« L’Afrique – qui fit – refit- et qui fera. » Michel LEIRIS
Les premiers livres publiés dans cette collection bénéficiaient d’une présentation de Jean Noël Schifano directeur de la collection. J’en extrait deux phrases emblématiques « Nous parions, ici, sur les Africains d’Afrique et d’ailleurs, de langue française et de toute langue écrite, parlée et sans doute pas écrite encore, nous parions sur l’écriture des continents noirs pour dégeler l’esprit romanesque et la langue française du nouveau siècle. Nous parions sur les fétiches en papier qui prennent le relais de fétiches en bois. ». Le frontispice des premières parutions a disparu mais l’orientation éditoriale demeure.
C’est après avoir lu de nombreux auteurs, africains, antillais, publiés dans cette collection (et chez d’autres éditeurs), que j’ai souhaité, dans une note aux dimensions modestes, faire partager des plaisirs de lecture et peut-être vous entraîner dans ces espaces si proches et si peu connus. En ces temps d’éphémères, je choisis de puiser dans les premiers ouvrages publiés.
Laissez vous guider par les titres et leurs résonances, passez la porte des jaquettes tachées et entrez dans ces continents, vous y trouverez des écrivain-e-s passionné-e-s et passionnants.

Vous avez peur de l’inconnu, vous chercher des repères, pourquoi ne pas commencer par les deux livres de Boniface MONGO MBOUSSA « Désirs d’Afrique » et « L’indocilité » qui présentent un large panorama d’auteurs, odeurs classiques, fragrances modernes, ténèbres rwandaises, flamboyances congolaises, diaspora et casques coloniaux.
L’écriture des un-e-s vous enchantera, celle d’autres vous fera rire, leurs rêves vous sembleront proches et d’autres si lointain. Contes, récits épiques, aventures, livres accrochés à la vie.
Quelques idées, pour vous mettre l’eau à la bouche, espérances de lectures à venir.


Plongez vous dans la langue savoureuse de Abdourahman WABERI « Transit » qui de Roissy à Djibouti évoque la guerre et l’exil ou « Rift, routes, rails » variations au passé et au présent sur les déserts, les océans et les mythes. Choisissez la langue brutale de la martiniquaise Fabienne KANOR qui dans « D’eaux douces » raconte l’aliénation d’une femme au prise avec les questions identitaires.
Peut-être serez vous attiré par le titre « Ma grand-mère bantoue et mes ancêtres les Gaulois » de Henri LOPES qui revient sur le mouvement de la négritude et s’interroge sur la création, la francophonie, le métissage à l’heure de la globalisation .
Choisissez l’un des romans de Ananda DEVI, originaire de l’île Maurice, par exemple « Soupir » et son premier paragraphe « La terre est enflée comme une langue qui n’a pas bu depuis longtemps. Le sable coule aux pores. Les horizons et les regards sont scellés. Au dessus de nous, le ciel semble ouvert. Mais il n’y a rien d’ouvert, ici. Nous sommes nés enfermés. »
Suivez la quête d’amour de Maya, héroïne de Nathacha APPANAH-MOURIQUAND.
Vous n’aimez pas le foot, que cela ne vous rebute pas d’entrer dans « La divine colère » du camerounais Eugène EBODE, pour y partager sa critique de la compétition et des passions « transformant les stades en crachoir et en cratère de tous les exutoires ».

Que dire de « L’ivrogne dans la brousse » du nigérian Amos TUTUOLA, qui fait figure d’ancêtre de ces littératures. La traduction de Raymond QUENEAU est un régal.
Allez à « Lisahohé » capitale imaginaire mais si réelle du togolais Théo ANANISSAH pour suivre et vous perdre dans une enquête où le narrateur même ne semble pas si innocent.

Rejoignez la tendresse de la gabonaise Justine MINTSA dans « L’histoire d’Awu » à moins que vous ne vouliez suivre le chemin du journaliste qui vous entraînera sur les traces de Lidia do Carmo Ferrerira poétesse dans « La saison des fous » de l’angolais José Eduardo AGUALUSA.


Mais peut-être serez vous plus sensible à la confrontation entre modernité et privilèges ancestraux dans « La révolte du Komo » du malien Aly DIALLO, au récit du congolais Mambou Aimée GNALI et son « Beto na beto, le poids de la tribu » ou au destin de l’aveugle Doumé dans le roman « Le cri que tu pousses ne réveillera personne » du camerounais Gaston-Paul EFFA .

Admirez le portrait dressé de l’île Maurice par Amal SEWTOHUL dans « Histoire d’Ashok et d’autres personnages de moindre importance », ou parcourez l’effacement de la société traditionnelle dans le système colonial de Donato NDONGO dans « Les ténèbres de ta mémoire ».
Je ne veux ni vous lasser si substituer mes propres découvertes à vos possibles lectures.
J’ai gardé pour la fin la mosaïque de Sylvie KANDE « Lagon, Lagunes » et la petite postface si belle de Edouard GLISSANT qui se termine par cette invitation « Je voulais seulement, à cette place, partager avec vous l’insondable et l’imprévisible. Écrire est une divination. Lire ce qui fut écrit, c’est déchiffrer l’énigme. »
Boniface Mongo-Mboussa : Désirs d’Afrique
Editions Gallimard, Continents noirs, Paris 2001, 325 pages, 19,90 euros
Boniface Mongo-Mboussa : L’indocilité
Editions Gallimard, Continents noirs, Paris 2005, 135 pages, 13,50 euros
Abdourahman A. Waberi : Transit
Editions Gallimard, Continents noirs, Paris 2003, 154 pages, 13,50 euros
Abdourahman A. Waberi : Rift, routes, rails
Editions Gallimard, Continents noirs, Paris 2000, 85 pages, 11,15 euros
Fabienne Kanor : D’eaux douces
Editions Gallimard, Continents noirs, Paris 2003, 205 pages, 16 euros
Henri Lopes : Ma grand-mère bantoue et mes ancêtres les gaulois
Editions Gallimard, Continents noirs, Paris 2003, 113 pages, 11,50 euros
Ananda Devi : Soupir
Editions Gallimard, Continents noirs, Paris 2001, 225 pages, 16,50 euros
Nathacha Appanah-Mouriquand : Blue Bay Palace
Editions Gallimard, Continents noirs, Paris 2003, 95 pages, 12 euros
Eugène Ebodé : La divine colère
Editions Gallimard, Continents noirs, Paris 2003, 229 pages, 17,50 euros
Amos Tutuola : L’ivrogne dans la brousse
Editions Gallimard, Continents noirs, Paris 2000, 128 pages, 12,05 euros
Théo Ananissoh : Lisahohé
Editions Gallimard, Continents noirs, Paris 2004, 136 pages, 13 euros
Justine Mintsa : L’histoire d’Awu
Editions Gallimard, Continents noirs, Paris 2000, 110 pages, 12,05 euros
José Edouardo Agualusa : La saison des fous
Editions Gallimard, Continents noirs, Paris 2002, 263 pages, 18,50 euros
Aly Diallo : La révolte de Komo
Editions Gallimard, Continents noirs, Paris 2000, 233 pages, 15,10 euros
Mambou Aimée Gnali : Beto na beto, le poids de la tribu
Editions Gallimard, Continents noirs, Paris 2001, 115 pages, 12,05 euros
Gaston-Paul Effa : Le cri que tu pousses ne réveillera personne
Editions Gallimard, Continents noirs, Paris 2000, 167 pages, 12,05 euros
Amal Sewtohul : Histoire d’Ashok et d’autres personnages de moindre importance
Editions Gallimard, Continents noirs, Paris 2001, 223 pages, 19,05 euros
Donato Ndongo : Les ténèbres de ta mémoire
Editions Gallimard, Continents noirs, Paris 2004, 163 pages, 19 euros
Sylvie Kandé : Lagon, lagunes
Editions Gallimard, Continents noirs, Paris 2000, 76 pages, 9,90 euros
Didier Epsztajn