Voici le récit de la journée du 6 janvier et du jugement de la journaliste et défenseure des droits humains Ekaterina Yanshina, interpellée la veille dans la salle d’audience du tribunal de l’arrondissement Leninski de Minsk qui accueillait la première audience de l’« affaire Viasna ».
(Parmi les accusés, le co-lauréat du prix Nobel de la paix 2022 Ales Bialiatski. Lui et ses collègues du centre des droits Humains « Viasna », Valentin Stefanovich, Vladimir Labkovich et Dmitri Soloviou, sont accusés de contrebande et de financement d’activités de groupe qualifiées « d’atteintes graves à l’ordre public ». Bialiatski, Stefanovich et Labkovich sont en détention depuis juillet 2021 et risquent de 7 à 12 ans de prison.)
8:30
Nous recevons pour la première fois des informations sur l’endroit où se trouve Ekaterina Yanshina. Ceci intervient 15 heures après sa détention. Ekaterina a passé la nuit dans un centre de détention temporaire. L’audience en comparution immédiate est prévue à 14h30, heure de Minsk. La juge, Tatsiana Motyl, est tristement célèbre auprès des militants biélorusses des droits de l’homme pour ses verdicts à motivation politique. Motyl a condamné des personnes à des arrestations administratives pour avoir collé des cœurs et des drapeaux rouges et blancs sur les fenêtres, pour s’être trouvé près de la Maison de la justice le premier jour du procès sur l’ »affaire des étudiants » et dans de nombreux autres affaires.
14:32
L’audience commence. Il s’avère qu’en Biélorussie, les détenus administratifs ne sont pas traduits en justice en personne. Ekaterina est connectée par Skype depuis le couloir du centre de détention. Un officier de police et d’autres personnes sont présents à côté d’elle tout le temps. La juge n’autorise Ekaterina Yanshina à parler à l’avocat qu’en présence de la secrétaire du tribunal et menace de lui interdire toute autre communication.
14:49
Le juge lit les pièces du dossier : la veille, au tribunal, Yanshina se serait comportée de manière provocante et aurait refusé de se présenter. À cet égard, elle a été « invitée » à une « conversation préventive ». Dans le bureau « pour les entretiens », selon l’accusation, elle a de nouveau omis de se présenter. Elle a ensuite été emmenée au service de police du district Moskovski – à nouveau pour une « conversation ». Là, elle aurait commencé à jurer et à crier et aurait refusé de se taire. En conséquence, les policiers ont dressé un procès-verbal de hooliganisme mineur à son encontre.
15:01
Ekaterina affirme que les accusations sont fausses. Selon Elle, dans la salle d’audience, elle a demandé à s’identifier aux agents qui l’ont emmenée pour lui parler. Ils ont refusé et lui ont demandé de leur montrer le contenu de son téléphone. Elle a refusé, puis a été emmenée au poste de police. Elle n’ a été ni menacée, ni soumise à des pressions, mais elle ne comprend toujours pas pourquoi elle a été placée en détention. Puis Ekaterina a été emmenée au poste de police. Ils y ont rédigé un procès-verbal, dans lequel elle a été surprise d’apprendre qu’elle avait crié et juré au poste de police. Elle a ensuite été emmenée au Centre de détention d’Okrestina, où elle se trouve encore aujourd’hui.
15:18
Son avocat demande le visionnage des images de la caméra située dans le bureau du service de police où Ekaterina aurait commis l’infraction. La cour suspend l’audience le temps de statuer sur cette demande.
15:39
La juge rejette la requête : elle aurait découvert qu’il n’y avait pas de caméras dans le bureau où Ekaterina était détenue.
15:40
Un témoignage est alors donné par Sergey Parfianovich, un officier du département de police du district Moskovski. Le commandant du département de la police répète l’accusation presque mot pour mot. Il s’avère que dans le rapport et le protocole de détention, le nom de famille du témoin a été écrit avec une erreur. Parfianovich affirme que ce n’est pas lui qui a rédigé le rapport, même si tout indique le contraire. Le juge ne montre aucun intérêt pour ce fait.
15:44
Yanshina demande comment exactement elle s’est « comportée de manière provocante » au tribunal. Le témoin répond que la police a agi conformément à la loi. Ekaterina demande à voir la vidéo de la salle d’audience. Le tribunal refuse car le comportement au tribunal « n’est pas l’objet de la procédure ».
15:51
En réponse à une question de la défenseure des droits de l’homme sur la raison pour laquelle aucun des officiers ne s’est présenté à elle, Parfianovich dit qu’il l’a fait, mais ne peut rien dire concernant les autres.
16:00
L’avocat pointe du doigt une masse de violations flagrantes dans l’exécution des protocoles. « La culpabilité de Yanshina dans l’affaire administrative n’a pas été prouvée. L’affaire doit être abandonnée », dit l’avocat.
16:26
La juge Tatiana Motyl se retire pour statuer.
17:00
Le tribunal déclare Ekaterina Yanshina coupable, elle écope de 15 jours d’arrêts administratifs en vertu de l’article sur les troubles à l’ordre public (19.1 du Code des infractions administratives).
Il est interdit de transmettre à Ekaterina Yanshina ses effets personnels. Cela s’explique par les restrictions covid et par un « ordre des autorités ». Les médicaments ne peuvent être donnés aux détenus que par des parents proches après confirmation du lien de parenté.
Memorial France demande la libération immédiate de Ekaterina Yanshina
source : https://telegra.ph/Zaderzhanie-Ekateriny-YAnshinoj-v-Minske-CHto-proishodilo-na-sude-01-06
https://memorial-france.org/arrestation-de-ekaterina-yanshina-a-minsk-un-jugement-expeditif-et-entache-de-nombreuses-irregularites/
Rappel :
Ekaterina Yanshina, du Centre de défense des droits humains Memorial a été arrêtée à Minsk
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2023/01/08/60-solidarite-avec-la-resistance-des-ukrainien·nes-retrait-immediat-et-sans-condition-des-troupes-russes-60/
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Nous exigeons la libération immédiate de la journaliste biélorusse
Larysa Shchyrakova
Communiqué SNJ, SNJ-CGT, CFDT-Journalistes, FEJ
La journaliste biélorusse Larysa Shchyrakova a été placée en détention dans la ville de Gomel, a rapporté RFE/RL Belarus le 7 décembre 2022. Les syndicats français de journalistes SNJ, SNJ-CGT, CFDT-Journalistes et la Fédération européenne des journalistes (FEJ) demandent sa libération immédiate.
« Les raisons et les circonstances de sa détention sont encore inconnues. Elle est en détention provisoire et son fils Sviataslau est dans un foyer pour enfants. Larysa n’a participé à aucune activité publique ou journalistique ces dernières années », a déclaré la source de RLE/RF Bélarus.
Larysa Shchyrakova est une journaliste connue, qui a cessé ses activités journalistiques en 2021 en raison de menaces d’arrestation.
En 2018, alors qu’elle travaillait principalement pour Belsat, chaîne d’opposition au régime basée en Pologne, elle avait été invitée à Paris et Bruxelles par les syndicats de journalistes français et l’association Profession : Pigiste. A cette occasion, elle avait été reçue par l’Assemblée nationale à Paris et par la Commission européenne à Bruxelles.
L’institutrice devenue journaliste a travaillé pour un certain nombre de publications indépendantes couvrant la répression gouvernementale sous le président Alexandre Loukachenko. Elle a également réalisé des documentaires et mis en œuvre son propre projet visant à rendre hommage aux personnes réprimées en URSS, intitulé « Les assassinés et les oubliés ». Shchyrakova a enregistré les témoignages de proches des dissidents réprimés et a utilisé ces enregistrements pour produire des publications et des documentaires.
Au cours des derniers mois, elle a participé à des séances de photos ethniques, prenant des clichés de personnes en costumes folkloriques de Biélorussie ou de lieux connexes. Malgré les menaces, Mme Shchyrakova a choisi de rester en Biélorussie.
Paris, le 7 janvier 2023
https://snjcgt.fr/2023/01/07/nous-exigeons-la-liberation-immediate-de-la-journaliste-bielorusse-larysa-shchyrakova/
Le procès par contumace de l’opposante Svetlana Tikhanovskaïa va s’ouvrir en Biélorussie
Le régime totalitaire d’Alexandre Loukachenko, allié de Moscou, accentue la répression contre les opposants avec l’ouverture de ce procès emblématique.
https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/un-monde-d-avance/le-proces-par-contumace-de-l-opposante-svetlana-tikhanovskaia-va-s-ouvrir-en-bielorussie_5575947.html
Les droits humains en cage : trois dirigeants de Viasna affrontent de fausses accusations au Bélarus
9 janvier 2023. Trois dirigeants de Viasna, une des principales organisations bélarusses de défense des droits humains et membre de la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), sont jugés depuis le 5 janvier 2023. Le lauréat du prix Nobel pour la paix Ales Bialiatski, le vice-président de la FIDH Valiantsin Stefanovic et l’avocat Uladzimir Labkovich font face à de fausses accusations. Pendant les premières journées du procès, les observateurs·ices ont pu constater que les accusés semblent atteints physiquement par des conditions de détention extrêmes. Leur volonté, elle, reste intacte.
https://www.fidh.org/fr/regions/europe-asie-centrale/belarus/droits-humains-viasna-belarus-fausses-accusations-proces
Bélarus. Le procès du lauréat du prix Nobel de la paix Ales Bialiatski est une parodie de justice
En réaction à l’ouverture de l’audience dans le cadre de l’affaire à caractère politique visant Ales Bialiatski, lauréat 2022 du prix Nobel de la paix
https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2022/10/human-rights-defenders-from-belarus-russia-and-ukraine-win-the-nobel-peace-prize/
et président du Centre des droits de l’homme Viasna, et ses collègues Valiantsin Stefanovich, Uladzimir Labkovich et Dzmitry Salauyou, la directrice du programme Europe de l’Est et Asie centrale à Amnesty International, Marie Struthers, a déclaré :
« Le procès contre Ales Bialiatski et ses collègues défenseurs des droits humains est un acte d’injustice flagrant par lequel l’État cherche clairement à se venger de leur militantisme. Dans cette parodie de procès, les accusé·e·s ne peuvent même pas espérer un semblant de justice. Le juge a refusé de conduire le procès en bélarussien et non pas en russe, mais aussi de leur enlever les menottes ou d’ajourner l’audience pour que les accusés puissent se familiariser avec les documents relatifs à l’affaire.
“The trial against Ales Bialiatski and his fellow human rights defenders is a blatant act of injustice wherein the state is clearly seeking to enact revenge for their activism. In this shameful pretense of a trial, the defendants cannot even hope for a semblance of justice. The judge has not only refused to conduct the trial in Belarusian instead of Russian, but also to remove their handcuffs or adjourn the hearing so the defendants can familiarize themselves with the case materials.
« Dans cette parodie de procès, les accusé·e·s ne peuvent même pas espérer un semblant de justice » Marie Struthers, directrice du programme Europe de l’Est et Asie centrale à Amnesty International
« Dans un pays où les poursuites à caractère politique et l’emprisonnement massif de personnes ayant critiqué le gouvernement sont monnaie courante, le travail en faveur des droits humains est aussi indispensable que dangereux. Le gouvernement d’Alexandre Loukachenko est particulièrement vindicatif à l’égard des militant·e·s des droits humains et l’issue de ce ” procès ” semble devoir être bien cruelle.
« Les autorités doivent abandonner sans délai toutes les accusations portées contre Ales Bialiatski, Valiantsin Stefanovich et Uladzimir Labkovich et les libérer immédiatement et sans condition. »
Complément d’information
Ales Bialiatski, fondateur et président du Centre des droits de l’homme Viasna, Valiantsin Stefanovich, directeur adjoint de Viasna et vice-président de la Fédération internationale des droits de l’homme, et Uladzimir Labkovich, avocat de Viasna, sont accusés à tort d’avoir « fait transiter de grosses sommes d’argent et financé des actions collectives portant gravement atteinte à l’ordre public ». Ils sont maintenus en détention depuis juillet 2021, tandis que leur coaccusé Dzmitry Salauyou, en exil, est jugé par contumace. Ils encourent jusqu’à 12 ans de prison.
L’accusation affirme qu’ils ont fait passer en contrebande à la frontière au moins 201 000 euros et 54 000 dollars américains et se sont servis de ces fonds pour financer des activités illégales de contestation.
Lors des manifestations pacifiques massives contre la fraude électorale largement dénoncée en 2020 et dans leur sillage, Viasna a fait un travail remarquable pour recenser et dénoncer les nombreuses violations des droits humains, notamment les arrestations et détentions arbitraires, la torture et les procès iniques.
https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2023/01/belarus-trial-against-nobel-peace-prize-laureate-ales-bialiatski-a-shameful-pretense-of-justice/