Primaires et comités d’unité populaire – l’exemple chilien

Comment « marcher séparément et frapper ensemble » face à la menace de prise du pouvoir d’extrême droite ? Comment engager dans l’action les millions d’électrices et électeurs ? Rappel d’un exemple, celui des comités d’unité populaire qui avaient permis la victoire de l’Unité populaire et l’élection d’Allende au Chili.

En 2011, la dissolution de l’Assemblée nationale remet à l’ordre du jour la question récurrente : comment « marcher séparément et frapper ensemble » ? Le Front populaire, autodéfense contre la menace fasciste, se composa des organisations politiques, syndicales, associatives, avec des cartels du sommet à la base mais sans véritables comités d’action. 

L’Union de la gauche fut une alliance de partis avec le soutien éventuel d’autres groupements et syndicats. En 2011 le Parti socialiste avait, avec succès, organisé des primaires. La participation du « peuple de gauche » aux deux tours attestait de l’aspiration des citoyennes et citoyens à participer à la vie politique, à peser sur les partis qui affirment vouloir les représenter. 

Alors que le nombre de militants et d’adhérents actifs des partis, syndicats, associations se compte, au mieux et tous réunis, par centaines de mille, le nombre d’électeurs aux primaires s’était compté par millions. Pourtant l’exercice connaît des limites.

Ce sont celles de la démocratie dite « représentative », la participation se résumant à glisser un bulletin dans l’urne, aux primaires comme dans celles officielles de la 5e République. Entre les deux, ces millions de votants qui manifestent ainsi – comme d’autres (parfois les mêmes) dans la rue, s’ils veulent « faire de la politique », sont sommés de rejoindre les formations existantes. Hors des partis – fussent-ils gazeux, point de salut ?

Un autre exemple, l’on pourrait même dire un autre modèle, a été celui de la campagne électorale du candidat de l’Unité populaire au Chili en 1969-1970, qui a permis l’élection de Salvador Allende à la présidence et une dynamique de type autogestionnaire.

Tirant le bilan des campagnes précédentes, l’unité populaire avait compris pour les élections présidentielles de 1970 l’importance de la mobilisation tant des adhérents des partis composant l’Unité populaire, qu’au-delà. Avant même la désignation du candidat avaient été mis en place avec succès des Comités d’unité populaire dans les quartiers, les entreprises, les services publics. Ce fut un véritable réseau pouvant constituer des « germes du pouvoir populaire » selon E. Rojas. Des germes, car disposant d’une base de masse et souvent coordonnés sur le plan local, au niveau régional et national la coordination demeurait avec un fonctionnement d’état-major.

Ce sont environ 15 000 comités d’unité populaire qui irriguèrent le pays, faisant pression – lettres, télégrammes, délégations aux sièges des partis, des journaux, dans les stations de radio et télévision – pour la désignation d’un candidat unique. C’est ainsi qu’Allende désigné par les partis de l’UP, mais la pression populaire organisée a joué un rôle déterminant.

Après son élection en novembre 1970, la dynamique de la campagne se traduisit jusque dans l’évolution du programme du Parti socialiste. En effet, au congrès de janvier 1971 il adopta un programme allant plus loin que celui de l’unité populaire, puisque la perspective tracée fut celle de « l’incorporation des travailleurs dans le plein exercice du pouvoir », en développant la « gestion ouvrière dans les entreprises nationalisées, le contrôle ouvrier ailleurs ». Les Comités d’unité populaire étaient alors considérés comme « les instruments des masses laborieuses dans le nouvel État » afin de construire « depuis la base une nouvelle structure politique culminant dans l’Assemblée du peuple ».

Les CUP s’éteignent néanmoins progressivement, avant que la dynamique ne renaisse avec la crise de 1972. C’est autour de la question de l’extension des nationalisations et des réquisitions des entreprises, réclamées par les travailleurs en grève qui les occupaient, et la résistance à l’offensive de la droite que des formes autonomes : cordons industriels, commandos communaux., prolongèrent et approfondissent la dynamique. Dès lors, la droite choisit de préparer le coup de force contre le pouvoir populaire, avec le coup d’Etat militaire et la dictature Pinochet.

A lire : 
Michaël Cousin, La Campagne électorale de Salvador Allende pour la présidence du Chili, mémoire, IEP Lyon, 2010.
Pour aller plus loin :
Pierre Dupuy, « Quelles sont les bases d’une authentique démocratie ?
L’exemple du Chili » (Compte-rendu de la soirée du cercle Gramsci de juin 2000), 
www.cerclegramsci.org/archives/dupuy-c.htm
Franck Gaudichaud, « Poder popular au Chili », in Lucien Collonges (coord), Autogestion hier, aujourd’hui, demain, Paris, Syllepse, 2010.
Alain 
Joxe, Le Chili sous Allende, Paris, Col. Archives, Gallimard, 1974.
Maurice 
NajmanLe Chili est proche, Paris, Maspéro, 1974.
Michel 
RaptisQuel socialisme au Chili ? étatisme ou autogestion, Paris, Anthropos, 1973.

Robi Morder, 19 Oct 2011
https://autogestion.asso.fr/france-2011-chili-1970-primaires-et-comites-d’unite-populaire/
https://blogs.mediapart.fr/robi-morder/blog/100624/primaires-et-comites-dunite-populaire-lexemple-chilien

Auteur : entreleslignesentrelesmots

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