Printemps es-tu là ?

Il fut un temps que les moins de 60 ans (?) ne peuvent pas connaître où le printemps développait paresseusement ses effluves, ses émotions, sa sève pour offrir au jazz un nouvel écrin, une nouvelle saveur. Ce temps s’accroche seulement au calendrier. Il n’empêche, le jazz lui est là. Dans l’Ouest. Particulièrement à « Jazz Sous les Pommiers » (JSP) à Coutances dans la Manche. Pour sa 42e édition, le programme est fourni pour apprécier les musicien.ne.s dans leur diversité. Steve Coleman en sera l’une des étoiles (le concert sera vraisemblablement complet) comme le bassiste Marcus Miller sans compter Julian Lage, guitariste intrigant et remarquable. Birelli Lagrene sera aussi de cette fête avec une « carte blanche », Youn Sun Nah, vocaliste qui avait fait ses premières armes dans ce festival avec la trompettiste Airelle Besson, le violoniste toujours plein d’idées Dominique Pifarély, Robert Cray pour la soirée blues traditionnelle en concurrence avec le retour de « Sixun », Pierrick Pedron avec Gonzalo Rubalcaba, le dimanche des fanfares mais aussi des animations gratuites, de l’afro beat et le reste pour construire un vrai festival international. Visitez la région en même temps que les concerts pour passer la semaine de l’Ascension.
Nicolas Béniès
www.jazzsouslespommiers.com
Rééditions ECM
Dans notre temps marqué par la sobriété, les rééditions ECM prennent totalement leur place. Des digipacks reprennent l’essentiel sous un format réduit.

Présentation qui n’empêche pas les chefs d’œuvre. A commencer par l’album signé par Dave Holland, contrebassiste et compositeur, et son quartet qui comprend Anthony Braxton, Sam Rivers et Barry Altschul, superbe batteur un peu oublié, « Conference of The Birds », un album de free-jazz que la critique de l’époque – 1972 – dira « civilisé », « écoutable. Pourtant la structure des compositions avait de quoi déstabilisé mais les flûtes, de Braxton et de Rivers, évoquant les oiseaux – comme les œuvres de Messiaen ou les improvisations de Dolphy – pouvaient rassurer. A écouter 50 ans plus tard, la musique n’a rien perdu ni de sa force ni de son mystère. Il ne faut pas éviter de participer à la conférence des oiseaux, ceux du jardin de Dave Holland. Si, après cette écoute, vous ne pouvez plus être réfractaire au free jazz !

Anouar Brahem, joueur de oud et compositeur avait, pour cet album « Khomsa » publié en 1995, repris les musiques de films et de pièces de théâtre en Tunisie. Un panorama en forme d’escales allant de « Comme un départ » (signé Galliano) vers « Comme une absence » en passant par d’autres films, d’autres rêves. Richard Galliano, accordéon, François Couturier, piano et synthé, Jean-Marc Larché, saxophone soprano, Béchir Selmi, violon, Palle Danielson, basse et Jon Christensen, batterie, un assemblage européen et un peu tunisien. Accrochez vos ceintures…

Mark Feldman, violoniste, amateur de sons étranges et de sonorités dérangeantes en rapport avec le monde qu’il est proposait en 2006 « What Exit » et 17 ans plus tard, l’interrogation est toujours d’actualité. Il est en compagnie de John Taylor, pianiste qui nous a quitté depuis – il faut l’entendre pour le conserver dans nos mémoires – Anders Jormin, contrebasse qui vient de sortir un nouvel album toujours chez ECM, et Tom Rainey, qui fait partie du trio de Stéphane Oliva actuellement pour une musique hors cadre. Il poursuit ses recherches dans un album récent, « Sirocco » enregistré avec le duo Dave Rempis, saxophones et Tim Daisy, batterie, percussion sous le label Aerophonic.

Un trio

« New Stories » promettent-ils. « Ils », Hervé Sellin, piano, Jean-Paul Céléa, contrebasse et Daniel Humair, batterie. Ce n’est pas leur faire injure que de dire qu’ils en ont vécu des histoires et intégrer des changements, dans leur jeu, dans leur référence. Ont-ils encore de nouvelles histoires à nous raconter ? Ils en ont. Et des bizarres. Ils se sont amusée et nous aussi à parcourir une partie de l’histoire du jazz y compris dans ses débordements comme ceux de Cecil Taylor ou même Don Pullen. Céléa est toujours habité par le souvenir de Albert Ayler, de Coltrane, Sellin au départ plus sage sait aussi partir vers des endroits moins fréquentés aujourd’hui qu’hier et Humair a conservé la virtuosité qui lui de répondre et de concevoir des univers différents.
Des histoires qu’il faut entendre.
Trio, Hervé Sellin, Jean Paul Céléa, Daniel Humair : New Stories, Frémeaux et associés distribué par Socadisc.
Nicolas Béniès