De la rhétorique religieuse extrémiste au projet totalitaire (et autres textes)

  • L’invocation d’Amalek en Israël : de la rhétorique religieuse extrémiste au projet totalitaire culminant dans le génocide de Gaza
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L’invocation d’Amalek en Israël :
de la rhétorique religieuse extrémiste au projet totalitaire culminant dans le génocide de Gaza

Ce rapport de l’AURDIP examine un aspect fondamental de l’anatomie du génocide en cours à Gaza. Il met en lumière l’évolution de l’invocation d’Amalek dans le discours public israélien, qui est passée de la rhétorique religieuse extrémiste à l’endoctrinement idéologique au sein de la sphère sociale et politique. À l’issue d’un long processus initié après la guerre des Six Jours en 1967, cette invocation s’est transformée en un programme politique favorisant une politique de colonisation et d’apartheid de plus en plus violente et agressive, conduisant au génocide actuel, dont Amalek est devenu le nom de code.

Rapport de l’Association des Universitaires pour le
Respect du Droit International en Palestine (
AURDIP)

Cet article examine un aspect fondamental de l’anatomie du génocide en cours à Gaza, à savoir l’invocation d’Amalek. Les génocides ne se décrètent pas facilement ; ils nécessitent un socle idéologique et un ensemble de références culturelles ou religieuses susceptibles de les rendre acceptables pour une partie significative de la société. Nous démontrons ici que l’invocation d’Amalek dans le discours public israélien est passée, au cours des dernières décennies, de la rhétorique extrémiste religieuse à l’endoctrinement idéologique sur le terrain social et politique. A l’issue d’un long processus initié en 1967 au lendemain de la guerre des Six Jours, elle est aujourd’hui devenue un programme politique aboutissant au développement d’une politique de colonisation et d’apartheid de plus en plus violente et agressive, conduisant au génocide actuel. Cette invocation génocidaire d’Amalek ne se limite pas aux éléments les plus extrémistes de la société israélienne, comme le premier ministre, mais s’étend même aux milieux académiques. Par exemple, Ariel Porat, professeur de droit et président de l’Université de Tel Aviv, a également repris ce discours. Les soldats israéliens, formés et endoctrinés dans cette idéologie, ont immédiatement compris l’appel de leur premier ministre, faisant d’Amalek le nom de code du génocide en cours. Il n’est donc pas surprenant que l’équipe juridique de l’Afrique du Sud accorde une place importante à cette question dans sa plaidoirie devant la Cour internationale de Justice. Cette invocation d’Amalek constitue pour eux un élément clé pour établir l’intention génocidaire israélienne dans la procédure engagée par l’Afrique du Sud contre Israël concernant l’application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide dans la bande de Gaza.

Au cours de son plaidoyer du 11 janvier 2024 auprès de la Cour internationale de Justice visant à établir une intention génocidaire de la part d’Israël envers le peuple palestinien, l’avocat sud-africain Tembeka Ngcukaitobi a rappelé les propos prononcés le 28 octobre 2023 par le premier ministre Benjamin Netanyahu devant les forces armées israéliennes, les enjoignant à « se souvenir de ce qu’Amalek [leur] a fait ». Comme le souligne à juste titre M. Ngcukaitobi, cette référence scripturaire à Amalek – l’ennemi mythique et archétypal d’Israël – n’est ni fortuite ni accidentelle dans la bouche du premier ministre. Il l’a en effet répétée quelques jours plus tard dans une lettre adressée le 3 novembre 2023 aux mêmes forces armées, ajoutant ce commentaire : « C’est la guerre entre les fils de la lumière et les fils des ténèbres. Nous n’abandonnerons pas notre mission tant que la lumière n’aura pas vaincu les ténèbres – le bien vaincra le mal extrême qui nous menace ainsi que le monde entier ». Comme l’a précédemment rappelé l’AURDIP, le président de l’université de Tel-Aviv a repris à son tour cette rhétorique dans un discours prononcé le 7 novembre 2023 dans les locaux de l’université : 

« Dans cette guerre, nos soldats sont tués. Mais l’État d’Israël a juré d’effacer la mémoire du Hamas. Souvenez-vous de ce qu’Amalek vous a fait au cours de votre voyage, lorsque vous avez quitté l’Égypte : c’est ce que nous apprend le livre de Devarim [Deutéronome]. Et puis, il y a le commandement divin au peuple d’Israël : Vous effacerez la mémoire d’Amalek de dessous les cieux. N’oubliez pas. C’est ce qu’il faut faire avec le Hamas, et je suis convaincu que c’est ce que fera l’État d’Israël. La comparaison entre le Hamas et Amalek flatte le Hamas. Amalek n’a pas commis les actes horribles perpétrés par les assassins du Hamas »Ariel Porat, président de l’université de Tel-Aviv

Là encore, Ariel Porat ne faisait que développer ce qu’il écrivait le 14 octobre 2023 dans une lettre adressée aux étudiants et à l’ensemble des membres de l’université où il mentionnait déjà Amalek, sans l’associer alors au Hamas. De fait, c’est en réalité dès les premiers jours qui suivirent l’attaque terroriste du 7 octobre qu’une telle référence à Amalek a été mobilisée par une partie du personnel politique israélien. Le 16 octobre 2023, le député Boaz Bismuth pouvait ainsi écrire sur les réseaux sociaux : « Nous ne devons pas oublier que même les « citoyens innocents » – la population cruelle et monstrueuse de Gaza, a joué un rôle actif dans le pogrom à l’intérieur des colonies israéliennes (…). Il est défendu de se montrer clément envers un peuple cruel, il n’est pas question de gestes humanitaires – la semence d’Amalek doit être effacée ! » La référence à Amalek se trouvait donc, dès le début, associée explicitement à une injonction de vengeance contre la population de Gaza tout entière. Les déclarations du ministre de la sécurité nationale Itamar ben Gvir du 10 novembre 2023 ne laissent à cet égard aucun doute : « quand nous disons que le Hamas doit être détruit, cela veut aussi dire ceux qui célèbrent, ceux qui soutiennent, et ceux qui distribuent des bonbons – ce sont tous des terroristes, et ils doivent aussi être détruits ».

Au cours du mois de novembre 2023, cette assimilation entre Amalek et les Palestiniens s’est massivement diffusée dans l’ensemble de la société israélienne, notamment par l’intermédiaire de diverses chansons de propagande. L’exemple le plus saisissant est sans aucun doute « Harbu Darbu », un morceau de hip-hop composé par le duo Ness & Stilla qui obtient immédiatement un succès fulgurant, devenant dès sa sortie la chanson la plus écoutée en Israël. Mobilisant explicitement la référence à Amalek, elle appelle aussi au meurtre des soutiens du peuple palestinien comme Bella Hadid, entre autres. Le 7 décembre, ce sont enfin des soldats de l’armée israélienne qui sont à leur tour filmés au milieu des chants et des danses, affirmant qu’ils sont venus à Gaza « effacer la semence d’Amalek » et qu’« il n’y a pas d’innocents ». Diverses publications de soldats israéliens sur les réseaux sociaux véhiculent le même message, encouragé et soutenu par une partie de la presse israélienne.

Tout comme Tembeka Ngcukaitobi, Norman Finkelstein voyait dès le 15 décembre 2023 une claire intention génocidaire derrière la rhétorique maniée par le premier ministre israélien. Il l’a nettement indiqué au cours d’un débat télévisé dans lequel il s’opposait à Alan Dershowitz : 

« Et puis il y a M. Netanyahu, le premier ministre. Non pas en une seule occasion, non pas sur un coup de tête, mais à deux reprises, dans des discours nationaux adressés à la nation, très sobrement, M. Netanyahou a dit : « Souvenez-vous de ce qu’Amalek vous a fait. C’est une guerre entre les fils de la lumière et les fils des ténèbres ». Or, comme le professeur Dershowitz le sait certainement, puisqu’il a fréquenté l’école hébraïque – j’ai grandi à quelques pâtés de maisons de chez lui –, il sait certainement qu’en pleine guerre, dans un pays qui a reçu une éducation biblique, lorsque vous dites que votre ennemi est Amalek, vous appelez à la destruction, au meurtre, de chaque homme, femme et enfant. Avec tout le respect que je dois à M. Dershowitz, cette question du bouclier humain est totalement hors sujet, car elle n’entre même pas en ligne de compte dans cette situation. L’ordre donné dès le départ de priver toute la population civile de nourriture, d’eau, d’électricité et de carburant, l’ordre donné dès le départ de transformer Gaza en un lieu incapable de maintenir la vie humaine, l’ordre donné dès le départ dans cette bataille entre les fils de la lumière et les fils des ténèbres – je le répète, je ne pense pas qu’il faille être grand clerc pour comprendre que, depuis le premier jour, Israël mène une guerre de génocide dans la bande de Gaza ».

C’est pourtant une telle imputation d’intention génocidaire que nie officiellement le bureau du premier ministre, en réaction au plaidoyer sud-africain du 11 janvier 2024 auprès de la Cour internationale de Justice. Selon le communiqué du bureau de Benjamin Netanyahu, il s’agirait en effet d’une « absurdité » témoignant d’une « profonde méconnaissance historique », dans la mesure où la référence à Amalek ne visait qu’à décrire l’attaque du 7 octobre perpétrée par le Hamas, et non à appeler au génocide contre les Palestiniens de Gaza. La preuve en serait que la référence scripturaire utilisée par le premier ministre se trouve mentionnée dans une exposition permanente du musée de commémoration de la Shoah de Yad Vashem, ainsi qu’au mémorial de La Haye rendant hommage aux Juifs néerlandais assassinés pendant la Shoah. Or, « manifestement, aucune de ces deux références n’est un appel au génocide du peuple allemand », précise le Bureau ; « et, de la même manière, la référence à Amalek faite par le Premier ministre Netanyahu n’était pas une incitation au génocide des Palestiniens mais une description des actions hautement malfaisantes perpétrées par les terroristes génocidaires, le 7 octobre, et de la nécessité de les affronter ».

L’accusation de « profonde méconnaissance historique » à l’encontre de la plaidoirie prononcée devant la Cour Internationale de justice de La Haye est pourtant une falsification historique délibérée de la part du gouvernement israélien. Elle vise en effet, en réduisant l’emploi de cette rhétorique à une simple fonction mémorielle, à occulter la signification précise et nouvelle qu’a prise une telle référence à Amalek dans une part croissante de la société israélienne, en particulier depuis la guerre des Six-Jours. C’est bien à cet usage contemporain et à sa connotation évidente que se référait Norman Finkelstein lors de son débat avec Alan Dershowitz, et sa réaction est loin d’être un cas isolé. Dès le 3 novembre 2023, Joshua Shanes – spécialiste d’études hébraïques au College de Charleston – faisait ainsi publiquement part de son inquiétude et estimait qu’il est « incroyablement dangereux, irresponsable et délibéré » de la part de Netanyahu d’invoquer Amalek dans le contexte de l’invasion de la bande Gaza, étant données les implications évidentes d’une telle référence, en particulier pour l’extrême-droite ; en outre, ajoutait-il, l’emploi d’une telle rhétorique risquait de gravement compliquer la tâche de ceux qui essaieront de prétendre qu’Israël « n’est pas engagé dans un crime contre l’humanité ou un génocide ». Il souligne également combien la ligne de défense adoptée par ceux qui prétendent assimiler Amalek au seul Hamas et non au peuple palestinien est trompeuse, dans la mesure où Amalek est décrit sans ambiguïté comme une nation tout entière : « Si quelqu’un affirme : ‘Je parle simplement des mauvais Palestiniens, je parle du Hamas…’, ce n’est pas l’effet que cela produit sur le corps politique. L’effet qu’il produit est le suivant : ‘Nous devons éliminer ces gens’ ». De fait, comme le souligne Gili Kugler dans une contribution au Journal of Genocide Research de 2021, « le référent Amalek est encore aujourd’hui mentionné dans les discours de l’extrême-droite comme un nom de code pour les Palestiniens » [1]. Or, l’emploi de cette rhétorique « codée » s’articule à une interprétation proprement génocidaire de l’injonction biblique ancrée dans une tradition messianiste qui, après avoir longtemps été cantonnée dans des cercles les plus extrémistes, s’est aujourd’hui diffusée dans une large partie de la société israélienne.

Notre propos n’est assurément pas ici de nous avancer sur le terrain de l’exégèse théologique ou de l’herméneutique. Quelques rappels élémentaires apparaissent toutefois nécessaires afin de comprendre l’ampleur de la falsification historique que constitue la défense officielle du bureau du premier ministre. On sait qu’Amalek est principalement mentionné dans deux corpus scripturaires, le Deutéronome et le Livre de Samuel. Voici ce que l’on peut lire dans le Deutéronome :  

« Souviens-toi de ce qu’Amalek t’a fait en chemin lorsque vous êtes sortis d’Égypte, comment il est venu à ta rencontre, en chemin, pour attaquer ton arrière-garde, tous ceux qui se traînaient en dernier, alors que tu étais fatigué, épuisé, et cela parce qu’il ne craignait pas Dieu. Lorsque le Seigneur, ton Dieu, t’accordera le repos en te délivrant de tous les ennemis qui t’entourent dans le pays que le Seigneur, ton Dieu, te donne comme patrimoine, afin que tu en prennes possession, tu effaceras le souvenir d’Amalek de dessous le ciel : ne l’oublie pas » (Dt 25.17-19)

Dans le Livre de Samuel, l’injonction à se souvenir de l’attaque d’Amalek est complétée en ces termes par un appel explicite à la vengeance militaire adressé à Saül :

« J’ai décidé de faire rendre des comptes à Amalek pour ce qu’il a fait à Israël, quand il s’est mis sur son chemin tandis que celui-ci montait d’Égypte. Va maintenant, attaque Amalek et anéantis tout ce qui est à lui, qu’il n’obtienne pas de merci : tu mettras à mort hommes et femmes, enfants et nourrissons, bœufs, moutons et chèvres, chameaux et ânes » (1 Samuel 15.2-3)

Or, Saül encourt la colère divine pour ne pas avoir obéi à son commandement en épargnant Agag, le roi Amalécite, « ainsi que ce qu’il y avait de meilleur dans le petit bétail et le gros bétail, les bêtes de seconde portée et les jeunes béliers, tout ce qu’il y avait de bon » (1 Samuel 15.7-9). Le commandement divin est donc celui d’une guerre d’extermination :

« Le Seigneur t’avait envoyé en disant : Va et anéantis ces pécheurs d’Amalécites ; tu leur feras la guerre jusqu’à leur extermination » (1 Samuel 15.18-19)

Lorsque le premier ministre israélien s’adresse officiellement aux forces militaires en faisant référence à Amalek, il fait bien entendu allusion à cette dimension génocidaire véhiculée à la fois par le Deutéronome et le Livre de Samuel, appuyée par une interprétation littéraliste et idéologique de cet appel à la vengeance divine.

Un immense effort de travail exégétique [2] a été mené au fil du temps afin de vider peu à peu le signifiant Amalek et le « mitzvah du génocide » de tout contenu historique et de toute portée pratique, pour lui conférer un sens purement eschatologique, mythologique ou psychologique, entre autres. Le corrélat liturgique de cette entreprise herméneutique millénaire est cristallisé dans le rituel symbolique du « Shabbat Zakhor » qui a lieu chaque année lors de la fête de Pourim. Selon une autre tradition, encore aujourd’hui en usage dans certains cercles ultra-orthodoxes, les scribes, dans le cadre d’un exercice habituel d’échauffement de la main, écrivaient aussi le mot « Amalek », puis l’effaçaient immédiatement, le plus souvent en traçant des lignes par-dessus ou en rayant le papier à l’aide d’un grattoir[ [3]. Plus généralement, Martin Jaffee souligne combien « le tournant crucial dans la tradition rabbinique à propos d’Amalek consiste dans le refus absolu de la possibilité d’identifier avec certitude toute nation existante comme étant la « semence d’Amalek » » [4]. Après la création de l’État d’Israël et singulièrement depuis 1967, on assiste cependant à une remise en cause de cette longue et riche tradition herméneutique dans certains cercles sionistes extrémistes et messianiques comme le kahanisme.

Depuis la Guerre des Six-Jours, l’injonction à se souvenir d’Amalek est en effet utilisée, dans le cadre de la politique d’Eretz Israel, comme une injonction à éradiquer le peuple palestinien par certains mouvements extrémistes qui s’inscrivent dans le sillage de Meir Kahane. L’idéologie développée par le fondateur de la Ligue de Défense Juive a été analysée comme une résurgence contemporaine de la théologie de la vengeance. Elle repose, selon l’analyse proposée par Adam et Gedaliah Afterman que nous suivons ici, sur les trois piliers fondamentaux suivants [5] : 

  • 1° Selon Meir Kahane, le peuple d’Israël constituerait un être collectif ontologiquement enraciné dans la divinité qui, depuis son origine, ferait face à un ennemi mythique, désigné sous le nom d’Amalek, se manifestant sous diverses incarnations au cours de l’histoire. 

  • 2° Toujours selon lui, cet enracinement ontologique du peuple dans la divinité ferait de celui-là le miroir de celle-ci : dès lors, toute attaque contre le peuple d’Israël constituerait en réalité une attaque contre la divinité, si bien que sa défense et sa vengeance contre ses ennemis relèveraient d’un devoir religieux. 

  • 3° Enfin, d’après Kahane, la création de l’État d’Israël en 1948 fournirait l’instrument permettant de déployer ce processus de vengeance rédemptrice. 

Citons la conclusion qu’en tirent les deux auteurs : « Sur la base de ces trois piliers, Kahane affirme que l’exercice de la vengeance contre l’ennemi métaphysique « Amalek » (les païens hostiles) est fondamental pour sauver Dieu et son peuple, qui ont tous deux presque cessé d’exister à la suite de l’Holocauste. La création de l’État juif, avec son pouvoir institutionnalisé et sa puissance militaire, devrait, selon Kahane, être mise au service de la vengeance liée à la rédemption. Kahane va jusqu’à justifier les actes de vengeance, même contre des innocents, en faisant valoir qu’ils appartiennent à l’ennemi mythique qui doit être éradiqué comme condition de la rédemption d’Israël et de son Dieu (…). Cette théologie de la vengeance est en partie fondée sur l’idée relativement répandue d’une différence ontologique entre les âmes des Gentils et celles des Juifs » [6].

On commettrait cependant une erreur historique en réduisant ce « retour d’Amalek » à l’idéologie extrémiste et raciste des partisans de Meir Kahane, interdite en Israël depuis 1985 et officiellement considérée comme terroriste depuis le massacre d’Hébron de 1994. On constate en effet que l’identification entre Amalek et le peuple palestinien se diffuse progressivement dans différents cercles au-delà du kahanisme proprement dit dans les années qui suivent la guerre des Six-Jours. On la trouve par exemple dès 1969 dans les colonnes du journal Mahanaim sous la plume d’un certain Shraga Gafni, qui écrit :

« En ce qui concerne les Arabes – l’élément qui réside actuellement sur la terre est étranger par essence à la terre et à ses promesses – leur sentence doit être celle de tous les éléments étrangers antérieurs. Nos guerres avec eux ont été inévitables, tout comme, à l’époque de la conquête de nos possessions dans l’antiquité, nos guerres avec les gens qui gouvernaient notre terre pour leur propre bénéfice étaient inévitables (…) Dans le cas des ennemis qui, de par leur nature, n’ont qu’un seul but, vous détruire, il n’y a pas d’autre remède que de les détruire. C’est le « jugement d’Amalek » ».

On la trouve encore en 1974 dans un livre du rabbin de Ramat Gan, Moshe Ben-Tzion Ishbezari [7]. Ce que certains spécialistes ont pu décrire et dénoncer comme un « retour d’Amalek » est en réalité symptomatique de la diffusion croissante au sein de la société israélienne d’une idéologie messianique analysée dès 1984 par Uriel Tal, contre laquelle cet éminent historien israélien spécialiste du IIIe Reich mettait en garde. Saul Friedländer a ainsi noté combien « à partir des années 1970, Tal a été de plus en plus amené à écrire et à s’exprimer sur ce qu’il percevait comme la convergence catastrophique de la religion et de la politique nationaliste au sein de certaines factions dans l’Israël de l’époque. Il a été l’un des premiers intellectuels israéliens à attirer l’attention sur le lien fondamental entre le messianisme politique qui a vu le jour après la guerre des Six Jours et certaines tendances de la pensée religieuse juive » [8]. Uriel Tal a exposé les conclusions de ses recherches dans la leçon inaugurale d’un séminaire tenu à Tel Aviv le 11 mars 1984 organisé par le « Centre International pour la Paix au Moyen Orient ». En se fondant sur des déclarations explicites publiées par des partisans de Gush Emunim ou dans des organes de presse colonialistes comme Nekuda, il s’attachait à décrypter la mise en place d’un programme idéologique dont il décrivait ainsi les partisans :

« Il ne s’agit pas d’une bande de prophètes fous, ni d’une minorité extrême en marge de la société, mais d’une école de pensée dogmatique et d’une doctrine méthodique, qui conduit inévitablement à une politique qui ne peut tolérer le concept de droits de l’homme et du citoyen (…). A la lumière de l’analyse de ses fondements idéologiques, nous nous trouvons confrontés à une structure qui nous est familière dans le messianisme politique du vingtième siècle. Il n’y a pas encore lieu de comparer le contenu, mais en ce qui concerne la structure de la conception, distincte de son contenu, il est impossible de ne pas remarquer une analogie avec les mouvements totalitaires de ce siècle » [9].

Quant au contenu de cette idéologie messianique totalitaire, Tal distinguait trois positions concernant les palestiniens, conçues par ses partisans comme « trois degrés possibles d’une solution : la restriction des droits, le déni des droits ; et, dans le cas le plus extrême, l’appel au génocide au nom de la Torah » [10]. Ces trois degrés correspondent, selon l’analyse critique déployée par Tal, à l’application progressive d’un programme idéologique qui, selon ses partisans, ne doit pas être immédiatement dévoilé explicitement, mais doit au contraire être progressivement diffusé afin d’être peu à peu accepté dans des cercles de plus en plus larges de la société. Ainsi, concernant le deuxième degré – le déni des droits – Tal précise que, dans l’esprit de ces idéologues, « puisque la question choquerait le public à ce moment, il faudrait se retenir temporairement d’évoquer explicitement l’expulsion des Arabes ». Quant au troisième degré, « il est fondé sur le commandement positif de la Torah d’éradiquer toute trace d’Amalek, c’est-à-dire un véritable génocide » [11]. C’est en réalité ce troisième degré qui est préparé depuis la guerre des Six-Jours par l’identification des Palestiniens à Amalek. Ses conséquences pratiques ont été explicitées en 1980 par le rabbin Israël Hess, dans un article paru dans Bat-Kol, le journal étudiant de l’université de Bar-Ilan, intitulé « Le génocide : un commandement de la Torah » (26 février 1980). Cet article n’a suscité que peu de réactions critiques avant qu’Uriel Tal n’attire l’attention du monde intellectuel sur son existence et ses implications [12] ; il est désormais introuvable [13]. Actuellement dans l’impossibilité d’avoir accès à ce texte fondamental pour notre propos, nous nous contenterons de citer la présentation qu’en fournit Uriel Tal lui-même :

« La troisième position concernant la question des droits de l’homme du non-Juif est basée sur le commandement positif de la Torah d’éradiquer toute trace d’Amalek, c’est-à-dire de procéder à un véritable génocide. Cette solution a été suggérée par le rabbin Israël Hess dans son article « The Commandment of Genocide in the Torah » (Bat Kol, le journal des étudiants de l’Université de Bar Ilan, 26 février 1980), et à part quelques collègues comme Uriel Simon et d’autres membres de Oz ve-Shalom (le groupe religieux en faveur de la paix), nous ne connaissons pas de réaction dissidente de la part des rabbins enseignants de cette tendance. Leur silence est d’autant plus significatif qu’il s’agit d’une communauté pour laquelle, en raison de sa structure politique, les dirigeants ne sont pas seulement les guides, mais également ceux qui donnent l’absolution, car en vertu de leur conception, la fonction du Grand Rabbinat et des responsables des yeshivot est de réagir face à la réalité et de démontrer à l’homme l’erreur de ses voies (les rabbins des yeshivot sont ainsi appelés des mashgichim – des « superviseurs »). Le rabbin Hess proclame que « le jour viendra où nous serons tous appelés à accomplir le commandement de cette guerre religieuse, à savoir l’anéantissement d’Amalek », le commandement du génocide. La manière d’exécuter ce commandement est décrite dans I Samuel 15.3 : « Va maintenant, attaque Amalek et anéantis tout ce qui est à lui, qu’il n’obtienne pas de merci : tu mettras à mort hommes et femmes, enfants et nourrissons, bœufs, moutons et chèvres, chameaux et ânes ».

Ce devoir d’anéantir Amalek est fondé, selon le rabbin Hess, sur deux arguments, l’un concernant la pureté raciale, l’autre concernant la guerre. La justification raciale est la suivante : selon Genèse 36.12, Amalek est le fils de Timna, qui était la concubine d’Eliphaz. Or, selon I Chroniques 1. 36, cette même Timna était la fille d’Eliphaz et donc la sœur d’Amalek. Le rabbin Hess conclut donc qu’Éliphaz a cohabité avec sa femme (qui était elle-même la femme d’un autre), qu’il a engendré sa fille Timna, qu’il a pris sa fille comme concubine, qu’il a cohabité avec elle et que c’est ainsi qu’est né Amalek. De sorte que, selon le rabbin, ce serait un sang impur qui coulerait dans les veines d’Amalek et dans les veines des descendants d’Amalek pour l’éternité. Quant au second argument, Amalek est l’ennemi qui a combattu Israël de manière particulièrement cruelle, dit Hess, personnifiant le mal sans limite, car lorsque les Enfants d’Israël marchaient sur leur chemin, épuisés, Amalek les a attaqués et les a tués, hommes, femmes et enfants. Selon cette conception, dans l’opposition entre Israël et Amalek se manifeste l’opposition entre la lumière et les ténèbres, entre la pureté et la souillure, entre le peuple de Dieu et les forces du mal, et cette opposition continue d’exister à l’égard des descendants d’Amalek pour l’éternité. Et qui sont ses descendants pour l’éternité ? Ce sont les nations arabes » [14].

Les derniers mots de l’analyse d’Uriel Tal constituaient alors une mise en garde sans appel contre la diffusion catastrophique d’une telle idéologie en Israël :

« Le danger de cette vision totalisante réside dans le fait qu’elle conduit à une conception totalitaire de la réalité politique – parce qu’elle ne laisse ni temps ni lieu aux droits de l’homme et aux droits civils des non-Juifs » [15].

Cette froide description suffit à montrer quelle est la nature de l’arrière-plan idéologique et historique dans lequel s’inscrit la rhétorique employée par le gouvernement israélien depuis le 7 octobre. Uriel Tal précisait d’ailleurs que ces idéologues messianiques « ne citent pas un verset ou un autre simplement afin de justifier leur idéologie, mais c’est au contraire la réalité politique elle-même qui est en fait modelée par le logos [16]. De fait, l’expérience de l’histoire nous a enseigné – au XXe siècle également – la puissance du logos, de l’idéologie, non seulement en vue de justifier des intérêts politiques, mais bien plutôt comme un facteur actif qui suscite l’émergence d’intérêts politiques, militaires et économiques » [17]. Dans une lettre adressée à Isaiah Berlin en date du 26 juin 1981, il précisait ainsi sa pensée :

« La liberté, avez-vous dit, c’est l’autonomie […], à tel point que même une fois que l’inconnu a été découvert, le choix entre son utilisation, son abus ou son abandon reste sur les épaules du véritable chercheur de liberté. C’est ce choix qui a été abandonné pendant le Troisième Reich et – cette pensée me fait frémir – en Israël aujourd’hui ».

Rappelons seulement que le texte de la leçon inaugurale d’Uriel Tal a été édité de manière posthume, après la mort brutale de l’historien le 6 juin 1984.

Nous avons eu accès à un autre extrait de l’article du rabbin Israël Hess, cité par Amnon Rubinstein et repris par Nur Masalah en ces termes [18] :

« Contre cette guerre sainte, Dieu déclare un contre-jihad (…) afin de souligner que c’est le contexte de l’anéantissement et que c’est à ce sujet que la guerre est menée et qu’il ne s’agit pas d’un conflit entre deux peuples (…). Il ne suffit pas à Dieu que nous anéantissions Amalek – « effacer la mémoire d’Amalek » – : il s’engage aussi personnellement dans cette guerre (…) parce que, comme on l’a dit, il a un intérêt personnel dans cette affaire, c’est là l’objectif principal »

A la suite de l’article de Hess, l’identification entre les Palestiniens et les « Amalécites d’aujourd’hui » est dès lors devenue monnaie courante dans les publications du mouvement messianiste et colonialiste Gush Emunim et se retrouve jusque dans les rangs de l’armée israélienne [19]. C’est encore elle qui motive Baruch Goldstein, l’auteur du massacre d’Hébron en 1994. Elle continue à se diffuser au cours des années suivantes parmi les colons, comme suffit à le montrer un reportage de Jeffrey Goldberg paru dans le New Yorker Magazine en mai 2004, dans lequel il rapporte ces propos :

« Certains leaders parmi les colons voient dans les Palestiniens l’incarnation moderne des Amalécites (…) Moshe Feiglin, le militant du Likoud, m’a dit : « Les Arabes ont un comportement typique d’Amalécite. Je ne peux pas le prouver génétiquement, mais c’est le comportement d’Amalek ». Lorsque j’ai demandé à Benzi Lieberman, le président du Conseil des colonies – qui regroupe toutes les colonies de Cisjordanie et de Gaza – s’il pensait que les Amalécites existaient aujourd’hui, il m’a répondu : « Les Palestiniens sont des Amalécites ! ». Lieberman a ajouté : « Nous les détruirons. Nous ne les tuerons pas tous. Mais nous détruirons leur capacité à penser en tant que nation. Nous détruirons le nationalisme palestinien ».

Il y a une vingtaine d’années, l’ancienne ministre Shulamit Aloni avait dénoncé à plusieurs reprises cette idéologie messianique extrémiste propagée non seulement parmi les colons (« Ce n’est pas une coïncidence si, dans les colonies, les Palestiniens sont appelés « Amalek », et l’intention est évidente pour tout le monde »), mais aussi au sein de l’enseignement scolaire : « Beaucoup de nos enfants sont endoctrinés, dans les écoles religieuses, à croire que les Arabes sont Amalek, et que la Bible nous enjoint à détruire Amalek » [20].

Quarante ans après la mise en garde d’Uriel Tal, cette logique totalitaire dont l’invocation rhétorique d’Amalek est aujourd’hui le nom s’est infiltrée dans l’ensemble de la société israélienne, touchant aussi bien les soldats que les universitaires et les politiciens ; le génocide actuellement en cours à Gaza en constitue le point culminant. En dépit de tous les avertissements qu’elle a systématiquement ignorés, la communauté internationale a jusqu’ici persévéré dans son soutien aveugle à un régime monstrueux de colonisation et d’apartheid, au prix de profondes contradictions avec les valeurs universelles des droits de l’homme qu’elle prétend défendre. Malgré d’innombrables preuves irréfutables documentant les atrocités insoutenables commises par ce régime et son armée, cet aveuglement a persisté longtemps après le déclenchement du génocide. Aujourd’hui pourtant, le mur de l’impunité commence enfin à se fissurer, grâce au courage de l’Afrique du Sud et d’autres pays du Sud qui ont saisi la Cour internationale de Justice au nom du respect du droit international, et à celui de la jeunesse mondiale qui, dans de nombreuses universités, se mobilise pour dénoncer le génocide en cours et exiger une rupture avec le régime coupable d’un tel crime contre l’humanité.

Association des Universitaires pour le Respect du Droit International en Palestine(AURDIP)

[1] Gili Kugler, “Metaphysical Hatred and Sacred Genocide: The Questionable Role of Amalek in Biblical Literature”, Journal of Genocide Research, 23-1, 2021, p. 1-16 (cf. p. 2 n. 5).
[2] Sur quelques-unes de ces diverses stratégies herméneutiques, voir par exemple Michael J. Harris, 
Divine Command Ethics:Jewish and Christian Perspectives, Londres, 2003, p. 134-150.
[3] Voir par exemple Elliott Horowitz, 
Reckless Rites: Purim and the Legacy of Jewish Violence, Princeton University Press, Princeton 2006, p. 107.
[4] Martin S. Jaffee, “The Return of Amalek: The Politics of Apocalypse and Contemporary Orthodox Jewry”, 
Conservative Judaism, 63-1, 2011, p. 43-68 ; cf. p. 49.
[5] A. Afterman & D. Afterman, « Meir Kahane and Contemporary Jewish Theology of Revenge”, 
Soundings, 98-2, 2015, p. 192-217 ; cf. p. 203.
[6] Afterman & Afterman, “Meir Kahane and Contemporary Jewish Theology of Revenge”, p. 204.
[7] Pour ces références, voir N. Masalah, 
The Bible & Zionism: Invented Traditions, Archaeology and Post-Colonialism in Israel-Palestine, London and New York, 2007, p. 150-151 ; cf. S. Jacobs, “Rethinking Amalek in the 21st Century”, Religions, 8.9, 2017, p. 1-15.
[8] S. Friedländer, “Uriel Tal: 
In Memoriam”, in Uriel Tal, Religion, Politics and Ideology in the Third Reich. Selected Essays, New York, 2004, p. vii.
[9] Uriel Tal, “
Foundations of a Political Messianic Trend in Israel”, The Jerusalem Quarterly, 1985, p. 44-55 repris dans M. Saperstein (ed.), Essential Papers on Messianic Movements and Personalities in Jewish History, New York, 1992, p. 492-503; cf. p. 498-499.
[10] Tal, “Foundations of a Political Messianic Trend in Israel”, p. 499. Nous soulignons ici le choix et l’emploi du terme de “solution” par Uriel Tal pour désigner l’idéologie extrémiste qu’il fut le premier à dénoncer, et dont il souligna explicitement l’analogie avec celle du IIIe Reich (voir sa lettre citée 
infra).
[11] Tal, “Foundations of a Political Messianic Trend in Israel”, p. 500.
[12] On signalera toutefois E. H. Yoffie, “Promoting Racism in Israel” (15 April 1983), Sh’ma: A Journal of Jewish Ideas. 13 (252), p. 91–93.
[13] Cf. Jaffee, “The Return of Amalek: The Politics of Apocalypse and Contemporary Orthodox Jewry”, p. 67 n. 36: “My efforts to turn up a copy of this article have failed. The Bar Ilan library does not have a copy of this issue of Bat Kol, and my requests for copies from Israeli colleagues yield nothing. I do know that Rabbi Hess chose not to have the essay reprinted in his “collected essays” prior to his death in the late 1980s”.
[14] Tal, “Foundations of a Political Messianic Trend in Israel”, p. 500-501.
[15] Tal, “Foundations of a Political Messianic Trend in Israel”, p. 503
[16] Uriel Tal emploie le terme de 
logos au sens générique de « discours », et plus particulièrement de « discours idéologique » : voir la phrase suivante.
[17] Tal, “Foundations of a Political Messianic Trend in Israel”, p. 496.
[18] Cité par Nur Masalah, 
Imperial Israel and the Palestinians, Londres, 2000, p. 131-133.
[19] Voir les nombreuses références données par Nur Masalah, “Reading the Bible with the Eyes of the Canaanites: Neo-Zionism, Political Theology and the Land Traditions of the Bible (1967 to Gaza 2009)”, 
Holy Land Studies: A Multidisciplinary Journal, Vol. 8, No.1 (May 2009), p. 55-108.
[20] Shulamit Aloni, “Murder under the cover of righteousness: There is no fixed Method for Genocide”, 
Peace Research, 35-1, 2003, p. 29-31 ; cf. p. 30.

https://aurdip.org/linvocation-damalek-en-israel-de-la-rhetorique-religieuse-extremiste-au-projet-totalitaire-culminant-dans-le-genocide-de-gaza/

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Ce que la sortie de M. Gantz révèle sur l’échec de la stratégie israélienne à l’égard de Gaza

La « politique de séparation » d’Israël à l’égard de Gaza, vieille de plusieurs décennies, s’est effondrée le 7 octobre. Gantz et Gallant le savent ; Netanyahou et l’extrême droite ne veulent toujours pas l’admettre.

À première vue, il est difficile de comprendre les dissensions au sein du gouvernement israélien, qui ont conduit Benny Gantz à quitter la coalition dimanche, sur le « jour d’après » à Gaza. Lors d’une conférence de presse annonçant sa décision, M. Gantz a accusé le Premier ministre Benjamin Netanyahu d’« empêcher […] une véritable victoire » en ne présentant pas de plan viable pour la gouvernance de la bande de Gaza après la guerre.

M. Gantz, qui a rejoint le gouvernement et le cabinet de guerre après le 7 octobre en tant que ministre sans portefeuille, exhorte depuis des mois M. Netanyahou à présenter son plan pour le « jour d’après ». Le Premier ministre, qui a un intérêt personnel et politique à prolonger la guerre, a jusqu’à présent refusé d’en produire un ; au lieu de cela, il a seulement insisté à plusieurs reprises sur le fait qu’il rejetait à la fois la poursuite de l’existence d’un « Hamastan » et son remplacement par un « Fatahstan » dirigé par l’Autorité palestinienne (AP).

Pourtant, M. Gantz n’a pas non plus de plan viable. Sa proposition – remplacer le Hamas par un « dispositif de gouvernance civile internationale » comprenant certains éléments palestiniens, tout en maintenant le contrôle global de la sécurité israélienne – est tellement insensée que sa signification pratique aboutit à la poursuite indéfinie de la guerre. En d’autres termes, c’est exactement ce que veulent Netanyahu et ses alliés d’extrême droite.

Il en va de même pour le ministre de la défense, Yoav Gallant, plus proche allié de M. Gantz au sein du cabinet de guerre. Gallant aurait quitté une réunion du cabinet de sécurité le mois dernier après que d’autres ministres aient fustigé sa demande à Netanyahou d’exclure un contrôle civil ou militaire prolongé d’Israël sur la bande de Gaza. Mais la proposition alternative du ministre de la défense est essentiellement la même que celle de M. Gantz : établir un gouvernement dirigé par des « entités palestiniennes » extérieures au Hamas avec le soutien de la communauté internationale – ce qu’aucun acteur palestinien, arabe ou international n’acceptera.

Il est vrai que Gantz et Gallant ont également exigé que Netanyahou donne la priorité à un accord avec le Hamas pour ramener les otages, alors que le Premier ministre traîne les pieds. Mais ce désaccord apparent s’effondre également à l’examen : tout accord impliquerait un retrait israélien important, voire total, de Gaza et un cessez-le-feu de plusieurs mois, voire permanent. Un tel scénario déboucherait sur l’une des deux possibilités suivantes : un retour au pouvoir du Hamas ou la réimposition de l’Autorité palestinienne, deux options inacceptables pour Gantz et Gallant, d’une part, et pour Netanyahou et ses alliés d’extrême droite, d’autre part.

Alors pourquoi la droite israélienne considère-t-elle les propositions fondamentalement incohérentes de Gantz et Gallant comme une menace existentielle ? La réponse est bien plus profonde que les désaccords sur la question du « jour d’après » de Gaza. Ce que Gantz et Gallant reconnaissent implicitement, et que Netanyahou et ses alliés refusent d’admettre, c’est que la « politique de séparation » d’Israël, vieille de plusieurs décennies, s’est effondrée à la suite des attentats du 7 octobre. Ne pouvant plus maintenir l’illusion que la bande de Gaza a été séparée de la Cisjordanie et donc de tout futur règlement politique palestinien, les dirigeants israéliens sont dans l’embarras.

De la séparation à l’annexion
La politique de séparation d’Israël remonte au début des années 90, lorsque, dans le contexte de la première Intifada et de la guerre du Golfe, le gouvernement a commencé à imposer aux Palestiniens un régime de permis de circuler limitant les déplacements entre la Cisjordanie et la bande de Gaza. Ces restrictions se sont intensifiées au cours de la seconde Intifada et ont atteint leur paroxysme après le « désengagement » israélien de Gaza en 2005 et la montée au pouvoir du Hamas qui a suivi.

La plupart des Israéliens pensaient qu’Israël avait quitté Gaza et n’était donc plus responsable de ce qui s’y passait. La communauté internationale a largement rejeté cette position et a continué à considérer Israël comme une puissance occupante à Gaza, mais le gouvernement israélien s’est toujours dérobé à ses responsabilités à l’égard des habitants de l’enclave. Tout au plus le gouvernement était-il disposé à accorder aux Palestiniens des permis de circulation leur permettant d’entrer en Cisjordanie ou en Israël pour des raisons exceptionnelles d’ordre humanitaire.

Lorsque M. Netanyahou est revenu au poste de premier ministre en 2009, il s’est efforcé d’ancrer la politique de séparation. Il a élargi le fossé entre Gaza et la Cisjordanie en acheminant des fonds vers le gouvernement du Hamas dans la bande de Gaza, convaincu que la division géographique et politique des Palestiniens limiterait la possibilité d’un État palestinien indépendant.

Cela a permis à Israël d’annexer une partie, voire la totalité, de la Cisjordanie. Lorsqu’on a demandé à Yoram Ettinger, l’« expert » démographique de la droite israélienne, en 2021, comment il gérerait le fait qu’entre le Jourdain et la mer Méditerranée, il y a à peu près le même nombre de Juifs et de Palestiniens, il a expliqué que « Gaza n’est pas un enjeu et n’est pas un élément important… La zone en litige est la Judée et la Samarie ».

David Friedman, l’ambassadeur américain pro-annexion nommé par Donald Trump, a convenu qu’après le retrait de Gaza, seule la question de la Cisjordanie restait pertinente. « L’évacuation [des Israéliens] de Gaza a eu un effet salutaire : elle a fait sortir 2 millions d’Arabes de [l’équation démographique] », a-t-il déclaré en 2016. En retirant Gaza de la conversation, l’ancien ambassadeur a expliqué qu’Israël pourrait maintenir une majorité juive même s’il annexait la Cisjordanie et accordait la citoyenneté à ses résidents palestiniens.

Un vide stratégique
L’une des raisons invoquées par le Hamas pour justifier l’attaque du 7 octobre était de briser l’illusion que Gaza est une entité distincte et de ramener la bande de Gaza et l’ensemble de la cause palestinienne dans le giron de l’histoire. Il y est sans aucun doute parvenu.

Cependant, même après le 7 octobre, Israël a largement continué à ignorer le lien entre Gaza et la Cisjordanie, ainsi que son rôle central dans la lutte palestinienne dans son ensemble. Israël a toujours refusé de formuler un plan cohérent pour le « jour d’après », car cela implique nécessairement d’aborder le statut de la bande de Gaza dans le contexte israélo-palestinien plus large. Toute discussion de ce type compromet fondamentalement la politique de séparation soigneusement entretenue par Israël.

Outre sa brutalité absolue, l’assaut actuel d’Israël sur Gaza diffère considérablement des guerres précédentes. Jamais auparavant Israël n’avait laissé un territoire sous son contrôle militaire devenir essentiellement ingouvernable. Lorsque l’armée israélienne a occupé pour la première fois la Cisjordanie et Gaza en 1967, elle a immédiatement mis en place un gouvernement militaire qui a assumé la responsabilité de l’administration civile de la vie des résidents occupés. Lorsqu’il a occupé le Sud-Liban en 1982, il n’a pas démantelé le gouvernement libanais existant ; après avoir établi une « zone de sécurité » en 1985, Israël a confié la responsabilité des affaires civiles à une milice locale.

Le contraste est saisissant avec l’opération actuelle. Bien qu’Israël contrôle effectivement de grandes parties de Gaza, il traite les 2,3 millions d’habitants de Gaza comme s’ils vivaient dans un vide.

Pour des raisons très claires, Israël considère comme illégitime le gouvernement du Hamas qui a dirigé la bande de Gaza pendant 16 ans, mais il ne considère pas l’Autorité palestinienne, qui administre certaines parties de la Cisjordanie, comme une alternative convenable. Un tel scénario compromettrait totalement la politique de séparation d’Israël : la même entité palestinienne gouvernerait les deux territoires occupés, et Israël serait soumis à une pression accrue pour négocier la création d’un État palestinien.

Tant que la vacance du pouvoir à Gaza existe, la droite peut faire ce qu’elle veut : la guerre peut continuer, Netanyahou peut prolonger son mandat, et il ne peut y avoir aucune possibilité réelle d’ouvrir des négociations de paix, que même les Américains semblent aujourd’hui désireux de relancer. La droite messianique et nationaliste souhaite également maintenir cette situation de flou, car elle ouvre la porte à la possibilité d’une « migration volontaire » des Palestiniens de Gaza, ce qui est le souhait ultime du ministre de la sécurité nationale Itamar Ben Gvir, ou à l’« anéantissement total » des centres de population de Gaza, ce qui est l’objectif du ministre des finances Bezalel Smotrich. Tous deux pensent que les colonies israéliennes aux toits rouges constituent le point d’arrivée de cette période d’incertitude.

Deux visions pour Gaza
L’armée, quant à elle, semble fatiguée de ce vide. Pour elle, ce vide ne promet que des combats sans fin et sans objectif réalisable, l’épuisement des soldats et des réservistes, et une confrontation croissante avec les Américains, avec lesquels l’establishment de la défense israélienne entretient des relations particulièrement étroites. L’invasion de Rafah n’a fait qu’accroître le mécontentement de l’armée.

La prise de contrôle par Israël du point de passage de Rafah avec l’Égypte a encore ébranlé l’idée selon laquelle Israël n’est pas responsable de ce qui se passe à Gaza. Gallant a reconnu à juste titre que le contrôle du point de passage de Rafah et du corridor Philadelphie a rapproché Israël de la mise en place d’un gouvernement militaire dans la bande de Gaza : sans en avoir l’intention, et certainement sans l’admettre, Israël semble sur le point de gouverner Gaza comme il gouverne la Cisjordanie.

Gantz et Gallant ont réagi de la même manière à cette situation. Tous deux sont en contact étroit avec les États-Unis et sont également plus exposés aux pressions exercées par les familles des otages, dont le soutien ne cesse de croître au sein de l’opinion publique israélienne. Tous deux comprennent très bien que le refus persistant de Netanyahou, Ben Gvir et Smotrich de discuter du « jour d’après » empêche toute possibilité de parvenir à un accord pour la libération des otages et les condamne à une mort lente et certaine dans les tunnels du Hamas.

Meron Rapoport, le 11 juin 2024
Source : +972mag
Traduction Jo pour Agence Média Palestine
https://agencemediapalestine.fr/blog/2024/06/12/ce-que-la-sortie-de-m-gantz-revele-sur-lechec-de-la-strategie-israelienne-a-legard-de-gaza/

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Tueries, tortures et injections de substances inconnues :
La communauté internationale doit agir face aux violations commises par Israël à l’encontre des détenu·es de Gaza

Territoire palestinien – De nouveaux témoignages de détenus palestiniens libérés des prisons et centres de détention israéliens, reçus par Euro-Med Human RightsMonitor, confirment que des milliers de civils ont été soumis à des traitements inhumains et dégradants et à de graves tortures dans le cadre du génocide israélien dans la bande de Gaza, qui se poursuit depuis le 7 octobre 2023.

La communauté internationale et les institutions judiciaires internationales doivent rompre le cycle du silence, adopter des positions fermes et prendre des mesures concrètes contre les horribles tortures subies par les civils palestiniens, hommes et femmes. Ces abus ont pris une telle ampleur que, pour les victimes qui ont eu la chance de survivre, ils comprennent désormais des violences sexuelles, des injections forcées de substances inconnues, des cicatrices délibérées et un marquage unique de leur corps. Le degré de violence devrait obliger la communauté internationale à forcer Israël à mettre fin à tous ses crimes contre les prisonniers et détenus palestiniens, y compris les crimes de torture, les traitements inhumains et les disparitions forcées, qui ont été commis contre des milliers d’individus de la bande de Gaza au cours des huit derniers mois.

L’armée israélienne a libéré des dizaines de prisonniers de la zone de Zikim, dans le nord de la bande de Gaza, le mardi 11 juin. Une fois tous les prisonniers libérés, l’armée israélienne a ouvert le feu sur eux et les a obligés à courir sur des centaines de mètres pour regagner leurs quartiers d’habitation. À cause de l’épuisement, ils sont arrivés dans un état déplorable, exacerbant les problèmes de santé que beaucoup d’entre eux avaient développés pendant qu’ils étaient torturés et maltraités durant leur détention. Trente-trois d’entre eux sont venus se faire soigner à l’hôpital Kamal Adwan de Beit Lahia, dans le nord de la bande de Gaza.

Un détenu de 23 ans récemment libéré, Samir Abdullah Jamal Marjan, a témoigné devant l’Euro-Med Monitorteam qu’il avait été harcelé verbalement, battu sévèrement, qu’on lui avait administré des chocs électriques et qu’il avait refusé qu’on lui injecte une substance inconnue dans le corps :

« Le 11 mars 2024, alors que je tentais de fuir vers le sud, j’ai été arrêté par l’armée israélienne au point Nabulsicheck, au sud-ouest de la [ville] de Gaza. J’ai été détenu pendant deux mois dans un centre de détention situé en face de Rafah, puis j’ai été transféré à la prison d’Ashkelon, où j’ai passé deux mois supplémentaires. Dans les couloirs [de la prison], les autres prisonniers et moi-même avons vécu des jours très difficiles. Nous avons subi de graves violences physiques et psychologiques tous les jours, notamment des coups et des railleries, ainsi que des attaques de chiens, des menaces et des décharges électriques. La situation était encore pire à la prison d’Ashkelon. J’ai été placé à l’isolement et j’ai été privé de nourriture pendant 12 jours.
Tout au long de l’interrogatoire, ils ont utilisé des décharges électriques pour m’arracher des « aveux » sur le Hamas et les tunnels. J’ai été battu lorsque j’ai répondu que je ne savais pas parce que j’étais un civil, et que je n’étais pas au courant des autres questions [non plus]. Nous avons dû endurer de terribles coups et tortures en plus d’être interrogés tous les dix jours. J’ai vu des gens souffrir de graves problèmes de santé ; certains sont même tombés malades et n’ont pas reçu de soins médicaux, et certains détenus ont reçu des injections inconnues de la part de l’armée. J’ai été battu et soumis à des décharges électriques parce que j’ai refusé qu’on m’injecte [la substance inconnue]. La torture s’est poursuivie tout au long de ma détention.
Hier, l’un des officiers m’a administré des chocs électriques parce que j’avais dépassé le temps imparti dans les toilettes. Les effets sont encore [visibles] sur mon corps. Vous seriez exposé à l’électricité si vous passiez plus de quatre minutes aux toilettes, car même l’utilisation des toilettes a une durée déterminée. J’ai été stupéfait d’apprendre hier soir que j’allais être libéré, et je n’ai pas pu dormir. Ils nous ont ensuite conduits à Zikim, où ils nous ont relâchés et ont commencé à nous tirer dessus. »

Dans un témoignage séparé à l’équipe de terrain de l’Euro-Med Monitor, Amr Abdel Fattah Al-Aklouk a déclaré qu’il était un résident de la bande de Gaza qui suivait un traitement médical à Jérusalem. Depuis le début de l’attaque contre la bande de Gaza, l’armée israélienne l’a arrêté trois fois, la dernière fois le 5 juin. Al-Aklouk a confirmé la mort d’un autre détenu qui a été torturé à mort ce jour-là par l’armée israélienne : « J’ai rencontré un détenu nommé Muhammad Al-Kahlot, qui vit à Al-Faluja, [dans le] nord de la bande de Gaza, il y a environ cinq jours. Il m’a demandé d’entrer en contact avec sa famille et de leur faire savoir qu’il allait bien si je sortais. Je ne savais pas que je serais libéré lorsque je parlais avec lui dans la pièce en face de nous. Après notre conversation, il est mort le lendemain des suites de tortures, et l’armée a mis son corps dans un sac mortuaire et l’a transporté dans un lieu inconnu. Un groupe de prisonniers de la bande de Gaza a été désigné comme « prisonniers de sécurité ». Toute la journée, ils subissent l’oppression et des coups violents et aléatoires qui font saigner leur corps. Muhammad a été tué [en raison] des tortures qu’il a subies à différents moments de la journée ».

Dans un troisième témoignage, S.A., un homme de 65 ans qui a demandé l’anonymat pour des raisons de sécurité, a décrit à l’équipe de l’Observatoire Euro-Med comment il a été arrêté à son domicile dans le camp de réfugiés de Jabalia, soumis à la torture et à la disparition forcée, emprisonné dans des conditions épouvantables, et a assisté à la torture d’un jeune homme sourd. Il a déclaré : L’armée israélienne a pris d’assaut le camp de Jabalia le [mois] dernier. Nous avons choisi de rester dans notre maison dans le quartier d’Al-Qasaib, derrière la clinique de l’UNRWA du camp de Jabalia. L’armée a pris d’assaut notre maison alors que ses véhicules militaires faisaient irruption dans la zone. Ils nous ont tous forcés à sortir et nous ont emmenés, moi et deux de mes neveux, tandis que les autres ont été évacués vers les zones occidentales. Le 21 mai 2024, ils nous ont emmenés dans un endroit que nous n’avons pas pu déterminer. On nous a bandé les yeux dès le début et nous n’avions aucune idée de l’endroit où nous devions aller ni de ce qui se passait autour de nous.
Nous avons été détenus pendant une vingtaine de jours, mais cela nous a semblé durer vingt ans à l’époque. Les abus, les coups et les humiliations étaient quotidiens. À l’approche de l’heure du coucher, les portes commençaient à s’entrechoquer et des haut-parleurs diffusaient une musique sinistre. La nourriture est si rare [là-bas] que l’on peut à peine se procurer une miche de pain et du fromage. Aller aux toilettes est une expérience difficile et humiliante. Ils n’ont pas tenu compte du fait que j’avais 65 ans et que je n’étais pas la personne la plus âgée. Il y avait une autre personne âgée de plus de 70 ans. Nous étions dans ce qui semblait être une « caserne ». Nous n’avions aucune idée de l’endroit où nous nous trouvions. L’armée d’occupation était occupée à essayer de déporter vers des lieux inconnus un grand nombre de personnes qui arrivaient sur ce site, qui semblait être un centre de détention.
En détention, il y avait une personne muette. Pendant plusieurs jours, ils n’ont pas cessé de le battre et de le torturer, exigeant qu’il réponde aux questions [verbales] bien qu’il soit muet. Dès notre arrestation, nous avons été menottés ; nous devions les porter même pour manger ou aller aux toilettes. Le lundi soir, 10 juin 2024, ils nous ont dit que nous serions libérés. Cependant, avant qu’ils [nous libèrent], l’un des gardes m’a menacé en disant : « Ne te plains de rien à la presse, ou nous reviendrons te voir ». Dans la région de Zikim, près de Beit Lahia, à la frontière nord-ouest, l’un des soldats nous a informés, lors de notre libération le mardi 11 juin après-midi, que nous n’avions que quatre minutes pour atteindre les zones résidentielles. Il a ensuite menacé de tirer sur toute personne qu’il verrait. Bien que le terrain soit difficile et qu’il n’y ait aucune maison en vue, nous avons commencé à courir sous une chaleur étouffante ».

Les détenus palestiniens qui ont été libérés de la garde israélienne témoignent du fait que, bien qu’elles sachent que les détenus sont des civils, les forces israéliennes continuent d’abuser de leur pouvoir en les torturant et en les traitant de manière inhumaine. Le silence persistant de la communauté internationale, notamment des organes compétents des Nations Unies, entraînera inévitablement la perpétuation de cette torture.

Un rapport publié le 12 juin par la Commission internationale indépendante d’enquête sur le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est et Israël, indique que les Palestiniens de la bande de Gaza en général, et les détenus palestiniens en particulier, ont été soumis à la torture et à des traitements inhumains, notamment à des violences sexuelles ; déshabillés en public les yeux bandés ; attachés à des chaises à genoux ou avec les mains liées dans le dos ; soumis à des violences physiques et psychologiques pendant les interrogatoires ; et contraints à des actes humiliants en sous-vêtements, comme danser pieds nus pendant qu’ils sont filmés.

Karim Khan, le procureur de la Cour pénale internationale, n’a pas tenu compte des graves infractions commises par les forces de sécurité et les forces militaires israéliennes à l’encontre des prisonniers et des détenus palestiniens dans l’ensemble du territoire palestinien occupé. Ces infractions comprennent le viol, la torture, la détention illégale, la disparition forcée, les traitements inhumains et le fait d’infliger délibérément de graves souffrances en privant les prisonniers et les détenus de soins médicaux essentiels et d’un procès équitable. Cette situation est d’autant plus grave que de nombreux rapports internationaux crédibles et des preuves publiées par des organisations de défense des droits de l’homme et des médias attestent du recours généralisé et systématique à la torture et à la violence à l’encontre des Palestiniens de la part d’Israël. Des dizaines de plaintes ont également été reçues concernant des violences sexuelles – y compris la nudité forcée, en plus du harcèlement sexuel verbal et physique – tandis que des rapports de presse internationaux font état d’au moins sept cas de viols contre des prisonniers palestiniens, hommes et femmes, dans des prisons et des centres de détention israéliens.

Il est recommandé au procureur de la Cour pénale internationale de poursuivre une enquête sur tous les crimes perpétrés par Israël à l’encontre des prisonniers et détenus palestiniens, d’élargir son champ d’action afin d’englober tous les individus responsables de ces infractions et d’accélérer l’émission de mandats d’arrêt à l’encontre de chacun d’entre eux.

Le rapporteur spécial des Nations unies sur la question de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants doit également remplir le rôle qui lui a été assigné conformément à son mandat, respecter les règles d’intégrité et rester indépendant dans son travail. Il s’agit notamment de mener des enquêtes en temps utile et d’effectuer des visites dans les pays pour connaître la vérité sur le traitement des détenus, hommes et femmes, qui font l’objet de violations graves et de crimes graves, et de présenter des rapports à ce sujet, plutôt que de laisser les autorités israéliennes s’occuper de ces questions. Cela ouvrira la voie au travail des commissions d’enquête et des tribunaux internationaux qui examineront et jugeront les crimes commis par l’armée israélienne contre les Palestiniens dans la bande de Gaza.

La communauté internationale doit faire pression sur les autorités israéliennes pour qu’elles rendent les corps des prisonniers et des détenus palestiniens qui ont été tués dans les prisons et les centres de détention israéliens, ainsi que pour qu’elles libèrent tous les détenus palestiniens qui ont été arrêtés arbitrairement et, s’ils sont jugés, pour qu’elles garantissent l’équité des procédures judiciaires.

Israël doit immédiatement cesser sa pratique de disparition forcée des prisonniers et détenus palestiniens de la bande de Gaza ; révéler tous les centres de détention secrets ; révéler l’identité de tous les Palestiniens qu’il détient dans la bande de Gaza, leur localisation et leur sort ; et assumer l’entière responsabilité de leur sécurité.

En outre, il est recommandé de créer une commission d’enquête internationale indépendante qui se concentrera sur les crimes commis lors de l’assaut militaire actuel d’Israël sur la bande de Gaza, tout en facilitant le travail de la commission déjà créée en 2021 concernant le territoire palestinien occupé. Il s’agit notamment de garantir l’accès des deux commissions à la bande de Gaza et d’ouvrir des enquêtes sur tous les crimes et violations commis à l’encontre des Palestiniens dans cette région, y compris les circonstances entourant la mort de tous les prisonniers et détenus palestiniens tués dans les prisons israéliennes, ainsi que toute forme de violence sexuelle à l’encontre de personnes, quel que soit leur sexe.

https://euromedmonitor.org/en/article/6367/Killing,-torture,-and-injections-of-unknown-substances:-Intl.-community-must-act-on-Israeli-violations-of-Gaza-detainees
Traduit avec DeepL.com (version gratuite)

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L’Espace Féministe – Féministes palestiniennes et juives
Manifestation avec une immense bannière de noms

La Marche du Partenariat pour la Paix, samedi 8 juin à 17h, de Gan Meir à la place HABIMA

Chaque nom est une vie qui n’est plus avec nous, chaque nom est un rêve qui ne se réalisera jamais – assez avec le génocide.

Nous ne pouvons pas fermer les yeux sur le nombre choquant d’hommes, de femmes et d’enfants victimes de l’occupation et de la guerre contre Gaza.

Alors que le public israélien connaît les noms et les visages des personnes assassinées, des personnes tuées et mortes et des personnes enlevées du côté israélien, il est inconcevable que des dizaines de milliers de personnes assassinées et mortes, un million et demi de personnes déplacées à Gaza et la politique israélienne de famine ne soient pas évoquées dans le discours public. De nombreux et nombreuses Israéliennes pensent qu’il n’y a pas d’innocent·es à Gaza.

Nous, Femmes de l’Espace Féministe, femmes palestiniennes et juives vivant en Israël, cherchons à éveiller le public israélien à la destruction qui a lieu en notre nom.

Il a fallu deux banderoles de 150 mètres de long pour énumérer les noms des 10 093 femmes et des 15 239 enfants de Gaza qui ne sont plus parmi nous. La politique cruelle qui qualifie la perte de ces vies de « dommages collatéraux » est une politique qui nous tue. Les bébés, les filles et les enfants, les femmes dont nous avons écrit les noms sur les banderoles, tous ceux et toutes celles qui ont été enterré·es vivant·es chez elles ou chez eux, qui sont allés travailler comme journalistes, médecin·es, marchand·es, musicien·nes, négociant·es, et qui ne sont jamais revenu·es, tous ceux et toutes celles qui ont fui d’une zone bombardée à l’autre et qui ont finalement été tué·es, tous ceux-là et toutes celles-là ne sont pas des dommages collatéraux, ce sont des vies, des rêves, qui ont été détruits.

Hadaya Shimon, écrivain et journaliste palestinienne de Gaza, a écrit ce qui suit :

« Je lis les noms des enfants et des femmes et ma voix s’étouffe, s’étrangle.
Chaque nom est une vie
Chaque nom est un foyer
Chaque nom est un rire
Chaque nom est un sourire
Chaque nom est une histoire
Disparue ».

Nous sortirons ensemble, femmes palestiniennes et juives, qui refusent de fermer les yeux et les oreilles, et rappellerons aux Israéliens et aux Israéliennes, et au monde entier, les rêves qui ne se réaliseront plus.

Lutter pour notre rêve –
Une paix juste pour les deux nations, ici et maintenant.
Stop à l’occupation stop à la guerre stop au génocide

Traduit avec DeepL.com (version gratuite)
Communiqué par MHL

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Combattre l’extrême-droite qu’elle soit française ou israélienne !

Le résultat des élections européennes en France avec une large victoire des listes d’extrême-droite a provoqué un séisme politique. Avant même l’annonce officielle de ce résultat, le Président de la République a décidé de dissoudre l’Assemblée nationale et annoncé la tenue de nouvelles élections législatives les 30 juin et 7 juillet prochains.

L’éventualité que les partis d’extrême-droite et de droite extrême emportent une majorité de sièges suffisante pour gouverner le pays serait un second séisme politique qui mettrait gravement en danger les valeurs que l’AFPS partage avec nombre de nos concitoyens. Notre engagement auprès du peuple palestinien est synonyme d’humanisme, de fraternité et de solidarité. Il est fondamentalement contre tous les racismes. Il nous amène à défendre bec et ongles la liberté d’expression citoyenne, le droit à une information non biaisée et surtout le droit inaliénable des peuples à l’autodétermination. Toutes ces valeurs sont régulièrement brocardées et combattues par les organisations d’extrême-droite françaises qui n’hésitent jamais à apporter leur soutien aux États et gouvernements qui comme Israël, répriment, emprisonnent et massacrent les peuples colonisés victimes d’apartheid et d’oppression.

Au nom de ces valeurs, l’AFPS a participé récemment à des campagnes unitaires contre l’extrême-droite et pour les libertés publiques avec des dizaines d’autres associations, partis et syndicats. Nous continuerons évidemment à soutenir ces mobilisations citoyennes pour éviter le pire à notre pays.

Pour autant, les préoccupations de plus de deux millions de Palestinien⸱nes de Gaza restent entièrement tournées sur leur présent et leur futur immédiat. C’est la mort qui plane en permanence sur le ghetto où on les a enfermé⸱es.

La mort qui peut tomber du ciel à tout instant ou la mort à petit feu par la famine qui s’installe chaque jour un peu plus sont leur lot quotidien. Plus de 39 000 morts en huit mois de guerre, près de 80 000 blessé⸱es et 1,5 million de personnes directement concernées par la famine d’ici la mi-juillet selon les organismes internationaux si le cessez-le-feu définitif n’intervient pas d’ici là… Nous ne pouvons pas occulter le génocide en cours à Gaza et toutes les exactions commises en Cisjordanie et à Jérusalem-est par l’occupation israélienne.

S’il est légitime qu’en France les esprits soient occupés d’abord par une actualité politique totalement inédite, nous n‘avons pas le droit d’oublier l’immense détresse des Palestinien⸱nes de Gaza, qui comptent sur les États du monde pour contraindre Israël à mettre un terme à leur martyre.

Nous devons rester mobilisé.es pour que la France et l’Europe pèsent de tout leur poids pour que les enfants de Gaza et le peuple palestinien dans son ensemble puissent enfin considérer leur avenir autrement que dans la terreur de l’instant d’après.

Partout où c’est possible, l’AFPS participera, en accord avec les associations, partis et syndicats qui les organiseront, aux rassemblements et manifestations contre le risque d’une victoire de l’extrême-droite en France pour y brandir le drapeau palestinien. Nous y partagerons nos exigences d’un cessez-le-feu immédiat et définitif à Gaza, d’une entrée massive de l’aide humanitaire et la fin de l’occupation, de la colonisation et de l’apartheid. Nous y participerons pour défendre les mêmes valeurs de fraternité, de solidarité et d’égalité que ce soit en France ou en Palestine occupée.

Le Bureau National de l’AFPS, le 12 juin 2024

https://www.france-palestine.org/Combattre-l-extreme-droite-qu-elle-soit-francaise-ou-israelienne

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L’engagement de l’Université de Valence envers la Palestine

L’Université de Valence persiste dans son engagement ferme envers ses valeurs : la paix, la justice, les droits humains et la démocratie. Elle condamne les actions militaires israéliennes qui ont fait des dizaines de milliers de morts, de blessés et de déplacés. Elle s’engage à ne signer aucun contrat ou accord de collaboration avec les institutions, universités et centres de recherche israéliens, tant que les crimes contre l’humanité infligés au peuple palestinien et la violation systématique et massive des droits humains ne cessent pas.

Déclaration du conseil d’administration du 28 mai 2024

L’Université de Valence, par l’intermédiaire de son Conseil d’administration du 9 novembre 2023, a exprimé par différentes déclarations la position de l’institution en faveur de la paix, du respect des droits humains et d’une solution négociée à la question palestino-israélienne.

Le Sénat de l’Université de Valence, réuni en session ordinaire le 22 février 2024, a émis une Déclaration institutionnelle dans laquelle, réitérant les demandes exprimées par son Conseil d’administration, il exige un cessez-le-feu immédiat et permanent, la fin des violations des droits humains et l’ouverture d’un processus de dialogue et de négociation apportant une réponse permanente à la grave situation de la Palestine survenue comme une conséquence du processus de décolonisation.

Le Conseil d’administration a exprimé en différentes occasions sa demande de la libération des otages capturés par le Hamas.

L’Université de Valence, ainsi qu’elle en a informé sa rectrice en diverses occasions, ne maintient actuellement aucun contrat ou accord institutionnel avec des entreprises, universités ou autres institutions académiques d’Israël.

Le Conseil de direction de l’Université de Valence manifeste publiquement son soutien à l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine (UNRWA), reconnaissant le caractère indispensable du travail humanitaire qu’il a réalisé au fil des ans et qui continue à être nécessaire compte tenu de la suspension étonnante du financement de la part de certains États.

Compte tenu de ce contexte :
L’Université de Valence persiste dans son engagement ferme
 envers ses valeurs : la paix, la justice, les droits humains et la démocratie. Elle condamne les actions militaires israéliennes qui ont fait des dizaines de milliers de morts, de blessés et de déplacés.

Les prises de positions répétées de l’Université de Valence se trouvent en accord avec celles exprimées par la conférence des rectrices et recteurs d’universités espagnoles (CRUE).

En outre, l’Université de Valence a exhorté en février dernier l’Union européenne des universités à exprimer sa position en faveur de la défense de la Charte des droits de l’homme et de l’exigence du respect du droit international. En ce sens, l’Université de Valence soutient que, conformément à ce qui a été exprimé par la Cour internationale de Justice dans son ordonnance du 26 janvier 2024 sur les mesures conservatoires demandées par l’Afrique du Sud, il est essentiel qu’Israël prenne des mesures immédiates pour éviter la commission d’actes relevant des types de crime répertoriés par la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide et il est urgent d’adopter toutes les mesures nécessaires pour prévenir et réprimer l’incitation directe et publique au génocide, ainsi que pour promouvoir des mesures efficaces permettant l’aide humanitaire.

Selon la mise en garde déjà lancée par l’Organisation des Nations unies, les déplacements forcés de population ne peuvent être soutenus par le droit international. C’est pourquoi nous réitérons notre position face à la violation systématique des droits humains subie par la population civile palestinienne en raison de l’intervention armée d’Israël et nous insistons sur les axes indiqués par le Sénat. La priorité dans ce conflit doit être la population civile et, en particulier, la garantie de ses droits essentiels tels que l’alimentation, l’eau, la santé, l’éducation et le logement, entre autres, qui dépendent actuellement de l’aide essentielle de l’UNRWA.

De même, l’Université de Valence exprime sa préoccupation et son rejet face à la destruction des installations sanitaires, éducatives, universitaires et de recherche à Gaza, ainsi qu’aux graves effets de cette guerre sur l’éducation des enfants et des jeunes, comme l’a récemment exprimé le Comité des droits de l’enfant des Nations unies.

En conséquence, l’Université de Valence s’engage à :

1. Exiger un accord de cessez-le-feu immédiat et permanent en Palestine et l’ouverture d’un processus de paix fondé sur le dialogue et la négociation qui, avec l’appui de la communauté internationale et l’impulsion des Nations unies, apportera une réponse permanente à la question israélo-palestinienne. Insister pour que l’État d’Israël respecte le droit international et permette à toute l’aide humanitaire d’entrer à Gaza et pour que les mesures correspondantes soient articulées par les organismes internationaux pour entreprendre la reconstruction et le relèvement du territoire palestinien.

2. Ne signer aucun contrat ou accord de collaboration avec les institutions, universités et centres de recherche israéliens, tant que les crimes contre l’humanité infligés au peuple palestinien et la violation systématique et massive des droits humains ne cessent pas. Bien que l’Université de Valence n’ait actuellement aucun accord avec les universités israéliennes, elle n’entreprendra pas de futures collaborations tant que les droits de la population espagnole ne seront pas pleinement respectés. Encore que l’Université de Valence n’ait actuellement aucun accord avec les universités israéliennes, elle n’entreprendra pas de collaborations futures tant que les droits de la population palestinienne reconnus par les traités et instruments internationaux ne seront pas pleinement respectés. Dans le domaine des programmes de recherche, elle empêchera l’exploitation des infrastructures scientifiques de l’Université de Valence par le personnel de recherche de ces institutions et suspendra les séjours dans un sens comme dans l’autre. Demander aux institutions de l’Union européenne de ne pas permettre à Israël d’accéder au financement de la R+D par les programmes de l’UE, ainsi qu’à la coopération universitaire et technologique dans les domaines militaire et de sécurité.

3. Intensifier la coopération avec le système scientifique et d’enseignement supérieur palestinien et élargir nos programmes de coopération, de volontariat et d’aide aux réfugiés. L’Université de Valence a entamé un processus visant à établir des accords de collaboration avec des universités et/ou des institutions scientifiques palestiniennes en priorité, et a étendu son aide aux réfugiés. Promouvoir, comme elle l’a toujours fait, la recherche, les collaborations et les initiatives liées à la promotion des droits humains, afin de coopérer avec les institutions et les ONG qui travaillent sur le terrain pour aider les étudiants, le personnel de recherche et les enseignants palestiniens.

4. Réexaminer les éventuelles relations institutionnelles avec des entités ou des entreprises qui ne respectent pas le droit international humanitaire et incorporer des clauses administratives de nature sociale dans les marchés publics de l’Université de Valence afin que les entreprises qui bénéficient, directement ou indirectement, de la violation des droits humains et des crimes de guerre et crimes contre l’humanité ne puissent pas concourir, conformément aux recommandations et directives des Nations unies.

5. Exhorter le gouvernement espagnol à respecter les réglementations étatiques et européennes et, en particulier, les obligations prévues par le droit international. Appeler à l’imposition d’un embargo sur le commerce des armes et à la suspension de la coopération militaire avec Israël, à la suspension des exportations d’équipements militaires et de défense, au refus des licences d’exportation et d’importation d’armes israéliennes.

6. Demander avec force que le gouvernement espagnol recouvre sa compétence universelle pour empêcher l’impunité pour les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et le génocide. Demander au Gouvernement espagnol de se joindre à la plainte contre Israël pour génocide déposée le 29 décembre par l’Afrique du Sud devant la Cour internationale de Justice.

https://www.uv.es/rectorat/noticies/PRONUNCIAMENT%20CONSELL%20DE%20GOVERN%2028%20DE%20MAIG%20DE%202024%20PALESTINA.pdf
Traduction SM pour l’Aurdip
https://aurdip.org/lengagement-de-luniversite-de-valence-envers-la-palestine/

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Comment Biden s’est transformé en colombe

Ainsi donc, après huit mois de génocide au moyen de bombardements intensifs de zones palestiniennes densément peuplées, qui ont coûté la vie à près de cinquante mille personnes, entre les morts qui ont été dénombrés et ceux qui sont encore sous les quarante millions de tonnes de gravats résultant de la destruction de près de 300 000 logements selon les estimations de l’ONU,  sans parler des bâtiments publics, après toute cette férocité meurtrière et destructrice de « l’État juif » à côté de laquelle la férocité de « l’État islamique » semble plutôt modeste, et après des efforts continus pour faciliter ce génocide en s’opposant à tout projet de cessez-le-feu, c’est-à-dire de cessation du massacre, notamment en exerçant un droit de veto au Conseil de sécurité de l’ONU, voici Biden, le sioniste fier de l’être, insistant soudainement pour obtenir un cessez-le-feu au point de soumettre un projet de résolution à cet effet au Conseil de sécurité de l’ONU lundi dernier.

Afin que personne ne puisse imaginer qu’une révélation divine s’est abattue sur Biden et son administration, et qu’ils se sont repentis de leur collusion avec les auteurs du génocide, ils ont tenu à présenter leur projet de trêve, consistant en un cessez-le-feu temporaire et un échange de prisonniers, en prélude à des négociations visant à mettre fin à l’agression israélienne sur la bande de Gaza, comme s’il s’agissait d’un projet qui avait l’approbation d’Israël, voire même un projet israélien, de sorte que la responsabilité de son échec à entrer en vigueur retombe sur le seul Hamas. C’est de la pure hypocrisie, puisque Netanyahu n’a jamais officiellement annoncé son approbation du projet, mais a agi jusque là comme voulant s’en dissocier. De leur côté, les dirigeants politiques du Hamas ont fait preuve de perspicacité et de compréhension du jeu en s’empressant de saluer la résolution du Conseil de sécurité et d’exprimer leur volonté de négocier les termes de sa mise en œuvre, renvoyant ainsi la balle dans le camp du gouvernement sioniste après que l’administration américaine ait tenté de la confiner dans leur propre camp.

C’est parce que le gouvernement sioniste est dans un état de confusion. Si Netanyahu avait publiquement accepté le projet de trêve, Gantz et son groupe n’auraient pas décidé de mettre fin dimanche à leur participation au cabinet de guerre. Ils ont attribué leur retrait à la réticence de Netanyahu à accepter le projet de trêve et à fixer des conditions pour mettre fin à la guerre qui soient conformes aux intérêts israéliens et aux souhaits du parrain américain. En vérité, l’objectif de la récente initiative de Washington au Conseil de sécurité n’est pas de faire pression sur le Hamas, mais plutôt de faire pression sur Netanyahu pour qu’il accepte le projet officiellement et publiquement. Ceci en deuxième lieu, mais en premier lieu, Biden déploie des efforts pour montrer à cette partie importante de l’opinion publique américaine qui est bouleversée par la guerre génocidaire menée par l’État sioniste, et qui constitue une proportion importante des électeurs traditionnels du Parti démocrate, qu’il est sérieux dans ses efforts pour arrêter la guerre.

L’administration américaine intensifiera la pression sur Netanyahu pour qu’il accepte la trêve temporaire, dont ils savent tous qu’elle ne durera pas plus de quelques semaines (comme expliqué la semaine dernière dans « La trêve à Gaza et les dilemmes de Netanyahu et du Hamas », 4/6/2024), et pour qu’il mette fin à sa dépendance envers les « néonazis » de son gouvernement et accepte l’offre de ses rivaux Gantz et Lapid de former un gouvernement d’unité nationale incluant le Likoud, les deux principaux partis d’opposition, ainsi que d’autres groupes sionistes moins extrémistes que ceux de Ben-Gvir et Smotrich. Que cela se produise ou non, Biden a besoin de ressembler à un faucon qui s’est transformé en colombe, afin d’atténuer les manifestations contre lui qui devraient perturber la Convention nationale démocrate en août prochain (19-22) à Chicago, lorsque le Parti démocrate adoptera officiellement ses candidats à la présidence et à la vice-présidence.

Voilà le secret de la métamorphose de Biden, d’un partenaire clé dans la guerre génocidaire sioniste en un défenseur de la paix. Si cette mutation est un hommage à l’importance du mouvement de protestation contre la guerre aux États-Unis, nous ne pouvons ignorer sa nature opportuniste et hypocrite et le fait que Biden, Gantz et leurs entourages diffèrent avec Netanyahu sur la manière de liquider la cause palestinienne après avoir perpétré conjointement la « Seconde Nakba », et non sur l’objectif de la liquidation lui-même.

Gilbert Achcar
Traduction de ma tribune hebdomadaire dans le quotidien de langue arabe, Al-Quds al-Arabi, basé à Londres. Cet article est paru le 11 juin en ligne et dans le numéro imprimé du 12 juin. Vous pouvez librement le reproduire en indiquant la source avec le lien correspondant. 
https://blogs.mediapart.fr/gilbert-achcar/blog/120624/comment-biden-s-est-transforme-en-colombe

Come Biden si è trasformato in una colomba
https://andream94.wordpress.com/2024/06/13/come-biden-si-e-trasformato-in-una-colomba/

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flyerVLP11_07

Des reconnaissances de l’État de Palestine qui isolent encore plus Israël
https://theconversation.com/des-reconnaissances-de-letat-de-palestine-qui-isolent-encore-plus-israel-231893

Auteur : entreleslignesentrelesmots

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