Résumé
La fibromyalgie, maladie chronique invalidante et méconnue, touche très majoritairement des femmes. En France, sa prise en charge est mauvaise et s’explique par une histoire du soin de la douleur emprunte d’une culture doloriste et d’une biologie ciblée qui néglige les symptômes nombreux de la maladie. Cette culture se double d’une négligence des rôles différenciés de sexe si bien que la forte prévalence féminine n’est expliquée que par les aspects physiologiques ou psychosociaux. La médecine, qui prend ses racines dans une vision essentialiste des sexes, réduit les femmes à leurs fonctions reproductives et les considère facilement affabulatrices. Les soins proposés aux patientes relèvent du sport-santé qui est basé sur la division sexuelle. On assiste ainsi à une forme d’agnotologie de genre de la médecine dont la stratégie consiste à invisibiliser les savoirs des patientes, voulues ignorantes. Après avoir présenté les fondements de ces croyances et pratiques, cet article explore les rapports de domination qui structure la relation médecin·es/patientes.
Mots-clés
Santé, médecine, douleur, fibromyalgie, agnotologie, genre, études féministes, études subalternes, France
La fibromyalgie est une maladie chronique très répandue et peu reconnue. En France, elle est considérée comme une « forme de douleur chronique diffuse qui est définie comme un syndrome fait de symptômes chroniques » (INSERM 2020). Ces multi-symptômes se caractérisent par des déficiences physiologiques (douleurs diffuses sur tout le corps, fatigue, perte de mobilité, troubles du sommeil, nausées, maux de ventre…), psychologiques (troubles de la mémoire, du comportement et de la concentration…), émotionnelles (peur, colère, tristesse…), toutes imbriquées dans un contexte social spécifique (Berquin et Grisart 2016). Continuer à lire … « Fibromyalgie. Quand l’histoire essentialiste de la douleur révèle l’agnotologie de genre de la médecine »