19 mars 2023 –Tribune « Rendre hommage à un pilier de l’Oas, c’est légitimer le racisme » publiée dans Libération

A Perpignan, le maire RN, Louis Aliot, inaugure une exposition sur « l’illusion de la paix en Algérie » après avoir renommé une esplanade « Pierre Sergent », officier de l’organisation terroriste. Soixante et un ans après les accords d’Evian, cet hommage radicalise les militants d’extrême droite, dénonce un collectif dont Michèle et Pierre Audin ainsi que Benjamin Stora.

Ce dimanche 19 mars 2023, nous commémorons le 61e anniversaire de l’acte fondamental posé par la signature des Accords d’Evian négociés entre le GPRA et le gouvernement français : l’entrée en vigueur d’un cessez-le feu officiel entre les belligérants qui annonce la fin de la guerre d’Algérie et ouvre la voie à l’Indépendance.

Nostalgique de l’Algérie française, Louis Aliot, maire RN de Perpignan, marque cette date en inaugurant une exposition intitulée « 19 mars 1962 : l’illusion de la paix en Algérie ». Et ceci, quelques mois après avoir décidé d’honorer Pierre Sergent en donnant le nom de celui-ci à un espace de Perpignan. Or, s’il fut un élu de la ville, Pierre Sergent fut surtout une figure majeure de l’OAS (« Organisation de l’Armée Secrète »), groupe terroriste d’extrême-droite qui tenta par la violence de maintenir la tutelle coloniale de la France sur l’Algérie. Continuer à lire … « 19 mars 2023 –Tribune « Rendre hommage à un pilier de l’Oas, c’est légitimer le racisme » publiée dans Libération »

Introduction : Guide du Rouen colonial et des communes proches

Avec l’aimable autorisation des Editions Syllepse

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« La colonisation […] déshumanise l’homme même le plus civilisé ; […] l’action coloniale, l’entreprise coloniale, la conquête coloniale, fondée sur le mépris de l’homme indigène et justifiée par ce mépris, tend inévitablement à modifier celui qui l’entreprend ; […] le colonisateur qui, pour se donner bonne conscience, s’habitue à voir dans l’autre la bête, s’entraîne à le traiter en bête, tend objectivement à se transformer lui-même en bête […] Entre colonisateur et colonisé, il n’y a de place que pour la corvée, l’intimidation, la pression, la police, l’impôt, le vol, le viol, les cultures obligatoires, le mépris, la méfiance, la morgue, la suffisance, la muflerie, des élites décérébrées, des masses avilies. Aucun contact humain, mais des rapports de domination et de soumission qui transforment l’homme colonisateur en pion, en adjudant, en garde-chiourme, en chicote et l’homme indigène en instrument de production. À mon tour de poser une équation : colonisation = chosification », Aimé Césaire, Discours sur le colonialisme.

Les noms des rues, des places, des boulevards, des quais, des écoles, des collèges et des lycées, les statues, les monuments, notre environnement quotidien, sont les marques accumulées d’une histoire qui nous est contée. Cette histoire, ces marques ne sont pas neutres. Elles honorent, elles célèbrent, elles rendent hommage, elles mettent en avant les vainqueurs, ceux qui ont réussi, bien plus souvent les dominants que les résistantes et les résistants, que celles et ceux qui ont combattu les injustices, les inégalités et les différentes formes d’oppression. Continuer à lire … « Introduction : Guide du Rouen colonial et des communes proches »

Comme un rappel à Darmanin, et aussi à nous-mêmes

Cela se passe le jeudi 2 février, au colloque « Les Outre-Mer aux Avant-Postes », organisé par l’hebdomadaire Le Point à Paris. Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, entre autres propos, proclame sur l’abolition de l’esclavage, ce qu’il considère comme une révélation : « C’est la République qui a aboli l’esclavage ». 

Cinq jours plus tard, le mardi 7 février, à l’Assemblée Nationale lors de la séance de questions au Gouvernement, il persiste et signe, en recélébrant sa trouvaille : « La République a aboli l’esclavage par deux fois ». 

A-t-on nié chez nous Antillais·e·s, ce fait législatif incontestable, et que nos aîné·e·s, ont toujours célébré ? : d’abord le 4 février 1794 (16 pluviôse an II), puis le décret du 27 avril 1848.

Cependant, son propos tout enrobé de provocation, est largement réducteur sur ce que fut le combat pour éradiquer l’esclavage. Cette citation ministérielle s’oblige insidieusement et de manière maléfique, à balayer toute la complexité du processus qui a conduit à la fin de l’esclavage dit atlantique.

Cette prose s’habille rigidement dans ce positionnement idéologique qui prétend que l’histoire et la force civilisatrice ne viennent que de ces gens supérieurs que sont les Européens. Elle réduit, croit-elle, la revendication de quête d’identité, à une quelconque lubie qu’il s’agit déjà d’ignorer, voire sans doute, à réprimer. Ce responsable gouvernemental français n’a que faire de la reconnaissance due aux luttes pour la liberté et la dignité humaine qu’ont menées les esclavisé·e·s. La sensibilité mémorielle exprimée chez les colonisé·e·s, ne semble lui donner aucune gêne. Continuer à lire … « Comme un rappel à Darmanin, et aussi à nous-mêmes »

Mémoire coloniale, décoloniale, anticoloniale 

Ce lundi 19 décembre, la Commission spéciale sur le passé colonial de la Belgique a terminé sur un échec. Il n’y aura ni excuse ni réparation. Cet échec donne à voir le clivage politique qui structure la mémoire du colonialisme.

Tout ça pour ça ? Deux ans et demi de recherches et de discussions, appuyées sur un « rapport des experts » de plus de six cents pages sur le passé colonial de la Belgique, aboutissent sur un échec. Faute d’accord, entre les partis de droite (flamand et francophone), d’un côté, socialistes et écologistes, de l’autre, qui composent le gouvernement belge, et faute d’accepter de recourir à une majorité alternative, les recommandations de la commission du Parlement fédéral sont abandonnées. Continuer à lire … « Mémoire coloniale, décoloniale, anticoloniale « 

Guide du Rouen Colonial, et des communes proches

En Avant Première, nous vous proposons une présentation de cet ouvrage
mardi 20 décembre à 18h00 
à la Maison des Associations et de la Solidarité 
22 bis rue Dumont d’Urville

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Ce livre vous invite à regarder Rouen autrement, à voir en quoi les noms des rues, des places, des boulevards, des quais, des établissements scolaires, les statues aussi, sont des hommages rendus à la grandeur coloniale. Continuer à lire … « Guide du Rouen Colonial, et des communes proches »

Comores, Mayotte, néo-colonialisme français : petit cours d’histoire (+ La liberté d’aller et venir entravée pour les habitant⋅es de Mayotte)

Un fait de société sanglant vient d’attirer les regards sur un « département français », Mayotte : un jeune homme a été assassiné à coups de machette [1]. Du coup, les tensions entre bandes sont devenues incontrôlables par les autorités locales, qui ont clamé leur crainte d’une « guerre civile ». Il est important de revenir sur la genèse de ces drames.

« Comores : groupe d’îles d’Afrique (…). Les quatre grandes îles qu’il comprend sont Mayotte, Anjouan, Mohéli et la Grande Comore ». Ainsi s’exprime Pierre Larousse auteur du Grand Dictionnaire universel du XIXème siècle [2]. Oui, on a bien lu : les Comores constituent un ensemble géographique ancien. Ajoutons : uni par l’appartenance ethnique, l’histoire et la religion (l’islam). Et, d’ailleurs, les Français, quand ils en prirent possession par étapes, à partir de 1843, le considérèrent comme tel, jusqu’au terme du processus colonial (indépendance de 1975). Toute puissance de l’Homme Blanc ! Il a même réussi à changer la géographie… quand ça l’arrange. La géographie et le vocabulaire. Ainsi, les Comoriens sont-ils devenus des Mahorais (les bons, habitants de Mayotte, ceux qui ont la chance d’habiter un département français) et des étranger-ère-s (les mauvais-es, ceux-celles habitant les autres îles, qui ont le culot de risquer leur vie pour échapper à la misère, qui viennent pondre leurs rejetons par milliers sur nos terres). Continuer à lire … « Comores, Mayotte, néo-colonialisme français : petit cours d’histoire (+ La liberté d’aller et venir entravée pour les habitant⋅es de Mayotte) »

Lumina Sophie et la révolte de 1870 : la résistance des femmes en Martinique

Le 5 novembre, Culture Égalité, organisation féministe de la Martinique, se souvient et célèbre l’anniversaire de Lumina Sophie, une leader de l’Insurrection du Sud, révolte contre l’esclavage et les préjugés à l’égard des Noirs dans le pays. En sa mémoire, nous partageons un extrait de la publication Karbé Fanm n°2, Lumina dite Surprise, un numéro commémorant le 150ème anniversaire de l’Insurrection du Sud en Martinique, publié en 2021. En plus du texte racontant l’histoire, l’organisation a publié une carte multimédia interactive intitulée Sur le chemin de Lumina, accessible ici. Découvrez ci-dessous l’histoire de Lumina.

Lumina Sophie dite Surprise !
Elle naît donc au Vauclin, le 5 novembre 1848, soit 5 mois après l’Abolition. Continuer à lire … « Lumina Sophie et la révolte de 1870 : la résistance des femmes en Martinique »

L’accès aux documents liés à la guerre d’Algérie reste toujours aussi difficile 

Dans une tribune au Monde, l’historien Marc André explique que par méconnaissance de la guerre d’Algérie et de la nature de ses archives, ces dernières sont trop souvent inaccessibles aux demandeurs. Emmanuel Macron s’était pourtant engagé à en faciliter la consultation.

Huit mois après l’annonce de l’ouverture à tous « des archives publiques produites dans le cadre d’affaires relatives à des faits commis en relation avec la guerre d’Algérie » (décret du 22 décembre 2021), le président de la République, Emmanuel Macron, affirmait le 25 août la nécessité de donner aux historiens « un accès complet aux archives de la guerre d’Algérie ». Cette insistance témoigne de l’instrumentalisation politique de la question des archives. Car malgré l’intention réitérée d’« ouvrir », « simplifier » ou « faciliter » l’accès aux documents liés à cette guerre, en pratique cela reste difficile tant pour les familles que pour les historiens.

Entre les discours qui accompagnent l’action politique et les réalités du terrain, le décalage est tel que l’on se demande même si le décret dit de « dérogation générale » n’a pas été rédigé au croisement de deux méconnaissances : celle de la guerre d’Algérie et celle de ses archives. De multiples contradictions surgissent, à l’origine de pratiques administratives restrictives aux conséquences sociales, scientifiques et politiques contre-productives. Continuer à lire … « L’accès aux documents liés à la guerre d’Algérie reste toujours aussi difficile « 

Torture en Algérie, une reconnaissance de la responsabilité de l’État

Le 23 septembre, Médiapart publiait l’Appel à la reconnaissance des responsabilités de l’État dans le recours à la torture durant la guerre d’Algérie lancé le 1er septembre par l’Association des Combattants de la Cause Anticoloniale.

Le recourt à la torture comme système durant la guerre d’Algérie ne pouvant être nié devant le nombre de témoignages, de preuves et de documents révélés dans le cours des événements et après 1962, l’Appel de l’ACCA pose une fois encore la question : Comment, dix ans après la libération du nazisme, l’État, les instances gouvernementales, militaires et judiciaires n’ont-elles pas réagi quand des officiers français ont théorisé le recours à la torture sous le concept de « guerre révolutionnaire » ? Continuer à lire … « Torture en Algérie, une reconnaissance de la responsabilité de l’État« 

La France pleure encore son Algérie (française) !!! !!! 

Dans l’évolution de « l’histoire moderne » la colonisation avait servie de crime fondateur des sociétés occidentales des droits de l’homme, ainsi cette société s’est structurée autour de ce marqueur essentiel de la culpabilité, c’est le crime colonial contre l’humanité (à l’exemple d’une tribu archaïque qui s’est structurée autour du meurtre du mâle patriarcal et en a souscrit des lois).

Aujourd’hui après plus de soixante années de liberté la meilleure initiative mémoriel surtout pour la société française serait celle de leur dire que l’Algérie n’est plus un récit d’aventure et d’épouvante, c’est un pays avec une population qui vivait paisiblement avec une histoire que l’on peut comparer à d’autres. L’histoire de la colonisation est une conquête, des violences, d’une mainmise des terres par un système colonial ridicule avec tous ces ingrédients : indigénat, racisme, attentats, torture, camps, viols, bombardements, assassinats, etc. La colonisation est une histoire de prédation, de violence, d’asservissement et d’effacement de toute une population. Continuer à lire … « La France pleure encore son Algérie (française) !!! !!! « 

Les crimes de l’organisation terroriste de l’OAS ne doivent pas devenir un territoire perdu de la conscience nationale

Allocution de Jean-Philippe Ould Aoudia, pour l’association Les Amis de Max Marchand, de Mouloud Feraoun et de leurs compagnons, au cimetière du Père-Lachaise, le 6 octobre 2022

Le 28 juin 2022 le doyen de l’Assemblée nationale, José Gonzalez, député du « Rassemblement national », a prononcé le discours d’ouverture de la séance inaugurale de la 16è législature. Ses propos larmoyants sur son Oranie perdue à cause de l’indépendance de l’Algérie ont été applaudis.

Questionné sur les crimes commis par l’OAS, pouvant expliquer le départ des Européens, José Gonzalez a répondu : « Je ne suis pas là pour juger si l’OAS a commis des crimes ou pas. L’OAS, je ne sais même pas bien ce que c’était. » Continuer à lire … « Les crimes de l’organisation terroriste de l’OAS ne doivent pas devenir un territoire perdu de la conscience nationale« 

17 octobre 1961 – 17 octobre 2022, 61ᵉ anniversaire, Vérité et Justice

Le 17 octobre 1961, des dizaines de milliers d’Algériens manifestaient pacifiquement à Paris contre le couvre-feu discriminatoire qui leur avait été imposé par le gouvernement de l’époque dont le Premier ministre, Michel Debré, était hostile à l’indépendance de l’Algérie, et le préfet de Police Maurice Papon sous ses ordres. Ils défendaient leur droit à l’égalité, leur droit à l’indépendance et le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Ce jour-là, et les jours qui suivirent, des milliers de ces manifestants furent arrêtés, emprisonnés, torturés – notamment par la « force de police auxiliaire » – ou, pour nombre d’entre eux, refoulés en Algérie. Des centaines perdirent la vie, victimes d’une violence et d’une brutalité extrêmes des forces de police parisiennes.

61 ans après, la vérité est partiellement en marche. Cependant, la France n’a toujours pas reconnu sa responsabilité dans les guerres coloniales qu’elle a menées – en particulier la Guerre d’Algérie – non plus que dans le cortège de drames et d’horreurs qu’elles ont entraînés, comme ce crime d’Etat que constitue le 17 octobre 1961. Le 17 octobre 2012, le président de la République (François Hollande) avait certes fait un premier pas important, en déclarant : « Le 17 octobre 1961, des Algériens qui manifestaient pour le droit à l’indépendance ont été tués lors d’une sanglante répression. La République reconnaît avec lucidité ces faits. Cinquante et un ans après cette tragédie, je rends hommage à la mémoire des victimes. » Mais le terme de crime n’est pas repris, et les responsabilités ne sont pas clairement définies, pas plus que dans le communiqué de l’Elysée de 2021. En faisant porter la responsabilité du crime sur le seul M. Papon, Emmanuel Macron a éludé une fois encore la responsabilité de l’Etat, comme pour le crime commis le 8 février 1962 à Charonne. Nous demandons une parole claire aux autorités de la République, au moment où certains osent encore aujourd’hui continuer à parler des « bienfaits de la colonisation » ou « honorer » les criminels de l’OAS. Continuer à lire … « 17 octobre 1961 – 17 octobre 2022, 61ᵉ anniversaire, Vérité et Justice« 

Introduction : Guide du Marseille Colonial

Avec l’aimable autorisation des Editions Syllepse

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Ce livre a la particularité d’être un ouvrage collectif pensé et rédigé par un groupe de travail réunissant des militant·es et citoyen·nes sensibles et sensibilisé·es à cette question de l’empreinte du colonialisme dans leur ville. Il constitue le fruit d’un travail rigoureux effectué par des Marseillais, des Marseillaises militant·es anticolonialistes, des éditeur·trices, libraires, des enseignant·es, des acteur·trices associatif·ves. L’exploration de la ville à travers ses rues a fait émerger tant de réflexions et de multiples ramifications que ce guide sera prolongé par un blog, un site pédagogique et d’autres travaux. Ce livre collectif n’est pas un essai théorique sur le colonialisme, l’histoire coloniale et l’histoire de France. Il s’agit d’un guide venant compléter les guides déjà publiés aux éditions Syllepse. Continuer à lire … « Introduction : Guide du Marseille Colonial »

Colonisation et interventions : une constante de la doctrine militaire de la France 

« La doctrine militaire est une construction intellectuelle qui formule le savoir jugé nécessaire et suffisant pour guider les personnels militaires dans leur action. » [1]

Elle donne un cadre à ce qui est militairement possible selon les politiques de défense et les objectifs géopolitiques du gouvernement, les projections des armées de terre, de mer et de l’air et les armements proposés par le complexe militaro-industriel. Une doctrine évolutive selon la situation intérieure et internationale, le degré d’intensité des guerres engagées ou potentielles et les développements technologiques et scientifiques. Ainsi, c’est en 2019 que la France s’est dotée d’une doctrine militaire dans le domaine du cyberespace et de l’intelligence artificielle, concrétisée en 2021 par le L21 : doctrine militaire de lutte informatique et d’influence. Cela apparaît comme un sujet très éloigné de la Françafrique, sauf que cela dicte la présence militaire de la France sur le continent africain de la colonisation à la situation de crise actuelle. Continuer à lire … « Colonisation et interventions : une constante de la doctrine militaire de la France « 

« Nous, chercheurs, assurons Paul Max Morin de notre soutien »

Un collectif d’universitaires réagit, dans une tribune au « Monde », à la dépublication par le quotidien de son texte qui analysait l’évolution du discours d’Emmanuel Macron sur les mémoires de la guerre d’Algérie.

Le 1er septembre, Paul Max Morin, docteur en science politique et auteur du livre Les Jeunes et la guerre d’Algérie. Une nouvelle génération face à son histoire (PUF, 430 pages, 22 euros), publiait une tribune dans le journal Le Monde, offrant une analyse critique de l’évolution du discours d’Emmanuel Macron sur les mémoires de la guerre d’Algérie. Quelques heures plus tard, la version en ligne de ce texte était retirée par le quotidien. Cette dépublication, qui nous semble inédite dans la vie du journal, était accompagnée d’un court texte présentant les « excuses » du journal à ses lecteurs et lectrices et… au président de la République !

Le motif de la dépublication était, selon cette première explication et des déclarations suivantes, la conséquence d’une « erreur » commise par Paul Max Morin, qui aurait affirmé à tort que la phrase du chef de l’Etat récemment prononcée en Algérie (« Une histoire d’amour qui a sa part de tragique ») qualifiait la colonisation alors qu’il fallait l’entendre comme renvoyant aux « relations franco-algériennes ».

Face à cette situation, nous tenons à affirmer plusieurs points.
Tout d’abord, Paul Max Morin n’a commis aucune « erreur » dans la tribune qu’il propose aux lecteurs du journal Le Monde. Lorsque Emmanuel Macron, qui faisait mine il y a peu de s’interroger sur l’existence d’une nation algérienne avant sa colonisation par la France, parle d’une « histoire d’amour qui a sa part de tragique », il tient des propos qu’il est loisible à un chercheur (et à tout autre citoyen) d’analyser pour peu qu’il présente des arguments à l’appui de sa démonstration.
Continuer à lire … « « Nous, chercheurs, assurons Paul Max Morin de notre soutien »« 

Préface de Jean-Jacques de Félice au livre d’Erica Fraters : Réfractaires à la guerre d’Algérie 1959-1963

L’honneur des réfractaires

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Honneur à vous, les insoumis, les déserteurs, les objecteurs, les réfractaires qui avez eu le courage de « résister », de dire non, à la pacification, à la torture, aux répressions, aux camps d’internement, le courage de « désobéir aux ordres », à la loi même, aux violations des droits de l’homme, droits individuels et collectifs, droit à l’autodétermination et à l’indépendance du peuple algérien.

Honneur à vous, les insoumis qui avez su, par obéissance à des valeurs essentielles, désobéir aux ordres injustes.

Vous n’avez jamais rien demandé, ni reconnaissance du peuple algérien, ni approbation de quiconque, pas même des pacifistes car vous étiez et vous restez modestes, vous faisiez ce que vous dictait votre conscience, et vos refus étaient multiples, variés, personnels; ils étaient riches de leur diversité. Continuer à lire … « Préface de Jean-Jacques de Félice au livre d’Erica Fraters : Réfractaires à la guerre d’Algérie 1959-1963« 

Intervention choquante de l’Elysée après une tribune publiée dans « Le Monde »

Le 26 août, lors de son voyage en Algérie, le président de la République, Emmanuel Macron, a déclaré qu’entre la France et l’Algérie, « c’est une histoire d’amour qui a sa part de tragique ». Pour le politiste Paul Max Morin, « la réduction de la colonisation à une “histoire d’amour” parachève la droitisation d’Emmanuel Macron sur la question mémorielle ». Il l’a écrit dans une tribune intitulée « Réduire la colonisation en Algérie à une“histoire d’amour” parachève la droitisation de Macron sur la question mémorielle » que Le Monde a publiée dans son édition datée du 2 septembre 2022. Continuer à lire … « Intervention choquante de l’Elysée après une tribune publiée dans « Le Monde » »

Emmanuel Macron : l’Algérie et l’histoire

« Nous avons réduit les établissements charitables, laissé tomber les écoles, dispersé les séminaires. Autour de nous les lumières se sont éteintes, (…) nous avons rendu la société musulmane beaucoup plus misérable, plus désordonnée, plus ignorante et plus barbare qu’elle n’était avant de nous connaître. » A. de TocquevilleRapport sur l’Algérie (1847)

« La situation coloniale et la guerre ont soumis la société algérienne à une véritable déculturation. Les regroupements de la population, l’exode rural et les atrocités de la guerre ont précipité en l’aggravant le mouvement de désagrégation culturelle en même temps qu’ils l’ont étendu aux régions relativement épargnées jusque-là (…). Expérience catastrophique de chirurgie sociale, la guerre a fait table rase d’une civilisation dont on ne pourra plus parler qu’au passé. » P. Bourdieu (1958)

Les amateurs d’éléments de langage rebattus, de formules creuses, de phrases ronflantes et de clichés, élaborés par les scribes de l’Elysée et répétés ad nauseam lors du dernier voyage officiel d’Emmanuel Macron en Algérie, auront été servis. Les relations entre ce pays et la France depuis 1830 ? Une « histoire commune », « d’amour » même avec « sa part de tragique » qu’il faut « regarder en face » et « sans tabou ». Les buts de cette visite ? « L’amitié », bien sûr, après quelques menues fâcheries désormais oubliées ce qui permet « de se réconcilier » et de sceller « un partenariat renouvelé » et forcément ambitieux.

A cela s’ajoute la volonté de rencontrer « la jeunesse » pour mieux se tourner vers « l’avenir » puisque, comme chacun le sait, en Algérie et en France, c’est elle qui demain l’écrira librement dans la joie et l’allégresse. N’oublions pas la déclaration finale qui clôt, selon la fable élaborée pour la circonstance, une admirable romance politico-personnelle. Décidée de façon inopinée, cela va de soi, en raison de « l’enthousiasme » suscité par ces trois jours de visite, et de « l’intimité » qui unit désormais ces deux présidents, on peut lire dans cette déclaration que les deux pays « renouvellent leur engagement à inscrire leurs relations dans une dynamique de progression irréversible. »

Sublime sommet de rhétorique étatique, extatique aussi, confortée par de multiples mises en scène et photos officielles d’embrassades, d’effusions réciproques et de déambulations main dans la main destinées à sceller la énième réconciliation du prétendu couple franco-algérien dont nul n’ignore les relations tumultueuses, pour le moins. Continuer à lire … « Emmanuel Macron : l’Algérie et l’histoire »

Algérie coloniale : les historiens ont déjà travaillé, messieurs les présidents!

Lors de son récent voyage à Alger, le président de la République française a, aux côtés de son homologue algérien, annoncé la création d’une « commission d’historiens » franco-algérienne à laquelle seraient « ouvertes toutes les archives algériennes et françaises ». Il a aussi indiqué qu’elle serait composée de « 12 historiens » des deux nationalités et qu’elle travaillerait « pendant un an ».

A quoi servira cette commission d’historiens, dont, pour l’heure, on ignore la composition et la date d’installation ? Selon le président français, son travail consistera à « regarder l’ensemble de cette période historique (…) du début de la colonisation à la guerre de libération, sans tabou, avec une volonté (…) d’accès complet à nos archives ». « On va laisser les historiens travailler », a-t-il encore commenté devant la presse.

Le président Macron affectionne les commissions dont les membres sont désignés par lui pour aborder une question politiquement « sensible », en lien avec le passé colonial. Même si des chercheurs spécialistes de la question avaient été écartés délibérément, le but du travail de la « commission Duclert » missionnée en 2019 était relativement clair. Il s’agissait d’explorer les archives sur un point d’histoire bien délimité : le rôle de la France dans le génocide des Tutsis au Rwanda. Cette fois, le programme de cette commission sur l’Algérie coloniale laisse véritablement pantois. Continuer à lire … « Algérie coloniale : les historiens ont déjà travaillé, messieurs les présidents! »

Le guide du Marseille colonial

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Ce livre a l’ambition d’explorer la ville à travers ses rues, ses places et ses monuments qui portent le nom de personnages historiques connus ou inconnus ayant marqué l’histoire coloniale et esclavagiste de Marseille. La domination coloniale a en effet profondément marqué la ville, sur près de quatre siècles. Cet ouvrage est composé de deux parties, la première en constitue la colonne vertébrale, le guide en lui-même : une indexation des noms des militaires, des politiques, des armateurs, des scientifiques, des artistes, et autres personnes ou événements ayant tous pris part au système de domination coloniale. Le parti a été pris de valoriser dans certains secteurs de la ville le nom de personnes ayant résisté et œuvré contre cette domination. Cette première partie serait incomplète sans l’ajout d’un dossier complémentaire, thématique et subjectif. Il focalise sur certaines questions mettant la lumière sur des problématiques fondamentales, telles que les expositions coloniales et leur genèse, la santé coloniale, et de manière plus contemporaine les crimes racistes comme fondement d’une même politique de domination et d’oppression. Continuer à lire … « Le guide du Marseille colonial »