« C’est l’éternel come-back. Le mauvais film qui repasse en début d’été et qui sent le papier imprimé. Sur l’affiche s’étalent comme de la crème solaire trop blanche les injonctions estivales à « ralentir », à « prendre son temps » ». Dans son éditorial, « Autant en emporte le temps », Sabine Panet interroge : « Qui peut « dégager » du temps comme on dégage d’un coup de pied nonchalant un ballon qui nous percute ? ». L’éditorialiste parle de l’horloge des femmes pleine à craquer, des tic-tac des inégalités, des invisibles, de celles qui courent après leur vie, des tic-tacs qui ne s’arrêtent jamais ou si peu, de celles et ceux qui comptent les jours, « C’est le tic-tac goutte-à-goutte des femmes et des hommes sans papiers qui attendent une réponse favorable à leur demande de titre de séjour. Les une et les autres ne vivent pas dans le temps irréel et privilégié de certains magazines »…
Dossier : Tic-Tac Tic-tac. Temps qui passe, femmes qui courent
« Le temps des femmes n’est pas égal au temps des hommes. Davantage de tâches domestiques et parentales, de charge mentale et sociale. Moins de loisirs, de temps pour réfléchir, de temps pour se construire, se politiser ». Des femmes tiraillées entre des injonctions paradoxales « travailler mais rester une « mère à 100% », être « mère au foyer » et super-active en dehors de la maison, être ambitieuse professionnellement mais pas au détriment de son couple, prendre soin de soi mais ne pas paraître superficielle ».
Un entretien, l’heure des éclaireuses, les autrices discutent, entre autres, de temps sur-occupé, d’absence de prise de responsabilité et de soutien des hommes, des enfants chronophages et énergivores, de division sexuelle du travail, qu’équipements publics insuffisants, de temps et d’absence de temps, « les femmes ne disposent plus de temps pour elles », d’inégalités sociales, de double journée, de temps de travail inégalitaire et discriminant, « La réalité, c’est que les hommes constituent encore trop souvent aujourd’hui un frein à la vie des femmes », de sous-traitance et du paiement de celle-ci par les femmes, de mobilités à deux vitesses, des congés parentaux pris en majorité par les femmes, de diminution du temps de travail, de mesures structurelles, de lieux de démocratie pour et par les femmes, « Réduire l’existence à des choix, c’est nier les conditions qui mettent les femmes à mal ».
Suivent les portraits de six femmes qui détricotent les aiguilles du temps. Je souligne quelques propos, « Je suis en faveur de quota aussi longtemps que l’égalité ne sera pas atteinte » (Dominique Méda), « l’inclusion des travailleurs/euses domestiques dans toutes les lois du travail » (Ai-Jen Poo), « pour la grève nationale des femmes » (Huelga Feminista), « il est aussi parfois douleur, attente interminable » (Fatou Diome)…
« Courir après le temps », aidant·es proches (les trois quarts des aidant·es proches sont des femmes), le validisme, « Nous, qui nous occupons d’enfants différents, sommes considérées comme des mamans chiantes par les les gens autour de nous. Dès qu’un papa fait la moindre chose, il est considéré comme un héros, mais nous nous sommes jugées », chronophagie et absence de temps pour soi…
Les temps réformés et les femmes zappées, les rythmes de travail et les rythmes scolaires, « travailler plus pour gagner travailler plus », l’oubli des femmes en situation de monoparentalité et ou de travail à temps partiel, le sexe du temps partiel…
Parmi les autres textes publiés, je signale notamment :
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Le festival de Cannes, « Les noms des 129 victime de féminicides en France, « depuis le dernier Festival de Cannes » en 2021, se sont affichés sur les marches du festival. Vêtues de noir, les militantes ont levé le poing, avant d’utiliser des fumigènes, nimbant la scène de fumée noire »
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Somalie. « Quoi que les femmes fassent, elles doivent se battre ». Contre la culture du silence des actions de et pour les femmes.
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Epsylon, le réseau psychiatrique qui n’écoute pas ses employées enceintes. Le manque de considération flagrant pour leurs réalités quotidiennes, le rappel toujours nécessaire qu’« une grossesse n’est pas une maladie », l’écartement (pré et postnatal), le stress engendré en psychiatrie et le vivre en étant enceinte, la difficulté de « porter convenablement la souffrance des autres en étant enceinte », l’ajout des tensions provoquées par la crise sanitaire, le curatif et le préventif, « le congé maladie (qui répare) – a remplacé l’écartement (qui protège) pour une partie du personnel », la violence institutionnelle, le choix et le droit…
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Axelle Jah Njiké, la sexualité retrouvée, la petite fille et sa mère, « briser le cycle, écrit d’avance, d’une sexualité maltraitée », l’excision et les mariages forcés, la faculté de lire et d’écrire, celle de choisir et de jouir, l’absence de « noir générique », une écrivaine, « Elle a ouvert la voie à toutes les femmes noires et/ou afrodescendantes qui ont envie de renouer avec leur intimité, de clamer haut et fort que cette intimité leur appartient et qu’elles sont les seules à décider de ce qu’elles souhaitent en faire »…
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Phénomène des piqûres en soirée : Décrypter pour comprendre, des femmes victimes de « soumission chimique », #BanlanceTonBar, les mots contre les femmes et les féministes…
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Ougenda, leur énergie contre Total. Les femmes usagères et non propriétaires des terres, « Elles font face à des enjeux spécifiques : cela implique qu’elles parlent pour elles-mêmes, parce que les hommes n’en parleront pas »…
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Les Reines du shopping, « La personne qu’il faut séduire est toujours un homme, on ne s’habille jamais que pour lui plaire et garantir la pérennité de son couple », les inégalités systémiques, l’apprentissage invisible de la « bonne féminité », l’apprentissage de la détestation de soi…
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Tous les corps à la plage !, le questionnement des normes « qui ne nous font pas du bien », les régimes et leur inefficacité, l’échelle IMC fabriquée à partir de données sur les hommes blancs, les facteurs psychosociaux et environnementaux, « Prendre soin de soi se fait autant dans le corps que dans l’esprit »…
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Madame la juge de Catherine Barreau, le goût de la tentation de la violence, « le fantasme d’un meurtre avait préservé ma dignité au cœur de leur violence », la sexualité forcée (au temps où « personne ne parlait de viol conjugal »), une histoire « de la violence retenue, de la vitalité sauvée, de l’impureté précieuse, de la survie, on n’en parlera pas »…
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et toujours de riches rubriques : actualités révoltantes, culture et informations internationales
Un journal de nos amies belges à faire connaître.
Axelle 247, Juillet-Aout 2022, http://www.axellemag.be
Autres numéros : /revue/axelle/
Tout cela est très vrai, dans une entreprise de femmes nous avons lutté pour la réduction du temps de travail (68) et nous avons gagné, les hommes réclamaient des salaires. Pour du temps libre et l’autonomie financière il faut s’organiser et pas seulement se plaindre
A reblogué ceci sur Caroline Huens et a ajouté:
Il faut que je me ré-abonne !