L’analyse sérieuse n’exclut pas les délices de la provocation verbale

RqRNpReBrVI8fe5Z

Ce numéro spécial de Nouvelles Questions Féministes entend relayer la vitalité et l’actualité de l’œuvre de Christine Delphy. Début 2021, nous lancions l’appel à contributions « Faire avec Delphy ». Il aura fallu que Christine entame sa 80e année et que certaines d’entre nous aient déjà passé vingt ans dans le comité de rédaction de la revue à ses côtés pour que nous entreprenions de lui consacrer un numéro !
Chacun à leur manière, les trente-trois textes publiés ici montrent comment les écrits et les interventions de Delphy viennent questionner des expériences communes aux femmes, mais également l’action politique et scientifique, la réflexivité et les postures personnelles. Il en ressort que sa pensée transforme des trajectoires militantes et intellectuelles, elle peut même transformer des vies. « Faire avec Delphy » provoque ces changements, par des débats et des confrontations, des émotions et des expériences, par des manières fortes de s’approprier son travail théorique et engagé.
Continuer à lire … « L’analyse sérieuse n’exclut pas les délices de la provocation verbale« 

Vieillir sans effacement ou relégation, sans disparaitre

41-1-couv

Une remarque préalable : je reprends sans difficulté le vocable utilisé « vieille » étant moi-même un « vieux », avec ou sans guillemets.

« Nous ne tolérerons plus notre effacement ni le fait d’être reléguées dans un coin comme des poids morts. Nous ne nous laisserons plus traiter comme des non-personnes qui sont juste un fardeau. » (Début du« Manifeste de la femme plus âgée », traduit et publié en 1976 dans Nouvelles féministes, journal de la Ligue du droit des femmes)

Dans leur éditorial, Vieilles, où seront-nous ?, Clothilde Palazzo-Crettol, Farinaz Fassa, Marion Repetti et Vanina Mozziconacci abordent entre autres, le cumul des discriminations subies par les vieilles, leur prétendue inactivité, l’image construite de ces vieilles dames, le travail des femmes « minoré à tel point qu’il en est devenu un arrière-plan, un soubassement qui ne se remarque pas et sur lequel peuvent s’appuyer et se détacher les activités masculines », leur travail bénévole, l’importance du travail gratuit lors des confinements.
« Ne plus participer officiellement à la production ou à la reproduction condamne ainsi les vieilles à la disparition en tant que sujet collectif. Quel retournement stupéfiant : la déprise comme expression de réaménagement de sa vie n’est plus un horizon, et l’activation devient une obligation ! » Continuer à lire … « Vieillir sans effacement ou relégation, sans disparaitre »

Faire avec Delphy

RqRNpReBrVI8fe5Z

Ce numéro spécial de NQF est entièrement consacré à l’œuvre de Christine Delphy. Les trente-trois textes qu’il réunit montrent comment les écrits et les interventions de cette pionnière d’un féminisme matérialiste toujours vivant questionnent des expériences communes aux femmes, mais également l’action politique et scientifique, la réflexivité et les postures personnelles. Ces articles courts et incisifs expliquent combien sa pensée transforme des trajectoires militantes et intellectuelles, voire des vies : ce qui inspire, c’est son humour maîtrisé, son ton corrosif, et bien sûr ses démonstrations si éclairantes sur le fonctionnement du patriarcat. « Faire avec Delphy » provoque ces changements, par des débats et des confrontations, par des émotions et des manières fortes de s’approprier son travail engagé.
Ouvrage collectif, sous la coordination de Laurence Bachmann, Ellen Hertz, Marianne Modak, Patricia Roux, Lucile Ruault

Nouvelles Questions Féministes Vol. 41, No 2, à paraître le 18 aout 2022 Continuer à lire … « Faire avec Delphy »

Productivisme industriel, destruction environnementale et masculinité

couverture-androcene-1024x1536

« Avec ce numéro, Nouvelles Questions Féministes souhaite explorer les relations entre modernité industrielle, destruction environnementale et patriarcat. Nous partons d’une analyse critique du terme « Anthropocène », lequel vise à rendre compte d’une nouvelle époque géologique dans laquelle serait entré le système Terre à cause de « l’humanité » (anthropos) ». Dans leur édito, Patriarcat, capitalisme et appropriation de la nature, Lucile Ruault, Ellen Hertz, Marlyse Debergh, Hélène Martin et Laurence Bachmann discutent du concept d’anthropocène, de la conception d’une humanité indifférenciée et de ses critiques, d’historicisation des dynamiques et des responsabilités, des termes et d’un grand absent : l’« androcène ».

« Ainsi, ce numéro mobilise la notion d’Androcène afin de rendre visible ce que le monde académique ainsi que de larges fractions du mouvement écologiste, tendent à ignorer : le genre de l’Anthropocène » Continuer à lire … « Productivisme industriel, destruction environnementale et masculinité »

Normes d’allaitement et construction du genre

NQF_40_1_COUV_2021-0401-1024x1536

Dans leur introduction, « Mon corps nous appartient », Isabelle Zinn, Alix Heiniger, Marianne Modak et Clothilde Palazzo-Crettol abordent l’allaitement comme injonction paradoxale. Elles constatent que ce sujet reste à la marge de la pensée féministe et proposent de penser l’allaitement en féministes matérialistes.

L’acte d’allaiter ou de ne pas le faire, les jugements ou les suspicions sur les mères, « vise de fait à les remettre en place en tant que femmes ». Des reproches, de l’implicite, des injonctions « en provenance des institutions et des professionnel·le·s de la santé et du social »… Continuer à lire … « Normes d’allaitement et construction du genre »

Faire avec Christine Delphy

Appel à contributions pour un numéro hors-série de NQF

Laurence Bachmann, Ellen Hertz, Amel Mahfoudh, Marianne Modak, Patricia Roux, Lucile Ruault (coord.)

Pionnière et inspiratrice d’un féminisme matérialiste toujours vivant parce qu’en débats, Christine Delphy continue d’y occuper une place prépondérante à de multiples égards. En tant que théoricienne dont les idées restent incisives et indispensables pour qui veut penser le monde en féministe. Mais aussi, et autant, en tant que militante ayant engagé une lutte radicale contre le patriarcat ; ses divers engagements au fil du temps témoignent d’une pensée non figée, toujours en mouvement, souvent courageuse et à l’écoute, comme en attestent ses réflexions sur le racisme. Autrement dit, l’œuvre et la trajectoire de Delphy sont mues par une visée aussi bien analytique que transformatrice des rapports sociaux, laquelle a nourri nombre de luttes. Cette démarche, soutenue par une pensée forte, sans concessions, continue de susciter des élans et débats collectifs passionnés. Continuer à lire … « Faire avec Christine Delphy »

De « soi » au positionnement féministe du « nous »

« Non seulement les formulations théoriques, présumées neutres, constituent l’immense majorité de l’attirail de pensée transmis dans les lieux de savoirs, mais de surcroît, bon nombre de textes canoniques s’appuient sur des présupposés misogynes ou présentent des angles morts à l’endroit de la situation des femmes, exclues de ce qui est généralement conçu et présenté comme l’Universel. »

Dans leur édito, Pour un usage fort des épistémologies féministes, Marie Mathieu, Vanina Mozziconacci, Lucile Ruault et Armelle Weil rappellent, à la suite d’Audre Lorde, que « les outils des maîtres enferment nos façons de penser le monde et de produire des connaissances », que la « neutralité du sujet » pensé « sans sexe, sans race, sans âge, sans classe, etc. » ne permet pas une analyse critique… Continuer à lire … « De « soi » au positionnement féministe du « nous » »

Corps sexués et division sexuelle du travail

« Ce numéro s’intéresse à la construction des corps au travail, disciplinés par les systèmes de genre et de classe. Formatés en amont par la socialisation primaire et secondaire, ces corps n’arrivent pas bruts sur le marché de l’emploi. L’intérêt de porter la focale sur le travail est alors double : il s’agit à la fois de saisir comment le travail dans une entreprise donnée transforme les corps et de faire apparaître combien les normes imposées dans celle-ci peuvent entrer en tension avec celles héritées des socialisations antérieures. » Continuer à lire … « Corps sexués et division sexuelle du travail »

Aborder le « religieux » ou le « spirituel » comme tout autre fait social

Une remarque préalable. Les analyses médiatiques sont le plus souvent réductrices, la simplification défigure les réalités. Du coté des sciences humaines et de la politique – y compris de celleux qui pensent l’émancipation -, le schématisme et la dé-historisation me semblent dominer. Il y a un certain refus d’aborder les conditions matérielles et les contradictions qui traversent tous les rapports sociaux. Pour le dire autrement, il nous faut à la fois penser l’imbrication des rapports sociaux, dont le genre, leurs histoires et leurs contradictions. Sans oublier de prendre en compte notre point de vue toujours situé.

Je souligne donc, du coté du féminisme matérialiste, le refus du schématisme, la volonté d’historiciser les dominations, la mise en avant des contradictions. Ce numéro, et en particulier l’introduction, « Oser penser un engagement féministe et religieux » en est un bel exemple. Continuer à lire … « Aborder le « religieux » ou le « spirituel » comme tout autre fait social »

La force épistémique et politique de l’intervention féministe

« Nous définissons l’intervention féministe comme une pratique située qui vise à lier action sociale et militante, formation et recherche, de même qu’elle ambitionne l’extension des capacités d’analyse, de réflexion et d’action pour l’ensemble des personnes engages dans cette démarche »

Véronique Bayer, Zoé Rollin, Hélène Martin et Marianne Modak parlent, entre autres, d’intentions d’émancipatrices, de lutte contre les hiérarchisations et les oppressions, du quotidien dans les pratiques ordinaires, « Cet éditorial détaille la vertu épistémique et politique de penser ensemble pratiques et connaissances ; il souligne également combien le travail social est un terrain d’expérimentation fécond pour examiner et construire ces articulations ». Continuer à lire … « La force épistémique et politique de l’intervention féministe »

Peu importe qui elles épousent, elles épousent aussi un ménage

« Peut-on utiliser le terme de « solidarités familiales » pour désigner les diverses formes d’entraide entre les membres de la famille élargie, donnant ainsi l’illusion que toutes et tous se soucient mutuellement de leur bien-être, alors qu’une bonne partie de ces entraides, qui impliquent du travail non rémunéré, sont exécutées par les femmes ? Que signifie pour les féministes de parler de solidarité dans une institution qui repose, entre autres, sur l’assignation du travail domestique aux femmes. » Continuer à lire … « Peu importe qui elles épousent, elles épousent aussi un ménage »

Seul un projet de société qui met à égalité les femmes et les hommes, les confessions et les religions peut représenter un avenir pour l’Irak

Je reviendrai prochainement sur ce numéro de Nouvelles Questions Féministes « Solidarités familiales ? ».

Il m’a semblé important de m’attarder sur l’article consacré à La fragmentation du genre dans l’Irak post-invasion.

Loin du campisme (l’ennemi de mon ennemi serait mon ami) ou de l’anti-impérialisme de pacotille (Saddam Hussein ou Bachar el Assad comme figures de l’anti-impérialisme), refusant l’essentialisation des phénomènes religieux ou la culturalisation des pratiques sociales, Zahra Ali prend en compte les évolutions historiques et leurs contradictions. Elle ne dissout pas les femmes dans une neutralité masculiniste, ni les événements dans des discours simplificateurs. Continuer à lire … « Seul un projet de société qui met à égalité les femmes et les hommes, les confessions et les religions peut représenter un avenir pour l’Irak »

Mettre en œuvre un processus critique qui repense le monde, la réalité et la culture

Dans leur Edito : Légitimité du féminisme contemporain, Martine Chaponnière, Lucile Ruault et Patricia Roux reviennent sur le précédent numéro de la revue, Nouvelles formes de militantisme féministe (I), chroniqué sous le titre : Nous ne voulons pas 50% de l’enfer capitaliste, mais nous voulons 100% du paradis féministe, nous-ne-voulons-pas-50-de-lenfer-capitaliste-mais-nous-voulons-100-du-paradis-feministe/ et de trois axes développés :

  • La (non-)mixité des collectifs féministes, question indissolublement liée à celle de leurs alliances avec d’autres groupes, de leur autonomie et de l’entrelacement des luttes sur lesquelles les féministes s’engagent.

  • La question de l’articulation entre théorie et action, les grilles explicatives des processus de domination prenant une place de plus en plus importante dans les luttes féministes, voire dans les formes d’organisation des collectifs.

  • Les liens intergénérationnels   les changements marquant le militantisme contemporain se fondent en bonne partie sur une prise en compte des succès et des échecs que les mouvements féministes ont connus par le passé.

Continuer à lire … « Mettre en œuvre un processus critique qui repense le monde, la réalité et la culture »

Nous ne voulons pas 50% de l’enfer capitaliste, mais nous voulons 100% du paradis féministe

« Des indignées madrilènes articulant lutte féministe, lutte anticapitaliste et quotidienneté ; des féministes mexicaines dénonçant et sanctionnant en pleine place publique les auteurs des féminicides ; des activistes allemandes armées de pompons, toutes de rose et argenté vêtues pour interrompre le spectacle viriliste de la gauche radicale face à la police ; des militantes en marche pour enseigner aux femmes comment protéger et récupérer des semences indigènes en Inde et au Paraguay… Ces quelques exemples tirés du Grand angle illustrent le renouvellement actuel des formes de militantisme féministe. Mais qu’est ce qui a changé ? Que reste-t-il des modes d’organisation, de communication et d’action du féminisme des années 1970 , Les jeunes féministes ont-elles fait tabula rasa de l’héritage des anciennes pour faire du neuf ? Oui et non » Continuer à lire … « Nous ne voulons pas 50% de l’enfer capitaliste, mais nous voulons 100% du paradis féministe »

Préserver les acquis et développer les droits des femmes

nqf_35_2_9782889011278Égyptiennes, Libyennes, Palestiniennes, Irakiennes, Syriennes et Yéménites… Comme le rappellent Ghaïss Jasser, Amel Mahfoudh, Feriel Lalami et Christine Delphy, « Aux cours du XXe siècle, elles ont participé aux luttes d’indépendance, à l’opposition aux régimes autoritaires, à la construction de la démocratie partout où cela a été possible et, finalement, à l’intégration de « la question femmes » dans les agendas politiques ». Les auteures soulignent que la lutte féministe dans les pays arabes, comme dans le reste du monde, fait pleinement partie de la lutte politique. J’ajoute que toute lutte politique n’incluant pas les femmes et le féminisme ne peut-être que parcellaire et de ce fait incapable de poser l’émancipation de toutes et tous. Les auteures ajoutent qu’il convient de « comprendre comment les logiques patriarcales marginalisent, voire excluent les femmes de l’espace public et politique ». Continuer à lire … « Préserver les acquis et développer les droits des femmes »

Puissance du collectif et prise en charge totale de nous-même


29402100401260L« 
Ce numéro se propose de mettre en évidence la contribution originale, décisive et parfois aussi ambiguë des luttes féministes à la reconfiguration d’une « morale sexuelle » qui s’efforce, au-delà des normes religieuses traditionnelles, de définir les comportements acceptables, légitimés, valorisés ou au contraire répréhensibles ou stigmatisées »

Dans leur éditorial, Marta Roca i Escoda, Anne-Françoise Praz et Eléonore Lépinard rappellent la convergences de luttes féministes vers l’objectif de « contester la construction structurelle, mais aussi normative de la séparation privé/public » et interrogent les « ressorts profonds des convergences et des divergences ». Elles développent autour de trois points : « Sexualité et domination masculine : une base commune de revendication », « Sexualité et identité sexuée : tension au sein du féminisme », « Sexualité et divisions des féministes : des divergences tactiques… et davantage ? ». Continuer à lire … « Puissance du collectif et prise en charge totale de nous-même »

Israël : franchement, à qui appartient ce pays ? (Texte complet)

Merci à Christine Delphy qui a permis cette reproduction

(La version originale de cet article a paru sous le titre : « Israel : Whose Country Is It Anyway ? » dans Ms, septembre-octobre, 1990, vol. &, N° 2.)

Ce texte d’Andrea Dworkin a été publié dans Nouvelles questions féministes : Andrea Dworkin parle d’Israël, Volume 14, N°2, 1993

Première partie : israel-franchement-a-qui-appartient-ce-pays-premiere-partie/

Seconde partie : israel-franchement-a-qui-appartient-ce-pays-seconde-partie/

Texte complet en Pdf : NQF 1993 Dworkin complet Continuer à lire … « Israël : franchement, à qui appartient ce pays ? (Texte complet) »

Rechercher des récits alternatifs sur la crise, de façon à déséquilibrer ceux qui sont présentés comme les seuls évidents

27000100380860MDans leur éditorial, Ellen Hertz, Patricia Roux, Amel Mahfoudh et Christine Delphy soulignent que les articles traitent de la question de l’« imbrication des rapports de pouvoir », proposent des « analyses différenciées et contextualisées de situations de domination complexes », intègrent la question du point de vue situé, « Cette attention épistémologique portée à la différence entre femmes, diversement situées dans l’espace géographique, historique et social, fournit non seulement un riche tableau des préoccupations variées des femmes contemporaines, formulées en fonction de leurs lieux d’énonciation, mais représente également la condition de possibilité d’une montée en généralité qui ne reproduit pas les erreurs d’un universalisme précipité tant dénoncé par les féministes non occidentales » Continuer à lire … « Rechercher des récits alternatifs sur la crise, de façon à déséquilibrer ceux qui sont présentés comme les seuls évidents »

Israël : franchement, à qui appartient ce pays ? (seconde partie)

Merci à Christine Delphy qui a permis cette reproduction

(La version originale de cet article a paru sous le titre : « Israel : Whose Country Is It Anyway ? » dans Ms, septembre-octobre, 1990, vol. &, N° 2.)

Ce texte d’Andrea Dworkin a été publié dans Nouvelles questions féministes : Andrea Dworkin parle d’Israël, Volume 14, N°2, 1993

Lire la première partie : israel-franchement-a-qui-appartient-ce-pays-premiere-partie/

1 – La loi du Retour

Au colloque officiel assistaient des femmes juives de nombreux pays, y compris l’Argentine, la Nouvelle-Zélande, l’Inde, le Brésil, la Belgique, l’Afrique du Sud et les Etats-Unis. Chacune avait davantage de droit à être là que n’importe quelle Palestinienne qui y était née, où dont la mère y était née, ou la mère de sa mère. Je trouvai cela moralement insupportable. Ma propre conviction viscérale était simple : je n’avais aucun droit à ce droit. Continuer à lire … « Israël : franchement, à qui appartient ce pays ? (seconde partie) »