- Réforme des retraites : pour le retrait, on continue !
- Christian Mahieux : Grèves et manifestations en France (3)
- La LDH sonne l’alarme !
- Edito de PEPS : Avec le 49 /3 Macron nous a fait un doigt d’honneur…, maintenant tout est possible
- Pour l’insurrection
- L’autorité judiciaire n’est pas au service de la répression du mouvement social
- Charges policières, nasses, interpellations massives : la violence se joint au déni démocratique
- Maxime Friot et Pauline Perrenot : 49.3, motion de censure, réquisitions : à la télé, la normalisation des violences policières
- Affiches dans l’état espagnol
Télécharger le tract au format PdF : Tract Intersyndical IDF 23 mars 2023
********
Grèves et manifestations en France (3)
Le préambule du précédent article, daté du 13 mars, précisait : « Ce texte prolonge la contribution du 21 février. Pour tout ce qui est du contexte, des réflexions sur la construction d’un rapport de force, des premiers enseignements à tirer du mouvement en cours, il convient de s’y reporter, l’idée étant de ne pas répéter les mêmes choses à quelques semaines d’écart. » Il en est de même aujourd’hui: ces quelques réflexions [1] s’inscrivent dans la suite des précédentes, n’en sont que l’actualisation compte tenu des apports du mouvement social qui se poursuit.
Un mouvement qui dure depuis deux mois
La première journée de grèves et de manifestations remonte au 19 janvier. Plus de deux mois. Gagner le plus vite possible est bien entendu l’objectif de toutes celles et tous ceux qui entrent en confrontation directe avec les défenseurs de l’ordre capitaliste : gouvernement, patronat, direction d’entreprises, etc. Mais tout le monde connaissait aussi le calendrier propre à ce projet de loi et à ce qui l’entourait: son examen à l’Assemblée nationale et au Sénat, les vacances scolaires et universitaires en février, la nécessité de construire un mouvement de grande ampleur pour s’y opposer.
Un palier a été fixé par l’intersyndicale CFDT / CGT / FO / CGC / CFTC / UNSA / Solidaires / FSU au 7 mars, avec l’appel à « mettre la France à l’arrêt ». Au soir de cette journée, le message des mêmes organisations interprofessionnelles nationales était très clair : « [l’intersyndicale] soutient et encourage tous les secteurs professionnels à poursuivre et amplifier le mouvement ». Contrairement à ce qui a pu se produire lors de mouvements similaires du dernier quart de siècle, cette fois-ci, l’intersyndicale n’est nullement un frein ; n’en déplaise à quelques commentateurs « radicaux » mais non-grévistes ou à quelques « révolutionnaires » dont le propre secteur ne brille pas le nombre de grévistes. Au contraire, sa résistance sur le long terme est un élément déterminant dans le niveau de mobilisation. Cela se voit à travers les manifestations bien sûr, mais aussi dans les grèves, à l’exemple de la SNCF où, depuis le 7 mars les cheminots et cheminotes reconduisent la grève, à l’appel des quatre fédérations CGT, UNSA, SUD-Rail [Solidaires], CFDT. Avec les différences liées aux implantations syndicales, ceci se retrouve, peu ou prou, dans les autres professions où il y a des grèves de masse à l’échelle nationale. L’unité est très visible aussi dans les différentes actions décidées localement à travers tout le pays: diffusion de tracts aux portes d’entreprises ou dans des lieux publics, blocage de péages, de ronds-points ou de routes, soutien aux occupations de sites de production, etc. Il y a une relation dialectique entre le maintien de l’intersyndicale nationale dans la durée et les mots d’ordre portés par chacune des forces syndicales. L’effet sur le réel – et ça c’est qui compte – se traduit par le niveau important de la mobilisation sociale.
La mobilisation sociale
Elle est à la fois exceptionnelle et insuffisante. Exceptionnelle par le nombre de manifestantes et manifestants, par la durée, par la révolte populaire relancée par le choix du « passage en force » à l’Assemblée nationale, et aussi par le fait que des grèves touchent depuis deux mois de nombreuses entreprises privées, dans divers champs professionnels. Insuffisante, car, comme nous le disons depuis le début « les manifestations ne suffiront pas » ; or, cela reste le mode d’action privilégiée de beaucoup. Le blocage de l’économie, l’arrêt des moyens de production, c’est-à-dire la grève, demeure difficile à généraliser ; que ce soit dans la durée bien sûr, mais même lors des « journées nationales ». Les raisons sont connues, en premier lieu les insuffisances syndicales quant à l’organisation interprofessionnelle locale. Cela tient à l’antisyndicalisme militant du patronat (absence de droits dans les plus petites entreprises, remise en cause des droits dans les autres, détournement à travers des « institutions » représentatives du personnel de plus en plus institutionnelles et de moins en moins représentatives, répression antisyndicale partout). Mais cela provient aussi de choix propres aux organisations syndicales: quand on veut changer radicalement la société et qu’on pense que la grève générale est le moyen d’y parvenir, alors on ne peut marginaliser la dimension interprofessionnelle du syndicalisme dans l’activité quotidienne.
Si ce constat est nécessaire pour avancer, il convient de redire aussi le caractère puissant de ce mouvement de masse. Sans revenir sur les énormes manifestations dans l’ensemble des territoires, il faut noter les blocages, les rassemblements, qui perdurent depuis le 7 mars. Ils ne remplacent pas la grève, car ils ont un effet plus faible sur l’économie, sur la production et donc sur les profits des capitalistes. Mais ils mettent en action, ensemble, des équipes syndicales CGT, Solidaires, FSU, voire FO ou CFDT des mêmes villes, des mêmes quartiers dans les grandes agglomérations; ce sont des initiatives syndicales qui rassemblent des centaines, parfois des milliers de participantes et participants. A court terme, cela renforce la confiance populaire envers le mouvement et les organisations syndicales qui l’organisent ; à long terme, cela induit une dynamique positive pour le mouvement syndical.
La crise de leur « démocratie » bourgeoise
Résumons l’épisode précédent par une courte reprise : « Durant quelques semaines, la “représentation nationale” a fait… de la représentation, du théâtre ; sans surprise, là non plus. L’opposition a agi pour retarder l’adoption du texte, le gouvernement a fait de même pour en accélérer la validation. Chaque groupe a fait mine de s’offusquer des moyens utilisés par l’autre camp : multiplication d’amendements d’un côté, vote bloqué de l’autre. Il ne s’agit que du jeu institutionnel normal, tel que prévu par la Constitution de la Ve République française ; cette république au service de la bourgeoisie, bâtie sur le massacre des Communeux et Communeuses de 1871. » C’est dans cette logique que, plutôt que de soumettre son projet de loi au vote des député·e·s, et d’en risquer ainsi le rejet, le président de la république a eu recours à l’article 49-3 de la Constitution. Il s’agit de considérer par défaut que le texte en question est adopté, sauf si une motion de censure est votée dans les jours qui suivent par une majorité de député·e·s. Il y a bien sûr une nouvelle arnaque arithmétique et démocratique derrière ce choix : alors que l’approbation ou le rejet d’une loi s’apprécie à la majorité relative (les abstentions et les absences font baisser le seuil à atteindre, il suffit d’avoir plus de « pour » que de « contre »), la motion de censure qui suit la mise en œuvre de l’article 49-3 nécessite la majorité absolue du nombre de député·e·s ; en l’occurrence 287. Cela renverse, de fait, la nécessité de majorité sur le texte : incapable de recueillir les suffrages qu’il lui aurait fallu pour le faire valider, le gouvernement imposait aux oppositions parlementaires de recueillir 287 votes pour qu’il soit rejeté à travers la motion de censure. Comme prévu, cela n’a pas été atteint, il y en a eu 278 (plus que le nombre de voix qu’aurait recueilli le gouvernement dans le cas d’un vote ordinaire le 16 mars).
Il faut mentionner que depuis que l’article 49-3 existe, les gouvernements dits de gauche comme les gouvernements dits de droite y ont eu recours avec entrain: avant cette 100e édition, depuis 1962 on avait compté 56 « 49-3 de gauche » et 33 « 49-3 de droite ». Depuis 1962, concrètement depuis 1981, aucun gouvernement comportant les forces de gauche, criant au scandale depuis la décision Macron/Borne du 16 mars, n’a esquissé de réforme visant à abolir cette possibilité constitutionnelle. Il n’en reste pas moins que la décision du président de la république d’utiliser cette méthode a contribué à relancer la révolte dans le pays. Le 49-3 venait en réalité couronner l’ensemble de l’œuvre: délais restreints pour l’examen du texte, vote bloqué sur l’ensemble du texte au Sénat, et surtout mensonges éhontés depuis la présentation du texte. La palme revenant à l’affaire du minimum de retraite à 1200 euros pour tous et toutes: les premières déclarations portaient sur 2 millions de personnes concernées, de reniement en reniement, le ministre du travail en est arrivé à 10 000 par an. Autre exemple avec les régimes spéciaux de retraite, source de tant de maux selon le gouvernement : ceux, outrageusement avantageux, des parlementaires ne sont pas touchés ! Il y a une exaspération démocratique dans le pays, en premier lieu parmi les exploité·e·s du système capitaliste. Ce n’est pas sans lien avec ce qui fondait une bonne part du mouvement des Gilets jaunes, avec le mépris affiché lors de la crise sanitaire de la COVID où tout et son contraire furent racontés par le pouvoir.
Violences policières
Surtout depuis le 16 mars, on reparle de poubelles brûlées, de vitres cassées. Certes, dans la période que nous connaissons, ce ne sont pas là des marques de radicalité si on entend par ce terme la perspective de rompre plus vite avec le capitalisme. Mais la colère est grande et très partagée; tant pis si quelques poubelles en font les frais ! « Nous avons dit plusieurs fois qu’à force de ne pas se sentir écoutés, les gens allaient avoir envie de se radicaliser. Nous le sentions venir, même chez nos militants qui ne sont pas des anarchistes » [2] : ce sont là les propos du président de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) !
La manière dont le pouvoir utilise ces quelques faits pour parler de « violence » est inacceptable. La violence est dans le fait de vouloir faire perdre deux ans de retraite à des millions de personnes ! Elle est aussi dans la répression policière qui s’est fortement renforcée ces derniers jours. A Paris, l’Union départementale Solidaires avait déclaré l’intention d’organiser un rassemblement devant l’Assemblée nationale, le jour du vote. La veille, la préfecture de police a interdit cette manifestation ! Il a fallu un référé liberté devant le Tribunal administratif pour que l’interdiction soit levée. Des milliers de personnes s’y sont retrouvées dès l’annonce du 49-3. Dans la soirée, la police a interpellé plus de 200 personnes ! Manifestations, rassemblements et répression policière se sont répétés dans de nombreuses villes et les jours suivants. Dans un communiqué du 20 mars intitulé « L’autorité judiciaire n’est pas au service de la répression du mouvement social », le Syndicat de la magistrature résume bien la situation : « L’interdiction de la manifestation sur la place de la Concorde à Paris ce 18 mars s’est ainsi soldée par une multitude de placements en garde à vue, sans élément pour caractériser une infraction. Sur 292 interpellations, 283 ont donné lieu à un classement sans suite. Cette utilisation dévoyée de la garde à vue illustre les dérives du maintien de l’ordre […] » L’exemple cité concerne Paris, mais les mêmes méthodes – interpellations sans motif et violences policières – ont été utilisées dans bien d’autres villes.
Grève par procuration, référendum, Conseil constitutionnel
En termes de grève reconductible nationale, il y a la SNCF, les raffineries, l’énergie. D’autres secteurs sont touchés, mais pas nationalement (nettoiement, mais pas sous forme d’un mouvement reconductible). Face aux difficultés à étendre la grève, une partie des forces sociales tentent de trouver des solutions ailleurs. C’est d’abord le retour de la « grève par procuration » : la mise en avant des caisses de grève dans ce type de période participe de cette stratégie. Autant la constitution de tels outils, dans la durée, est une nécessité pour le mouvement syndical, autant faire mine d’y penser que lorsqu’un mouvement qu’on veut général a démarré n’a pas de sens : hormis les personnes en retraite ou au chômage, qui doit alors donner aux caisses de grève, si ce n’est celles et ceux qui devraient être en grève ? La question de la constitution de vraies caisses de grèves est importante. Il est dommage de la caricaturer en agissant de la sorte.
L’opposition parlementaire a déposé un recours auprès du Conseil constitutionnel ; il est possible qu’il en invalide des passages ; qui croit qu’il l’invalidera en totalité ?
Qu’en est-il du référendum d’initiative partagée visant à s’opposer au report de l’âge légal au-delà de 62 ans ? Il a l’avantage de geler la loi durant neuf mois ; mais il faut 4,7 millions de signatures pour valider la démarche. Une démarche qui aboutit à la tenue du référendum… sauf si le Parlement examine lui-même la demande dans les 6 mois qui suivent. Retour à la case départ.
L’international
Sans surprise, la dimension internationale de ce qui se passe actuellement en France est presque ignorée du mouvement social. Comme pour l’activité interprofessionnelle, c’est la conséquence de l’insuffisance de prise en compte de l’internationalisme dans le syndicalisme, globalement. Les organisations syndicales reçoivent des messages de soutien de leurs homologues d’autres pays. Quelques présences internationales dans les manifestations s’organisent, à l’image de ce que les organisations membres du Réseau syndical international de solidarité et de luttes [3] ont fait, à plusieurs reprises ces derniers mois. Des actions transfrontalières ont aussi eu lieu. C’est important mais encore trop symbolique. En Europe, et au-delà, toutes les populations ont été la cible d’attaques des capitalistes contre les retraites; toutes sont aussi confrontées à ce qui sous-tend la colère populaire également au cœur du mouvement actuel en France : la misère qui s’étend, la précarisation des emplois, la destruction des services publics, le déni de démocratie, le mépris de classe. Pour en rester à des pays proches géographiquement, il y a eu ces derniers temps, ou il y a encore, d’importantes grèves en Grande-Bretagne, dans l’Etat espagnol, en Grèce, en Belgique, en Allemagne, au Portugal; et la liste est loin d’être exhaustive. Une des clefs pour la victoire sociale est aussi dans l’action syndicale internationale.
La lutte continue. Grâce à qui ?
Grâce aux millions de personnes qui participent aux manifestations; mais s’il n’y avait eu que ces journées d’action, la crise politique provoquée par le refus massif du projet de loi gouvernemental n’aurait pas cette ampleur. Cela, c’est aux grévistes qu’on le doit. Des grèves difficiles, des grèves insuffisantes, mais des grèves qui font que cette loi n’est pas près d’être mise en œuvre, que la période d’instabilité politique institutionnelle ouvre des perspectives, à condition de ne pas s’enfermer dans les dites institutions. Prochaine étape, jeudi 23 mars : des millions dans la rue, une opportunité de lancer la grève là où ce n’était pas encore le cas. Il le faudrait : « Nous, cheminotes et cheminots, sommes en grève reconductible depuis une semaine. Il en est de même dans quelques autres secteurs. […] Le meilleur moyen de soutenir celles et ceux qui sont en grève, c’est d’organiser la grève là où vous travaillez. Le meilleur moyen de gagner vite, c’est d’agir ensemble. » Cet appel des cheminotes et cheminots [4] date du 10 mars.
Le mouvement qui a démarré le 19 janvier n’est pas vain. Des dizaines de milliers de personnes ont découvert ou redécouvert l’utilité, la nécessité, de s’organiser au sein de leur classe sociale, contre les capitalistes et leurs représentants. C’est un premier acquis politique qui en générera d’autres.
[1] Comme les deux précédents, ce texte fait suite à des échanges avec quelques militantes et militants, Solidaires et CGT, pleinement investi es dans le mouvement en cours. Merci à elles et eux.
[2] Le Monde du 20 mars 2023.
[3] www.laboursolidarity.org
[4] Appel de la fédération des syndicats SUD-Rail.
Christian Mahieux
Christian Mahieux, cheminot retraité, syndicaliste SUD-Rail [Union syndicale Solidaires], actif dans le Réseau syndical international de solidarité et de luttes, membre des collectifs de rédaction de Cerises la coopérative, La Révolution prolétarienne, Les utopiques, coopérateur des éditions Syllepse.
Texte reçu le 21 mars au soir
http://alencontre.org/europe/france/greves-et-manifestations-en-france-3.html
*******
La LDH sonne l’alarme !
Un pays en colère contre un exécutif qui feint de n’en rien savoir. Rarement la configuration politique aura été à ce point clivée et rarement aussi dangereuse. Le recours au 49.3 pour faire passer quoi qu’il en coûte le texte sur la réforme des retraites aura symbolisé à lui seul la somme des blocages qui défigurent l’image de la République. Concernant ce projet de réforme, un mépris souverain des corps intermédiaires et du mouvement social, ainsi qu’un contournement assumé des assemblées, ont accompagné une série d’arguments et de justifications variables selon les moments, les interlocuteurs, l’humeur du prince…
La mobilisation citoyenne auquel le projet gouvernemental s’est heurté a manifesté, elle, toutes les vertus méconnues par le pouvoir : sens du dialogue, culture de la responsabilité, capacité à rassembler.
La sagesse pour le gouvernement serait de retirer son projet de loi, de revenir à la lettre et à l’esprit des institutions. Tout indique, hélas, que le président de la République entend choisir une autre voie : celle de toutes les alarmes.
Alarme d’abord pour les chantiers essentiels qui sont devant nous – transition écologique, lutte contre la pauvreté, réduction des inégalités, sens du travail, accueil des étrangers – et qui requièrent une démocratie vivante et concrète. Alarme ensuite pour les libertés ; s’étant lui-même barré la route de l’avenir, le roi est nu et confronté à la tentation d’une escalade répressive qui a déjà commencé de se manifester. Alarme enfin pour l’avenir politique du pays, tout se passant comme si le président de la République comptait cyniquement sur l’hypothèque du Rassemblement national pour échapper au chaos. Qu’il soit ou non conscient, un tel calcul ne peut que conduire au pire.
Il y a alarme !
La LDH (Ligue des droits de l’Homme) en appelle aux femmes et aux hommes qui vivent et travaillent en France pour demander au gouvernement de retirer son projet, pour accompagner les débats et mobilisations démocratiques en cours, pour œuvrer au retour d’une démocratie vivante, ancrée dans l’égalité des droits, pour la justice sociale et la solidarité. L’avenir commun est à ce prix. Il y a alarme !
Paris, le 21 mars 2023
https://www.ldh-france.org/la-ldh-sonne-lalarme/
******
Edito de PEPS : Avec le 49 /3 Macron nous a fait un doigt d’honneur…, maintenant tout est possible
Parfois un événement change le cours d’une histoire programmée. Macron en refusant de faire voter la contre-réforme des retraites et en utilisant le 49/3 à l’Assemblée nationale a transformé une crise sociale en crise politique et démocratique. Il a par lui-même déstabilisé son pouvoir jupitérien en montrant une fois de plus, une fois de trop le mépris dans lequel il tient le peuple. Ce déni démocratique, il l’a fait parce que ce mouvement uni et déterminé n’a pas faibli en deux mois de manifestations et de grèves. La mobilisation qui s’est ancrée dans les petites et moyennes villes a mobilisé des travailleurs des secteurs stratégiques et des travailleurs invisibilisés comme les éboueurs. Le mouvement social de 2023 est l’héritier directe des Gilets Jaunes : Manifestations sauvages et non déclarées comme le 16 mars dans de nombreuses villes de France, coupures « Robin des bois » des responsables de la majorité, occupations de ronds-points et de périphériques, blocages des raffineries et des incinérateurs…la désobéissance civile se généralise. Une par une les conditions pour gagner que nous avions listées dans un précédent éditorial sont peut-être en train de se réunir.
C’est maintenant la question du pouvoir qui se pose : le mouvement peut durer s’il se politise en profondeur pour la destitution de Macron tout en continuant à demander le retrait de la contre–réforme. Il peut durer s’il étend sa contestation des retraites à la question du travail, de son sens, de sa pénibilité et de sa charge mentale. C’est pour cela que nous devons appuyer de toutes nos forces les luttes des éboueurs comme de toutes les catégories sociales invisibilisées. Les caisses de grève doivent être en priorité ciblées vers de celles et eux qui doivent tenir face aux briseurs de grèves
Il peut durer s’il se conjugue avec les autres revendications et notamment la hausse des salaires et la disparition des inégalités écologistes et de genre qui sont liées directement à la retraite. De ce point de vue la jonction le 25 et 26 mars avec le mouvement anti-bassines dont la manifestation vient d’être interdite est importante comme l’idée qui circule dans les syndicats et les AG inter-pros de proposer une montée générale à Paris. Si la lutte doit s’enraciner localement il faut après le 49/3 que la colère puisse trouver un débouché politique ; celui d’aller chercher Macron et sa bande jusqu’à l’Élysée.
Mais la condition absolue de sa victoire c’est son auto-organisation dans les quartiers, les villages et les entreprises. Si l’animation du mouvement par l’Intersyndicale a permis de rassembler dans un premier temps des millions de manifestants à travers huit journées de manifestations, elle a en même temps paralysé la prise en main par la base et l’action de la population. La démocratie directe doit s’exercer dans les assemblées générales d’entreprises, des assemblées populaires dans les villes, les quartiers, les villages.
C’est pour cela que PEPS est favorable au Référendum d’Initiative Partagé, un RIP où des comités d’action feraient signer sur les marchés, par du porte-à-porte, sur les places et les ronds-points serait un puissant levier pour imposer un recul au gouvernement. Le RIP est une occasion de transformer en victoire politique la mobilisation sociale. Si l’objectif de 4,7 millions de signatures est à priori très difficile à obtenir, il permet d’organiser un débat de fond capable de mobiliser comme au moment du Référendum sur le TCE en 2005 des millions de citoyen.nes. Il permettra que partout sur le territoire les langues commencent à se délier sur ce qui nous concerne tou-te-s intimement : notre propre vie. Car en nous volant deux ans de notre vie, la bande à Macron a montré son mépris à l’égard de ceux qui pour lui « ne sont rien ». On le savait depuis son premier quinquennat mais là il a carrément craché sur chacun d’entre nous et particulièrement sur les plus cassés par leur travail.
Pour l’Intersyndicale et la NUPES, utiliser le RIP est une manière de sortir par le haut. Il n’est pas contradictoire avec le durcissement du mouvement sur le terrain mais il permet de s’inscrire dans la durée. Pourquoi maitriser le temps du mouvement est-elle la clef pour gagner ? Parce que depuis plus de quarante ans, nous vivons une défaite rampante du mouvement populaire où nous avons perdu des batailles successives qui ont engendré des régressions sociales et écologiques majeures. Mais dans cette dynamique de défaite nous avons connu aussi des « Mai rampants », c’est-à-dire des luttes longues qui se sont traduites par des victoires temporaires : en 1995 en France ou au Chiapas, avec l’altermondialisme en réponse à la mondialisation financière ; en 2010 face à la crise financière de 2008 avec Occupy Wall Street aux États-Unis, les Indignés en Espagne et les révolutions arabes de la Tunisie à la Syrie. Ont succédé à partir de 2018 avec Nuit Debout, les Gilets jaunes en France, les révoltes anti-austéritaires en Équateur, au Chili, à Hong Kong et dans de nombreux pays, ou encore de nouveaux mouvements sociaux comme les mouvements féministes, les mouvements climats, les mouvements des peuples indigènes contre l’extractivisme… Nous sommes toujours dans cette séquence ouverte par la Loi Travail de François Hollande.
Une fois de plus, quitte à nous répéter, la victoire ou la défaite dépendent de notre capacité à prendre nos affaires en main, à lutter d’abord contre la résignation qui signifierait de fait la porte ouverte à Le Pen en 2027. Il y a des moments où l’Histoire est au rendez-vous. Comme le disait M. Pivert le 27 mai 1936 : « Qu’on ne vienne pas nous chanter des airs de berceuse : tout un peuple est désormais en marche, d’un pas assuré, vers un magnifique destin. Dans l’atmosphère de victoire, de confiance et de discipline qui s’étend sur le pays, oui, tout est possible aux audacieux. … ». Tout est possible, maintenant, à toute vitesse…Nous sommes à une heure qui ne repassera sans doute pas de sitôt au cadran de l’histoire. Alors, puisque TOUT est possible, droit devant nous, en avant, camarades ! Oui, tout est possible !
******
Pour l’insurrection
D’un coup de 49.3 nous voici donc arrivé-es au moment de vérité de la bataille de classe commencée il y a près de deux mois. Le moment qui en révèle la signification profonde et qui décide de son issue.
Pour le pouvoir, la chose se présente de façon simple : le coup de force, signal d’une nouvelle escalade répressive, révèle son isolement. Sa réforme s’est d’emblée heurtée à un rejet populaire massif. Malgré les petits arrangements avec une droite traditionnelle elle-même en voie de délitement, il se retrouve minoritaire à l’Assemblée nationale. Macron a fait de cette réforme le pivot de son second mandat, la preuve irréfutable de sa radicalité néolibérale, de sa détermination à briser les résistances d’un peuple qu’il sait « réfractaire ». Elle est devenue la preuve éclatante du caractère structurellement minoritaire de ce bloc social qu’il incarne à perfection, dans son rôle de commis insolent d’une bourgeoisie déchaînée, ivre de revanche sur les concessions auxquelles elle fut contrainte par le passé, digne héritière des Versaillais et du Comité des forges.
Mais le coup de force est aussi le moment de vérité pour son véritable adversaire, la mobilisation de masse portée par le mouvement syndical et la gauche politique. Elle a incontestablement marqué des points : manifestations record, ancrage sans doute inégalé depuis un demi-siècle dans le territoire, persévérance, esprit unitaire. La démonstration a été largement faite du caractère ultra-majoritaire du rejet de la réforme. Des secteurs sociaux importants ont retrouvé le chemin de l’action collective, débordant le périmètre habituel de la gauche et du syndicalisme. La mobilisation de rue a été relayée dans les enceintes parlementaires, permettant de gagner du temps, affinant les arguments, donnant une visibilité supplémentaire à l’opposition populaire.
Un rapport de forces s’est ainsi construit, dont l’effet s’est fait sentir jusque dans les rangs de la droite bourgeoise. Acculé, le pouvoir n’avait pas d’autre option que de recourir à l’arme ultime que lui offre une constitution tout entière conçue pour bâillonner les moyens d’expression de la volonté populaire jusque dans les procédures dont s’enorgueillissaient naguère les démocraties parlementaires.
Cette fuite en avant autoritaire est lourde de dangers.
Tout d’abord, elle met le mouvement social au pied du mur. Car s’il est vrai que celui-ci a réussi à démontrer sa légitimité majoritaire, il s’est également révélé incapable d’obtenir le retrait d’une réforme pourtant massivement désavouée. La stratégie, impulsée par la CFDT, de la pression sur le gouvernement et le parlement a montré ses limites : l’argument démocratique est impuissant face à un pouvoir brutal et déterminé. La question de la temporalité a ici valeur stratégique.
Tout en reconnaissant l’importance cruciale du maintien d’un cadre unitaire, on peut penser que la décision de l’intersyndicale de se caler sur les échéances du calendrier parlementaire a entravé la « montée en puissance », dimension décisive de tout mouvement victorieux. Il était, par exemple, sans doute nécessaire de donner la priorité, du moins dans un premier temps, aux manifestations de masse, mais pourquoi poser un délai de douze jours entre la première et la deuxième journée de mobilisation de janvier ? Fallait-il, à l’annonce du recours au 49.3, ultime « ligne rouge » aux yeux même des forces les plus « responsables » de l’intersyndicale, et lorsque, de façon entièrement prévisible, la colère s’empare du pays, fixer une échéance distante d’une semaine ?
L’expérience du mouvement de 2010, contre la précédente contre-réforme des retraites, l’avait pourtant montré : à l’ère néolibérale, la multiplication de « journées d’action » ponctuelles, aussi réussies soient-elles en termes de participation, ne suffit pas à faire céder un gouvernement. Pour cela il faut davantage, en particulier l’action gréviste prolongée, celle qui peut effectivement mettre un pays à l’arrêt.
Il faut pourtant être lucide : dans une situation d’affaiblissement du mouvement ouvrier, de déconcentration des activités productives et de fortes contraintes sur un monde du travail largement atomisé, une telle action est une option difficile, en particulier dans le secteur privé. Le secteur public lui-même a vu son périmètre se réduire, et sa cohésion se disloquer, au fil des privatisations, des restructurations et des « ouvertures à la concurrence ».
Son pouvoir de blocage sur les activités économiques n’est plus le même, tout comme le poids du syndicalisme en son sein. Il est illusoire de penser qu’un simple appel à la « grève générale » et à la « détermination » suffit à fonder une stratégie et vain de crier à la « trahison » s’il n’a pas lieu. Pour les secteurs les mieux organisés, l’expérience récente de grèves reconductibles longues, mais qui n’ont pas abouti, a laissé le souvenir amer d’un relatif isolement et de lourdes pertes financières. Ni la « grève saute-mouton », ni la « grève par procuration » ne sont des options gagnantes.
En dégainant le 49.3, le calcul du pouvoir est d’un cynisme absolu : après avoir misé sur l’usure de la mobilisation encadrée par l’intersyndicale, il parie sur une combinaison de politique du fait accompli et d’épreuve de force avec une réaction « par en bas », sans doute éruptive, mais vouée à se fragmenter. Son aile « responsable » cherchera, pense-t-on, une sortie « en douceur », tandis que la plus radicale se retrouvera enfermée dans la logique de coups d’éclat minoritaires. Elle sera alors traitée comme il convient, à savoir sur le mode des Gilets jaunes.
Ce calcul comporte de sérieux risques. Le moins grave, pour les gouvernants, est celui des motions de censure. Leur succès dépend du ralliement de près de la moitié des députés de la droite LR, hypothèse hautement improbable, et sur laquelle il serait parfaitement irresponsable, pour l’opposition populaire, de miser. Plus que jamais, le centre de gravité de la bataille est dans l’action de masse.
L’autre risque est, à vrai dire, à ce point assumé par le pouvoir qu’il en devient son objectif presque avoué. L’impuissance escomptée du mouvement social et de la gauche face à une « réforme » massivement conspuée place l’extrême droite en position de force pour ramasser la mise. En embuscade depuis le début de la bataille, le RN sait que la combinaison explosive de l’exaspération sociale et de l’échec de l’action collective peut lui donner l’impulsion susceptible de l’amener au pouvoir.
Se confirme ainsi une nouvelle fois, à l’échelle d’une crise sociale et politique de grande ampleur, la complicité objective du macronisme et du lepénisme. Chacun a besoin de l’autre pour structurer un champ politique qui permet à l’un, expression d’un bloc bourgeois minoritaire, de l’emporter in fine dans les urnes, et à l’autre, expression dévoyée de la colère populaire, de se poser comme la seule opposition susceptible de le vaincre.
Sauf que, cette fois, des voix se font entendre, y compris au sein du bloc bourgeois, pour dire que, dans les conditions ainsi créées, le chantage ne marchera plus. Un macronisme certes amoché mais, en fin de compte, « victorieux » face à la mobilisation sociale est la voie royale vers une prochaine victoire de l’extrême droite. Une telle perspective, si elle ne réjouit pas les fractions bourgeoises dominantes, n’est toutefois aucunement de nature à les inquiéter. Dans ce scénario, l’Italie de Meloni annonce le futur de la France post-macronienne.
L’autre risque ou, plus exactement, le seul risque véritable pour ses instigateurs, est de voir ce calcul déjoué par ses propres effets. Car le coup de force, venant d’un pouvoir minoritaire, donne un coup de fouet à une mobilisation qui peinait à trouver ses marques. Dans tout le pays se multiplient les actions qui indiquent le passage à une nouvelle étape : rassemblement spontanés, rebond et durcissement dans des secteurs déjà engagés dans des grèves reconductibles, basculement dans l’action de secteurs nouveaux, actions multiformes de blocage, tournure émeutière de certaines manifestations. L’extension du domaine de la lutte est bien là.
Et là, justement, se trouve l’espoir de l’emporter : dans une configuration nouvelle de la mobilisation populaire à la hauteur du défi que lui lance ce pouvoir cynique et violent. Une mobilisation capable, cette fois pour de vrai, de monter d’un cran, en combinant toutes les formes d’action qui permettent à la force populaire de s’exprimer et de déployer sa puissance. Formes « classiques » ou pas, « radicales » ou « responsables », locales ou coordonnées en (nécessaires) temps forts nationaux, il s’agit de faire la démonstration de leur complémentarité en préservant le caractère unitaire et massif de la mobilisation d’ensemble, qui a fait jusqu’à présent sa force.
Le précédent du CPE montre qu’il est possible d’obtenir le retrait d’une loi même après sa validation parlementaire. Mais l’enjeu actuel est d’une autre ampleur. Être à la hauteur implique la transformation du mouvement lui-même par un double élargissement : de son répertoire d’action et de ses objectifs. Seule une insurrection sociale et démocratique est en mesure de répondre à la provocation du pouvoir. Le retrait de la réforme des retraites reste l’enjeu central, et il est clair que gagner sur cet objectif ébranlerait le pouvoir actuel de façon irréversible. Mais c’est bien la question de mettre fin à Macron et son monde qui est posée. Cette question n’est autre que celle d’une alternative politique digne de ce nom.
Insurrection et alternative sociales et démocratiques sont désormais à l’ordre du jour.
https://www.contretemps.eu/pour-insurrection-contre-macron-retraites/
******
Frapper, cogner, frapper encore :
au cœur de la violence policière après le 49.3
Après plusieurs jours de mobilisations contre la reforme des retraites et l’utilisation du 49.3, la répression policière bat son plein entre charges, coups et interpellations abusives. Récit, au coeur des nasses.
https://www.politis.fr/articles/2023/03/frapper-cogner-frapper-encore-voyage-au-coeur-de-la-police-retraites-49-3/
********
L’autorité judiciaire n’est pas au service
de la répression du mouvement social
Les images de la répression policière des manifestations dénonçant l’utilisation de l’article 49-3 dans le cadre de l’examen d’une réforme qui a suscité une très forte mobilisation depuis plusieurs semaines sont choquantes. Nous avons vu ces scènes indignes d’une démocratie : des policiers exerçant des violences illégitimes contre des manifestants et des street medics, des interpellations collectives de manifestants enjoints de s’assoir par dizaines à terre, mains sur la tête, des journalistes faisant leur métier menacé·es ou brutalisé·es.
Mais derrière ces images terrifiantes, il y a les décisions qui les sous-tendent et les mécanismes institutionnels à l’œuvre : des directives données par le ministre de l’Intérieur à tous les préfets de France, et des forces de sécurité intérieure sommées de réprimer les manifestations qui s’organisent dans de nombreuses villes pour exprimer la colère sociale face au déni de démocratie. Le Gouvernement continue de mépriser le mouvement social et la violence ne fait que croître.
Des centaines d’interpellations et de mesures de garde à vue ont été décidées depuis jeudi dernier. La très grande majorité de ces mesures n’a reçu aucune suite judiciaire (à Paris, après la manifestation de jeudi place de la Concorde, sur 292 gardes à vue de manifestant·es, seules 9 ont donné lieu à des poursuites pénales).
Nous ne devons pas nous satisfaire de cette présentation de façade d’une autorité judiciaire assumant son rôle en ne donnant pas suite à des mesures policières infondées. Ces chiffres montrent que les forces de sécurité intérieure utilisent très abusivement la garde à vue, déclinaison concrète d’une volonté politique de museler la contestation en brisant les manifestations en cours et en dissuadant – par la peur – les manifestations futures.
Que peut l’autorité judiciaire face à cette violence d’État ? Comment incarner l’institution constitutionnellement gardienne de la liberté individuelle, et donc chargée de contrôler les mesures privatives de liberté et de mettre un terme à celles qui seraient infondées ?
Jouer pleinement notre rôle doit nous conduire à refuser le détournement de la procédure pénale au profit du maintien de l’ordre, à refuser de donner un vernis judiciaire à des opérations de police qui ne sont plus au service de la protection de la population mais de sa répression. Notre place n’est pas dans les salles de commandement car en nous associant aux autorités de police en amont de la réponse judiciaire, nous contribuons à la pénalisation du mouvement social et nous nous privons de notre capacité de contrôle en aval. Notre place n’est pas au côté des préfets pour préparer la répression des manifestants mais de protéger les justiciables dans l’exercice de leur citoyenneté. Notre contrôle de toutes les procédures initiées lors des manifestations doit être exigeant et minutieux.
Apprenons de nos expériences passées, l’indignation ne suffit pas : il est aujourd’hui évident que lors du mouvement des gilets jaunes, l’institution judiciaire s’est mise au service d’une répression violente du mouvement social. Le rôle de l’autorité judiciaire est de garantir les droits et libertés des personnes. Nous devons donc les protéger dans l’exercice de droits essentiels à la démocratie : la liberté d’expression et de manifestation.
*******
Charges policières, nasses, interpellations massives :
la violence se joint au déni démocratique
Après l’annonce d’Elisabeth Borne de faire usage du 49.3 le jeudi 16 mars, des mouvements spontanés se sont formés partout en France pour dénoncer le coup de force du gouvernement.
La réaction des forces de l’ordre face à ces mouvements de foule a été une fois de plus démesurée et particulièrement violente.
Les manifestant.es ont été nassé -e- s, chargé-e- s et gazé-e-s dans plusieurs villes alors que la technique de la nasse a été jugée illégale par le Conseil d’Etat [1].
A Nantes, des manifestantes nassées ont porté plainte contre les policiers pour des faits de violences sexuelles [2].
Dans plusieurs villes, les policiers ont chargé sans sommations, créant des mouvements de foule dangereux pour la sécurité des manifestant.es, et faisant un usage massif de leur matraque de manière aléatoire [3].
A Paris, sur les 292 mesures de garde à vue prises en marge de la manifestation de jeudi, seules neuf ont donné lieu à un déferrement notamment pour un rappel à la loi. Toutes les autres gardes à vue ont été levées sans poursuites [4]. Des journalistes ont été interpellés, un étudiant et photographe a été agressé par les forces de l’ordre [5].
Ces violences ont été constatées partout en France, venant de nouveau confirmer qu’il ne s’agit pas de situations individuelles isolées mais bien d’une doctrine de maintien de l’ordre choisie et assumée, qui semble clairement avoir pour objectif non pas le maintien de l’ordre public mais l’intimidation des manifestant.es et la cessation du mouvement social, portant atteinte à la liberté d’aller et venir, la liberté d’expression et de communication et le droit d’expression collective des idées et des opinions.
S’y ajoutent encore les interventions d’expulsion violentes de grévistes [6], le placement en garde à vue de salariés énergéticiens dit les « robins des bois » [7] et les réquisitions [8].
Le SAF demande au gouvernement et au Ministère de l’Intérieur de mettre un terme immédiatement à cette escalade de la violence. Ne doivent pas se reproduire les évènements tragiques qui ont eu lieu lors du mouvement des gilets jaunes, au cours desquels des centaines de personnes ont été blessées gravement par les forces de l’ordre.
Le SAF demande également aux magistrats saisis de ces affaires de faire preuve d’indépendance et de responsabilité, et de ne pas tomber dans une répression judiciaire disproportionnée qui viendrait s’ajouter à celle policière. Le SAF engagera ou participera à toutes actions, devant toutes instances compétentes, au niveau national et international, visant à dénoncer des dérives inacceptables et dignes d’un pays autoritaire.
[1] https://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/2021-06-10/444849 –10 juin 2021
[2] https://www.mediapart.fr/journal/france/180323/nantes-quatre-etudiantes-qui-manifestaient-accusent-la-police-de-violences-sexuelles
[3] Notamment, communiqué de presse de l’Observatoire des pratiques policières toulousain ;
[4] https ://www.bfmtv.com/amp/paris/manifestation-contre-le-49-3-a-paris-un-tiers-des-292-gardes-a-vue-levees_AN-202303170650.html
[5] https://www.midilibre.fr/2023/03/19/arrestation-de-journalistes-en-manifestation-reporter-liberee-apres-35-h-etudiant-agresse-le-snj-donne-lalerte-11073298.php
[6] https://www.mediapart.fr/journal/economie-et-social/170323/ivry-sur-seine-regardez-comment-traite-les-eboueurs
[7] https ://www.lamarseillaise.fr/social/les-six-militants-cgt-energie-liberes-trois-mis-en-examen-FI13394405
[8] https ://www.francetvinfo.fr/economie/retraite/reforme-des-retraites/greve-des-eboueurs-a-paris-la-situation-se-stabilise-cinq-garages-de-camions-bennes-ont-repris-une-activite_5719142.html
*******
49.3, motion de censure, réquisitions :
à la télé, la normalisation des violences policières
Nasses, arrestations arbitraires, charges, gaz lacrymogènes, coups de matraque, entraves sur les journalistes et reporters [1]… : les images de la répression policière se multiplient sur les réseaux sociaux… Diffusées aussi à la télé pour une partie d’entre elles, elles ne sont, en revanche et dans un premier temps, pas présentées pour ce qu’elles sont : des violences policières. En lieu et place, le journalisme de préfecture donne une nouvelle fois toute sa mesure.
Les jeudi 16, vendredi 17, samedi 18, dimanche 19 et lundi 20 mars, de nombreuses opérations de blocage et manifestations « spontanées » ont eu lieu en France (Paris, Lyon, Nantes, Marseille, Rennes, Strasbourg, Brest, Lille, Dijon, etc.), en réaction à l’adoption du 49.3 par le gouvernement pour imposer la contre-réforme des retraites (16/03) et au rejet de la motion de censure (20/03). Si ces mobilisations ont été en partie couvertes, notamment sur les chaînes d’information en continu, les violences policières qui s’y sont déchaînées (voir en annexe) firent une nouvelle fois l’objet d’un traitement au rabais… pour ne pas dire d’un non traitement.
Sur BFM-TV, les images de la répression servent de décorum : diffusés en arrière-plan de débats en plateau, les directs des reporters captent parfois des violences policières, qui ne sont la plupart du temps ni relevées, ni questionnées, ni a fortiori critiquées. Le déphasage médiatique est à son point culminant : imperturbables, les professionnels du commentaire discutent sondages, stratégies politiques et péripéties parlementaires, sur fond de manifestations réprimées et s’interrompent, très ponctuellement, pour entendre un « consultant sécurité » ou un journaliste de terrain… Aussi, peu avant 23h le 18 mars, lorsqu’un journaliste de la chaîne interroge des manifestants interpellés puis relâchés sans poursuite, cela dénote. Un traitement bienvenu, qui n’en demeurait pas moins l’exception à la règle (éditoriale) de la chaîne d’information en continu : montrer des images de violences policières – comme par « accident » tant beaucoup furent passées sous silence –, sans les nommer, ni même les traiter comme une information à part entière. Une démarche qui équivaut à les normaliser ? Mais signalons un changement de ton à compter du 21 mars, avec notamment les chroniques « Retraites : des arrestations violentes de manifestants dénoncées dans des vidéos sur les réseaux sociaux » et « Y’a-t-il un problème de maintien de l’ordre lors des manifestations ? » Mieux vaut tard que jamais…
Dans les 20h, le service minimum est à l’œuvre. Le 16 mars, les violences exercées par la police pour casser le piquet de grève tenu par des éboueurs de l’entreprise Pizzorno à Vitry-sur-Seine restent par exemple dans l’angle mort de la rédaction de TF1. La séquence avait pourtant été documentée plus tôt dans la journée, notamment par le journaliste Clément Lanot ou par Le Parisien. Du côté de France 2, le sujet consacré à l’« évacuation » est exemplaire de la dichotomie caractérisant la couverture ordinaire de ces faits : alors que des images de violences policières défilent à l’écran, la voix-off qui les commente se charge de les travestir, préférant parler de « scènes de tensions » et d’« affrontements avec les forces de l’ordre ».
Rappelons qu’un manifestant au sol, isolé au milieu d’une dizaine de policiers et frappé à coups de pied par l’un d’entre eux, n’« affronte » pas la police, mais en est la victime. Par charité, France 2 laisse l’un des grévistes témoigner. Son temps de parole ? 3 secondes : « Ils nous ont gazés et c’était pas la peine, on n’était pas violents. » Le reste du sujet consiste à légitimer les réquisitions des éboueurs – parole préfectorale et micros-trottoirs de Parisiens « excédés par les montagnes d’ordures » à l’appui –, sans aucune espèce de distance critique : « Comment ces réquisitions vont-elles se dérouler ? » interroge benoîtement la rédaction.
Le lendemain, lorsque les JT abordent une deuxième opération de police dirigée cette fois-ci contre les grévistes de l’incinérateur d’Ivry-sur-Seine, le traitement journalistique suit la même partition (17/03). Sur France 2, les violences policières sont « contextualisées » – sinon justifiées : « Tensions ce matin, à Ivry-sur-Seine. Les gendarmes tentent de déloger un piquet de grève devant ce barrage abritant des camions-bennes. Les agents résistent. Échauffourées. Un délégué syndical est mis à terre puis menotté. » Sur TF1, les images des reporters diffusées parlent d’elles-mêmes – coups de bouclier, usage de gazeuses à bout portant, charges –, mais la rédaction tient à les tempérer par des commentaires de partis pris aussi insidieux qu’inappropriés – « Les forces de l’ordre aimeraient sans doute éviter ce genre de scène » – et d’euphémismes systématiques : « L’accès au site a été libéré, mais au prix de vives tensions. » Comme sur France 2, le témoignage d’un gréviste faisant état de violences policières ne dure que trois secondes [2] : le temps du pluralisme dans les JT ?
Déferlement de violences policières à Paris : nouvelle omerta médiatique
En plus des actions syndicales, la répression a frappé de plein fouet les mobilisations « spontanées » [3]. Dans les JT sont notamment évoqués les rassemblements parisiens qui se sont tenus place de la Concorde (16 et 17 mars) et dans le quartier de la place d’Italie (18 mars). Trois soirs de violences policières débridées… et trois soirs d’omerta médiatique.
Les rédactions des « 20h » de TF1 et France 2 disposaient pourtant, à chaque fois, de reporters sur place. Mais en vain… Le 16, Anne-Sophie Lapix se contente d’annoncer que « les forces de l’ordre viennent d’intervenir » place de la Concorde et quelques minutes plus tard, un journaliste en duplex profite de sa présence in situ non pour témoigner de ce qui s’y passe, mais pour annoncer la future date prévue par l’intersyndicale. L’intérêt du « terrain », sans doute… Il en va de même sur TF1. « Un rassemblement place de la Concorde est en train d’être dispersé par la police » déclare « sobrement » Gilles Bouleau en gros-titre. Les images tournées par les reporters de la chaîne sont diffusées pendant une poignée de secondes, lissées par un bref commentaire du présentateur : « Vous allez le voir sur ces images, il y a quelques minutes, les forces de l’ordre ont procédé à l’évacuation avec des canons à eau de la place de la Concorde où s’étaient rassemblés environ 6 000 manifestants. » Information délivrée !
Aucune des deux rédactions n’approfondira cette séquence dans les éditions du lendemain, qui verront au contraire le journalisme de préfecture se durcir dans les deux cas (17/03). Sur France 2, alors qu’elle annonce que la manifestation de la veille a « dégénéré en affrontements », la rédaction fait l’impasse sur les violences policières et les arrestations massives (292 gardés à vue, dont 283 sortiront sans poursuite). Mêmes œillères et même primeur donnée à la parole préfectorale sur TF1 : « La place de la Concorde est à nouveau sous haute surveillance » prévient Anne-Claire Coudray, avant d’introduire un nouveau duplex minimaliste (1 minute), qui donnera l’occasion à Thomas Misrachi d’évoquer deux réalisations de manifestants un « feu » et une « barricade » – et d’indiquer le dispositif policier sans le moindre commentaire : « Des centaines de policiers et des canons à eau ont été mobilisés. » Aucun témoignage.
Le soir-même sur Twitter, le photojournaliste indépendant Maxime Sirvins décrit « la fin du rassemblement place de la Concorde » comme « sûrement le moment le plus malsain que j’ai pu voir en maintien de l’ordre. Une nasse avec des percées pour faire des interpellations aléatoire [sic] en boucle pendant que derrière ça parlait « de faire du chiffres [sic] ». » [4] Une journaliste du Média en fut d’ailleurs victime, violemment interpellée puis placée en garde à vue. Mais le lendemain, rien de tout cela ne trouve sa place dans les JT (18/03). Comme de droit, France 2 diffuse à la chaîne des images de « violences » de manifestants (des dégradations de biens commises à Lyon et à Bordeaux) pour mieux relativiser celles de la police : « les forces de l’ordre interviennent, parfois de façon musclée. » Le lexique journalistique pour (ne pas) parler de violences policières est parfaitement maîtrisé ! Quant à TF1, Anne-Claire Coudray tricote les formules traditionnelles du lexique policier : « La mobilisation a clairement aujourd’hui pris deux visages. D’un côté, la violence et la radicalité des militants de l’ultra-gauche, de l’autre, les opérations organisées par les syndicats. » Dans le quartier de la place d’Italie le 18 mars, les témoignages vidéo de violences policières ont beau être postés par dizaines sur les réseaux sociaux par des manifestants ou des reporters indépendants, TF1 continue de piétiner l’information : « des manifestations qui dégénèrent » et des « tensions » avancent les journalistes (19/03). C’est dans le « 13h » du 19 mars qu’on trouvera une (courte) prise de distance : « Face [aux manifestants], un dispositif sécuritaire très étoffé, aux réactions parfois gratuites, et un peu fébriles, compte tenu de protestataires majoritairement pacifiques. » Il faudra s’en contenter…
***
Le traitement médiatique de ces derniers jours résonne avec le début de la mobilisation des Gilets jaunes, fin 2018, quand les violences policières n’étaient pas traitées comme telles – rappelons qu’il avait fallu deux mois avant que le sujet ne fasse l’agenda. Certes, les entraves répétées des « forces de l’ordre » envers le travail des reporters et journalistes n’aident en rien la documentation des pratiques policières, si ce n’est celles contre le droit d’informer… Mais le problème vient moins des journalistes sur le terrain que des chefferies éditoriales qui décident ou non de faire des violences policières un sujet en soi : une nouvelle fois, et aux dépens d’informations d’intérêt général, ces dernières mobilisent leur pouvoir d’agenda au service du « maintien de l’ordre »… et de la répression.
[1] Lire par exemple le communiqué du Syndicat des avocats de France : « Charges policières, nasses, interpellations massives : la violence se joint au déni démocratique » (20/03) ou « Violences, interpellations abusives… : le retour d’un maintien de l’ordre qui sème le chaos », Mediapart (20/03).
[2] « Ils viennent, ils nous chargent, ils nous mettent des coups de bouclier dans la bouche. Est-ce que c’est normal ? »
[3] De nombreux journalistes et reporters vidéo indépendants permettent de documenter les violences policières. Quelques exemples (loin d’être exhaustifs et surtout basés à Paris…) : Amar Taoualit, Clément Lanot, Jules Ravel, AB7 Média, La Luciole – Média, Le Média, QG le média libre, Adrien AdcaZz…
Maxime Friot et Pauline Perrenot
https://www.acrimed.org/49-3-motion-de-censure-requisitions-a-la-tele-la
Haro sur les maghrébins âgés !!
La « réforme » des retraites, véritable régression sociale, touche particulièrement et de plein fouet les couches défavorisées de la population. Premiers impactés, les immigrés le sont, parce qu’une grande partie d’entre eux travaillent dans les métiers pénibles, ont des carrières hachées, sont tributaires du minimum vieillesse (allocation de solidarité personnes âgées : ASPA) conditionné jusqu’alors par une durée de résidence en France de plus de 6 mois.
Discrètement et sans débat un amendement de la droite sur la loi a porté cette obligation à plus de 9 mois par an sur le sol français sous peine de perte des droits. Cet article entrera en vigueur le 1er septembre.
Ne nous y trompons pas : si elle vise toutes les personnes retraitées y compris les françaises, celles qui achètent des villas au Maroc, au Portugal sont rarement éligibles à ce minima social. Les premières ciblées sont les personnes âgées migrantes n’ayant pas suffisamment cotisé pour avoir une retraite décente, autrement dit les plus précaires.
Et ce alors même que le président Macron déclarait le 14 avril 2023, à la délégation de 9 anciens combattants reçue à l’Elysée, qu’il se réjouissait que le versement de leur allocation ne soit plus soumis à la condition de résidence en France. Une contradiction et un traitement discriminant : pour les uns réparation d’une injustice et pour les autres assignation à résidence.
Que faut-il voir dans cette volonté d’empêcher ces personnes âgées de passer quelques mois par an dans leur pays d’origine ? Rien d’autre qu’un moyen de supprimer des droits. Gageons en effet qu’ils ne seront pas informés de ces exigences nouvelles et que de contrôles de plus en plus stricts leur feront perdre leur droit à la première occasion.
Nos associations dénoncent cette politique discriminatoire et réclament que ces personnes âgées migrantes puissent bénéficier de l’ASPA sans condition de résidence, à l’instar des anciens combattants.
Premiers signataires :
– Association des Travailleurs Maghrébins de France (ATMF)
– Groupe d’Information et de Soutien des Immigré.e.s (GISTI)
– Fédération des Tunisiens citoyens des deux rives (FTCR)
– Abcéditions Bienvenus Clandestins
– Agir pour le changement et la démocratie en Algérie (ACDA)
– Assemblée Citoyenne des Originaires de Turquie (ACORT)
– Association des Marocains en France (AMF)
– Association de Promotion de Cultures et du voyage
– Association Démocratique des Tunisiens en France (ADTF)
– L’Association des Familles des Prisonniers et Disparus Sahraouis (AFAPREDESA)
– Association des Tunisiens en France (ATF)
– Association ROYA CITOYENNE
– ASTI PETIT QUEVILLY
– Association Rosmerta – Avignon
– Au Nom de la Mémoire
– Cedetim / IPAM
– Collectif Fontenay diversité,
– Collectif poitevin D’ailleurs Nous Sommes d’Ici
– Collectif Tous Migrants Savoie
– Collectif Vigilance pour les droits des étrangers Paris 12eme
– Coordination nationale Pas sans Nous
– Europe solidaire sans frontières (ESSF)
– Ensemble! 06
– Fédération nationale de la Libre Pensée
– Femmes Plurielles
– Fondation Copernic
– Grigny Solidarité Palestine
– Habitat & Citoyenneté
– Ligue des droits de l’homme (LDH)
– Le Mouvement de la Paix
– No Vox
– Pour une Ecologie Populaire et Sociale (PEPS)
– Réseau Féministe « Ruptures »
– Réseau Euro-Maghrébin Citoyenneté et Culture (REMCC)
– Réseau Education Sans Frontières (RESF06)
– Syndicat de la Médecine Générale (SMG)
– Tadamun Exil 70
– Union Juive Française pour la Paix (UJFP)
– UNRPA Fédération de Paris
– Union Syndicale Solidaires
– Union des travailleurs immigrés tunisiens (UTIT)
https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/080523/reforme-des-retraites-haro-sur-les-maghrebins-ages
https://www.europe-solidaire.org/spip.php?article66467
Droit de grève : dans quelles conditions les réquisitions sont-elles justifiées ?
« Les réquisitions de salariés grévistes imposées de manière unilatérale ne sont pas conformes aux recommandations de l’Organisation internationale du travail », rappelle Michel Miné, avocat au barreau de Paris.
https://basta.media/Droit-de-greve-dans-quelles-conditions-les-requisitions-grevistes-raffineries-eboueurs-sont-elles-justifiees-liberte-fondamentale
Manifester n’est pas une infraction mais l’exercice d’une liberté
En dépit des paroles gouvernementales voulant étouffer les revendications sociales, les manifestations spontanées sont légales et y participer est l’exercice d’une liberté. La police ne peut pas vous verbaliser ou vous interpeller au seul motif de la participation à une manifestation non déclarée, puisqu’il n’y a pas d’infraction.
POINT DROIT
Manifester n’est pas une infraction :
C’est l’exercice d’une liberté !
Que la manifestation soit déclarée [1] ou non, peu importe :
Manifester est l’exercice d’une liberté que l’Etat doit même protéger !
La participation à une manifestation non déclarée n’est pas une infraction.
La Cour de cassation a rappelé, au visa de l’article 111-3 du code pénal sur le principe de légalité, l’exigence d’un texte d’incrimination : « nul ne peut être puni pour une contravention dont les éléments ne sont pas définis par un règlement » et aucune « disposition légale ou réglementaire n’incrimine le seul fait de participer à une manifestation non déclarée » (Crim. 8 juin 2022, n°21-82.451 ; Crim. 14 juin 2022, n°21-81.054).
Le droit français applique ainsi le principe de la liberté de réunion pacifique, protégée par l’article 11 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales [2].
La Cour européenne des droits de l’Homme a d’ailleurs précisé que « la liberté de participer à une réunion pacifique revêt une telle importance qu’une personne ne peut subir une quelconque sanction pour avoir participé à une manifestation non prohibée dans la mesure où l’intéressé ne commet par lui-même, à cette occasion, aucun acte répréhensible (Ezelin, §53) » [3].
Il en résulte qu’aucune interpellation ne peut être effectuée au motif que la manifestation n’était pas déclarée [4].
Contact : contact@obs-paris.org
Twitter : @ObsParisien
Facebook : facebook.com/obsparisien
http://site.ldh-france.org/paris/observatoires-pratiques-policieres-de-ldh
Pour connaître vos droits : Guide du manifestant
[1] Seuls les organisateurs commettent une infraction s’ils omettent de déclarer la manifestation à laquelle ils envisagent d’appeler (article 431-9 du code pénal). (Voir L.211-1s du code de la sécurité intérieure)
[2] Pour une analyse des obligations positives de l’Etat pour protéger la liberté de réunion pacifique, voir notre rapport Rapport-Pont-de-Sully-DDD-2019.pdf (ldh-france.org)
[3] CEDH Barraco c. France 5 mars 2009, n°31684/05 §44
[4] Si un arrêté d’interdiction de manifestation a été pris par le préfet de police, la participation à une manifestation interdite est une simple contravention de la 4ème classe (R.644-4 CP), qui ne permet pas non plus d’interpeller une personne (Article 73 CPP : suspicion de commission d’un crime ou d’un délit flagrant passible d’emprisonnement).
https://blogs.mediapart.fr/observatoires-des-libertes-et-des-pratiques-policieres/blog/220323/manifester-nest-pas-une-infraction-mais-lexercice-dune-l