Yuri Samoilov, président du syndicat indépendant de la région de Krvyvyi Rih (KVPU) participe actuellement à une tournée en Europe à l’initiative du Réseau syndical international de solidarité et de luttes, dont Solidaires est membre. Yuri est intervenu à Paris et à Lyon. La tournée organisée par le RSISL, comprend également des réunions publiques à Madrid, Lisbonne, Milan, Padoue ainsi que des échanges avec des équipes syndicales sur des lieux de travail.
Lors des deux convois que nous avons organisés pour l’Ukraine, nous avons rencontré Yuri, la première fois à Lviv où il s’étai déplacé pour nous rencontrer, la deuxième fois dans sa ville de Kryvyi Rih au sud est de l’Ukraine.
https://solidaires.org/sinformer-et-agir/actualites-et-mobilisations/internationales/convoi-syndical-pour-lukraine-la-solidarite-syndicale-a-un-nom/
https://solidaires.org/sinformer-et-agir/actualites-et-mobilisations/internationales/convoi-syndical-international-de-retour-dukraine-photoreportage/
Tout en participant à l’action intersyndicale de solidarité en France, nous avons concentré nos efforts sur la solidarité concrète avec ce syndicat, syndicat indépendant et de gauche, qui allie un engagement fort contre l’agression de Poutine et une activité non moins forte en défense des droits des travailleurs et travailleuses qu’ils et elles soient au travail ou au front. 200 membres du syndicat sont au front et 300 membres des familles de militant·es (enfants, conjoint·es), principalement regroupé·es dans une brigade de chars et une autre de la défense territoriale.
La visite de Yuri en France nous a permis de mesurer une nouvelle fois l’importance de l’action syndicale en temps de guerre : Les camarades organisent du soutien aux familles de réfugié·es nombreuses qui sont arrivées à Kryvyi Rih depuis l’année dernière. Le syndicat a permis que dans les grosses entreprises où il est présent, les salaires des travailleur·euses parti·es au front continuent à être payés, ce qui est particulièrement important car les soldes sont payées souvent très en retard. Dans les plus petites c’est plus difficile car le syndicat y est moins présent, surtout avec les départs au front.
Il intervient aussi avec des juristes bénévoles pour défendre la situation des travailleur·euses au front, les conditions de vie et de « travail » y étant pénibles, sans moyens suffisants (nous avons fourni des vêtements chauds, des talkies walkies… aux soldats lors de nos convois), la sécurité laissant à désirer, l’attribution des primes étant source de conflits. Si l’engagement des syndicalistes est fort, on est loin d’une unité nationale sans barrière de classe. Ils et elles veulent se battre mais pas comme de la chair à canon pendant que des fil·les d’oligarques participent à la brigade « Monaco sur la Côté d’Azur » (!).
Nous avons pu voir à nouveau les photos du matériel que nous avons acheminé dans les mains des soldats membres du syndicat, il nous a répété encore comment l’argent permettait de répondre, évidement en partie seulement, aux demandes permanentes de matériel, de vêtements chauds en particulier en ce moment. Et nous a expliqué aussi que deux des générateurs apportés en septembre ont sauté dans les environs de Bakhmout.
Cette fois encore, Yuri nous a dit comment les décisions néolibérales du gouvernement Zelensky mettent les travailleurs et les travailleuses en difficulté, comment dans les faits, les oligarques bien présents en Ukraine font ami-ami avec les oligarques russes.
Yuri est intervenu lors du meeting du Réseau européen de solidarité avec l’Ukraine à la Bourse du travail de Paris le 23 février et à Lyon lors de la manifestation du 25. Il a animé de plus des réunions militantes dans ces deux villes avant de partir pour Madrid. La visite de Yuri en France, et les différentes réunions militantes auxquelles il a participé, ont permis d’établir de nouveaux liens avec des syndicats de lutte en France, notamment des contacts directs avec des équipes syndicales, en Europe et aux Etats-Unis, et la suite de sa tournée en Europe donnera sûrement lieu à d’autres contacts pour renforcer le RSISL et la solidarité militante internationale.
La tournée de Yuri en France a permis ainsi de montrer à quoi sert concrètement la solidarité syndicale. Nous sommes solidaires avec la population ukrainienne, avec les militant·es syndicalistes russe et biélorusses opposé·es à la guerre, mais la solidarité concrète que nous organisons permet aux camarades de se défendre et aussi d’envisager un avenir sans la guerre qui soit plus favorable aux travailleur·euses. De notre côté, cela renforce la conviction de l’utilité de la solidarité militante (aller là bas, se connaître) et matérielle. Elle fonde notre compréhension de ce qu’est concrètement cette guerre, non pas une chose abstraite qui autorise de grands discours mais une guerre aux conséquences incommensurables sur les personnes au travail, au front, réfugiées, sur nos camarades par delà les frontières, eux et elles qui sont en guerre contre leur volonté, qui ont un·e conjoint·es, des enfants, des petits enfants au front.
Vous retrouverez ici les grandes lignes des interventions de Yuri lors des réunions organisées par le Réseau syndical international de solidarité et de luttes :
https://laboursolidarity.org/fr/n/2571/un-syndicaliste-ukrainien-nous-parle-
Et le bulletin Ukraine de Solidaires :
https://solidaires.org/sinformer-et-agir/les-journaux-et-bulletins/solidaires-et-internationalistes/n118-special-ukraine/
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Continuer à donner c’est important : Tout l’argent collecté est donné à la solidarité avec les syndicats. Ainsi 50 000 euros ont été récoltés dont 15 500 pour les dons de l’intersyndicale française, 6 500 pour le matériel livré par le premier convoi à Lviv en mai dernier et 20 000 lors du convoi à Kryvyi Rih. Et nouvelles initiatives sont en discussion.
→ faire un chèque à l’ordre de « Convoi syndical » et l’envoyer à Solidaires, 31 rue de la Grange aux belles, 75010 Paris (en indiquant « convois syndicaux » sur l’enveloppe)
ou
→ effectuer un virement sur le compte du Convoi syndical : FR12 2004 1000 0127 9649 6A02 006 – PSSTFRPPPAR. La Banque postale Centre financier Paris
En complément possible :
Entretien avec Yuri Samoilov, du Syndicat Indépendant des Mineurs d’Ukraine
Rencontres européennes avec Yuri Samoilov. Les travailleurs et travailleuses ukrainien.nes à l’ombre de la guerre
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2023/01/01/les-patrons-utilisent-la-guerre-pour-retirer-des-droits-aux-travailleurs-et-travailleuses/
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Ukraine : le syndicalisme en temps de guerre
Ivanna Khrapko vit à Kiev. Elle est syndicaliste dans le syndicat de la fonction publique ukrainienne. En février, elle a aussi été élue présidente du réseau de la jeunesse syndicale d’Ukraine. Mouvements l’a rencontrée pour discuter avec elle des réalités du monde du travail et du syndicalisme en Ukraine en temps de guerre.
Mouvements : Bonjour Ivanna. Tout d’abord, quelle est la situation générale en Ukraine après 9 mois de guerre ?
Ivanna Khrapko (IK) : Un des problèmes les plus importants pour les civils en ce moment c’est que beaucoup d’infrastructures de production d’électricité ont été détruites par la Russie. L’hiver qui arrive nous donne des craintes. Maintenant déjà, on n’a l’électricité que 3 ou 4 heures par jour. C’est très difficile pour des parents par exemple car il faut s’organiser autour de ces coupures d’électricité en sachant que le plus souvent on est également sans chauffage et sans eau ! Mais les Ukrainien.ne.s sont formidables, on se débrouille, on prend des petits générateurs, etc.
Le second aspect de la situation actuelle c’est évidemment la contre-offensive de l’armée ukrainienne qui a, heureusement, permis de libérer la région de Kherson. En tant que syndicat, nous sommes en train de collecter et distribuer de grandes quantités d’aides pour nos membres dans ces zones libérées. La plupart des civils sur place ont tout perdu : par exemple, dans la commune de Vysokopillya, tout a été détruit, les gens n’ont plus rien, ni maison, ni farine, ni ustensiles de cuisine, etc. Et donc là, nous avons organisé cinq livraisons avec le syndicat. On s’organise aussi avec la population sur place pour la distribution de médicaments.
Le troisième aspect important, c’est cette nouvelle loi sur la suspension du code du travail « pour cause de guerre », votée pendant l’été par le gouvernement Zelensky. En temps de guerre, les problèmes quotidiens de salaire et de conditions de travail continuent. Nous tentons d’intervenir là-dessus avec nos affilié.e.s. Nous continuons aussi la formation syndicale, même s’il faut bien sûr l’adapter. Nous avons aussi signé une convention de partenariat avec l’inspection du travail. Nous travaillons dans cinq régions d’Ukraine pour discuter avec nos membres de l’importance de la législation pour les droits au quotidien.
Peux-tu nous en dire plus sur la question des conditions de travail et de vie ?
IK : Sur cette question, c’est important de différencier l’Ouest de l’Ukraine et le reste de l’Ukraine, où ce sont carrément les lieux de travail qui ont été détruits des suites de l’invasion russe. On a donc un grave problème de chômage dans le pays. Prenons l’exemple du syndicat du secteur nucléaire : la centrale nucléaire de Zaporijia est sous occupation russe, du coup on aide les travailleur.se.s à être relocalisé.e.s dans une autre implantation pour préserver leur salaire. On a aussi le problème des salaires qui ont baissé depuis la guerre. Ça se sent quand on fait les courses : maintenant, 10 œufs c’est presque 100 (2,6€), ce qui est très cher pour nos salaires [NDLR : le salaire moyen en Ukraine est de 380€ par mois]. Pour les pensionné.e.s c’est encore pire : ça devient difficile d’acheter de la nourriture et des médicaments.
Dans l’Ouest de l’Ukraine, beaucoup d’entreprises ont été « relocalisées » depuis l’Est. Il y a également des programmes pour aider les travailleur.se.s déplacé.e.s à retrouver un emploi. Avec l’arrivée de l’hiver, certain.e.s quittent Kyiv de peur de ce qu’il pourrait se passer. Moi j’habite au 14e étage, alors quand l’électricité est coupée, je ne peux rien faire : je n’ai pas internet, la connexion téléphonique est faible, etc. Donc on discute avec les collègues de se relocaliser aussi. Mais pour beaucoup de gens ce n’est pas si simple de se relocaliser en Ukraine, un certain nombre va donc dans les pays voisins ou en Europe de l’Ouest.
Comment s’organise le syndicat de la fonction publique ?
IK : Nous avons 90 000 membres, ce qui est moins qu’avant la guerre car beaucoup d’affilié.e.s ont quitté le pays et vivent à l’étranger. Nous sommes présent.e.s dans toute l’Ukraine et avons une coordination centrale ainsi que des fédérations dans chaque région. C’est important d’avoir cette structure et cette implantation dans une situation de guerre, car cela nous permet d’intervenir et aider un peu partout, mais aussi de comprendre les différentes réalités dans les différentes régions. Nous n’avons pas la possibilité d’aider les Ukrainien.ne.s sous occupation russe, c’est trop dangereux. Nos connexions ont été coupées la plupart du temps avec les affilié.e.s dans ces zones occupées, que ce soit par téléphone ou internet. On a essayé de livrer des médicaments spécifiques par exemple mais c’est quasiment impossible de traverser la ligne de front et de maintenir la communication.
On a des affilié.e.s qui sont partis se battre dans l’armée ukrainienne ou dans les unités de défense territoriale. Mais nous en tant que syndicat nous organisons avant tout les civils. En tant qu’Ukrainien.ne.s, bien sûr, nous aidons nos ami.e.s et camarades. Par exemple dans le réseau de jeunes dont je fais partie, nous avons beaucoup d’ami.e.s qui sont maintenant dans l’armée. On essaie d’acheter de l’équipement militaire par exemple. Nous organisons aussi un projet avec notre réseau de jeunes syndicalistes, le syndicat du secteur pharmaceutique, le syndicat des cheminot.e.s, etc. : une ligne syndicale de survie. Ensemble, on a rassemblé nos forces, également avec nos nombreux contacts syndicaux internationaux en Europe et ailleurs, pour livrer de l’aide. C’est important ce contact direct avec des personnes que nous connaissons pour les aider, y compris celles et ceux qui sont dans l’armée. Là on envoie du matériel pour faire face à l’hiver : des vêtements chauds, de quoi réchauffer sa nourriture…
Qu’en est-il de l’organisation des jeunes travailleur.se.s en Ukraine ?
IK : Nous avons donc ce réseau de jeunesse syndicale. Ce sont des jeunes de moins de 35 ans. Il y a aussi un syndicat des étudiant.e.s qui fait partie du syndicat de l’éducation. Ils sont également membres de notre réseau. Une de nos principales tâches est de faire la promotion du syndicalisme auprès de la jeunesse. Nous tentons aussi de moderniser notre travail syndical : avec le Covid, on a commencé à utiliser de nouvelles applications, des vidéo-conférences, etc. Nous aidons nos camarades plus âgé.e.s pour lesquel.le.s c’était plus difficile. Ce réseau aide notre direction syndicale à comprendre la situation dans la société. Le gouvernement est assez fort dans l’utilisation du digital pour intervenir et organiser des débats en ligne. Pour les jeunes syndicalistes c’est plus facile de s’adapter à tout ça. On organise les jeunes travailleur.se.s des différents secteurs économiques. En tant que présidente de ce réseau, je fais partie du comité exécutif de la confédération syndicale ukrainienne. Cela nous permet d’influencer son cours et de porter la voix des jeunes travailleur.se.s.
Comment se passent les relations avec les autres syndicats en Europe ?
IK : Ces quinze dernières années notre syndicat de la fonction publique a eu un projet en commun avec le syndicat suédois, qui nous a beaucoup aidé.e.s depuis le début de la guerre. Nous travaillons aussi avec le Centre Olof Palme et un syndicat des employés municipaux. Nous avons également des liens avec beaucoup de syndicats tels que la CGIL italienne, les syndicats PCS et GMB en Grande-Bretagne, l’AFL-CIO, la confédération syndicale aux USA et le Solidarity Center. On a d’ailleurs eu plusieurs rencontres en Grande-Bretagne avec des organisations de gauche. Nous avons des relations avec les syndicats en Autriche, en Estonie, en Lettonie, en Lituanie, en Nouvelle-Zélande – notamment des jeunes syndicalistes… Et bien sûr les syndicats d’Allemagne, de Pologne et une organisation avec des exilé.e.s de Bélarus. Tous ces syndicats nous aident de différentes façons : on a reçu des colis avec de la nourriture, des vêtements, des médicaments, pour nos amis, pour l’armée aussi. Nous partons des besoins exprimés par la population et nous faisons le lien avec nos partenaires. Toute aide est la bienvenue !
Quels sont les problèmes avec la politique socio-économique du gouvernement ukrainien ?
IK : D’un côté le gouvernement est intervenu pour soutenir les employeurs et les travailleur.se.s au début de la guerre quand une série d’entreprises ont été détruites. Beaucoup ne savaient pas quoi faire, comment faire fonctionner les entreprises. Mais d’un autre côté, le gouvernement veut réaliser des réformes néolibérales, ce n’est un secret pour personne. Nous avons lutté sur la question de la suspension des contrats pour cause de guerre. Les employeurs ont usé et abusé de cette législation où il suffit de signer un papier comme quoi on le site de l’entreprise n’est plus opérationnel pour recevoir de l’aide et pouvoir licencier, ne plus payer de salaire, etc. Des patrons en ont profité dans l’Ouest de l’Ukraine dans des zones qui n’avaient pas subi de destructions. Nous discutons avec les travailleur.se.s et avec les employeur.se.s pour essayer d’empêcher ces effets d’aubaine.
Avec la guerre, c’est beaucoup plus difficile d’organiser des manifestations dans l’espace public. Nous pouvons encore négocier avec les patrons et le gouvernement sur la législation et exprimer la voix et les intérêts des travailleur.se.s et nous devrons continuer encore plus fort après la victoire, contre l’orientation néolibérale du gouvernement. On essaie de faire tout ce qu’on peut pour la victoire. Même si c’est plus difficile d’agir dans la rue, nous produisons du matériel à destination des civils, des visuels et explications pour le web et les réseaux sociaux. Par exemple, contre la loi 5371 qui est passée en août, nous avions fait campagne pour expliquer à la population et aux travailleur.se.s en quoi cette loi était mauvaise et contraire à leurs intérêts. Cette loi suspend le Code du travail et les conventions collectives pour les travailleur.se.s des entreprises de moins de… 250 travailleur.se.s, donc une grande majorité du monde du travail, et ce tant que la loi martiale mise en place depuis février restera d’application. Chaque travailleur.se se retrouve donc seul.e à devoir négocier les règles du contrat avec l’employeur. Fini aussi le droit syndical d’être averti et de pouvoir contester les licenciements. Une autre loi a été mise en place qui instaure les contrats zéro heure.
On fait la différence entre d’une part l’aide à la population et à la résistance armée et d’autre part la nécessité de combattre des lois néolibérales et de défendre nos droits en tant que travailleur.se.s. C’est clair qu’il y a aussi des gens qui vont nous dire : « la priorité maintenant c’est la lutte armée pour notre liberté, le reste peut attendre ». Mais c’est notre devoir en tant que syndicalistes d’expliquer cette différence. Les gens ressentent beaucoup de stress avec la guerre. Ça met une forte pression au quotidien, avec les sirènes, les bombardements. A l’instant où je te parle, je suis à Bucarest, avant de prendre un avion pour le congrès mondial de la Confédération syndicale internationale et ça me fait bizarre d’avoir l’électricité non-stop et de ne plus entendre les sirènes d’alerte. La question de la santé mentale, du stress des travailleur.se.s est donc importante.
En Europe de l’Ouest, le mouvement social et syndical commence à réagir contre la hausse des prix, de l’énergie notamment, pour les salaires, etc. On demande notamment de taxer les profits du secteur énergétique. Comment vois-tu le lien entre cette lutte et celle des travailleur.se.s d’Ukraine ?
IK : J’ai participé récemment à une discussion au sein du Parti travailliste britannique où cette question a été évoquée. Je pense que c’est un moment historique pour que l’Europe réalise enfin son indépendance énergétique vis-à-vis de la Russie, de son gaz et de son pétrole. Ça vaut pour l’Allemagne autant que pour l’Ukraine et le reste du continent. Depuis combien de temps on nous parle de « transition juste » et d’énergies renouvelables ? Il est temps de passer des paroles aux actes. Dans cette guerre, l’Ukraine se bat pour sa population, son territoire et sa survie en tant que pays, mais pas seulement. Combien de temps allons-nous laisser le régime russe utiliser l’énergie pour faire pression sur des pays, sur l’opinion publique, sur les politiciens en Europe et pour intervenir sur la scène internationale ? C’est ridicule. C’est le moment pour nous tou.te.s, Ukraine et Union européenne de prendre notre indépendance, y compris si ça signifie consommer moins de carburants. On se bat ici pour des droits démocratiques, pas pour que tout ça continue comme avant. Je suis d’accord qu’il faut cibler les grandes entreprises énergétiques et leurs méga-profits. C’est le devoir des syndicalistes de pointer ces profiteurs, d’aller devant le siège de ces multinationales et leur dire que c’est à elles de payer. Il y a des oligarques en Russie, en Ukraine, mais aussi chez les propriétaires de ces entreprises. Nous vivons un moment historique où on peut réorienter les priorités : vers les travailleur.se.s et la démocratie et non plus les oligarques et le profit.
Nous avons souvent eu la question de la part de camarades, en Italie, ou en Grande-Bretagne par exemple, qui nous demandent : « mais pourquoi demandez-vous des armes pour l’Ukraine ? ». C’est important pour nous d’en parler clairement : au début de la guerre on avait très peu d’armes, de défense anti-aérienne… et nos gens à Butcha, à Bykiv, à Borodianka, etc. n’avaient pas de quoi se protéger et se défendre quand les forces russes les ont massacrés, les ont violées, ont détruit leur village avec des centaines de missiles. Donc les armes de défense anti-aériennes par exemple, c’est littéralement vital, nous en avons besoin ! Si on nous désarme, la Russie et Poutine ne vont pas miraculeusement arrêter de tirer et de nous envahir. Poutine parle de « négociations », puis le jour d’après il annexe avec des « référendums » bidon. Il parle de « négociations », puis il décrète la mobilisation générale et continue à tuer et détruire. Mes ami.e.s des régions occupées m’ont raconté la torture, les viols, les massacres. Un ami à moi est mort pour libérer Kherson. C’est mon devoir d’oser parler de ça et des armes dont on a concrètement besoin. Nous invitons nos ami.e.s syndicalistes d’autres pays à venir en Ukraine pour comprendre ce qui se passe avec leurs propres yeux, comme d’autres l’ont fait encore récemment avec une délégation suédoise. Ça aide à ne plus tomber dans les pièges de la propagande poutinienne très présente sur les réseaux sociaux, comme Instagram par exemple. Merci d’ailleurs d’avoir pris le temps pour qu’on puisse entendre notre voix du terrain. Les témoignages de solidarité d’organisations syndicales et sociales du monde nous donnent de la force et du courage.
Ivanna Khrapko
Mouvements
https://mocbxl.be/ukraine-le-syndicalisme-en-temps-de-guerre/
http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article65997
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La lutte de classes ne s’arrête pas pendant la guerre
De janvier à février 2023, la Service National de Médiation et de Conciliation a recensé 140 conflits collectifs du travail
FPU
De janvier à février 2023, la NSPP (Service national de médiation et de conciliation) a recensé 140 conflits collectifs du travail (3 au niveau national, 4 au niveau de la branche, 2 au niveau territorial, 131 d’entreprises), impliquant plus de 1,6 millions de travailleurs dans 7643 entreprises.
Dans ces conflits, 316 revendications ont été déposées par des salariés, dont : 142 (45%) concernant le non-respect des exigences du droit du travail ; 101 (32%) concernant la mise en œuvre d’une convention collective, d’un accord ou de leurs dispositions distinctes ; 46 (15%) concernant l’établissement de nouvelles conditions ou la modification des conditions socio-économiques existantes de travail et de vie industrielle ; 27 (8%) concernant la conclusion ou la modification d’une convention collective, d’un accord.
Dans les conflits sur les arriérés de paiement des salaires un montant de 56,7 millions d’UAH (1,40 million euros) sur le montant total 717 millions d’UAH (18 millions euros) ont été payés.
13 mars 2023
https://laboursolidarity.org/fr/n/2592/la-lutte-de-classes-ne-sarrete-pas-pendant-la-guerre