est de l’UE appellent à une interdiction totale du commerce avec la Russie. Les grandes économies occidentales préfèrent jusqu’à présent des interdictions ciblées et des taxes à l’importation punitives sur les produits russes. Ces sanctions provoqueront certainement une grave récession en Russie, même si la Chine et les autres pays d’Europe occidentale ont jusqu’à présent évité la sanction la plus efficace : réduire leurs achats de pétrole et de gaz russes [1]. Les entreprises occidentales ont néanmoins commencé à réduire leurs fournitures en Russie, permettant aux Asiatiques, notamment indiens et chinois, d’obtenir d’importantes remises sur leurs achats de pétrole.
Le boycott de la société civile et la pression exercée sur les institutions pour qu’elles désinvestissent leurs investissements en Russie ont été généralisés et diversifiés au cours des quelques semaines qui ont suivi l’invasion. Anticipant les demandes de la société civile et des gouvernements occidentaux, un nombre croissant de multinationales et de petites entreprises suspendent ou mettent fin à leurs activités en Russie. On observe également une tendance des consommateurs à refuser les biens et services russes, ce qui a un impact négatif sur l’économie russe, l’impact principal retombant sur la population générale plutôt que sur les décideurs.
On observe également un mouvement largement spontané de boycott culturel et sportif. Ce mouvement a permis de signaler la condamnation par l’Occident des politiques et des actions russes et la solidarité avec l’Ukraine.
Certains boycotts expriment une hostilité envers la culture russe ou les citoyens russes en tant que tels. Ils provoquent une discrimination injustifiée, aliènent les Russes bien intentionnés et renforcent la campagne occidentale agressive de diabolisation de « l’autre » russe.
Tous les réfugiés d’Ukraine doivent recevoir le meilleur accueil. Pour la première fois, l’Union européenne a activé sa directive « protection temporaire », en faveur de ces réfugiés, qui leur donne accès au travail, aux études et à la protection sociale. Sous la pression de la société civile, plusieurs Etats européens ont déjà étendu la « protection temporaire » en prenant d’autres mesures spécifiques au pays (transport gratuit, etc.) à tous les réfugiés ukrainiens – citoyens ou étrangers résidant précédemment en Ukraine. Ce précédent doit maintenant être utilisé au profit d’autres réfugiés (notamment Syriens) et nous devons continuer à faire pression en ce sens. Nous dénonçons le racisme institutionnel et généralisé révélé dans la réponse humanitaire occidentale qui s’avère beaucoup plus importante concernant la souffrance ukrainienne par rapport à la souffrance des réfugiés non-blancs (ou non-chrétiens) d’autres conflits et catastrophes.
La plupart des réfugiés d’Ukraine sont concentrés dans les États voisins de l’UE et en Moldavie. Ces pays comptent parmi les plus pauvres d’Europe. La plupart des services d’aide aux réfugiés dans ces pays sont fournis par la société civile. L’État ne fournit pas de logement et de protection sociale et tarde à développer les infrastructures sanitaires et éducatives nécessaires aux réfugiés qui resteront sur place. L’État doit faire davantage.
Tous les pays de l’UE devraient partager la charge financière des crises de réfugiés.
L’afflux de réfugiés témoigne de l’extrême violence de cette guerre. Il est rare d’assister à un tel exode en si peu de temps. Il suggère un génocide, un « nettoyage » et une élimination des Ukrainiens et des éléments déloyaux du territoire prévu des colonies de la « Nouvelle Russie ».
Le mouvement international anti-guerre doit être indépendant des grandes puissances. Cela signifie ne pas s’aligner sur les puissances occidentales (États-Unis, Union européenne, Grande-Bretagne) comme l’ont fait les libéraux, les sociaux-démocrates et les verts occidentaux. Cela signifie également qu’il ne faut pas s’aligner sur la Russie ou la Chine avec une position « campiste » (soutenant le « camp » qui s’oppose à l’impérialisme occidental).
Un alignement pro-russe et campiste au sein du mouvement pour la paix signifierait qu’il faut éviter de critiquer l’expansion impérialiste régionale de la Russie, qu’il faut accepter sans critique la propagande russe dénonçant un « génocide » contre les Ukrainiens russophones, qu’il faut légitimer les petits États fantoches contrôlés par la Russie dans le Donbas et qu’il faut réclamer le droit à l’autodétermination (séparation de l’Ukraine et intégration à la Russie) pour les zones sous contrôle militaire russe dans le cadre d’un processus contrôlé par la Russie. Cela signifierait également qu’il faut dépeindre faussement le gouvernement bourgeois de l’Ukraine comme « fasciste » ou comme un « fantoche » occidental illégitime tout en exagérant la taille et l’influence de l’extrême droite nationaliste ukrainienne et en minimisant ou en ignorant la nature de plus en plus autoritaire et réactionnaire du régime de Moscou lui-même.
Un alignement pro-occidental signifierait éviter toute critique du militarisme de l’OTAN et de l’expansion économique néocoloniale de l’Union européenne en Europe de l’Est. Cela reviendrait à légitimer les mesures antidémocratiques prises par l’élite politique et économique ukrainienne (y compris l’interdiction d’organisations de gauche et la restriction brutale des droits syndicaux). Il pourrait de plus en plus signifier la justification des restrictions des libertés civiles dans les pays occidentaux, et la criminalisation des opinions et des activités politiques anti-occidentales.
Nous sommes opposés à l’expansion et à l’agression de l’OTAN. Nous nous opposons à toute augmentation des dépenses militaires des pays de l’OTAN. En effet, nous demandons une réduction des dépenses militaires en faveur des secteurs sociaux, de la santé et de l’éducation en particulier. Nous nous opposons à toute expansion future des installations déjà étendues de l’OTAN en Europe et proposons une réduction des forces de l’OTAN comme élément essentiel de la démilitarisation de l’espace est-européen. Nous nous opposons à tout déploiement de l’OTAN en dehors de ses pays membres. Nous nous opposons à l’adhésion de tout pays à l’OTAN. Nous sommes favorables à ce que tout pays quitte l’OTAN, et à la dissolution de l’alliance. La sécurité future des pays européens, en particulier des pays les plus pauvres, doit être fondée sur un cadre large et non conflictuel.
Dans toute l’Europe occidentale, des augmentations des budgets militaires sont attendues. L’Allemagne, en particulier, prend un tournant historique en ce qui concerne ses engagements militaires. Les pays européens de l’OTAN continuent d’hésiter entre l’intégration classique, dirigée par les États-Unis, et une intégration européenne plus autonome (l’Allemagne et les Pays-Bas ont déjà intégré leurs bataillons de chars et leurs marines, d’autres unités communes, ainsi que des achats et un soutien logistique communs sont prévus). Les deux options ont des ambitions impérialistes ; l’approche dirigée par l’Europe ne signifierait probablement qu’un recentrage sur l’étranger proche et un engagement moindre dans les forces expéditionnaires mondiales dirigées par les États-Unis.
Nous ne voyons aucune contradiction entre l’appel à la réduction des dépenses militaires dans les pays de l’OTAN et la fourniture d’armes à l’Ukraine. En fait, le don d’armes à l’Ukraine sans augmenter les budgets militaires des pays de l’OTAN contribuerait à la réduction du stock d’armes de l’OTAN. Bien sûr, cela n’aura qu’un effet limité, puisque les pays de l’OTAN fournissent à l’Ukraine principalement des séries d’armes plus anciennes, en particulier des armes de l’ère soviétique encore utilisées ou stockées par les membres de l’OTAN à l’est de l’UE [2].
Dans les pays européens de l’OTAN, on constate également un soutien croissant dans la population en faveur du renforcement et de la construction de bases militaires, ainsi que de l’installation des technologies de guerre les plus avancées des États-Unis. Certains membres de l’OTAN à l’est de l’UE proposent de faire don à l’Ukraine de leurs propres armements de l’ère soviétique, en échange d’armes plus modernes fournies par les membres plus riches de l’OTAN plus à l’ouest. La plupart des anciennes républiques soviétiques et des pays satellites d’Europe sont désormais membres de l’OTAN. Nombre de ces pays ont une frontière avec la Russie, l’Ukraine et/ou le Belarus, et ont un souvenir relativement récent de l’agression et de l’occupation soviétiques/russes. Le conflit actuel a fait naître des sentiments d’insécurité compréhensibles, que les autorités et les médias grand public encouragent bien sûr davantage.
Il est probable que les gouvernements de certains pays européens, qui sont actuellement neutres, demanderont à rejoindre l’Organisation, et l’opinion publique est de plus en plus favorable à cette idée. Les neutres d’Europe occidentale seraient probablement accueillis au sein de l’OTAN, tout comme les pays des Balkans où la Russie n’a pas de revendications territoriales. Une pression continue sera exercée sur les neutres de l’UE (Suède, Finlande, Irlande et Autriche) pour qu’ils participent à des opérations conjointes de maintien de la paix, de prévention des conflits et à d’autres formes de coopération civilo-militaire avec les membres de l’OTAN dans le cadre de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC). Le champ d’application de la PSDC est susceptible d’être élargi, entraînant de plus en plus les neutres dans une alliance de facto dominée par les membres de l’OTAN.
Les seules anciennes républiques soviétiques et pays satellites d’Europe qui n’ont pas rejoint l’OTAN sont la Moldavie et l’Ukraine. L’OTAN pourrait continuer à faire de fausses promesses d’adhésion future à ces pays, mais le conflit actuel a confirmé le refus de l’OTAN de s’étendre davantage dans l’espace de l’ex-URSS. Toutefois, le soutien militaire de l’OTAN sera probablement accru pour ces pays et pour d’autres alliés occidentaux de l’ex-URSS, notamment la Géorgie, qui a sa propre histoire récente de conflit, d’invasion et d’occupation par les forces russes et les alliés locaux. Les populations locales préféreront probablement la perspective d’une adhésion à l’OTAN, en l’absence d’autres accords de sécurité crédibles.
Nous sommes opposés à tout déploiement de troupes russes en dehors des frontières russes. Nous sommes opposés à tout déploiement international de forces de police entre les pays membres de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC). Nous sommes favorables à la dissolution de l’OTSC.
Si la Russie est partiellement ou largement victorieuse dans cette guerre, Moscou sera de plus en plus susceptible de menacer ou d’utiliser la force dans ses relations avec la Biélorussie, et les anciennes républiques soviétiques du Caucase du Sud et d’Asie centrale. L’OTSC est axée sur la police, mais elle pourrait être élargie. Toutefois, seules la Biélorussie et l’Arménie sont militairement et économiquement dépendantes de la Russie ; les autres États de l’OTSC pourraient être tentés de diversifier leurs alliances, notamment en direction de la Chine. Une défaite russe accélérerait probablement ce processus. Si les marchés des biens et de la main-d’œuvre russes restent importants pour bon nombre de ces pays, les producteurs de pétrole et de gaz comme l’Azerbaïdjan, le Kazakhstan, l’Ouzbékistan et le Turkménistan ont davantage d’options pour leur développement économique.
L’élimination des armes nucléaires, biologiques et chimiques est plus importante que jamais. La Russie, les États-Unis, la France et le Royaume-Uni devraient réitérer leur engagement à ne pas utiliser les armes nucléaires en premier. Face à l’impasse militaire actuelle, Poutine a fait monter les enchères à plusieurs reprises en brandissant la menace nucléaire, puis en tirant un missile hypersonique de moyenne portée sur une cible proche de la frontière polonaise. Les deux parties ont accusé l’autre de préparer des attaques chimiques ou biologiques. Nous constatons qu’au lieu de rendre la guerre impossible (doctrine de l’« équilibre des forces » et le risque de « destruction mutuelle assurée »), la possession d’une arme nucléaire est en fait utilisée pour permettre une guerre conventionnelle au cœur de l’Europe, à l’abri du parapluie atomique de l’agresseur. Le mouvement pacifiste a longtemps soutenu que seul le désarmement nucléaire pouvait nous libérer de cette menace. Poutine nous a donné raison. Mais attention : toutes les puissances possédant des armes nucléaires cherchent à les rendre politiquement acceptables et proposent sans cesse des concepts d’utilisation tactique d’armes nucléaires plus petites et plus acceptables.
Thèse sur la solidarité avec l’Ukraine
Pour la libération nationale ! Les Ukrainiens ont le droit de vivre en paix !
Nous avons tous vu les bannières portées par les Ukrainiens de la diaspora lors des manifestations pour la paix : « Si les Russes cessent de se battre, il n’y aura pas de guerre ; si les Ukrainiens cessent de se battre, il n’y aura pas d’Ukraine ». Plus la résistance ukrainienne sera forte et plus les Ukrainiens progressistes seront capables de participer à cette lutte et de la façonner, meilleure sera la paix et meilleure sera la société ukrainienne par la suite.
Les étrangers ne devraient pas appeler à la paix à tout prix, alors que les Ukrainiens soutiennent massivement la poursuite de la résistance militaire. Dans ce contexte, la paix à tout prix signifie maximiser les gains russes aux dépens des Ukrainiens.
Il est probable que l’Ukraine propose un engagement constitutionnel de neutralité et réitère son refus des bases étrangères permanentes (la seule puissance étrangère qui maintient des troupes en permanence en Ukraine est la Russie, qui a des forces stationnées dans certaines parties du Donbass et de l’Ukraine depuis plusieurs années déjà). La Russie a exigé que l’Ukraine soit privée en permanence de certaines catégories d’armes plus lourdes ou offensives. La question est donc de savoir quelles garanties de sécurité l’Ukraine aura dans la nouvelle paix. La Russie et l’Occident ont promis de respecter les frontières de l’Ukraine lorsque celle-ci a renoncé à toutes ses armes nucléaires (le seul pays à l’avoir jamais fait). La valeur de ces promesses est désormais tristement claire pour tout le monde. L’Ukraine cherchera vraisemblablement à obtenir une sorte de mandat de l’ONU ou de l’OSCE. Le plus grand obstacle à un tel accord sera l’opposition russe, et la menace continue d’une intervention russe, en particulier si la Russie maintient ses colonies de facto dans le Donbass.
Nous dénonçons les crimes de guerre commis par l’armée russe en Ukraine. En plus de l’invasion injustifiée, la Russie a attaqué des civils, et s’est attaquée à des infrastructures civiles, comme des hôpitaux. La Russie a empêché les civils de quitter les villes assiégées, tout en menaçant les civils de tribunaux militaires s’ils ne partent pas. Le fait que les dirigeants occidentaux dénoncent les crimes de guerre russes ne signifie pas que nous devons nous taire ! Au contraire, nous dénonçons tous les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité, quel que soit l’acteur responsable. Nous dénonçons l’hypocrisie des puissances occidentales qui dénoncent Moscou en invoquant la légalité internationale et les grands principes humanitaires qu’elles ont elles-mêmes violés à plusieurs reprises.
Les vainqueurs de cette guerre établiront probablement une sorte de tribunal. Notre préférence va à des tribunaux indépendants dans une Ukraine démocratique, dans une perspective de restitution et de réconciliation entre Ukrainiens, et entre citoyens d’Ukraine et citoyens de Russie.
Les droits des minorités en Ukraine doivent être reconnus. Mais la défense de ce droit ne doit pas alimenter le discours de Poutine, qui prétend intervenir pour défendre les Ukrainiens russophones menacés de génocide. La question du retour à l’égalité linguistique légale, et de l’utilisation des différentes langues du pays dans l’éducation, l’administration et les médias, y compris dans le Donbas et en Crimée, ne peut être résolue sous occupation russe. Une véritable préoccupation pour les minorités en Ukraine doit également intégrer des mesures visant à protéger les minorités ukrainiennes et tartares en Crimée, soit plus d’un quart de la population, qui ont perdu pratiquement tous leurs droits linguistiques et culturels depuis l’invasion russe et l’incorporation unilatérale de ce territoire à la Fédération de Russie.
La Russie a réussi à déployer une large propagande concernant la situation des russophones dans la région du Donbas, entraînant dans la confusion nombre de militant.es de la gauche radicale occidentale et obtenant, dans certains cas, leur soutien aux revendications russes. Il faut bien comprendre que les républiques populaires autoproclamées du Donbas sont des entités soutenues par la Russie, dirigées par une alliance d’envoyés russes, de mafieux locaux et d’aventuriers d’extrême droite. La répression sociale, politique et culturelle y est massive, pire que partout ailleurs sur le continent européen et pire que partout dans la partie asiatique de la Russie. La Russie a reconnu ces « États », sans définir leurs frontières. Il est probable que les troupes russes imposeront de faux référendums dans les régions voisines et les intégreront progressivement au projet colonial de la « Nouvelle Russie ». Dans ce contexte, appeler à l’autodétermination immédiate des russophones dans ces régions revient à soutenir efficacement la colonisation russe de l’Ukraine et la consolidation d’administrations coloniales extrêmement réactionnaires. La gauche ukrainienne, qui comprend de nombreux militants du Donbas, appelle au renforcement des droits des Ukrainiens russophones dans le cadre d’un nouvel arrangement démocratique après l’expulsion des forces d’invasion.
Comme le soulignent nos amis du Mouvement social Ukraine, le discours de Poutine rejoint de manière perverse le discours des ultranationalistes ukrainophones, qui ont toujours considéré les Ukrainiens russophones comme d’une loyauté douteuse.
Rejetez tout le poison du « choc des civilisations » !
La grande majorité des Ukrainiens russophones se battent contre les envahisseurs. Même dans les villes récemment occupées par l’armée russe, des civils non armés manifestent leur rejet de l’occupation lors de grandes manifestations pacifiques. Les Ukrainiens russophones continuent d’être victimes de la guerre russe, se retrouvent victimes de bombardements ou se retrouvent sur les routes de l’exil. Reconnaissant la loyauté écrasante des russophones, le gouvernement ukrainien a récemment débloqué les médias sociaux russes et encouragé les citoyens à dialoguer directement avec leur famille et leurs amis en Russie. Une victoire partielle ou totale de l’Ukraine pourrait servir de base à la réintroduction de la langue russe dans l’administration publique, l’éducation et les médias publics. À l’inverse, une humiliation de l’Ukraine pourrait encourager l’extrême droite à cibler à nouveau les Ukrainiens russophones comme un élément déloyal et indigne de confiance.
En Russie et parmi les russophones d’autres pays, l’impérialisme russe est également présenté comme une croisade culturelle et politique visant à restaurer la domination ethnique/linguistique/culturelle russe dans les régions qui faisaient autrefois partie des empires russe ou soviétique. L’un des éléments de cette politique est la négation de l’identité ukrainienne (l’Ukraine n’aurait pas d’histoire significative distincte de celle de la Russie, la langue ukrainienne serait un dialecte du russe, la culture ukrainienne serait une variante folklorique de la culture russe, etc.) Certaines parties de la gauche occidentale ont été vulnérables à cette propagande grand-russe, peut-être parce que leur connaissance régionale se limite à l’étude de la composante russe de la révolution dans l’empire russe et de la composante russe de la résistance anti-stalinienne en URSS. Peut-être aussi en raison du faible statut de la culture ukrainienne à l’Ouest, qui reflète sa marginalisation en tant que pays le plus pauvre du continent, et de la concentration des migrants ukrainiens dans les secteurs les plus instables et les moins bien payés de l’économie ouest-européenne. Quelle que soit l’explication, l’incapacité de la majorité de la gauche occidentale à s’engager auprès des penseurs et des activistes ukrainiens est pour nous une source permanente d’étonnement et de consternation.
On assiste également à une résurgence des revendications occidentales de supériorité « civilisationnelle », opposées à l’« orientalisme » et à la barbarie russes. Dans ce discours occidental, qui a des racines réactionnaires profondes, « l’Europe » est synonyme de civilisation et de progrès et toute personne à l’Est ou au Sud n’est admise à la civilisation et au progrès que dans la mesure où elle fait preuve de loyauté envers les valeurs « occidentales ».
Nous soutenons la solidarité politique, financière et matérielle avec les forces de gauche et les mouvements sociaux indépendants en Ukraine.
En apportant une solidarité de gauche à la résistance du peuple ukrainien, nous aidons au mieux la gauche ukrainienne à se renforcer, au lieu de laisser le champ libre aux néolibéraux et à l’extrême droite. Nous prônons une solidarité pratique et concrète de peuple à peuple. Nous ne pouvons pas nous contenter d’une simple position politique ou de déclarations de principe, ni d’une critique de notre propre gouvernement.
La solidarité est nécessaire des deux côtés de la ligne de front. Nous n’imposons pas la solidarité, nous l’offrons. Nous prenons exemple sur la résistance ukrainienne et les mouvements anti-guerre dans le pays agresseur. Cela signifie, en premier lieu, écouter, en second lieu, réfléchir, et ensuite agir.
Nous ne devons pas nous associer aux nombreux appels de la gauche occidentale à la paix au détriment des Ukrainiens. Certaines de ces initiatives partent d’une bonne intention. Mais elles restent des propositions arrogantes, rédigées et promues par des Occidentaux, sur les Ukrainiens, sans les Ukrainiens.
Les forces de gauche en Ukraine sont pleinement engagées dans tous les aspects de la lutte de libération. Les partisans de certains groupes ont rejoint les mêmes forces militaires ou de défense civile, mais l’ampleur de ces initiatives est encore faible. La gauche a développé plusieurs initiatives humanitaires qui méritent notre soutien. Les progressistes ukrainiens continuent à s’organiser, à faire pression et à publier des revendications civiles et politiques, et à résister à toutes les tentatives d’imposer des réformes réactionnaires en utilisant la guerre comme prétexte. Il existe également des militants de gauche dans la diaspora ukrainienne, qui jouent un rôle important dans le mouvement pour la paix et les initiatives d’aide aux réfugiés.
Les mouvements de gauche, féministes et pacifistes russes sont confrontés à une répression croissante, mais poursuivent leurs efforts. Ils sont soutenus par une mobilisation croissante de la diaspora des progressistes russes. Lors des guerres précédentes, les familles des soldats morts ont joué un rôle important dans la sensibilisation du public et la protestation contre le militarisme, aux côtés des étudiants et d’autres communautés militantes.
La gauche biélorusse est numériquement faible, mais poursuit ses efforts en faveur de la démocratisation et de la justice sociale. Il existe des réseaux clandestins qui encouragent et facilitent la désertion et l’émigration des jeunes hommes appelés au service militaire, ainsi que des rapports non confirmés de sabotage d’opérations logistiques.
Les partis de gauche en Europe centrale (anciens pays satellites de l’URSS, aujourd’hui membres de l’Union européenne) agissent de plus en plus en solidarité politique avec le Mouvement social (MS) en Ukraine, relayant ses propositions et se retirant même des forums de gauche comme l’Internationale progressiste, qui évitent de prendre position sur la libération de l’Ukraine.
Plusieurs groupes progressistes en Ukraine ont commencé à collecter des fonds. Des associations progressistes aux Pays-Bas, en Allemagne et ailleurs, organisent des collectes de fonds pour des initiatives progressistes et humanitaires en Ukraine.
En termes de soutien matériel, les syndicats en France, par exemple, se préparent à envoyer un convoi de travailleurs pour montrer leur solidarité et apporter de l’aide.
Nous rejetons les plans impérialistes russes et occidentaux pour l’Ukraine. Les troupes russes dehors ! Les biens, les services et les travailleurs ukrainiens doivent avoir accès aux marchés occidentaux, sans aucune obligation pour l’Ukraine d’ouvrir ses propres marchés. La dette de l’Ukraine doit être annulée. Les fonds provenant de toute sanction occidentale devraient être transférés aux autorités ukrainiennes.
Les efforts de Moscou en faveur de l’intégration économique capitaliste de l’ex-URSS sous domination russe ont marqué le pas ces dernières années. En réponse aux sanctions occidentales antérieures, Poutine a imposé un changement dans la stratégie à long terme de la Russie, se désengageant des circuits économiques occidentaux et des institutions dominées par l’Occident, augmentant la capacité agricole et industrielle nationale par la substitution des importations et l’investissement intensif dans les secteurs stratégiques. Poutine veut inverser l’intégration économique de l’Ukraine dans l’Union européenne en tant que territoire périphérique, et la privatisation prévue des terres ukrainiennes aux mains de sociétés occidentales. Au contraire, il a décidé que la réintégration forcée de l’Ukraine, deuxième économie de l’ex-URSS, mais aujourd’hui le pays le plus pauvre d’Europe, cimentera la domination impériale russe sur son « étranger proche » pour une autre génération.
Son ambition est d’intégrer les plaines fertiles et les centres industriels de l’Ukraine orientale dans l’espace économique russe, en renforçant le rôle dominant de Moscou dans la production d’un large éventail de produits agricoles et miniers, ainsi que sa capacité industrielle et sa compétitivité. Après l’annexion de la Crimée, cette invasion vise à élargir l’accès de la Russie à la mer Noire, la seule voie maritime navigable toute l’année à la lisière européenne de la Russie.
Pour ce projet, la Russie de Poutine n’a besoin « que » de l’est et du sud de l’Ukraine. Sans les terres noires fertiles et l’industrie de l’est et sans sa côte, tout État ukrainien croupion serait appauvri, privé de ressources et à la merci de tous ses voisins. Les stratèges conservateurs de Moscou ont déjà émis l’idée d’offrir à la Pologne, à la Hongrie et à la Roumanie des territoires à l’ouest de l’Ukraine, rouvrant ainsi la boîte de Pandore des tensions entre les différents pays et nations européens.
L’Ukraine sera probablement ruinée après ce conflit, et son économie perturbée et dégradée, en particulier si la Russie garde le contrôle des territoires à l’est et au sud du pays.
L’impérialisme occidental cherchera à contrôler tout territoire ukrainien que la Russie n’occupera pas, sur la base des accords de partenariat néolibéraux et inégaux que l’UE a conclus avec les pays voisins.
[1] Plutôt que d’accélérer la transition vers des sources d’énergie renouvelables. Les pays occidentaux utilisent la guerre pour justifier une expansion de l’énergie nucléaire et de la combustion du charbon.
[2] Y compris l’Allemagne, qui a hérité et retiré du service l’ensemble de l’arsenal des forces armées de la RDA.
Mark Johnson & Pierre Rousset
http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article61690
In this hour of great danger, in solidarity with the Ukrainian resistance, let’s rebuild the international anti-war movement
http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article61764
En esta hora de grave peligro, en solidaridad con la resistencia ucraniana, reconstruyamos el movimiento antiguerra internacional
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Défaitisme révolutionnaire ou Défaitisme contre-révolutionnaire ?
Le « défaitisme révolutionnaire » est une position de principe : confrontés à une guerre impérialiste menée par leur bourgeoisie, les marxistes révolutionnaires ont pour ligne de transformer la guerre en révolution. Ils sont donc pour la défaite de leur propre camp, pour la défaite de leurs propres exploiteurs capitalistes. Ils expliquent à la population que la propagande de ceux-ci n’est qu’un masque, que les vrais objectifs de la classe dominante sont des objectifs de rapine, de conquête de marches et de colonies, et que la réalisation de ces objectifs se fera toujours au détriment de la classe travailleuse. Le défaitisme révolutionnaire est l’orientation adoptée par Lenine lors de la guerre de 14-18 ; elle a effectivement ouvert la voie a la révolution en Russie et en Allemagne.
Le défaitisme révolutionnaire est-il d’application dans le cas de la guerre en Ukraine ? Oui et non. Il est d’application du cote russe, car la guerre déclenchée par Poutine est clairement une guerre d’agression impérialiste. Elle vise à briser par la force le droit a l’autodétermination du peuple ukrainien opprimé. Elle vise à mettre en place un pouvoir fantoche pour restaurer la domination coloniale que l’empire tsariste exerçait sur le peuple ukrainien, et par ricochet sur les autres petits peuples périphériques de la Russie. La tâche de la gauche russe est de lutter contre cette guerre de brigandage impérialiste, donc d’œuvrer à la défaite de sa propre classe dirigeante, car cette défaite ouvrira la voie d’un possible changement révolutionnaire.
Mais la situation est tout différente du cote ukrainien. La guerre, ici, n’est pas impérialiste, c’est une guerre d’autodéfense. Elle a pour but la protection du peuple ukrainien dans son droit à l’existence en tant que nation autonome, en tant que nation qui se gère elle-même et choisit elle-même ses dirigeants. Que cette autonomie soit plus ou moins imparfaite n’est pas la question ici : c’est clairement son principe même que Poutine veut détruire par la force, et il y met des moyens barbares, d’une brutalité typiquement impérialiste. L’immense majorité du peuple ukrainien se mobilise et s’organise pour résister à l’agression de mille façons différentes. Non seulement cette resistance est légitime, mais en plus elle prend les formes de l’auto-organisation, au sein desquelles les classes populaires jouent un rôle prépondérant. Plaider ici pour le défaitisme n’est donc pas révolutionnaire, c’est au contraire de défaitisme contre-révolutionnaire qu’il s’agit. La tache des socialistes révolutionnaires dans cette situation est de participer à la resistance populaire en lui donnant une orientation sociale, démocratique et internationaliste (contre la haine du Russe, p ex).
Et au-delà du théâtre des opérations, quelle ligne adopter ? Une partie de la réponse a cette question doit être donnée à partir du diagnostic sur la nature de la guerre. Un peuple lutte contre sa domination impérialiste coloniale, il doit être soutenu dans sa resistance sous toutes ses formes, de même qu’il faut soutenir les anti-guerres dans le camp de l’agresseur. C’est fondamental. Mais une autre partie de la réponse doit tenir compte du fait que l’impérialisme « occidental » manœuvre pour tirer avantage de la lutte du peuple ukrainien dans sa rivalité croissante avec l’alliance en formation entre les impérialismes chinois et russe, et du fait que cette rivalité croissante risque en effet de déboucher dans les années qui viennent sur une guerre mondiale.
Dans une telle guerre mondiale, le défaitisme révolutionnaire s’imposerait a coup sur comme la stratégie à mettre en œuvre. Cependant, arguer du danger d’une guerre mondiale future pour imposer aujourd’hui au peuple ukrainien de renoncer à son juste combat est inique, et relève en fait d’une mentalité petite-bourgeoise impérialiste et coloniale. Cela revient en effet, pour la gauche occidentale, a imposer à la resistance populaire ukrainienne une ligne contre-révolutionnaire de capitulation, dans l’espoir de « sauver la paix » par la diplomatie. Donc dans l’espoir que « le dialogue » entre bandits capitalistes permettra de préserver « notre » confort, de ne pas être dans l’obligation, ici, d’envisager une perspective révolutionnaire de lutte contre la menace de guerre interimpérialiste.
J’ai repris des le début de l’affaire ukrainienne cette formule dont j’ai oublié l’auteur : il y a deux niveaux de conflictualité. Un conflit est ouvert, l’autre est encore latent, mais grandit indiscutablement. Comment lutter contre ce deuxième niveau, telle est la question. La réponse doit consister pour ainsi dire à anticiper la stratégie du défaitisme révolutionnaire. Comment ? En refusant tout sacrifice, toute austérité, toute paix sociale que la classe dominante ici voudrait imposer sous prétexte de la guerre en Ukraine, notamment pour augmenter les budgets militaires. En exigeant que la facture de la guerre soit payée non seulement par les oligarques russes mais aussi par nos oligarques. En imposant que les méthodes utilisées pour identifier les fortunes de ces oligarques russes soient utilisées contre « nos » paradis fiscaux. En retournant l’accueil des réfugié.e.s ukrainien.ne.s contre l’odieuse politique d’asile coloniale et raciste de « notre » impérialisme. En soutenant l’exigence d’abolition de la dette ukrainienne et de toutes les dettes des pays domines. En luttant pour l’expropriation des géants de l’énergie (qui s’enrichissent scandaleusement) et la socialisation du secteur, seul moyen d’arrêter la catastrophe climatique. En prenant des mesures anticapitalistes contre les spéculateurs qui profitent de la hausse du blé. Etc, etc.
On ne peut pas d’un coté invoquer les propos anticapitalistes de Jaurès (le capitalisme porte en lui la guerre…) et de l’autre s’imaginer que la menace de guerre interimpérialiste future pourrait être éliminée par une négociation satisfaisant une partie au moins des exigences impérialistes de Poutine (la « brillante » idée de Chomsky…), sur le dos du peuple ukrainien. Cette menace de guerre ne peut être écartée que par la lutte de classe dont la résistance courageuse du peuple ukrainien montre la force potentielle. Il faut répondre à la menace de guerre par la guerre de classe. C’est en cela, et pas dans l’espoir d’un nouveau Yalta, que consiste l’acquis des débats entre marxistes sur la guerre interimpérialiste.
Daniel Tanuro
http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article61771
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L’armée russe embourbée en Ukraine,
Poutine veut écraser toute opposition en Russie
Même parmi les fonctionnaires les plus fiables de Vladimir Poutine, la décision de lancer la guerre n’a pas été facile à prendre. Toute la Russie a vu comment la voix du chef des services de renseignement extérieur, Sergey Naryshkin, s’est brisée lorsque le président lui a demandé de répondre directement aux projets de reconnaissance des « républiques populaires » de Donetsk et de Louhansk (Donetskaya Narodnaya Respublika, DPR ; Luganskaya Narodnaya Respublika, LPR). Mais aussi effrayant que cela ait été pour les élites russes de se lancer dans cette aventure, en sortir pourrait être encore plus complexe.
Vers la fin de la troisième semaine de la guerre, des rumeurs ont commencé à circuler en Russie sur la possibilité d’un accord de paix. Ces affirmations émanaient des participants aux négociations officielles et de fonctionnaires de haut rang. « Bien sûr, nous préférerions que tout cela se passe beaucoup plus vite ; c’est l’aspiration sincère de la partie russe. Nous voulons parvenir à la paix le plus rapidement possible », a déclaré le chef des négociateurs russes et ancien ministre de la culture, Vladimir Medinsky. Même le ministre des affaires étrangères, Sergey Lavrov, a dit qu’il avait « un espoir particulier de parvenir à un compromis ».
Si le mot « compromis » a commencé à apparaître dans les discours des bureaucrates et diplomates russes, ce n’est pas tombé du ciel. La guerre s’est déroulée d’une manière qui a défié les attentes des stratèges russes. Moscou s’est rendu compte qu’elle ne pouvait plus compter sur une « petite guerre victorieuse » avec une capitulation rapide de l’ennemi. La question est la suivante : quelle est l’importance des concessions que le Kremlin devra désormais faire ? L’autre camp l’a également compris.
Ihor Zhovkva, chef adjoint du bureau du président ukrainien Volodymyr Zelensky, a déclaré aux journalistes que si, au début, Moscou utilisait le langage de l’ultimatum, exhortant « l’Ukraine à abandonner, à déposer les armes et à faire signer au président une capitulation – la Russie a désormais un ton différent ». Le conseiller présidentiel et l’un des principaux négociateurs, Oleksiy Arestovych, a annoncé que la partie ukrainienne prenait l’initiative dans les négociations :
« Nous ne sommes pas prêts à céder quoi que ce soit. Au contraire, nous posons des conditions assez rigoureuses. Nous comprenons clairement que si nous obtenons moins que ce que nous avions avant la guerre, c’est une défaite pour nous. Nous avons proposé certaines conditions, que nous ne pouvons pas encore révéler… Je peux dire que ces termes plairont au peuple ukrainien qui se bat pour la liberté. »
Mais le plus surprenant est peut-être que ces mots – anxiogènes pour les dirigeants russes – ont été publiés aujourd’hui dans les médias russes, entièrement sous le contrôle du bureau de la censure. Cela a donné lieu à des rumeurs dans le « camp patriotique » selon lesquelles certaines personnes au pouvoir ont évolué vers ce qu’elles considèrent comme une « position de capitulation ». Par exemple, le nationaliste Igor Strelkov, qui a occupé la ville de Sloviansk dans le Donbas en 2014 – le déclencheur immédiat de la guerre qui a suivi – en a dit autant. Pendant ce temps, de nouveaux signaux continuent d’arriver du sommet du gouvernement russe, indiquant que Moscou est prêt à faire de lourdes concessions par rapport aux ultimatums des premiers jours de la guerre. Tout d’abord, la porte-parole du ministère des affaires étrangères, Maria Zakharova, a surpris tout le monde en annonçant que la Russie ne prévoyait pas d’évincer le gouvernement ukrainien actuel (auparavant, Poutine avait directement déclaré le contraire). Ensuite, le chef du département du ministère russe des affaires étrangères pour la Communauté des États indépendants (CEI) post-soviétique, Alexey Polishchuk, a émis la pensée encore plus blasphématoire que la question du retour de la RPD et de la RPL en Ukraine reste ouverte et qu’elle doit être « décidée par les citoyens des républiques ». Le site web RT a publié ces mots.
Les positions de négociation de Moscou semblent pires maintenant qu’avant la guerre. Ce qui est essentiellement signifié ici est la défaite, même si elle sera adoucie par des concessions mutuelles qui seront difficiles pour l’Ukraine. Pour le « camp patriotique » radical, cela signifie une catastrophe. Ceux qui soutiennent activement la guerre parlent déjà d’un « nouveau Khasavyurt ». Ce terme fait référence à l’accord de paix signé avec les séparatistes tchétchènes en 1996, qu’ils considèrent comme « honteux » pour la Russie parce qu’elle a accepté de retirer ses troupes de Tchétchénie et a accordé aux séparatistes une reconnaissance (bien que temporaire). Le gouvernement de Boris Eltsine avait alors accepté la défaite dans la première guerre de Tchétchénie. Ces « patriotes » autoproclamés parlent également d’un processus « Minsk-3 » analogue aux pourparlers de paix ratés de 2014 et 2015.
Sauf une conquête pure et simple de l’Ukraine, la transformant en une partie du nouvel « Empire russe », il est clair que tout compromis de paix sur le front ukrainien inclura des conséquences sévères pour le gouvernement russe.
Au moins 200 000 soldats rentreront du front traumatisés par la guerre. Ils auront observé tout ce que les médias du Kremlin passent maintenant sous silence : le soulèvement patriotique du peuple ukrainien, la haine de l’occupant, les destructions massives et les victimes civiles, les pertes sévères subies par l’armée russe que les dirigeants du front intérieur ont passées sous silence, et le sentiment général d’une guerre perdue et injuste.
Les soldats seront suivis par une certaine quantité de politiciens et d’activistes « pro-russes » en Ukraine même, qui ont misé sur la Fédération de Russie et devront fuir. Ils ajouteront un goût de trahison à la retraite. Mais les quelques collaborateurs ukrainiens seront rejoints par les patriotes et nationalistes russes, plutôt nombreux, pour qui le refus de la « guerre jusqu’à la fin victorieuse » signifie une trahison nationale.
Mais ce sont là des questions triviales au regard du résultat global : en échange de vagues gains diplomatiques – l’hypothétique statut de neutralité de l’Ukraine et, peut-être, la reconnaissance de la Crimée comme étant russe – le pays recevra une économie effondrée, une monnaie dévaluée, des sanctions, un Occident uni et adverse, et la douleur de ses pertes humaines. Les effets de tout cela semblent devoir remplacer la cote de popularité de Poutine, auparavant élevée, par un « trou noir » – une attraction gravitationnelle géante de haine envers le président qui a entraîné le pays dans ce désastre.
La paix à tout prix
Pourtant, la classe dirigeante russe a de nombreuses raisons de rechercher la paix, même si le prix à payer est élevé. La principale réside dans le fait que ce coût ne fera qu’augmenter avec le temps.
Selon les pronostics les plus optimistes des experts gouvernementaux, la Russie devrait connaître une baisse de 8% de son PIB cette année – c’est-à-dire même si la guerre prend fin rapidement. Le chômage devrait doubler. L’inflation atteindra un taux annuel de 20 à 25%. Mais si la guerre se prolonge, ces évaluations pourraient devenir une chimère. Un éventuel accord avec l’Iran et une récession économique mondiale pourraient faire baisser les prix du pétrole et affaiblir la dépendance de l’UE vis-à-vis des combustibles fossiles de la Russie. La Russie peut alors s’attendre à une crise financière plus étendue – jusqu’à une chute de 30% du PIB, selon certaines estimations.
Outre une chute potentiellement catastrophique de la crédibilité des autorités auprès des gens ordinaires, il y a aussi la menace d’un effondrement rapide du régime et de sa machine administrative. L’action anti-guerre de Marina Ovsyannikova, employée de la télévision d’État, qui est apparue sur une diffusion en direct sur Internet avec une affiche demandant la fin de la guerre, montre que même la machine de propagande est actuellement en crise profonde. En conséquence, de nombreux journalistes quittent les chaînes de télévision, y compris des « vedettes » de premier plan. Un autre personnage important qui a démissionné est un haut fonctionnaire du gouvernement – l’ancien vice-premier ministre et président de la Fondation Skolkovo, Arkady Dvorkovich. Mais le plus grand danger est plus insidieux.
Dans sa chronique du Guardian, l’économiste français Thomas Piketty a mis le doigt sur la question la plus sensible pour la classe dirigeante russe. Pour que la Russie cesse son « opération militaire spéciale » en Ukraine, il suffirait que l’Occident gèle ou confisque les avoirs de 20 000 millionnaires russes, qui possèdent chacun plus de 10 millions d’euros dans des résidences européennes et américaines. Poutine, certains de ses proches et des dizaines d’oligarques et de hauts fonctionnaires russes figurent déjà sur les listes de sanctions ; cependant, explique Piketty, « le problème est que les gels appliqués jusqu’à présent restent largement symboliques. Ils ne concernent que quelques dizaines de personnes et peuvent être contournés en utilisant des prête-noms… »
À ce stade, la plupart des gros bonnets et des bureaucrates russes se sentent en sécurité, grâce à l’aide des intermédiaires financiers qui gèrent leurs actifs. Pour les débarrasser de cette possibilité, un registre financier international doit être créé pour suivre les portefeuilles existants d’actifs immobiliers et financiers des familles qui dirigent la Russie, quelle que soit la manière dont ils sont formalisés juridiquement et qui les dirige. « Menacé de ruine et d’interdiction de se rendre en Occident, écrit Piketty, gageons que ce groupe serait capable de se faire entendre du Kremlin. »
Bien sûr, à ce stade, les riches occidentaux résistent à de telles mesures car leurs « intérêts sont beaucoup plus étroitement liés à ceux des oligarques russes et chinois qu’on ne le prétend parfois ». Mais la guerre qui s’éternise ou qui passe à la destruction totale des villes ukrainiennes pourrait amener les Occidentaux à renoncer à leur fétichisation du « droit sacré à la propriété » – quand il s’agit de millionnaires russes, du moins.
Selon les calculs de l’économiste français, seuls quelque 100 000 Russes possèdent des actifs de 2 millions d’euros ou plus en Occident. Il s’agit essentiellement de la classe dirigeante de la Russie. Ce sont les personnes qui font fonctionner l’économie, les infrastructures, l’ordre civil, l’appareil administratif, les médias – toute la machine gouvernementale de la Russie de Poutine. S’il devient pour eux une source de douleur plutôt qu’un garant de privilèges, il n’y aura rien pour remplacer leur loyauté. L’oligarchie du Kremlin sera suspendue en l’air. Même le Kremlin en est conscient. Le secrétaire de presse de Poutine, Dmitri Peskov, a qualifié les mesures occidentales contre les oligarques russes d’attaque contre le « caractère sacré des droits de propriété ». Mais le plus important est que les membres de l’élite russe voient également le danger.
La filleule de Poutine, Ksenia Sobchak, qui fait toujours partie de l’opposition modérée et ultralibérale à son parrain, a piqué une crise révélatrice le 17 mars. « Biden a fait un discours devant le congrès, qui peut se résumer à : « Les gens en Ukraine meurent, donc… (roulement de tambour !) nous allons saisir les yachts des oligarques » », a-t-elle écrit. « Suis-je la seule à penser qu’il s’agit là d’un dégoûtant « réalisme révolutionnaire », où le contrat social est au-dessus de la loi ? Nous nous sommes transformés en personnages d’Ayn Rand. » Malgré leur indignation face aux menaces « communistes » de Biden, les membres de l’élite russe comprennent avec une clarté sans précédent que leur véritable problème est la préservation du pouvoir de Poutine.
La seule façon pour des élites coupées du pays de ne pas laisser l’ensemble de l’appareil gouvernemental s’effondrer est de mettre fin à la guerre dès que possible – ce qui leur permettrait de retrouver leur propre tranquillité d’esprit.
Poutine transforme sa guerre impérialiste en guerre civile
Face aux doutes croissants – voire à l’opposition pure et simple – sur le plan intérieur, la crainte des autorités est palpable. « L’Occident collectif tente de diviser la société, spécule sur les pertes militaires, les conséquences socio-économiques des sanctions, essaie de provoquer une résistance civile en Russie », a déclaré Poutine lui-même dans une allocution télévisée.
Il a qualifié de « cinquième colonne » et de « traîtres nationaux » celles et ceux qui « en raison de leur mentalité d’esclaves » s’alignent sur l’Occident. Il a également promis que le peuple « recrachera ces traîtres et ces salauds, comme une mouche qui s’est accidentellement envolée dans la bouche ». Pour l’instant, il ne s’agit pas tant de l’opposition de la base que des membres mécontents de l’élite. Toutefois, il est clair que le front de Poutine se déplace lentement de l’Ukraine vers la Russie elle-même.
Quelle que soit la situation sur les champs de bataille, l’importance de ce « front intérieur » ne fera que croître. Une défaite mal camouflée et une « paix honteuse » conduiront certainement à un resserrement des vis du contrôle dictatorial, de peur que la colère des patriotes d’hier n’explose. Mais la poursuite de la guerre amènera également le gouvernement à faire preuve d’une cruauté sans précédent et brutale envers toutes les voix dissidentes, afin que la dépression et la peur d’aujourd’hui ne se transforment pas en soulèvement demain.
Cela met en évidence une condition essentielle pour parvenir à un semblant de paix dans cette partie du monde. Tant que les militants anti-guerre sont arrêtés et frappés, la menace de nouveaux bains de sang demeure. Seule une démocratisation radicale, en Russie et au-delà, permettra d’instaurer une paix durable et des relations amicales entre les peuples de l’espace ex-soviétique.
Cette démocratisation commence par des étapes évidentes : la libération immédiate de tous les prisonniers politiques, l’abandon de la censure et de la violence politique, et l’ouverture de l’arène électorale. Mais elle doit inévitablement aller plus loin. Car Poutine et son cercle restreint ne sont pas les seuls à porter la responsabilité de la catastrophe d’aujourd’hui. Toute la classe dirigeante – ses hauts fonctionnaires, son establishment judiciaire, ses généraux, ses politiciens loyalistes et ses oligarques – a joué son rôle dans la création de cet enfer. Elle ne peut continuer à diriger le pays, même si elle doit payer le prix de la capitulation devant l’Occident. Les milliards qu’elle a pompés de la Russie et de l’Ukraine doivent être rendus aux personnes qui ont subi la guerre et la dictature. Ce sont elles et eux qui créeront le nouveau « contrat social » dont Ksenia Sobchak et son parrain ont si peur.
C’est pourquoi la condition essentielle de la paix doit être une démocratisation immédiate, exhaustive et sans compromis de la Russie elle-même. C’est ce à quoi la gauche, ainsi que toutes celles et tous ceux qui veulent arrêter cette guerre, doit faire tout son possible pour l’obtenir.
Alexey Sakhnin
La version originale de ce texte a été publiée par Jacobin le 22 mars.
https://www.contretemps.eu/ukraine-guerre-poutine-repression-dissidents-antiguerre/
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Ukraine : la guerre par le droit
Il y a la résistance armée. Il y a les sanctions économiques. Et il y a une offensive judiciaire sans précédent par sa rapidité et par l’étendue de sa gamme. La justice est la troisième arme de l’Ukraine face à l’invasion russe. Juridictions internationales, régionales et nationales sont mobilisées. Quel instrument sert à quoi dans cet usage stratégique du droit face au retour de la guerre en Europe ? Voici la carte de cette bataille parallèle.
https://www.justiceinfo.net/fr/89262-ukraine-guerre-droit.html?
Le « lawfare », en anglais, est une contraction de law (le droit ou la loi) et de warfare (la guerre). En somme, une guerre par le droit ou, plus généralement, « un usage stratégique du droit par un acteur du système international, dans le but de faire avancer une cause ou de bénéficier d’un avantage sur ses adversaires », selon une définition du chercheur français Adrien Estève, cité dans un article du journal Le Monde, il y a plus de deux ans.
Depuis son invasion par la Russie, le 24 février, l’Ukraine n’a pas seulement résisté de manière inattendue sur le plan militaire ; elle a également démontré une maîtrise remarquable de l’outil que représente la justice face à son agresseur. Deux cours internationales ont immédiatement été (ré)activées – la Cour internationale de justice et la Cour pénale internationale. Ainsi qu’une cour régionale, la Cour européenne des droits de l’homme, des systèmes de justice nationale (Allemagne, Pologne, les trois pays baltes, Espagne, Suède, Slovaquie, Suisse), dont la liste devrait s’allonger, ou encore des organes des Nations unies ayant des pouvoirs d’enquête, comme le Conseil des droits de l’homme. Sans oublier, bien entendu, ses propres moyens judiciaires autour de son procureur général.
Chacun de ces outils du droit vise à faire reconnaître par l’Ukraine son statut unilatéral de pays et de peuple victime, et d’exposer son ennemi comme le coupable de graves crimes internationaux, y compris celui d’agression, qui n’a jamais été aussi clairement invoqué depuis la Deuxième Guerre mondiale, à l’exception de l’invasion du Koweït par l’Irak en 1990. Chacun de ces outils a son champ spécifique, et limité, de compétences. Et c’est la combinaison de tous, sans doute, qui déterminera le succès de la stratégie ukrainienne et de ses soutiens.
Mais au même titre que cette guerre a fait basculer le monde et chamboule l’Europe, elle devient un enjeu de justice multiforme, rassemblant toute la panoplie des crimes internationaux – crimes de guerre, crimes contre l’humanité, génocide, crime d’agression – et mettant en action l’ensemble du paysage de la justice internationale. Avec une rapidité inédite dans l’histoire. La carte interactive de Justice Info doit vous servir à visualiser ces initiatives majeures et à comprendre les spécificités essentielles de chacune d’elles.
La bataille du droit en un coup d’oeil
Julia Crawford et Thierry Cruvellier, 25 mars 2022
JUSTICEINFO.NET
https://www.justiceinfo.net/fr/89262-ukraine-guerre-droit.html?
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L’Ukraine, la Lituanie et la Pologne créent une équipe commune pour enquêter sur les crimes de guerre de la Russie. Les procureurs généraux des trois pays ont signé un accord pour travailler conjointement à la collecte, au stockage sécurisé et à l’échange rapide de preuves des crimes de guerre commis par la Russie en Ukraine, a déclaré la procureure générale d’Ukraine, Iryna Venediktova.
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Russie : Des opposants à la guerre en Ukraine sont arrêtés et harcelés
Les autorités ont arrêté arbitrairement et harcelé judiciairement des détracteurs du gouvernement, ont perquisitionné leurs domiciles et ont lancé des campagnes de dénigrement à leur encontre. Des assaillants non identifiés ont agressé physiquement des activistes et ont saccagé les bureaux d’organisations de défense des droits humains. Ces dernières semaines, divers responsables de haut rang, dont le président Vladimir Poutine, ont qualifié les opposants à la guerre de « traîtres à la nation ».
« Après avoir déjà intensifié la répression de leurs détracteurs en 2021, les autorités ont encore accentué leur chasse aux sorcières, afin de punir tout sentiment anti-guerre », a déclaré Hugh Williamson, directeur de la division Europe et Asie centrale de Human Rights Watch. « Le gouvernement décrit les journalistes indépendants et les activistes comme des traîtres et il les traite comme des éléments constituant une menace pour l’État. »
Le 2 mars, le chef du Comité d’investigation, le service russe de sûreté criminelle, a ordonné la création de groupes interagenciels de réaction rapide, en rapport avec « les événements en Ukraine. » Ces groupes sont chargés d’empêcher « les activités extrémistes et terroristes, les manifestations non autorisées et les provocations », ainsi que les autres activités « de déstabilisation ». Il a également souligné la nécessité de contrôler l’information.
Lors des quatre semaines qui se sont écoulées depuis que la Russie a lancé son invasion massive de l’Ukraine, le 24 février 2022, des centaines de milliers de personnes à travers la Russie ont participé à des manifestations pacifiques pour exprimer leur opposition à la guerre et leur mécontentement à l’égard du gouvernement. La police a arrêté arbitrairement des milliers de ces manifestants pacifiques.
Les autorités russes ont également arrêté des activistes dans tout le pays et perquisitionné leurs domiciles, apparemment en réaction à leur participation au mouvement pacifique anti-guerre. Ces perquisitions et arrestations, effectuées sous couvert de poursuites criminelles pour des motifs douteux, ont eu lieu dans de nombreuses villes du pays, dont Moscou, Saint-Petersbourg, Pskov, Volgograd, Krasnodar, Novosibirsk, Rostov-sur-le-Don, Arkhangelsk, ainsi que dans la région de Kaluga.
Parmi les personnes arrêtées arbitrairement, figurent Svetlana Prokopieva, une journaliste basée à Pskov, et Denis Kamaliaguine, rédacteur en chef du journal indépendant local Pskovkaya Guberniya. Le 18 mars, la police anti-émeute a perquisitionné leurs domiciles en réaction à un message anonyme paru sur le site Telegram critiquant la manière dont le gouverneur régional de Pskov avait caractérisé la mort en Ukraine de soldats originaires de Pskov. La police a effectué les perquisitions sans mandat légal, invoquant « l’urgence » dans ce cas en affirmant que les journalistes pourraient « détruire des éléments de preuve ». La police avait fouillé les bureaux de Pskovskaya Guberniya la semaine précédente. Le 5 mars, les autorités ont gelé le site internet du journal, l’ajoutant à une liste déjà longue de médias indépendants dont l’accès est bloqué.
Svetlana Prokopieva, qui avait été poursuivie en justice en juillet 2020 sous l’accusation fallacieuse de terrorisme, et Denis Kamaliaguine, désigné comme un «agent de l’étranger », ont fui la Russie, de crainte d’être traduits devant un tribunal.
Le 17 mars, le mouvement activiste Vesna (« Printemps »), qui s’exprime ouvertement contre la guerre, a affirmé que des assaillants non identifiés avaient agressé son coordinateur à Moscou, le rouant de coups de pied au visage.
Des activistes et des journalistes ont également affirmé que des vandales anonymes avaient peint la lettre « Z », symbole des forces russes en Ukraine, sur la porte de leur appartement, ainsi que l’avertissement « Ne trahissez pas votre patrie » et l’accusation « Un traître habite ici ».
La police arrête régulièrement les journalistes indépendants qui couvrent les manifestations anti-guerre et, dans certains cas, leur a rendu visite à leur domicile, apparemment dans le but de les harceler et de les mettre en garde contre toute participation à des manifestations.
Les autorités ont également engagé des poursuites pénales pour « propagation de fausses informations au sujet de l’armée russe » contre deux journalistes, Andrey Novashov et Alexandre Nevzorov, et une bloggeuse, Veronika Belotserkovskaya. Ces poursuites sont engagées en vertu de nouveaux amendements au code pénal adoptés le 4 mars. Un enquêteur a dit à Novashov qu’il devrait présenter des excuses à l’armée russe, mais il a refusé. Tous les trois ont publié des informations sur des attaques menées par les forces russes contre des objectifs civils en Ukraine. Les autorités ont également engagé des procédures similaires contre au moins trois autres personnes qui ne sont pas des journalistes.
Le 10 mars, le parlement a adopté des amendements créant un registre unique des personnes considérées comme « agents de l’étranger » et de celles qui leur sont associées, qui contiendrait les personnes qui ont déjà été désignées comme telles, auxquelles s’ajouteraient les individus qui ont été, ou continuent d’être, membres, fondateurs ou dirigeants d’organisations ou de médias caractérisés comme « agents de l’étranger. »
« Les autorités ont l’intention d’écraser la société civile russe et le mouvement pacifique anti-guerre et, dans ce but, elles les intimideront, les calomnieront et les frapperont d’ostracisme », a affirmé Hugh Williamson. « Elles essayent manifestement d’ouvrir la voie à l’instauration d’un État policier basé sur un contrôle absolu et sur la peur. »
Communiqué complet en anglais, comprenant des informations plus détaillées :
www.hrw.org/news/2022/03/24/russia-arrests-harassment-ukraine-war-dissidents
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Ouvrir immédiatement l’accès à l’école et à la formation aux enfants et aux jeunes qui ont fui l’Ukraine
Lettre ouverte aux autorités fédérales et cantonales
Le SSP est actif dans la campagne « Éducation pour toutes et tous – maintenant ! ». Au vu de la situation en Ukraine, nous avons envoyé une lettre ouverte au Conseil fédéral.
Des centaines de milliers de personnes fuient la guerre en Ukraine. Nous soutenons le plan du Conseil fédéral d’accueillir de manière non bureaucratique les personnes qui ont fui l’Ukraine pour se réfugier en Suisse et de leur accorder une protection étendue.
La plupart des personnes exilées sont des femmes et des enfants. Dans les explications données et dans les préparatifs entrepris jusqu’à présent par la Confédération et les cantons, un thème important n’a encore guère été abordé: la scolarisation des enfants et l’accès à la formation pour les jeunes. Il est maintenant hautement prioritaire de planifier rapidement la manière d’organiser et de concevoir la scolarisation et l’accès à la formation pour ces personnes qui ont fui l’Ukraine.
Nous invitons le Conseil fédéral, en collaboration avec la CDIP, à élaborer rapidement un concept pour la scolarisation et l’accès à la formation des enfants et des jeunes exilés ayant fui l’Ukraine, sur lequel les cantons pourront s’appuyer.
Plus d’infos sur nos revendications dans la lettre ouverte à télécharger ci-dessous.
11 mars 2022
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Russie. Le narratif télévisuel de la guerre et les interrogations de certains journalistes
Dmitri Likin a passé plus de deux décennies à contribuer à façonner l’image de la télévision d’Etat russe, mais il affirme que ni lui ni ses amis jamais ne regardaient les informations.
C’est une illustration du type d’accord conclu depuis longtemps par certains employés de la machine de propagande du Kremlin – des personnes qui appréciaient le travail régulier et le défi créatif, même s’ils n’étaient pas d’accord avec l’objectif de leur fonction.
Ce n’est que ce mois-ci, après l’invasion de l’Ukraine par le président Vladimir V. Poutine, que Dmitri Likin a démissionné de son poste de directeur artistique de longue date de Pervy Kanal(Première chaîne), le réseau de télévision d’Etat russe qui est un acteur majeur de l’appareil de propagande tentaculaire du Kremlin. Il a insisté sur le fait qu’il n’était « pas un politicien », mais que l’invasion signifiait qu’il faisait désormais partie d’une opération dont l’objectif était « d’exterminer des vies ».
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« En Russie, la télévision est faite pour les gens qui, pour une raison ou une autre, sont trop paresseux pour utiliser des sources d’information alternatives », a déclaré Dmitri Likin dans un entretien téléphonique, en réfléchissant à son public. « Ce sont simplement des gens qui manquent d’éducation, ou qui n’ont pas l’habitude d’analyser. »
L’invasion de l’Ukraine par Poutine a conduit certains Russes qui ont longtemps travaillé pour le gouvernement à rompre leurs liens avec lui, ce qui témoigne a contrario de la façon dont le Kremlin s’efforce de maintenir l’unité de la société face à la guerre. Des milliers de personnes ont été arrêtées pour protester contre l’invasion de l’Ukraine, des dizaines de milliers ont fui le pays. Et le mercredi 23 mars, l’envoyé de Poutine auprès des organisations internationales, en particulier pour le climat, Anatoli Tchoubaïs, est devenu le premier haut fonctionnaire du gouvernement à avoir démissionné depuis le début de l’invasion le 24 février [Tchoubaïs a été photographie à Istanbul].
Au moins quatre démissions très médiatisées ont eu lieu au sein des chaînes de télévision publiques russes, un pilier essentiel de la domination de Poutine sur la politique intérieure du pays. Marina Ovsyannikova, l’employée de Pervy Kanal qui a interrompu un journal télévisé en direct la semaine dernière pour déployer une affiche anti-guerre sur laquelle on pouvait lire « Ils vous mentent ici », a offert l’acte de protestation le plus frappant. D’autres, comme Dmitri Likin, ont agi plus discrètement, donnant un aperçu de l’agitation au sein du système de Vladimir Poutine – et rappelant l’immense pouvoir de la télévision dans la façon dont la plupart des Russes voient la guerre.
« Les gens sont tout simplement déprimés – cliniquement déprimés », a déclaré Zhanna Agalakova, une correspondante de Pervy Kanal qui a démissionné ce mois-ci, à propos de certains de ses collègues restés au pays. « Beaucoup de personnes qui réfléchissent ressentent leur propre culpabilité. Et il n’y a pas d’issue, vous comprenez ? Demander simplement pardon ne suffit pas. »
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Tous les réseaux de télévision nationaux de Russie sont contrôlés par le Kremlin, et bien que leur influence ait diminué avec l’essor de YouTube et des médias sociaux, ils restent la principale source d’information du public. L’année dernière, environ deux tiers des Russes ont utilisé la télévision d’Etat pour obtenir leurs informations, contre 90% en 2014, selon les enquêtes du Levada Center, un institut de sondage indépendant de Moscou.
Pendant la guerre, les chaînes de télévision d’Etat ont livré aux Russes une image du conflit à l’opposé de ce que les gens voient en Occident. Les Russes sont les « types bien », comme ils l’étaient lorsqu’ils combattaient l’Allemagne nazie pendant la Seconde Guerre mondiale, libérant les terres ukrainiennes saisies par des néonazis financés par l’Occident hégémonique. Les images de civils morts et de maisons détruites sont mensongèrement qualifiées de fausses ou de conséquences des bombardements ukrainiens.
« Les résidents locaux disent que l’armée ukrainienne tire délibérément sur les bâtiments résidentiels», a déclaré un journaliste de Pervy Kanal dans une émission diffusée mercredi depuis la ville ukrainienne de Marioupol, cible de certains des bombardements russes les plus féroces de la guerre. « D’autres disent que les nationalistes [ukrainiens] ont reçu l’ordre de détruire la ville autant que possible avant de battre en retraite. »
La plupart des Russes, selon les sondeurs, adhèrent au message diffusé dans leur salon – d’autant plus que la guerre est présentée comme une extension logique du récit d’inimitié et de grief envers l’Occident que la télévision russe promeut depuis des années. La plupart des journalistes de la télévision d’Etat sont, pour l’instant, restés à leur poste, amplifiant jusqu’à l’extrême le message de la Russie luttant pour son droit à l’existence. Liliya Gildeyeva, présentatrice qui a quitté la chaîne publique NTV, a déclaré cette semaine au média russe The Insider qu’elle ne pouvait pas juger ses collègues qui étaient restés – et a reconnu qu’elle avait elle-même fait compromis sur compromis, ne réalisant que lorsque la guerre a commencé jusqu’où elle était allée. « Lorsque vous vous laissez progressivement aller, vous ne remarquez pas la profondeur de la chute », a-t-elle déclaré.
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Le choc de la guerre semble être ce qui a poussé des dizaines de milliers de Russes à un exode historique au cours des dernières semaines, prenant des avions pour des destinations qui acceptaient encore des vols depuis la Russie, comme la Turquie et l’Arménie. Si certains étaient des journalistes et des militants fuyant une éventuelle arrestation, beaucoup d’autres étaient des salariés du secteur des technologies et d’autres jeunes professionnels qui, soudainement, ne voyaient plus d’avenir pour eux en Russie.
Certains membres de l’élite russe ont également pris la poudre d’escampette. La nouvelle du départ le plus médiatisé jusqu’à présent est tombée mercredi lorsque Bloomberg News a rapporté qu’Anatoli Tchoubaïs, l’envoyé du Kremlin pour le climat, avait démissionné en raison de la guerre en Ukraine et quitté le pays. Le Kremlin a confirmé qu’Anatoli Tchoubaïs avait démissionné. Il était considéré comme l’un des rares fonctionnaires d’esprit libéral restant dans le gouvernement de Vladimir Poutine. Son rôle de premier plan dans les réformes économiques des années 1990 à Moscou l’a rendu impopulaire dans une grande partie de la société russe.
Il est loin d’être évident que les récriminations d’une partie de l’élite puissent déstabiliser d’une quelconque manière le gouvernement de Vladimir Poutine. Dmitri Likin, l’ancien directeur artistique de Pervy Kanal, a déclaré qu’il pensait que les personnes qui, comme lui, étaient prêtes à démissionner en raison de leurs principes, constituaient une « infime minorité » de la population russe.
« Beaucoup de gens ne travaillent pas pour défendre une idée », a déclaré Zhanna Agalakova, l’ancienne correspondante de Pervy Kanal, à propos de ses ex-collègues restés au pays. « Les gens ont une famille, ont des dettes et ont une sorte de besoin de survivre. »
Ceux qui ont quitté leur emploi à la télévision d’Etat, et surtout ceux qui s’expriment, sont confrontés à un avenir incertain. Zhanna Agalakova s’est exprimée par téléphone depuis Paris, où elle était basée en tant que correspondante, et a déclaré que certaines de ses connaissances avaient cessé de communiquer avec elle après sa démission. Dmitri Likin a affirmé qu’il prévoyait de rester en Russie et de poursuivre sa carrière parallèle d’architecte. Il a ajouté qu’il pourrait envisager de revenir à la télévision si celle-ci « changeait son programme, passant d’un programme d’extermination de la vie à un programme d’affirmation de la vie ».
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Les sondages commandités par le gouvernement affirment que la plupart des Russes soutiennent l’invasion de Poutine, bien que les analystes préviennent que les gens sont encore moins susceptibles de répondre honnêtement aux enquêtes en temps de guerre. Des années de propagande à la télévision russe, reconnaît aujourd’hui Zhanna Agalakova, ont préparé le terrain pour la guerre, notamment en instrumentalisant le souvenir des Russes du sacrifice de leur pays pendant la Seconde Guerre mondiale pour qu’ils soutiennent les politiques actuelles du Kremlin.
« Bien sûr, lorsque le concept de nazisme est jeté dans la société, comme s’il se trouvait littéralement dans notre jardin en Ukraine, tout le monde réagit instantanément », a déclaré Zhanna Agalakova, en faisant référence aux fausses affirmations du Kremlin selon lesquelles la Russie combat les nazis en Ukraine. « C’est une opération éhontée. C’est une opération frauduleuse. »
Au milieu de ce barrage de propagande, les Russes qui se méfient de la télévision ont trouvé de moins en moins d’endroits vers lesquels se tourner pour obtenir des informations plus précises. Depuis le début de la guerre, la station de radio libérale Echo de Moscou a été fermée, la chaîne de télévision indépendante Dojd (La Pluie) a cessé d’émettre pour la sécurité de son personnel, et l’accès à Facebook et Instagram a été bloqué par le gouvernement.
Mardi, les autorités russes ont annoncé qu’un journaliste populaire, Aleksandr G. Nevzorov, faisait l’objet d’une enquête criminelle pour avoir posté sur sa page Instagram des informations sur le bombardement russe de Marioupol. Il s’agissait du dernier effort en date pour semer la peur parmi les détracteurs de la guerre en annonçant l’application d’une nouvelle loi qui prévoit jusqu’à 15 ans de prison pour toute déviation du récit officiel de ce que le Kremlin appelle une « opération militaire spéciale » en Ukraine.
Denis Volkov, directeur du centre de sondage Levada, estime que le véritable test pour l’opinion publique russe est encore à venir, au moment où les difficultés économiques provoquées par les sanctions occidentales se répercuteront sur la société. Il a néanmoins déclaré qu’il pensait que le récit du Kremlin, selon lequel l’Occident transforme l’Ukraine pour détruire la Russie, et la Russie mène au loin un noble combat pour protéger son peuple, était si fortement ancré dans l’esprit des téléspectateurs qu’il était peu probable qu’il soit écarté de sitôt. « Ce qui semble correspondre est accepté, ce qui ne correspond pas est tout simplement rejeté », a-t-il expliqué à propos de la façon dont de nombreux Russes perçoivent les informations afin d’être en accord avec le récit télévisé.
« Ce qui est vrai ou pas vrai n’a pas d’importance. »
Anton Troianovski
Anton Troianovski est responsable du bureau du New York Times à Moscou
Article publié dans le New York Times, le 24 mars 2022 ; traduction rédactionA l’Encontre
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Solidarité Ukraine Paris 11e
Alors que l’inacceptable invasion russe se poursuit en Ukraine, il est nécessaire de montrer notre solidarité et notre soutien aux citoyen·ne·s et organisations ukrainien·nes, russes et belarusses engagé·es pour les droits humains et contre la guerre, et à toutes les victimes de ce conflit.
Nous, citoyennes et citoyens, associations, organisations du11e,
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nous réunirons le 4 avril à 19h pour mettre en commun dans notre arrondissement l’information et la solidarité, (Café de Paris.158 rue Oberkampf, M° Ménilmontant
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d’ores et déjà faisons notre, signons et faisons signer l’appel des associations, syndicats et personnalités qui avaient pris l’initiative de manifestations le jeudi 17 mars dans toutes les villes de France, (https://crid.asso.fr/russie-hors-dukraine-solidarite-partout-rassemblements-en-france-le-17-mars/) pour :
Exprimer notre solidarité avec la population d’Ukraine victime du crime d’agression commis par le gouvernement russe contre leur pays, invitant tous les responsables politiques européens à mobiliser toute leur énergie pour :
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Obtenir un cessez-le-feu et le retrait des troupes russes d’Ukraine,
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Obtenir la fin immédiate des attaques ciblées et indiscriminées contre les civils et infrastructures civiles en Ukraine,
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Fournir aux victimes de la guerre toute l’assistance humanitaire possible, et assurer un passage sûr pour les civils pris dans le conflit,
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Accueillir dans les différents pays toutes les personnes fuyant l’Ukraine à la recherche d’un refuge,
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S’assurer qu’aucune personne, quelle que soit sa nationalité, ne soit bloquée aux frontières ukrainienne ou européenne (externes ou internes de l’UE), et que toutes puissent trouver une protection dans des conditions dignes et respectueuses de leurs droits, dans l’Union européenne,
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Mobiliser des moyens pour que les activistes ukrainien·nes pour la démocratie et les droits humains soient protégé·es, accueilli·es, et soutenu·es,
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Assurer par tous les moyens possibles un soutien et une protection aux acteurs de la société civile russe et bélarusse qui sont opposés à la guerre,
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Préserver les canaux d’information permettant aux populations ukrainienne, russe et bélarusse de recevoir des informations fiables, soient préservés.
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Lutter contre l’impunité des responsables de crime d’agression et de crimes de guerre.
À l’heure où une guerre aux graves conséquences sévit en Europe, il est impératif que vive la solidarité internationale pour la défense des libertés de toutes et tous.
Envoyez vos signatures collectives ou individuelles
(Nom et prénom, ou organisation – qualités – adresse mail ) à :
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« La menace d’un déploiement d’armes nucléaires est plus grande aujourd’hui qu’elle ne l’a jamais été pendant la guerre froide »
Au cours des premiers mois de 2003, je me trouvais dans la capitale kurde Erbil, dans le nord de l’Irak, une zone échappant au contrôle du gouvernement irakien, et j’attendais le début de l’invasion menée par les Etats-Unis. Les Kurdes n’étaient que trop habitués à la guerre conventionnelle, mais ce qui les terrifiait vraiment, c’était la perspective que les forces de Saddam Hussein utilisent des armes chimiques.
Les Kurdes avaient été assurés par le président George W. Bush et Tony Blair, ainsi que par le reste du monde, que le dictateur irakien cachait ses armes de destruction massive (ADM). Quinze ans plus tôt, en 1988, les forces irakiennes avaient utilisé du gaz moutarde et des agents neurotoxiques pour tuer 5000 civils kurdes dans la ville de Halabja [à 15 km de la frontière iranienne et à 240 km au nord-est de Bagdad] – la plus grande utilisation directe de gaz toxique comme arme contre une cible civile de l’histoire. Il n’est pas étonnant que les habitants d’Erbil et d’autres villes kurdes, dont aucune n’est très éloignée de Halabja, aient eu peur que cette calamité ne se reproduise.
Une grande partie de la population a fui les zones urbaines pour aller camper dans les plaines et les montagnes ou s’entasser dans de minuscules villages. Ceux qui sont restés ont acheté des bâches en plastique inappropriées, souvent aux couleurs rouge, vert et jaune [1], qu’ils ont épinglées sur les portes et les fenêtres de leurs maisons et de leurs magasins dans l’espoir pathétique qu’elles empêcheraient le gaz mortel d’entrer.
En l’occurrence, les armes chimiques et biologiques du gouvernement irakien se sont révélées être un mythe, mais la terreur qu’elles ont causée était bien réelle.
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Elle renaît aujourd’hui 34 ans après Halabja car la Russie, contrairement à l’Irak, possède certainement des ADM et pourrait être tentée de les utiliser. Jeudi 24 mars, à Bruxelles, le président Joe Biden a mis en garde le Kremlin contre l’utilisation d’armes chimiques, affirmant qu’en cas d’une telle attaque « la nature de la réponse dépendra de la nature de cette utilisation ». Il n’a pas précisé en quoi consisteraient ces représailles, mais le simple fait de soupçonner que les armes chimiques sont une option pourrait déclencher un nouvel exode géant d’Ukrainiens, comme ce fut le cas au Kurdistan irakien.
La raison publique donnée par les Etats-Unis pour supposer que la Russie pourrait envisager la guerre chimique est que la Russie a affirmé que des armes biologiques étaient développées dans des laboratoires ukrainiens financés par le Pentagone. Il semble qu’il s’agisse d’une propagande grossière et que les laboratoires en question développaient des agents pathogènes communs à des fins de santé publique. L’explication la plus probable de l’accusation du président Vladimir Poutine est qu’il cherchait à tâtons des menaces imaginaires pour expliquer au public russe pourquoi il a lancé sa guerre et non parce qu’il envisage d’utiliser lui-même des armes chimiques.
Néanmoins, le fait de soulever la question des ADM constitue une étape supplémentaire dans l’escalade en Ukraine et ajoute aux sombres incertitudes. En Irak, l’existence même des ADM a été longtemps débattue. En Syrie, la controverse a fait rage pour savoir si elles avaient été utilisées ou non et, si oui, par qui [2]. En Russie, il ne fait aucun doute que les armes sont là et qu’elles pourraient être déployées immédiatement.
Quelle que soit la menace réelle que représentent les armes chimiques, le risque d’utilisation d’ADM a atteint un niveau jamais vu en Europe depuis 1945. Plus inquiétant encore, le risque d’un échange nucléaire est plus élevé aujourd’hui qu’il ne l’était au plus fort de la guerre froide entre les puissances occidentales et l’Union soviétique.
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Ce danger n’est pas statique, mais il s’est aggravé depuis l’invasion de l’Ukraine par Poutine le 24 février et s’est encore accentué au cours des quatre semaines suivantes, lorsque la démonstration de force russe s’est transformée en démonstration de faiblesse. La machine militaire conventionnelle russe s’est avérée plus faible que prévu, incapable de vaincre la petite armée ukrainienne et donc peu susceptible de tenir tête aux forces de l’OTAN.
La seule façon pour le Kremlin de rétablir l’équilibre de la puissance militaire sera de recourir à son arsenal nucléaire et, en particulier, à ses 1000 à 2000 armes nucléaires tactiques.
Cet accent mis sur l’option nucléaire n’est pas nouveau, puisque l’armée russe est consciente du déclin de ses capacités depuis 30 ans. Pendant la première guerre froide, entre la fin des années 1940 et 1989, les Etats-Unis et l’URSS ont mis l’accent sur des armes nucléaires 2000 à 3000 fois plus puissantes que la bombe qui a détruit Hiroshima. La « destruction mutuelle assurée » constituait ainsi un moyen de dissuasion extrêmement puissant contre le lancement d’une frappe nucléaire.
Mais au cours des dernières décennies, les Etats-Unis et surtout la Russie ont mis l’accent sur le développement de dispositifs nucléaires plus petits, trois fois moins puissants que la bombe d’Hiroshima. L’objectif de cette réduction de la capacité de destruction est de rendre possible le déploiement de telles armes sur un champ de bataille pour détruire un convoi ou un bastion ennemi.
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Il s’agit d’un terrain militaire dangereux et non testé, car personne ne sait comment l’autre camp réagirait, et un échange de missiles nucléaires tactiques en rase campagne pourrait rapidement dégénérer en destruction apocalyptique de villes par des missiles balistiques intercontinentaux.
Les troupes russes pratiquent depuis longtemps le passage de la guerre conventionnelle à la guerre nucléaire au niveau tactique. L’armée russe aurait organisé à plusieurs reprises des exercices au cours desquels Kaliningrad, l’enclave russe vulnérable sur la mer Baltique, est défendue avec succès par l’utilisation d’armes nucléaires.
Les partisans d’une ligne plus dure de l’OTAN à l’égard de la Russie soutiennent que Poutine ne prendrait pas le risque d’un échange nucléaire. Mais il s’agit là d’un joker risqué car nous ne savons pas comment Poutine et ses conseillers réagiront à la pression. Ce qui est clair, c’est qu’ils ont commis une série d’erreurs de jugement désastreuses au cours du mois dernier en sous-estimant la force de la résistance ukrainienne, en exagérant les capacités militaires de la Russie et en évaluant mal la vigueur de la réaction de l’OTAN à l’invasion.
Un tel bilan d’erreurs involontaires de cette gravité, de bévues probablement dues à l’orgueil démesuré et à la désinformation, ne permet pas de croire que Poutine et son cercle intime feront preuve d’un meilleur jugement lorsqu’il s’agira d’armes chimiques et nucléaires.
Paradoxalement, ceux qui sont les plus enclins à exiger que l’OTAN adopte une ligne plus dure à l’égard de Poutine, qu’ils dénoncent comme un dictateur fou et malfaisant, font valoir qu’il reculera si son bluff est mis en doute de manière suffisamment énergique. Ce vœu pieux ne semble fondé sur rien d’autre que la rengaine de la cour d’école selon laquelle « un tyran est toujours un lâche ». En réalité, personne ne sait comment Poutine réagirait s’il était dos au mur et s’il devait se battre pour la survie de son régime.
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Les dirigeants politiques peuvent comprendre ces risques, mais ils sont soumis à la pression populaire, comme l’étaient leurs prédécesseurs il y a un siècle pendant la Première Guerre mondiale, pour agir de manière plus résolue. La russophobie est l’humeur du jour, tout comme la germanophobie l’était en 1914. Un cours de littérature sur Dostoïevski est abandonné en Californie (mais rétabli après des protestations) et Tchaïkovski est rayé du programme d’un concert à Cardiff [3]. Lorsque les Russes progresseront en Ukraine, cherchant à soumettre les villes grâce aux bombardements, les écrans de télévision occidentaux seront remplis durant des mois d’images d’enfants morts et mourants. Le compromis diplomatique sera au rabais.
Un autre facteur qui rend la deuxième guerre froide contre Moscou plus dangereuse que la première est que la crainte passée d’un Armageddon nucléaire s’est largement évaporée. Le fait qu’il ne se soit jamais produit a favorisé le sentiment qu’il n’aurait jamais pu se produire – bien que toute évaluation réaliste du risque suggère que le danger est aujourd’hui plus grand qu’il ne l’a jamais été dans le passé.
Patrick Cockburn
Article publié sur le site iNews, le 26 mars 202 2; traduction rédaction A l’Encontre
[1] «Ses trois couleurs symbolisent la détermination et le courage (rouge), les collines et les plaines du Kurdistan (vert), la paix et la prospérité (blanc). Frappé en son centre, le soleil jaune évoque les origines zoroastriennes de ce peuple, avec vingt et un rayons, en référence au Nouvel An kurde (Newroz) célébré chaque année le 21 mars. » (Manière de voir, février-mars 2020)
[2] « L’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) a établi, lundi 12 avril 2021, après une enquête, que l’armée de l’air syrienne a utilisé du chlore, une arme chimique, lors d’une attaque dans la ville de Saraqueb en 2018.» (Le Monde, 21 avril 2021)
[3] La déprogrammation d’œuvres de Prokofiev, de Tchaïkovski, de Moussorgski, pour faire exemple, s’inscrit dans une russophobie, qui piétine les principes de liberté d’expression et fait bon marché – dans le cours d’un discours banalisé, de facto une propagande – d’un patrimoine culturel universel. Cela offre, de plus, des atouts à Poutine dans sa propre propagande sur une « attaque occidentale contre le peuple russe », qu’il assimile aux autodafés nazis dans son discours du 25 mars. (Réd. A l’Encontre)
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Ces Biélorusses qui combattent pour l’Ukraine
Le bataillon biélorusse nommé d’après Kastus Kalinowski a rejoint les forces armées ukrainiennes et les soldats ont prêté serment.
Source : Bataillon de Kastus Kalinowski dans le Telegram
Littéralement : « En ce jour important de l’histoire biélorusse, le serment a été prêté par les volontaires du bataillon Kastus Kalinowski. Notre bataillon fait partie des forces armées ukrainiennes.
Le vœu a été rédigé en biélorusse par nos volontaires.,Nous sommes convaincus qu’à l’avenir ce texte sera la base du serment de la véritable armée biélorusse. »
Pour référence : Le bataillon a été créé après l’attaque russe contre l’Ukraine.
Le 25 mars, les Biélorusses célèbrent la Journée de la liberté, une fête nationale non officielle, l’anniversaire du premier État national de Biélorussie, la République populaire de Biélorussie (25 mars 1918).
Vincent Konstantin Kalinowski est l’un des leaders régionaux du soulèvement polonais de janvier dans la Lituanie et la Biélorussie modernes, dirigé contre l’Empire russe.
Branis Katic
Suivez mon journal sur l’Ukraine:
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Soutien aux journalistes en Ukraine et en Russie qui continuent à informer
La guerre fait rage depuis déjà plus de trois semaines en Ukraine. Elle a provoqué des milliers de morts parmi les civils et au moins cinq morts parmi les journalistes. La précarité et la censure frappent les médias, en Ukraine avec des médias et des journalistes aux capacités d’action réduites, et en Russie avec une liberté d’expression interdite par le pouvoir. Le SNJ met en œuvre ses moyens aux côtés de la Fédération internationale des journalistes (FIJ) et de son organisation régionale, la Fédération européenne des journalistes (FEJ), pour venir en aide aux confrères et consoeurs ukrainiens et russes en danger.
Parmi nos propositions en accord avec les autres organisations syndicales et associations de la profession en France :
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la réinstallation à l’étranger de journalistes ;
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l’hébergement temporaire de journalistes ;
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l’ouverture d’un centre de coordination de l’aide à la presse en Pologne, à la frontière ukrainienne.
Réuni en Comité national les 18 et 19 mars à Paris, le SNJ appelle les médias français à ouvrir leurs colonnes ou leur temps d’antenne à des confrères/consœurs ukrainiens et russes qui auraient trouvé refuge hors de la zone d’opération militaire spéciale.
Le SNJ apporte son soutien aux journalistes en Ukraine et en Russie qui continuent à informer.
Paris, le 19 Mars 2022
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Lignes de front (26 mars 2022)
En complément de mon article [1] publié dans le volume 2 de Démocratie et liberté pour les peuples d’Ukraine [2], je livre ici quelques éléments d’information et d’analyse – des « lignes de front » – relevés dans diverses publications. Cela afin d’aider à comprendre comment et pourquoi l’Ukraine en armes résiste à l’impérialisme russe et à son « rouleau compresseur [3] ».
Les notes que je livre ont été prises en parcourant divers organes de presse ; c’est pourquoi je fais largement usage de citations et de guillemets.
Ce sont bel et bien des commentaires et des analyses formulés par des « milieux autorisés » (certes sujets à discussion…).
Les experts en manipulations de mots et de concepts – les amis (publics ou honteux) du régime de Vladimir Poutine, les nostalgiques de l’URSS du vojd ou encore les partisans d’une sorte de « Munich diplomatique » – pourront toujours souligner que les sources que j’utilise [4] sont issues des milieux « impérialistes [5] ». Je l’assume.
Avec ces notes brutes de fonderie, j’espère contribuer ainsi à « l’analyse concrète d’une situation concrète ».
[1] « L’armée russe est un tigre de papier et le papier est maintenant en feu ».
[3] Comme Poutine, Mark Milley, le chef d’état-major interarmées états-unien, avait déclaré devant le Congrès que la capitale ukrainienne « pourrait tomber dans les 72 heures d’une invasion russe. »
[4] The Kyiv Independent, Défense nationale, Janes, The Wall Street Journal, Vox, Institut for the Study of War (ISW), ainsi que les voix des opposants russes (en anglais) à la guerre, la presse ukrainienne (en anglais) et quelques autres.
[5] Je me souviens d’ailleurs d’un temps, alors que j’étais moi-même « sous les drapeaux », où l’activité démocratique au sein de l’armée française était dénoncée à droite comme « faisant le jeu de l’URSS » et à gauche comme « nuisible à l’indépendance nationale » (la France, je le rappelle, avait à l’époque quitté le commandement intégré de l’OTAN).
Patrick Silberstein
* – *
Évaluation américaine [Fredrick W. Kagan et George Barros], de la campagne offensive, 26 mars
Les forces russes ont poursuivi leurs efforts infructueux pour se mettre en position d’attaquer ou d’encercler Kiev, malgré les déclarations du premier chef adjoint de l’état-major général russe, Sergei Rudskoi, le 25 mars. L’armée russe continue de concentrer les remplacements et les renforts en Biélorussie et en Russie au nord de Kiev, de se battre pour des positions à la périphérie de Kiev et de tenter d’achever l’encerclement et la réduction de Tchernihiv. Les activités russes autour de Kiev ne montrent aucun changement dans la priorité accordée par le haut commandement russe au combat autour de la capitale ukrainienne, qui continue d’occuper la plus grande concentration unique de forces terrestres russes en Ukraine. Les Russes n’ont pas prétendu redéployer des forces de Kiev ou de toute autre partie de l’Ukraine pour se concentrer sur les combats dans le Donbas, et nous avons observé de nombreux indicateurs qu’ils ne l’ont pas fait. La nature de plus en plus statique des combats autour de Kiev reflète l’incapacité des forces russes plutôt qu’un quelconque changement dans les objectifs ou les efforts russes à l’heure actuelle.
Les forces russes vont probablement diviser la ville de Mariupol en deux dans les jours à venir, comme elles le prétendent, et vont probablement prendre le contrôle de la ville dans un avenir relativement proche. Les combats à Mariupol continuent cependant d’être féroces et les forces russes continuent de subir des pertes importantes. La quantité de puissance de combat que les Russes seront en mesure de récolter à Marioupol une fois qu’ils auront pris le contrôle de la ville déterminera si la chute de la ville permettra aux Russes de lancer de nouvelles opérations offensives à grande échelle dans l’est de l’Ukraine. On ignore encore à quel point les unités russes qui se battent pour Marioupol sont endommagées – ou combien de dommages supplémentaires elles subiront en achevant la prise de la ville – mais les pertes importantes subies par les unités de combat russes d’élite et conventionnelles telles que la 810e brigade d’infanterie navale et la 150e division de fusiliers motorisés, qui ont toutes deux perdu leurs commandants au cours des dernières semaines, suggèrent que les pertes de ces unités sont élevées [1].
Les forces ukrainiennes continuent de mener des contre-attaques limitées à travers le théâtre, plus récemment près de Kharkiv. Les contre-attaques ukrainiennes ont été prudentes et efficaces, permettant aux forces ukrainiennes de reconquérir de petites zones de terrain tactiquement ou opérationnellement importantes sans se surmener.
L’état-major général ukrainien rapporte que l’armée russe poursuit ses efforts pour remplacer les pertes en personnel et en matériel, mais qu’elle peine à y parvenir. Le 25 mars, l’état-major général a déclaré que la Russie avait établi une base dans l’oblast de Briansk pour réparer et remettre en état le matériel retiré des réserves stratégiques [2]. L’état-major général a affirmé qu’une grande partie du matériel de réserve russe est inutilisable ou en très mauvais état, avec des équipements essentiels – y compris des moteurs – retirés de nombreux véhicules. L’état-major général a ajouté le 26 mars que les Russes tentent de remettre à neuf les vieux chars T-72 dans le cadre de cet effort [3]. L’état-major général a également affirmé que l’armée russe abaisse ses normes pour les conscrits et les recrues et qu’elle a été forcée d’utiliser une plus grande proportion de conscrits au combat car elle a subi des pertes parmi ses soldats professionnels [4]. Nous n’avons pas de confirmation indépendante de ces rapports, mais ils sont cohérents avec les modèles observés des opérations et des pertes russes en Ukraine et avec l’évaluation antérieure de l’ISW de l’état du système de réserve de personnel russe [5].
Les problèmes de moral au sein de l’armée russe sont de plus en plus graves et apparents. Les rapports selon lesquels les soldats d’une unité russe ont tué leur commandant de brigade en l’écrasant avec un char et, plus récemment, le suicide du commandant du 13e régiment de chars de la 4e division de chars de la Garde (1re armée de chars de la Garde) indiquent probablement un effondrement général du moral, même parmi les unités de combat russes de premier rang [6].
Les Russes continuent cependant d’essayer de concentrer leurs forces en vue d’une reprise des combats autour de Kiev. L’état-major ukrainien a signalé le 26 mars que des forces russes supplémentaires du district militaire oriental étaient envoyées en Ukraine à un endroit non précisé [7]. Les forces du district militaire oriental ont été engagées exclusivement dans la région de Kiev et de Tchernihiv.
Nous ne rendons pas compte en détail du ciblage délibéré par la Russie des infrastructures civiles et des attaques contre des civils non armés, qui constituent des crimes de guerre, car ces activités sont bien couvertes par les médias occidentaux et n’ont pas d’incidence directe sur les opérations militaires que nous évaluons et prévoyons. Nous continuerons à évaluer et à rendre compte des effets de ces activités criminelles sur l’armée et la population ukrainiennes, et plus particulièrement sur les combats dans les zones urbaines ukrainiennes. Nous condamnons fermement ces violations russes du droit des conflits armés, des Conventions de Genève et de l’humanité, même si nous ne les décrivons pas dans ces rapports.
Les forces russes sont engagées dans quatre efforts principaux à l’heure actuelle :
Effort principal – Kyiv (composé de trois efforts de soutien subordonnés) ;
Effort de soutien 1- Kharkiv ;
Effort de soutien – Oblasts de Louhansk et de Donetsk ;
Effort de soutien 2 – Mariupol ;
Effort de soutien 3 – Kherson et avance vers le nord et l’ouest.
Ligne de front 27 mars
Selon la note de Mason Clark dans le compte rendu publié par l’ISW du 27 mars, les forces russes poursuivent leurs efforts pour reconstituer leurs forces au nord-ouest de Kiev afin de reprendre des opérations offensives majeures. L’état-major ukrainien signale que la 35e armée russe a « rapatrié » certaines unités endommagées en Biélorussie. Selon l’analyste, « il est peu probable que les efforts de la Russie pour remplacer ses pertes pour et déployer des renforts supplémentaires lui permettent de reprendre avec succès des opérations majeures autour de Kiev dans un avenir proche ». La nature de plus en plus statique des combats autour de Kiev, relève-t-il, « reflète à l’heure actuelle plus l’incapacité des forces russes plutôt qu’un quelconque changement d’objectif ».
Les contre-attaques ukrainiennes limitées à l’est de Kiev et autour de Kharkiv ont « probablement » pour objectif de gêner « les efforts russes pour reprendre des opérations offensives majeures. » Toutefois, l’armée d’occupation continue de progresser « lentement mais sûrement » dans Marioupol.
Les sources ukrainiennes font état des difficultés rencontrées par la Russie pour remplacer les pertes en personnel et en matériel et indiquent que les forces russes utilisent de plus en plus de munitions anciennes, ce qui aurait entraîné une forte augmentation du nombre d’accidents dans les arsenaux et les dépôts.
Le commentateur de l’ISW note que l’activité des partisans ukrainiens autour de Kherson continue à immobiliser des forces russes.
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Notes de Lviv en temps de guerre
LeftEast partage ces importantes réflexions d’Alona Liasheva sur l’espoir en temps de guerre, qui ont été initialement publiées dans Commons.
J’écris ce texte dans la nuit du 7 au 8 mars à Lviv. C’est la quatrième année que je vis à Lviv, et c’est ici que j’ai rencontré la guerre. Il me semble que toute ma vie a passé depuis l’appel matinal de ma mère. Elle m’a dit que « nous sommes bombardés ». Ma vie et celle de tous ceux qui m’entourent se sont effondrées et ne seront plus les mêmes qu’avant. Mais nous vivrons d’une manière ou d’une autre. Je voudrais partager avec les lecteurs de Commons mes observations sur la façon dont une nouvelle vie émerge dans ma ville. Je sais que la prochaine panne peut survenir avant même que je ne finisse ce texte, c’est pourquoi j’écris de manière assez pressée.
Note n°1 : « Sur la méthode ».
Le premier jour de la guerre, j’ai voulu commencer à enregistrer ce qui m’arrivait et ce qui m’entourait, mais entre les alertes au raid aérien, les crises de panique et le transport de ma famille de Kiev à Lviv, je n’arrivais pas à mettre mes mots en phrases. Le troisième jour, je me suis ressaisie, tout comme les collègues prêts à interviewer les habitants de Lviv qui vivaient ici avant le début de la guerre. Après avoir consulté des collègues qui travaillaient dans le Donbas sur la manière de collecter des données, sans bagage théorique, sans temps, sans énergie, nous avons commencé à demander des entretiens aux gens. Nous interrogeons les habitants de Lviv sur leur passé et leur nouveau quotidien, sur le type d’activisme qu’ils ont désormais rejoint et sur l’évolution de leurs opinions politiques. Ce travail n’est pas encore terminé, mais dans ces notes, je me suis déjà appuyé sur les récents entretiens approfondis, mes propres observations, et plusieurs journaux intimes partagés par les citoyens.
Note n°2 : « Sur la ville »
Lviv est devenue une plaque tournante essentielle pour l’accueil des réfugiés. Des processus similaires ont eu lieu dans toute l’Ukraine occidentale, mais jusqu’à présent, je ne peux parler que de la ville où j’interagis personnellement avec les gens et les vois de mes propres yeux. La crainte des généralisations sera abordée plus tard, et pour l’instant, je me contenterai d’esquisser la géographie de mes réflexions. Que s’est-il passé à Lviv au cours des deux dernières semaines ?
Je commencerai par la question du logement. Le marché du logement de la ville est divisé en deux parties. La première est le marché du logement commercial. Malgré les appels du maire à imposer un moratoire sur les loyers, les prix ont augmenté plusieurs fois en fonction de l’appétit des propriétaires. Le marché libre s’est montré tel qu’il est. Les personnes fuyant les bombardements se retrouveront à la rue si elles ne peuvent pas payer 1000 dollars pour un petit appartement. Une autre partie du marché montre la tendance inverse. De nombreux propriétaires laissent le « vieux » prix parce qu’ils savent qu’au lieu de trois locataires, ils en ont maintenant dix. Certains appartements laissés par ceux qui sont partis à l’étranger sont devenus des refuges. Des administrations de district, des écoles et d’autres institutions municipales, ainsi que des bureaux et des studios de yoga, deviennent des lieux d’hébergement temporaire pour des milliers de réfugiés, leurs enfants et leurs animaux.
On assiste à une redistribution des richesses impossible à imaginer avant les attaques sur Kiev, Kharkiv et d’autres villes. Des processus similaires se produisent à des degrés divers pour les vêtements, la nourriture, les voitures et d’autres biens de base, y compris le soutien psychologique.
Cette redistribution est activée par des milliers de personnes qui diffusent l’information sur les biens disponibles et les demandes, préparent, livrent, organisent le logement, apportent des choses, déchargent l’aide humanitaire, communiquent beaucoup, négocient, s’écoutent et s’entendent. Mais l’essentiel est qu’ils s’auto-organisent, qu’ils trouvent un moyen d’inventer comment être utiles dans les moments où les stratégies individualistes ne fonctionnent pas.
Les chats – du militant au quartier et au spor – diffusent l’entraide. Les institutions municipales, privées, publiques ont changé de fonction. La ville est devenue un grand réseau, où l’on peut trouver même les choses les plus étranges que personne ne connaissait. Dans les chats, on trouve aussi bien des personnes ayant une expérience militante que des personnes sceptiques à l’égard de toute forme de mouvement populaire. Les réseaux auto-organisés deviennent plus efficaces que les actions séparées des autorités municipales et régionales. Tout cela est mené par la peur que demain nous ne puissions pas trouver d’abri, que la nourriture vienne à manquer, qu’il n’y ait pas assez de personnes prêtes à transporter les autres de la gare aux abris la nuit. Et c’est ainsi que cela se produit – quelqu’un est laissé à geler à la gare, en particulier ceux qui ont moins de compétences pour utiliser les réseaux sociaux, moins de contacts dans la ville, et moins de force physique. Mais la plupart trouvent de l’aide. J’espère qu’il en sera de même ce soir.
Parallèlement à l’activisme humanitaire, des réseaux similaires fonctionnent également à des fins militaires. Lviv s’occupe de tout à la fois – du transport de matériel vers Kiev au tissage de filets de camouflage pour l’armée. Ces réseaux de solidarité s’étendent bien au-delà de la ville et du pays.
Note n°3 : « En cas de panne »
Aux moments des révolutions ou des guerres, il y a aussi des ruptures des structures sociales qui ont façonné le flux de nos vies auparavant. Nous sommes confrontés à ce que les rêveurs utopiques les plus audacieux n’auraient pas pu imaginer auparavant. S’il y a un mois, quelqu’un m’avait dit que des milliers de personnes auraient la possibilité de dormir au chaud, de se laver, de s’habiller et de manger gratuitement à Lviv, j’aurais simplement souri. Maintenant, je ne dépense de l’argent que pour les besoins des autres, les miens sont satisfaits par la force de l’équipe dans laquelle je suis, à l’exception du café et des pâtisseries que j’achète lors d’une promenade quotidienne en solitaire.
Dans une certaine partie de la société, les relations marchandise-argent ont disparu, et à la place, nous construisons « quelque chose de qualitativement différent. ». Je ne vais pas formuler maintenant ce que c’est exactement. Mes idées du monde, tant politiques que théoriques, ont été ruinées en même temps que l’autre monde dans lequel je vivais. Comme Volodymyr Artyukh l’a souligné avec justesse, les « anciens » cadres d’analyse ne fonctionnent plus. Ils doivent être reconsidérés. Il faut en inventer de nouveaux.
Les nouveaux cadres théoriques doivent être plus sensibles à la pratique. Et maintenant, nous pouvons l’observer, être impliqués, voir les gens derrière les institutions et les structures. Jusqu’à présent, ce « nouveau » a beaucoup de « vieux ». Nous entendons parler de situations de xénophobie à l’encontre des Roms et des personnes transgenres, de harcèlement sexuel dans les refuges, de la violence des patrouilles. Et nous entendrons beaucoup parler d’exploitation, de violence sexiste et d’autres ténèbres dans lesquelles nous avons vécu, et qui sont toujours là. La violence du régime de Poutine pousse d’autres formes de violence. Mais espérons que la rupture que nous vivons actuellement nous donnera une chance de développer ce « quelque chose de qualitativement différent. »
Note n°4 : « Sur les structures »
Je ne sais pas ce qui va se passer demain pour moi, ma famille et mes proches. Peut-être que nous nous réveillerons, répondrons aux messages avec des demandes de logement et de transport, écrirons que nous allons bien. Puis nous boirons du café et préparerons la nourriture dans les abris pour réfugiés, nous travaillerons, nous ferons du bénévolat, nous lirons les nouvelles, nous pleurerons, nous fumerons beaucoup et nous espérerons. Ou peut-être que nous fuirons les bombardements. Mais maintenant, je vois de nouvelles structures sociales qui n’existaient pas auparavant. Que va-t-il leur arriver ? Ces structures peuvent être détruites. Elles peuvent se déplacer vers d’autres pays et continuer à s’y développer. Lorsque la société ukrainienne gagnera cette guerre et vivra le rêve d’une vie paisible, ces structures pourront servir les besoins de l’appareil répressif de l’État et reproduire diverses formes d’oppression. Mais au moment de cet effondrement, on peut espérer qu’elles resteront, se renforceront et se concentreront sur l’essentiel – la vie des gens.
Alona Liasheva
Alona Liasheva is a Phd candidate in Urban Studies (URBEUR) at University of Milan-Bicocca focusing on housing in Eastern Europe. She is a co-editor of Commons: Journal for Social Criticism.
Lefteast, 18 mars 2022
https://lefteast.org/notes-from-lviv-in-times-of-war/
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Collecte de fonds pour le mouvement anti-guerre russe :
grèves, licenciements, démissions
Toute manifestation a besoin d’un fonds – les travailleurs en grève et les personnes sur les barricades doivent manger, sinon ils ne pourront pas tenir assez longtemps. Ces personnes ont besoin d’être rassurées : si elles sont licenciées, elles recevront le soutien nécessaire et pourront nourrir leurs enfants.
Ni la célèbre opposition russe ni les organisations étrangères n’ont créé un tel fonds. Nous le faisons donc nous-mêmes – avec votre aide et le soutien du projet « AntiJob », qui défend les droits des travailleurs.
Nous sommes membres du mouvement anti-guerre russe. Certains d’entre vous nous connaissent peut-être déjà sous le nom de « Antivoenny bolnichny » (en anglais : Antiwar sick leave [en français : Congé de maladie anti-guerre]) et « Feminist Anti-War Resistance ». Nous ne sommes ni des médias, ni des politologues, ni une cellule de parti. Nous sommes juste des gens de différentes villes de Russie qui protestent en permanence contre la guerre en Ukraine et le régime autoritaire en Russie sous diverses formes.
En Russie, beaucoup de gens s’opposent à la guerre, et ils sont de plus en plus nombreux chaque jour. Dès le début de la guerre, nous avons encouragé l’idée de grèves, de congés maladie (pour ne pas servir l’État) et de sabotage léger. Si les travailleurs de l’industrie militaire, des transports, des usines de vêtements ont l’occasion d’arrêter de fournir la guerre, le gouvernement manquera rapidement de ressources pour la poursuivre. Les mouvements citoyens de base provoquent un ralentissement économique, qui peut épuiser la machine de guerre bien plus efficacement que des sanctions extérieures.
Nos appels ont provoqué un grand écho parmi les citoyens de Russie (https://www.instagram.com/p/Cab0D_OsrtI/). Nous avons également reçu un soutien et une aide de l’étranger (https://jacobinmag.com/2022/02/russian-feminist-antiwar-resistance-ukraine-putin).
Cependant, aucun mouvement de grève significatif ne s’est développé – et nous en connaissons la raison.
Même si de nombreux travailleurs étaient prêts à le faire, la crise économique dévastatrice les a laissés vivre au jour le jour, et ils avaient trop peur de perdre le dernier argent qu’ils avaient.
Bien sûr, toute grève importante a besoin d’un fonds de grève. C’est clair pour les militants étrangers. Mais le mouvement syndical en Russie a été réprimé pendant des décennies et se trouve aujourd’hui dans une triste décadence. Il n’existe aujourd’hui que deux types de fonds : ceux destinés à soutenir l’émigration et à payer les amendes à la police. Aucun de ces fonds n’est utile au développement de la protestation, même s’ils aident des personnes individuelles.
Ainsi, nous créons un fonds pour les besoins du mouvement anti-guerre – principalement pour soutenir ceux qui sont prêts à faire grève. Pourquoi nous adressons-nous à vous ? Bien sûr, certaines personnes en Russie sont également prêtes à faire des dons. Mais, encore une fois, ils n’ont pas assez d’argent pour cela. Ce qui représente quelques tasses de café Starbucks pour les Européens ou les Américains est un salaire pour toute une journée pour de nombreux travailleurs russes.
Actuellement, le principal moyen de transférer de l’argent en Russie est d’utiliser des crypto-monnaies. Cela complique tout. Si vous ne pouvez pas nous aider avec des crypto-monnaies (ou une alternative plus traditionnelle – Revolut), veuillez nous envoyer un message directement : nous trouverons un moyen de transférer de l’argent avec l’aide de nos amis étrangers.
Bien sûr, ces fonds ne peuvent pas être une priorité de nos jours. Si vous n’avez que quelques dollars à donner, vous devriez les donner au peuple ukrainien et à tous ceux qui ont souffert – et qui continuent de souffrir – de l’agression russe. Mais si vous avez quelques restes et que vous voulez soutenir notre résistance – nous promettons de ne pas gaspiller votre argent.
De plus, si nous voyons que nous ne pouvons pas utiliser les fonds de manière adéquate, nous ferons don des sommes collectées au peuple ukrainien et nous en rendrons compte, comme nous rendrons compte de chacune de nos démarches. Et rien de tout cela n’ira dans nos poches – des poches pleines de tracts, d’autocollants et de pots de peinture.
Le projet « AntiJob » deviendra notre médiateur dans la communication avec les travailleurs. Le projet développera un mécanisme de vérification afin que votre argent aille aux grévistes dans le besoin et non aux escrocs. Avec « AntiJob », nous allons répartir l’argent entre ceux qui en ont besoin : pour l’impression de tracts, pour la nourriture pendant la grève et pour soutenir ceux qui sont licenciés pour avoir manifesté ouvertement.
Peace for Ukraine, freedom for Russia !
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5 mars 2022
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La guerre menée par l’armée russe est en déphasage avec la « doctrine de Gerasimov »
Nous savons au moins une chose sur l’invasion de l’Ukraine par Vladimir Poutine : elle ne se déroule pas comme prévu. Ah, oui, répondez-vous. Mais alors selon quel plan ? S’agissait-il du plan A, qui prévoyait simplement de rassembler suffisamment de conscrits et d’artillerie lourde, de pénétrer en Ukraine, de bombarder quelques immeubles résidentiels, de traverser à pied jusqu’à Kiev et d’organiser un défilé de la victoire ? Ce que nous appelons le modèle George W. Bush, sauf qu’il a organisé son défilé de la victoire sur Irak sur le pont d’envol d’un porte-avions [le 1er mai 2003, sur le porte–avions nucléaire USS Abraham Lincoln].
Si c’était le plan A, alors nous savons quel est le plan B. Il s’agit de faire à l’Ukraine ce qui a été fait au mini-Etat de Tchétchénie, en 1999, à savoir le bombarder jusqu’à ce qu’il soit réduit à néant, sans tenir compte des pertes civiles. Outre son inhumanité intrinsèque, la mise en œuvre de ce plan en Ukraine se heurte à quelques difficultés pratiques. L’Ukraine est vaste alors que la Tchétchénie est petite. L’Ukraine dispose d’une armée véritable, d’une capacité de résistance courageuse et d’un approvisionnement abondant en armes efficaces auprès de ses amis occidentaux. Donc, si Poutine veut une première expérience avant de se lancer dans la prochaine étape de son aventure impériale, il devrait peut-être télécharger La guerre de Charlie Wilson, un film instructif sur ce qui est arrivé à l’URSS en Afghanistan il y a bien longtemps.
Pour ceux qui suivent ces choses professionnellement, la plus grande énigme consiste à savoir pourquoi Poutine s’est lancé dans une campagne qui ressemble à la Seconde Guerre mondiale en Technicolor, alors que son armée avait, en réalité, un plan ultra-sophistiqué pour la guerre à l’ère numérique. Ce plan s’appelle la doctrine Gerasimov et a été créé en 2013 par Valery Gerasimov, un jeune homme intelligent qui est chef d’état-major général et premier vice-ministre de la Défense de la Fédération de Russie.
Au cœur de cette doctrine se trouve le concept de « guerre non linéaire », dont l’objectif est « d’obtenir les résultats stratégiques et géopolitiques souhaités, en utilisant une large boîte à outils de méthodes et de moyens non militaires: diplomatie explicite et secrète, pression économique, gagner la sympathie de la population locale, etc. ». Molly McKew, spécialiste de la guerre de l’information, la décrit [dans Politico Magazine de septembre-octobre 2017] comme « une nouvelle théorie de la guerre moderne, qui ressemble davantage à un piratage de la société de l’ennemi qu’à une attaque frontale ».
Molly McKew cite un passage de l’article original de Valery Gerasimov. « Les « règles de la guerre » elles-mêmes ont changé», écrit-il. « Le rôle des moyens non militaires pour atteindre des objectifs politiques et stratégiques s’est accru et, dans de nombreux cas, ils ont dépassé en efficacité la force des armes… Tout cela est complété par des moyens militaires à caractère dissimulé. » La doctrine préconise un rapport de 4:1 entre les actions non militaires et les actions militaires.
En observant ce qui se passe en Ukraine, on se demande si Poutine a jamais lu le document de Valery Gerasimov. En tout cas, le rapport entre la guerre d’information et la guerre cinétique qui y est actuellement pratiquée ressemble plutôt à un rapport 1:20. Ce qui est clair, cependant, c’est que Volodymyr Zelensky et ses collègues ont lu Gerasimov et se sont préparés en conséquence. En conséquence, ils étaient relativement bien préparés à l’assaut cybernétique qui a précédé l’invasion. [Un article de Nicolas Niarchos publié dans The Nation, en date du 25 mars, évoque cette hypothèse. Réd.]
Des experts en sécurité, dont certains ont pu être détachés par des Etats amis, ont parcouru les systèmes critiques à la recherche de logiciels malveillants tels que WhisperGate et HermeticWiper et les ont supprimés. On ignore dans quelle mesure ces mesures ont été efficaces dans l’ensemble, mais l’un des résultats essentiels est que les systèmes contrôlant les opérations ferroviaires ukrainiennes ont été décontaminés, ce qui signifie que les trains permettant à des millions d’Ukrainiens de s’échapper ont continué à circuler.
Au cours des dernières décennies, la croyance occidentale en la maîtrise russe de la guerre électronique a atteint des niveaux quasi mythiques. Ce complexe d’infériorité pourrait en fait trouver son origine dans le fait que les démocraties s’appuient (stupidement) sur la capacité des entreprises privées à accorder une attention sérieuse à la cybersécurité – et leurs gouvernements le savent. Pour un pirate sérieux, une économie occidentale avancée présente une «surface d’attaque » importante et largement sans défense, comme on dit dans le jargon.
Mais dans le même temps, un sous-produit utile de l’invasion pourrait être le démantèlement du mythe de l’invincibilité russe. Il est apparu très tôt que les systèmes de commande et de contrôle des envahisseurs ne fonctionnaient pas. Comme l’indique un site Web spécialisé (GlobalSecurity.org) : « Trois semaines seulement après le début des hostilités, Internet était déjà rempli de photos de talkies-walkies civils chinois bon marché que les militaires russes ont été contraints d’utiliser à la place d’équipements professionnels, d’interceptions de conversations d’officiers russes qui devaient s’appeler sur des téléphones ordinaires et de témoignages de prisonniers qui racontent comment ils n’ont pas pu appeler des renforts ou trouver le bon chemin en raison du manque de communication avec le monde extérieur. » [1]
En l’absence de communications opérationnelles et sécurisées de l’armée, de nombreux Russes ont succombé à la tentation d’utiliser des téléphones ordinaires. Ils prenaient simplement des cartes SIM ukrainiennes et appelaient la Russie, ce qui permettait aux militaires ukrainiens non seulement d’intercepter facilement les conversations, mais aussi de déterminer la localisation de l’appelant.
Le 16 mars, des sources militaires étatsuniennes ont été citées disant que de nombreux généraux russes parlent sur des téléphones et des radios non sécurisés et que, dans au moins un cas, les Ukrainiens avaient géolocalisé un appel et avaient tué la personne avec une attaque visant sa position. Ironiquement, son nom était Vitaly Gerasimov. Nous ne savons pas s’il était apparenté à l’auteur de la doctrine militaire que son président semble avoir ignorée.
John Naughton
Article publié par The Guardian le 26 mars 202 2; traduction rédaction A l’Encontre
John Naughton est professeur de compréhension de la technologie à l’Open University.
[1] Une partie des « dysfonctionnements » de l’armée russe sont reliés, dans de nombreux articles et analyses, à des phénomènes de corruption qui gangrènent l’appareil militaire du régime de Poutine. Nous y reviendrons. (Réd.)
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La Russie, subissant des revers militaires, semble être pressée à « sauver des meubles »…
LOUGANSK, 27 mars. /TASS/. Un référendum sur l’adhésion à la Russie pourrait se tenir prochainement en République populaire de Lougansk. C’est ce qu’a annoncé dimanche aux journalistes le chef de la LPR, Leonid Pasechnik.
Il semble renoncer à conquérir l’ensemble du territoire de la région ukrainienne Lougansk, avant de procéder au référendum, qui précipité servirait plutôt à empêcher la reprise militaire des régions rebelles par des forces ukrainiennes régulières.
Ce référendum est aussi demandé d’urgence par la Duma Russe. https://tass.ru/politika/14196925
Lisez mon journal de la guerre en Ukraine :
Branis Katic
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Liens avec d’autres textes
Los insumisos que pagaron con cárcel el fin de la mili exigen que España acoja a los desertores de la guerra en Ucrania
Sylvain Cypel : Guerre en Ukraine. Les raisons de la complaisance israélienne envers la Russie
https://orientxxi.info/magazine/les-raisons-de-la-complaisance-israelienne-envers-la-russie,5459
Iryna Stavchuk, Oleh Savytskyi : How Europe and Ukraine can phase-out Russian oil and gas
Mike Watson : Should We Create Memes about the War in Ukraine?
https://newpol.org/should-we-create-memes-about-the-war-in-ukraine/
Julia Grignon : Droit international humanitaire: « Les méthodes russes relèvent des crimes de guerre »
Paul Guyonnet : L’Ukraine appelle au boycott de Decathlon et du groupe Mulliez
Russian Colonel run over with tank ‘and killed’ by his own soldiers in Ukraine
Arrêter la guerre ! Un appel pour une Europe de paix
Stop the War! An Appeal for a Europe of Peace
https://www.transform-network.net/en/blog/article/stop-the-war-an-appeal-for-a-europe-of-peace/
Bingo : l’Ukraine a mis la main sur un Krasukha-4, trésor de guerre électronique russe
Russian activists sign open letter calling for end to war in Ukraine
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En complément possible
Monique Chemillier-Gendreau : Contrer la domination et ouvrir la perspective d’un autre monde
Michel Sitbon : Le triomphe d’Alexandre Douguine ou le vrai retour du nazisme
https://entreleslignesentrelesmots.blog/2022/03/26/le-triomphe-dalexandre
Reseau européen : Solidarite avec l’Ukraine et contre la guerre (consensus de base)
Carte des sabotages par les cheminot·es belarus.
Occupez leurs villas !
L’hôtel particulier d’un oligarque occupé
Claudio Sergio Ingerflom : Westphalie est morte en Ukraine
Nicolas Haeringer : Généraliser la solidarité avec les ukrainien.ne.s
Daniel Boffey : Chernihiv rationne l’eau potable alors que la Russie est accusée de prendre la ville en otage
Situation militaire au 22 mars
Des centaines de Russes en Slovaquie demandent la protection du gouvernement Heger
Suisse : Manifestation contre la guerre en Ukraine, Lausanne, 22 mars 2022
Sébastien Abbet : Pour s’orienter dans ce monde, il faut une boussole qui indique la solidarité avec les peuples
Discours de Guillaume Matthey, Stop pillage !
L’appel du « Mouvement social » aux « gauchistes » du monde entier sur la manière d’aider l’Ukraine à arrêter l’agression russe et à reconstruire les villes
Patrick Silberstein : Lignes de front (24 mars 2022)
La Pologne se rend indépendante du gaz russe
Entretien avec Coline Maestracci, spécialiste de l’Ukraine
Exigeons la libération immédiate des prisonniers politiques enlevés par l’armée russe.
David Finkel : « L’horreur en Ukraine et après… »
Laurent Vogel : Belgique : Peut-on être solidaire sans écouter la société ukrainienne ?
Liens avec d’autres textes
Liberté et démocratie pour les peuples d’Ukraine (3). Soutien à l’Ukraine résistante
Etienne Balibar : Sur la guerre européenne au 21ème jour
Ukraine : une pétition des salariés ukrainiens de Leroy Merlin
Vietnam : Des militants empêchés de participer à un événement en Ukraine
Le Syndicat indépendant des universités de Russie revendique le droit pour tout citoyen d’exprimer une position anti-guerre.
Nous, avocat/e/s & gens de droit, appelons les professions juridiques à soutenir sans délai les avocat/e/s d’Ukraine
Aleksandr Dugin est le prophète réactionnaire de l’ultranationalisme russe. Un entretien avec Benjamin Teitelbaum
Résolution de la CES sur l’Ukraine
La Gauche et l’Ukraine (débat)
Charles R. Davis : Les socialistes démocratiques ukrainiens favorables à l’envoi d’armes pour combattre l’« agression impérialiste » de la Russie
Sin Fein : L’invasion russe de l’Ukraine est une agression
Patrick Cockburn : Marioupol. La ville est peut-être détruite, mais des exemples nous ont appris que même les ruines peuvent être défendues
Stephen Cornish : Marioupol écrasée par l’état de siège
Liens avec d’autres textes
https://entreleslignesentrelesmots.blog/2022/03/24/solidarite-avec-la-resistance-des-ukrainien·nes-retrait-immediat-et-sans-condition-des-troupes-russes-19/
Pierre Dardot et Christian Laval : Réinventons l’internationalisme
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Face au nationalisme grand-russe, réinventons l’internationalisme (1/4)
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La faillite d’un « anti-impérialisme à sens unique » (2/4)
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La responsabilité écrasante de l’Union européenne (3/4)
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Pour un nouvel internationalisme (4/4)
Il est plus facile d’être solidaire avec les Ukrainiennes mortes qu’avec les Ukrainiennes qui résistent
Denys Gorbach : Une guerre gênante : que faire lorsque la Russie attaque l’Ukraine mais que tu es de gauche ?
Gilles Lemaire : L’heure est au soutien sous toutes les formes, humanitaire, politique, militaire, au courageux peuple ukrainien qui résiste à l’agression d’un dictateur fauteur de guerre et auteur de crimes contre l’humanité. Mais il faut éclairer demain !
Thaisa Semenova : Ukraine. Des civils du Donbass, sans aucune formation militaire, enrôlés de force par des supplétifs pro-russes
Nadejda Soukhoroukova : Marioupol, dans cette ville, tout le monde est en train d’attendre la mort
Assemblada Occitana : Soutien à l’Ukraine, aux réfugiés et aux démocrates russes
Rapport (extrait) de L’ISW du 20 mars
Leo Ganiev : Décès De Ivan Dziouba
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https://entreleslignesentrelesmots.blog/2022/03/22/solidarite-avec-la-resistance-des-ukrainien·nes-retrait-immediat-et-sans-condition-des-troupes-russes-18/
Leila Al-Shami : L’anti-impérialisme des imbéciles
https://entreleslignesentrelesmots.blog/2022/03/20/lanti-imperialisme-des-imbeciles/
Notes de l’ISW (18 mars 2022)
Solidarité Internationale : appel à dons pour un convoi syndical en Ukraine
Protection temporaire pour l’Ukraine : encore des efforts pour être à la hauteur des enjeux
« La guerre doit être arrêtée par nous-mêmes – hommes et femmes de Russie ». Manifeste de la coalition « socialistes contre la guerre »
Déclaration de la Gauche Indépendante sur l’Ukraine
Union syndicale Solidaires : Guerre en Ukraine. Réflexions et propositions d’actions syndicales internationalistes
Taras Bilous : La guerre en Ukraine et les pays du Sud
Notes de l’ISW (19 mars 2022)
Aris Roussinos : « La vérité sur les milices ukrainiennes d’extrême droite. La Russie a renforcé des factions dangereuses de l’armée de Zelensky »
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https://entreleslignesentrelesmots.blog/2022/03/21/17/
Bernard Dreano : Jours gris en temps de guerre
Notes de l’ISW (17 mars 2022)
Anshel Pfeffer et Ohad Zwigenberg : Portrait d’une ville qui organise toutes les facettes d’une résistance : Mykolaïv
Face à la censure, la profession doit soutenir l’information en Ukraine et en Russie. Communiqué SNJ, SNJ-CGT, CFDT-Journalistes, FIJ, FEJ, JNE, AJSPI, AJE
Poutine en justice
Antoine Artous, Francis Sitel: Ukraine : la guerre !
Répression au Kazakhstan
Vitaly Dudin : Oppose ton veto au projet de loi 7160 ! Protèges les travailleurs !
Alexeï Sakhnin : La guerre de Vladimir Poutine répand le désespoir dans la société russe
Pjotr Sauer : « Marina Ovsyannikova affirme qu’elle assume ses actes » : son irruption lors du JT de la TV “Pervy Kanal”
Patrick Cockburn : « Des “siloviki”, de la corruption et de la guerre »
Vladislav Siiutkin, João Woyzeck: Activisme anti-guerre après la répression dimanche
Ioulia Galiamina : Je n’ai pas peur
Abbie Cheeseman : La guerre en Ukraine pourrait déclencher une catastrophe au Moyen-Orient
Pour une position unifiée du peuple syrien en révolution
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https://entreleslignesentrelesmots.blog/2022/03/19/solidarite-avec-la-resistance-des-ukrainien·nes-troupes-russes-hors-dukraine-textes-16/
Jean Vogel : Solidarité avec la résistance du peuple ukrainien
Daria Saburova : La guerre en Ukraine et les dilemmes de la gauche occidentale
Pjotr Sauer : Russie. « Ne croyez pas la propagande. Ici, ils vous mentent. » Le vrai courage…
Les dockers d’une raffinerie britannique refusent de décharger du pétrole russe
Patrick Cockburn : « Diaboliser la Russie laisse Poutine s’en tirer à bon compte, avec le risque de rendre tout compromis impossible et de prolonger la guerre »
Ricardo Gutierrez, secrétaire général de la Fédération européenne des journalistes réfute la propagande d’Ilan Pappe qui reprend l’argumentation russe sur la nazification de l’Ukraine.
Notes de l’ISW (15 mars 2022)
« Les gens sont devenus plus aimables. » Un habitant décrit la vie à Kiev.
Témoignage recueilli par Diane Taylor
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Gal Kirn : « Contre la guerre en Ukraine et le nouvel impérialisme : une lettre de solidarité avec les opprimé·e·s »
Andrea Ferrario : « Ni avec la Russie, ni avec l’OTAN » et « pas d’armes pour l’Ukraine » : deux slogans erronés et contre-productifs
Patrick Silberstein : Ukraine : « L’armée russe est un tigre de papier et le papier est maintenant en feu »
Sotsyalnyï Roukh : L’heure est à la solidarité internationale contre la guerre (article antérieur à l’invasion de l’Ukraine par les troupes armées russes)
Tess McClure, Peter Beaumont et Luke Harding : Les forces russes se rapprochent de la capitale ukrainienne, après 16 jours de guerre
Une blague circulant à Moscou
L’Université Lomonossov de Moscou : Contre La Guerre
Illia Ponomarenko : La Russie concentre sa puissance militaire pour l’assaut de Kiev
Liens avec d’autres textes
Contre les mensonges de Poutine et de ses soutiens : Que s’est-il passé sur Maïdan ?
https://entreleslignesentrelesmots.blog/2022/03/15/ukraine-russie-mais-pas-que-14/
Guerre en Ukraine : contribution SUD-Rail
Francine Sporenda : L’Ukraine sur les réseaux sociaux : EXCUSER UN AGRESSEUR
Déclaration des Zapatistes (Mexique) : Il n’y aura aucun paysage après la bataille (à propos de l’invasion de l’armée russe en Ukraine)
Rassemblements inter-associatifs sur toutes les places de France #SolidaritéUkraine
Russie. « Nous entrons dans une nouvelle réalité politique ». Entretien avec Ilya Budraitskis conduit par Amy Goodman
Nik Afanasiev : Ukraine-Pologne. Des initiatives bénévoles solidaires effectives. L’Etat : gardien de nuit estompé
Bernard Ravenel : Arrêter la guerre avec les armes de la politique
Michel Capron : Quelques éclairages historiques sur la Russie de Poutine
Pas de démocratie sans droits des peuples à disposer d’eux-mêmes
Les peuples du monde entier demandent au Fonds Monétaire International (FMI) d’annuler la dette injuste de l’Ukraine
Le Comité National de « Résister Aujourd’hui » : Le chant des partisans
FBU (syndicat des pompiers britanniques) : Invasion et guerre en Ukraine
Pour la paix en Ukraine, les raisons de se mobiliser
Ben Cramer : L’Ukraine en manque d’Europe
Réunion Solidarité Ukraine
Liens avec d’autres textes
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Pour le droit à l’autodéfense par tous les moyens nécessaires
Les Cahiers de l’antidote : Liberté et démocratie pour les peuples d’Ukraine (Volume 2)
Denis Sieffert : Donner aux Ukrainiens ce qu’ils demandent
« Bilan » des manifestations en Russie
Michel Roche : La Russie de Vladimir Poutine : un régime bonapartiste
Mike Davis : Poutine, Biden, Xi… « Thanatos triomphant »
L’observatoire de la liberté de création s’oppose au boycott des artistes russes
Solidarité de la gauche avec l’Ukraine
Karine Clément : L’opposition à la guerre en Russie
Guerre en Ukraine : dix leçons de la Syrie. Exilés syriens sur la façon dont leur expérience peut éclairer la résistance à l’invasion
Gilbert Achcar : L’anti-impérialisme aujourd’hui et la guerre en Ukraine. Réponse à Stathis Kouvélakis
La Syrie, est le laboratoire de la barbarie guerrière que Vladimir Poutine perpétue aujourd’hui en Ukraine
La guerre en Ukraine vue depuis le terrain. Entretien avec Oksana Dutchak
Interview de Slavoj Žižek : « Quelle idéologie se cache derrière l’expansionnisme de Poutine ? »
Liens avec autres textes
https://entreleslignesentrelesmots.blog/2022/03/10/ukraine-russie-mais-pas-que-12/
Étienne Balibar : « Le pacifisme n’est pas une option »
Valerie Hopkins (LVIV, Ukraine) : « Des Ukrainiens constatent que des membres de leur famille en Russie ne croient pas que c’est une guerre »
Razem quitte Progressive International et DiEM25
La Cimade : Protégeons le peuple ukrainien, défendons les droits de toutes les personnes exilées
Yassin al-Haj Saleh : Pourquoi l’Ukraine est une cause syrienne
Pavlo Lodyn : L’agression de Poutine et la menace d’une catastrophe environnementale en Europe
Amélie Poinssot : L’agression russe sur l’Ukraine, un cauchemar pour l’écologie
UPJB : Sur la guerre en Ukraine
Mouvement socialiste de Russie : Le pouvoir russe se prépare à combattre jusqu’au dernier soldat
Déclaration intersyndicale de soutien à l’Ukraine (Québec)
Sudfa : Les Soudanais-e-s dénoncent la collaboration entre Hemetti et Poutine
Collectif Pour une Syrie Libre et Démocratique : De Grozny à Kiev en passant par Alep, allons nous indéfiniment laisser Vladimir Poutine terroriser les populations qui revendiquent la liberté et la justice ?
Siné mensuel
Solidarité avec les ukrainiens et ukrainiennes
Yorgos Mitralias : Poutine : « Lénine est l’auteur de l’Ukraine d’aujourd’hui » ou comment tout ça est la faute à… Lénine et aux bolcheviks !
Crimes contre l’humanité et CPI
Liens avec autres textes
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Déclaration de fondation du Comité de solidarité avec le peuple ukrainien et avec les opposant·e·s russes à la guerre (Suisse)
Viktoriia Pihul : Les gens du monde entier demandent au FMI d’annuler la dette injuste de l’Ukraine
6 grandes ONG s’unissent face à l’ampleur des besoins humanitaires : c’est l’alliance urgences
Timothy Snyder : « Comment parler de la guerre ? » Histoire et mythe dans les écoles russes, selon « Novaya Gazeta »
Entretien avec Denys Pankratov, organisateur de l’Union des grutiers de la région de Lviv – Ukraine
L’université Lomonossov de Moscou (MGU) contre la guerre
Agression russe en Ukraine : Communiqué de l’assemblée européenne des citoyens
UJFP : Le droit international pour tous et partout, sans exception !
Liens d’initiatives de soutien à la population ukrainienne
Liens vers d’autres textes publiés dans la presse
En débat : Campisme ou anti-impérialisme. Quelques textes
Deux livres de Svetlana Alexievitch
https://entreleslignesentrelesmots.blog/2022/03/07/ukraine-russie-mais-pas-que-10/
CGT : Douze questions sur la guerre en Ukraine Paix en Ukraine – Liberté en Russie
Maxime Combes, Amélie Canonne, Nicolas Haeringer : Quels sont les intérêts de TotalEnergies en Russie ?
Appel à l’action de la Confédération européenne des syndicats (CES) – La guerre en Ukraine doit cesser maintenant !
Roger Martelli : Dans la guerre ukrainienne, la gauche joue une part de sa survie
Lettre ouverte de géographes russes à Vladimir Poutine : « Nous voulons vivre sous un ciel pacifique »
Luke Harding (Lviv) : Des soldats russes démoralisés expriment leur colère d’avoir été « trompés » dans la guerre
Réseau des GLI : déclaration de solidarité avec le peuple ukrainien et ses organisations syndicales et contre la guerre menée par un régime autoritaire
Union Syndicale Solidaires : Stop au tri raciste des réfugié-es qui fuient les guerres !
Marc Bonhomme : Ukraine : la guerre de tous les risques de plus en plus cruelle
Israéliens solidaires de l’opposition russe à la guerre d’Ukraine
Volodymyr Artiukh : L’Ukraine – à la gauche occidentale, sur vos et sur nos erreurs
Michael Shank : Nous nous soucions davantage de l’Ukraine parce que les victimes sont blanches
Association France Palestine Solidarité : Non à l’agression de la Russie contre l’Ukraine, il faut faire respecter le droit… partout dans le monde
https://entreleslignesentrelesmots.blog/2022/03/05/ukraine-russie-mais-pas-que-9/
Dockers néo-zélandais solidaires avec l’Ukraine
Pierre Baudet : La guerre en Ukraine menace la paix dans le monde…
L’édito de PEPS : L’Ukraine, une guerre aux multiples enjeux écologiques
Francine Sporenda : Poutinophilie : « c’est l’Otan le problème »
Richard Abernethy : Arrêtez la guerre impérialiste de la Russie contre l’Ukraine ! Solidarité avec la résistance du peuple ukrainien !
Ecrivains du monde entier solidaires avec l’Ukraine
Igor Ilyash : Quels sont la place et le rôle de la Biélorussie dans l’invasion de l’Ukraine par la Russie ?
Un appel d’un socialiste russe : Poutine intensifie la répression
Non à la guerre en Ukraine. Non à l’Otan. Contre les guerres impérialistes, femmes des peuples du monde entier Solidarité
Akram Belkaïd : Le pas de côté : Non au campisme
Québec : Déclaration intersyndicale de soutien à l’Ukraine
https://entreleslignesentrelesmots.blog/2022/03/04/ukraine-russie-8/
Les Cahiers de l’antidote n°1 « Spécial Ukraine » : Liberté et démocratie pour les peuples d’Ukraine !
Lettre ouverte des travailleurs russes des arts et de la culture contre la guerre avec l’Ukraine
Pascal Boniface : Poutine attaque l’Ukraine et fait perdre la Russie
Yorgos Mitralias : Нет войне! Non à la guerre ! Нет войне!
Izabella Marengo et Pierre Jasmin : NON à l’invasion de l’Ukraine ! NON à l’expansion de l’OTAN
Message du président de la confédération syndicale indépendante bélarusse devant le pire
Les Russes veulent-ielles la guerre ? Réflexions depuis Moscou, le 1er jour de l’invasion de l’Ukraine
Tentons d’être à la hauteur de la résistance ukrainienne
Stefan Bekier : « Démilitariser » et «dénazifier » l’Ukraine ?!
Manifeste de la plate-forme « Arrêtons la guerre »
Déclaration intersyndicale : Non à la guerre : retrait immédiat des troupes russes, solidarité avec le peuple ukrainien
https://entreleslignesentrelesmots.blog/2022/03/03/ukraine-russie-7/
Interview de Witalij Machinko, Syndicat de solidarité des travailleurs (Trudowa Solidarnist, Kiev)
Appel du « Center for civil liberties » Ukraine
Roane Carey : Comment la gauche devrait réagir à l’invasion de l’Ukraine par la Russie
MMF France : Non à la guerre en Ukraine, Non à Poutine ! Soutien à la démocratie ukrainienne, soutien au peuple ukrainien !
Leyla Binici, Jérôme Gleizes, Abdessalam Kleiche, Myriam Laïdouni-Denis, Didier Claude Rod : Réflexions écologistes sur l’agression de Vladimir Poutine contre l’Ukraine.
La Cimade demande une protection pour toutes les personnes qui quittent l’Ukraine
Amb el poble d’Ucraïna!
Nous, Européen·ne·s de l’Est…
Patrick Cockburn : La Blitzkrieg pré-annoncée de Poutine en échec. Un danger encore plus grand (…)
NON à la guerre en Ukraine !
Des militant·es pour la démocratie au Myanmar organisent des rassemblements pour soutenir l’Ukraine
Razem : « Chère gauche occidentale, on ne vous demande pas d’aimer l’OTAN… »
Fondation Frantz Fanon : Guerre d’agression contre l’Ukraine : qui a mis K.O le droit international ?
William Bourdon et Véronique Nahoum-Grappe : Poutine et ses sbires : un jour dans le box de la Cour Pénale Internationale ?
https://entreleslignesentrelesmots.blog/2022/03/02/ukraine-russie-6/
Hugues Le Paige : Ukraine : pour la solidarité, contre la chasse aux sorcières
Lettre de l’Union syndicale Solidaires et de la fédération Sud-Rail
Les experts de l’ONU appellent à la fin de l’agression russe contre l’Ukraine et à la protection urgente des droits de l’homme
Russie : Contre l’impérialisme russe, ne touchez pas à l’Ukraine !
Lettre ouverte de scientifiques et journalistes scientifiques russes contre la guerre
María R. Sahuquillo : Des milliers de volontaires civils rejoignent la résistance pour repousser l’avancée des troupes de Poutine
Pierre Khalfa : De la difficulté d’une politique internationale altermondialiste
En Russie, les féministes descendent dans la rue contre la guerre de Vladimir Poutine
Mario Kessler : Les fantasmes antibolcheviques de Poutine pourraient causer sa perte
Zbigniew Marcin Kowalewski : Impérialisme russe
Solidarité avec les réfugiés ukrainiens
Nicole Roelens : La lutte internationale des femmes contre le meurtre de masse utilisé comme outil de pouvoir
https://entreleslignesentrelesmots.blog/2022/03/01/ukraine-russie-5/
Gilbert Achcar : Invasion russe de l’Ukraine : Vladimir Poutine dans les pas de Saddam Hussein ?
Bernard Dréano : La guerre de Poutine en Ukraine, des questions et quelques réponses
David Broder : Cessez de prétendre que la gauche serait du côté de Poutine
Gilbert Achcar :Mémorandum sur une position anti-impérialiste radicale concernant la guerre en Ukraine
Déclaration commune de syndicats ukrainiens
Mykhailo Volynets : La Russie a attaqué et commencé l’invasion de l’Ukraine
Contre la guerre impériale de Poutine en Ukraine, une prise de position de la revue LeftEast
À quoi pense Vladimir Poutine ? Entretien avec Ilya Boudraitskis
Invasion russe de l’Ukraine : Vladimir Poutine dans les pas de Saddam Hussein ?
Solidarité de la communauté scientifique avec l’Ukraine
Esprit : Pour une Ukraine libre !
MAN : Pour une résistance civile non-violente en Ukraine
Attac Espagne : Non à la guerre !
Halya Coynash : Le grand rabbin d’Ukraine démolit l’excuse de Poutine pour l’invasion de la Russie
Edo Konrad : L’invasion de la Russie devrait être un miroir pour la société israélienne
Professeurs chinois : notre attitude face à l’invasion russe de l’Ukraine
Déclaration des étudiant·es des universités de Hong Kong sur la guerre d’invasion menée par la Russie contre l’Ukraine
https://entreleslignesentrelesmots.blog/2022/02/28/ukraine-russie-4/
Non à l’agression impérialiste de la Russie contre l’Ukraine
Déclaration du Comité exécutif du Congrès des syndicats démocratiques de Biélorussie
Danya P. :Pour le défaitisme révolutionnaire
Sotsialnyi Ruh : Arrêtez Immédiatement L’agression De Poutine !
Une déclaration du Comité national de l’OZZ Inicjatywa Pracownicza (Syndicat d’initiative des travailleurs) sur l’agression russe contre l’Ukraine
Communiqué de la Confédération du travail de Russie (KTR)
Les femmes l’exigent : Non à la guerre en Ukraine, Non à l’OTAN !
Taras Bilous :« Une lettre de Kiev à une gauche occidentale »
Stop à l’agression russe en Ukraine ! Pour une Ukraine libre et souveraine pour les travailleurs et travailleuses !
Santiago Alba Rico :« Non à la guerre ». Le sens de certains slogans face à l’invasion de l’Ukraine par le régime de Poutine ?
Vanesa Jiménez : Comme c’est triste de regarder la guerre
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Déclaration commune de syndicats ukrainiens
Mykhailo Volynets : La Russie a attaqué et commencé l’invasion de l’Ukraine
Vicken Cheterian :Le long hiver qui s’annonce : la Russie envahit l’Ukraine
Plate-forme TSS : Non à la Guerre. Pour une Politique Transnationale de la Paix
Communiqué LDH : Solidarité avec le peuple ukrainien
Pjort Sauer et Andrew Roth :L’opposition s’exprime en Russie contre l’invasion de l’Ukraine. La répression poutinienne la combat
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Les dirigeants des grandes puissances jouent avec le feu
Renaud Duterme : Les leçons géopolitiques de la crise ukrainienne
Appel : Non à la guerre – Russie, bas les pattes devant l’Ukraine !
Russie-Ukraine : « Une situation pire que durant la guerre froide ». Entretien avec Ilya Boudraitskis
Ilya Matveev, Ilya Budraitskis : Les Russes ordinaires ne veulent pas de cette guerre