Dans son rapport d’activité de 2022, le Sotsialnyi Rukh (Mouvement social) soulignait que « La société civile a été contrainte de remplir le rôle de l’État et, au lieu d’attendre une assistance plus spécifique, d’assumer presque toutes ses fonctions sociales ». Quelques mois plus tôt, en septembre 2022, lors de sa conférence de Kyiv, cette organisation expliquait que « la guerre a conduit à de nouvelles formes d’auto-organisation et de politique populaire. La mobilisation du peuple sur la base de la guerre de libération nationale a renforcé le sentiment d’implication populaire dans une cause commune et la conscience que c’est grâce aux gens ordinaires, et non aux oligarques ou aux entreprises, que ce pays existe. La guerre a radicalement changé la vie sociale et politique en Ukraine, et nous ne devons pas permettre la destruction de ces nouvelles formes d’organisation sociale, mais les développer ». Parmi les revendications mises en avant par la conférence, Sotsialnyi Rukh mettait en avant « En particulier, la nationalisation des entreprises clés sous contrôle ouvrier et public est nécessaire. Introduction de l’ouverture des livres de compte dans toutes les entreprises, quelle que soit la forme de propriété et d’implication des salariés dans leur gestion, création d’organes et de comités élus séparés pour la réalisation de ce droit. » [1] De son côté, Katya Gritseva, membre de cette organisation, dans une interview donnée, lors de son passage à Paris, à la revue française Contretemps [2], observait que « Beaucoup de gens sont volontaires, ils s’engagent dans l’aide mutuelle, créent des organisations extra-étatiques pour pallier les carences d’un État peu préparé à une telle situation. Cette dynamique d’auto-organisation est contradictoire avec le retour des conservateurs, voire de l’extrême droite. Pour la gauche il agit d’agir en faveur de cette dynamique, d’aider les travailleurs, les gens, sans prétendre leur donner des leçons à la manière des staliniens ». Ksénia de QueerLab à la question sur l’autogestion en Ukraine nous répondait « Oui, la pratique de l’autogestion est généralisée. En Ukraine, ce sujet est discuté et est pertinent, car tout le monde est impressionné par le phénomène d’auto-organisation de diverses équipes, de volontaires, d’activistes, dont la montée est devenue perceptible avec le début d’uneguerre à grande échelle ! Notre équipe est également autogérée, chacun s’engage et coordonne la direction.En outre, adhérant à la structure horizontale, nous n’avons pas de chefs » ou de patrons » [3]. Ajoutons que de nombreux observateurs occidentaux surpris par la remise en route si rapide des chemins de fer ukrainiens après des bombardements russes, en concluaient que des entreprises privées n’auraient jamais pu réaliser ces exploits ni si efficacement organiser l’évacuation des réfugiés. L’association Autogestion remarquait (11 mars 2022) que « La guerre a confirmé pour les uns, révélé à d’autres, renforcé en tout cas, l’existence d’une solidarité nationale et surtout provoqué une auto-organisation populaire. À l’initiative des travailleurs, la reconversion de la production de nombreuses entreprises pour soutenir l’effort de guerre a été organisée… Municipalités, administrations locales, groupes d’habitants organisent ensemble la vie quotidienne, le ravitaillement, les soins, les évacuations. » Continuer à lire … « L’Ukraine et la question de l’autogestion (+ entretien avec des membres du groupe féministe Bilkis de Lviv) »