Now more than ever. Silence is not an option (et autres textes)

Aujourd’hui plus que jamais. Le silence n’est pas une option (et autres textes)

  • Amira Hass : Opinion – Pour info, président Biden, les colons israéliens utilisent des armes américaines
  • Amira Hass : Le chef de la sécurité de la colonie a participé à un raid brutal dans un village palestinien près de Ramallah
  • Gideon Levy : Opinion – En six mois à Gaza, la pire guerre jamais menée par Israël n’a rien apporté d’autre que la mort et la destruction
  • Après six mois de massacres méthodiques, qui emportera la palme de l’ignominie ?
  • Gaza : La famine imposée par Israël est meurtrière pour des enfants
  • FIDH : Le génocide et l’occupation par Israël menacent irrémédiablement l’autodétermination palestinienne
  • Breaking the silence : Now more than ever. Silence is not an option
  • Soignant·es français·es revenant de Gaza : « les drones, tanks, bombes, soldats terrorisent, mutilent, tuent »
  • Union syndicale Solidaires : La solidarité avec les Palestinien-nes n’est pas un crime
  • S’il est minuit dans le siècle. ÉDITORIAL – Nouveaux Cahiers du socialisme – No. 31 – Hiver 2024
  • Peter Maass : Opinion – Je suis juif et j’ai couvert des guerres. Je sais reconnaître les crimes de guerre quand je les vois
  • Sarah Abboud : Le plus grand organisme médical des Etats-Unis restera-t-il silencieux après la destruction d’Al-Shifa ?
  • Liens avec d’autres textes

Opinion – Pour info, président Biden,
les colons israéliens utilisent des armes américaines

Ces armes sont utilisées par un régime d’intimidation, de terreur et de spoliation parallèle à celui de l’armée, un régime établi en Cisjordanie par des citoyens de l’État et ses agents.

En mars, en Cisjordanie, on a recensé 147 agressions commises par des juifs israéliens contre des Palestiniens, soit une moyenne de cinq par jour. Sur les 31 jours du mois, il n’y a eu que deux jours où aucune agression n’a été enregistrée ; l’un de ces deux jours était le samedi 23 mars. Autrement dit, des agressions ont été signalées les quatre autres jours de shabbat.

J’ai fait état vendredi d’une incursion et d’une agression le samedi 30 mars subies par des habitants de Mukhmas, un village situé au sud-est de Ramallah [voir ci-dessous]. Une autre incursion enregistrée attend toujours notre compte rendu détaillé : un raid contre le village d’Aqraba le 19 mars, au terme duquel Fakher Jaber, 43 ans, a été tué par balle.

Revenons à l’attaque de Mukhmas. Un juif a frappé Samhan Abu Ali, 55 ans, à la tête avec une barre de fer. Alors qu’il était étendu par terre, inconscient, deux autres assaillants, ou trois, l’ont frappé avec une pierre et un gourdin. Autour de lui, quelques assaillants tiraient en l’air. Les agresseurs ont « engrangé » un bras cassé, une épaule déboîtée et une blessure profonde à la tête d’Abu Ali. Un autre assaillant a frappé Muqtada, le fils d’Abu Ali, lui cassant également le bras.

Un peu plus tôt, alors que les assaillants avançaient vers les villageois en brandissant leurs fusils et en tirant en l’air, un homme de 22 ans a été blessé d’une balle dans la jambe. Samhan Abu Ali s’est précipité à son secours, craignant que les assaillants ne le battent alors qu’il gisait sur le sol en sang. Ils s’en sont pris à cet homme courageux, plus âgé, qui pensait que son âge le protégerait. Deux autres habitants ont été blessés par des pierres, mais n’ont pas eu besoin de soins hospitaliers.

Selon le porte-parole de l’armée israélienne, « il a été fait état d’une agression contre un berger israélien, à la suite de laquelle des heurts et des jets de pierres ont opposé des civils juifs et des Palestiniens. » Avez-vous déjà eu l’occasion de voir un Palestinien agresser un berger juif (souvent armé ou escorté par des gardes armés) et ne pas être arrêté immédiatement ou dans la nuit ? Il est inutile que j’ajoute qu’aucun habitant de Mukhmas n’a été arrêté la semaine dernière pour avoir prétendument attaqué un Israélien.

Et maintenant, le cliché de circonstance : si un juif de 55 ans avait été agressé de cette manière près de chez lui par trois Palestiniens, les gros titres auraient hurlé à l’attentat terroriste, dénoncé la cruauté, martelé qu’ils l’avaient battu simplement parce qu’il était juif. Mais comme il s’agit de Palestiniens, dans leur maison, et que les agressions ont été commises par des juifs israéliens, l’événement n’est pas jugé digne d’attention.

Il y a des vidéos et des photos où l’on voit les hommes armés menaçants, le visage couvert, se dirigeant vers les Palestiniens sur leurs propres terres. Il n’y a pas de photos des moments les plus violents.

Mais le schéma est le même que celui de nombreux incidents similaires au cours desquels des Israéliens présentant les caractéristiques extérieures de juifs religieux (kippas, boucles pendant sur les côtés, tzitzits accrochés à leur maillot de corps) se sont attaqués à des fermiers palestiniens, jeunes et vieux. Ils ont également agressé des militants israéliens contre l’occupation, notamment des femmes – y compris des femmes âgées – et des rabbins.

Répétons-le pour la millionième fois : Ce schéma, établi depuis des décennies, montre que les autorités – qui n’empêchent, n’arrêtent, ne détiennent, ne poursuivent ni ne punissent personne – veulent que les attaques se poursuivent.

Sur la base de photos, une source au sein des services de sécurité a déclaré que l’un des envahisseurs, armé et en uniforme, est le coordinateur de la sécurité de la colonie de Ma’aleh Mikhmash, située au nord-est du village. Trois autres hommes armés visibles sur les photos, en tenue civile, sont des soldats en permission, a ajouté cette source.

Pour information, président Biden : leurs armes sont de fabrication américaine et leur but est de terroriser les gens. De nombreux habitants de Mukhmas sont des citoyens américains. Ils possèdent des terres et des vignobles, mais ne peuvent y accéder en raison de la présence menaçante de Juifs armés qui se sont emparés de leurs terres. C’est ce que font, par exemple, les annexes de Ma’aleh Mikhmash, ses avant-postes de Neveh Erez et de Nahalat Tzvi.

Un document d’autopromotion émanant de Nahalat Tzvi indique que l’avant-poste prévoit de « créer de nouveaux états de fait sur le terrain en réponse à la »prise de contrôle « du secteur par les Arabes ». Les colons sont des émissaires de l’État d’Israël et des sionistes passionnés. Pour information au président américain le plus sioniste de tous les temps : Chacune de leurs expéditions et de leurs agressions – menées en brandissant des fusils de fabrication américaine – crée un état de fait [accompli].

En mars, 147 attaques ont été recensées. En février, 145. En janvier, 108. En octobre dernier, on a enregistré un nombre record, comme on s’y attendait, de 408. En juin, 184. Au total, au cours des 12 derniers mois, 1 926 attaques de Juifs contre des Palestiniens ont été recensées.

Laissons ce chiffre s’imprégner dans notre esprit : 1 926. Toutes les sortes d’agressions ont été commises : des hommes armés qui investissent des villages – tentes, vignobles, champs et sources ; de simples menaces avec des armes à feu ; des dommages aux arbres et aux biens ; des vols de bétail ; des pierres lancées sur des maisons et des voitures ; des personnes battues jusqu’au sang, leurs os brisés ; et des meurtres – avec ou sans escorte de soldats armés pour la protection des colons envahisseurs.

Les incidents sont répertoriés par le département chargé des négociations de l’OLP, qui n’a plus rien à négocier, ni personne avec qui il pourrait le faire. La liste est basée sur les rapports qui parviennent aux journalistes et aux forces de sécurité palestiniennes en temps réel. Certains incidents ne sont pas signalés au département. Parfois, les informations publiées sont de nature préparatoire, abrégées et non actualisées. Elles ne sont pas exactes à 100%.

Mais elles donnent une idée de ce qu’est le terrorisme cumulatif. Elles dessinent les grandes lignes d’un régime d’intimidation, de terreur et de dépossession parallèle à celui de l’armée, un régime établi en Cisjordanie par des citoyens de cet État, par ses agents et ses représentants, qui sont chéris et subventionnés par l’État.

Amira Hass
Haaretz. Apr 8, 2024 12:30 pm IDT :
https://www.haaretz.com/opinion/2024-04-08/ty-article-opinion/.premium/fyi-joe-biden-israels-settlers-use-american-weapons/0000018e-b82b-d906-a5cf-babfb7800000

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Le chef de la sécurité de la colonie a participé à un raid brutal dans un village palestinien près de Ramallah

Des témoins du village de Mukhmas affirment qu’une trentaine d’Israéliens sont entrés sur leurs terres agricoles et ont battu les habitants ; Tsahal : L’incident a été précédé d’un rapport sur l’attaque d’un berger israélien.

Samedi, plusieurs dizaines d’Israéliens ont envahi des terres appartenant au village de Mukhmas, au sud-est de Ramallah. Des témoins oculaires affirment que les Israéliens – certains armés de fusils, d’autres avec le visage masqué, et un en uniforme de l’armée israélienne – ont chassé les habitants sous la menace d’une arme et les ont ensuite agressés à l’aide d’un pied-de-biche, de gourdins et en tirant des coups de feu. Selon les témoins, trois villageois ont été blessés, et deux autres ont été blessés par des pierres lancées par les assaillants. Certains des blessés ont dû être transportés à l’hôpital pour y être soignés.

Une source au sein de sécurité a déclaré à Haaretz que l’homme en uniforme qui a été vu par les villageois est le coordinateur de la sécurité de la colonie de Ma’aleh Michmas, et que les autres Israéliens qui étaient armés étaient des soldats réservistes en permission.

Ma’aleh Michmas est située à l’est du village. Plusieurs avant-postes illégaux ont été érigés à la périphérie de la colonie. Les plus proches de Mukhmas sont Neveh Erez, installé au début des années 2000, et Nahalat Zvi, construit en octobre 2022 par des étudiants de la yeshiva Merkaz Harav. Cet avant-poste a été démoli plusieurs fois dans le passé par l’administration civile, mais ses fondateurs sont revenus et l’ont reconstruit. Ils ont créé une route non autorisée menant à l’endroit, y gardent un troupeau de moutons et, lors d’une visite en début de semaine, semblaient être occupés à s’agrandir et à préparer le terrain pour d’autres constructions. L’un des témoins oculaires de l’attaque, Mustafa Abu Siam, a déclaré avoir reconnu parmi les assaillants un homme qui vit à Nahalat Zvi, il n’était pas armé d’un fusil.

Selon les témoignages recueillis par Haaretz, vers 17h30 samedi, plusieurs villageois ont remarqué que des personnes marchaient sur une colline qui fait partie des terres agricoles du village. Ils ont dit qu’ils craignaient que les intrus inconnus ne vandalisent les oliviers et le champ de blé qui s’y trouvent, et qu’ils ne s’approchent également des maisons du village, et donc ils se sont précipités sur place pour voir ce qui se passait. À un moment donné, le groupe de villageois qui est allé vérifier a aperçu plusieurs des intrus en train de patauger dans un puits situé dans une oliveraie appartenant à deux frères du village qui ont par ailleurs la nationalité américaine. L’oliveraie se trouve à quelques centaines de mètres des cabanes de Nahalat Zvi.

Abu Siam, un pharmacien de 36 ans, explique que les personnes qui se trouvaient dans le puits en sont sorties et que plusieurs d’entre elles se sont enveloppées le visage avec des chemises. Il raconte qu’ils ont commencé à crier après le groupe de villageois et que quelques-uns d’entre eux, qui avaient des armes, ont commencé à tirer en l’air. Les villageois ont alors décidé de faire demi-tour et de quitter les lieux. Plus tard, les premiers Israéliens qui étaient venus au village ont été rejoints par d’autres, qui se sont dispersés le long de la colline située à l’ouest de la vallée. C’est alors que les villageois ont remarqué un homme portant l’uniforme des FDI, qui a pointé un fusil vers eux et s’est approché d’eux en criant. Il leur a semblé qu’il voulait encourager les autres Israéliens à avancer avec lui vers eux, alors qu’ils étaient sur le chemin du retour vers leurs maisons dans le village.

« Nous sommes retournés au village et ils nous ont suivis. Ils n’arrêtaient pas de se rapprocher de nous », raconte Samhan Abu Ali, 55 ans. « Nous ne pouvions pas nous éloigner d’eux. Nous retournons au village et ils sont juste derrière nous ». Abu Ali estime qu’il y avait une trentaine d’Israéliens en tout, et il dit que certains ont tiré des coups de feu en l’air. Une vidéo filmée par un villageois montre les Israéliens, dont le coordinateur de la sécurité, descendre de la colline sur la route, tandis que certains pointent vers eux leurs fusils de manière menaçante. Abu Ali raconte également qu’à 18h30, une demi-heure avant la fin du jeûne quotidien du ramadan, un jeune homme près de lui avait reçu une balle dans la jambe. « Je me suis approché de lui pour l’aider à sortir de là et j’ai vu qu’ils étaient sur le point de le frapper alors qu’il était à terre. L’un d’eux m’a frappé à la tête avec une barre de fer. J’ai dû m’évanouir, je suis tombé par terre et ils m’ont encore frappé ». Il se souvient ensuite « d’avoir été porté par les jeunes ». D’autres témoins affirment que trois ou quatre Israéliens ont agressé Abu Ali, et que pendant qu’il était allongé sur le sol, une personne continuait à le frapper avec un gourdin, et une autre avec une pierre. D’autres Israéliens ont tiré en l’air et empêché les villageois de s’approcher. L’un des Israéliens a également frappé Muqtada, le fils d’Abu Ali, avec une gourdin et lui a cassé la main.

Les soldats sont arrivés sur les lieux vers 18h45. « Ils pensaient qu’un Israélien était blessé », suppose Abu Siam. Aucun membre de la police ou du COGAT (administration chargée de la Cisjordanie au sein du ministère de la défense ndt) ne s’est présenté. Plusieurs villageois ont transporté les trois blessés hors du village dans une voiture, puis les ont fait monter dans une ambulance. Tous trois ont été opérés dans un hôpital de Ramallah. Abu Ali, qui est sorti de l’hôpital mardi dernier, a déclaré au cours d’un appel vidéo qu’il avait été profondément entaillé à la tête et qu’il avait eu besoin de dix points de suture. Les agresseurs lui ont également cassé le bras gauche et l’os du bras a dû subir une intervention interne. Les coups et la chute ont également entraîné la dislocation de son épaule droite.

Ce n’est pas la première attaque à Mukhmas. Dans la nuit du 23 mars 2022, plusieurs Israéliens masqués ont envahi le nord du village, brisé les vitres d’une maison et de véhicules et vandalisé 17 voitures. Les villageois affirment également que des arbres ont été détruits ces dernières années par des vandales inconnus. Abdel Rahman al-Hajj, le citoyen américain propriétaire du puits et de l’oliveraie, explique qu’en raison de la proximité des avant-postes et de la peur de leurs occupants armés, il n’a pas pu accéder à son oliveraie au cours des deux dernières années.

D’autres villageois disent également qu’ils n’ont pas pu avoir accès à leurs oliveraies ces dernières années en raison de la proximité de l’avant-poste de Neveh Erez. Les bergers du village ont peur de se rendre à l’est du village, car dans le passé, il y a eu plusieurs incidents au cours desquels des bergers israéliens armés les ont menacés et chassés des zones de pâturage. À la mairie de Mukhmas, on trouve un dossier contenant des copies des confirmations par la police israélienne des plaintes déposées pour chacun des incidents de ce type, y compris des plaintes déposées par des avocats concernant le harcèlement par les résidents de Neveh Erez et leur envahissement des terres des villageois. Cependant, les agressions et le blocage de l’accès aux pâturages et aux vergers se poursuivent.

La police a répondu : « L’incident en question a été traité par l’armée et un rapport a été envoyé à la police. À ce jour, la police n’a pas reçu de plainte à ce sujet. Si une plainte est enregistrée, elle sera examinée et traitée comme il se doit. »

Le porte-parole de l’armée israélienne déclare : « samedi dernier, un rapport a été reçu au sujet d’une agression contre un berger israélien, à la suite de laquelle une confrontation a eu lieu entre des résidents du village et des civils juifs, avec notamment des jets de pierres de part et d’autre. Les forces de l’IDF sont arrivées et ont dispersé les troubles en recourant aux dispositifs de dispersion des protestations et en tirant en l’air ».

Amira Hass
Haaretz | Israel News. 5 avril 2024 :
https://www.haaretz.com/israel-news/2024-04-05/ty-article/.premium/settlement-security-head-joined-brutal-raid-of-palestinian-village-near-ramallah/0000018e-aa94-dc75-afde-faf40c770000

Traduction de Pierre Vandevoorde pour ESSF avec l’aide de DeepLpro.
https://www.europe-solidaire.org/spip.php?article70418

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Opinion – En six mois à Gaza, la pire guerre jamais menée par Israël n’a rien apporté d’autre que la mort et la destruction

Nous franchissons aujourd’hui l’anniversaire des six mois, et il semble que ce ne sera pas le dernier jalon semestriel de la guerre ; personne en Israël n’a la moindre idée de la manière de mettre fin à la pire guerre de son histoire, dont les coûts s’accumulent à un rythme alarmant et dont les bénéfices sont négligeables, en réalité inexistants. C’est pourquoi nous devons avoir le courage de dire, après six mois d’accumulation de calamités, qu’il aurait mieux valu que cette guerre n’ait pas éclaté.

Non, et non. Israël avait le choix : ne pas entrer en guerre. Si ce sont là ses résultats, mieux aurait valu faire preuve de retenue, châtier ceux qui auraient dû l’être pour les horreurs commises le 7 octobre et aller de l’avant.

Tout le monde y aurait gagné, sauf l’ego masculin et militaire d’Israël, qui impose toujours un tribut et une châtiment hors de proportion, quel qu’en soit le prix. C’est une politique extrêmement puérile et stupide. Le plus effrayant dans tout cela, c’est la crainte qu’Israël se comporte de la même manière vis-à-vis de l’Iran.

Même le radar à pénétration du sol le plus perfectionné ne saurait, en sondant les ruines de Gaza et ses tombes, y trouver un seul avantage qu’Israël aurait retiré de la guerre. Par contre, les montagnes de destructions inconnues jusqu’à présent sont visibles à l’œil nu.

Tout cela a déjà été dit, en vain, mais le pire est l’atteinte à la réputation morale d’Israël et, par conséquent, à sa position dans le monde. Cette situation est en passe de devenir irréversible. Il faudra des années à la Russie pour retrouver sa position après l’Ukraine ; de même, après Gaza, Israël devra travailler pendant des années pour retrouver sa position. Mais Israël n’est pas la Russie ; elle est beaucoup plus vulnérable.

Mettons de côté toutes les histoires sur l’antisémitisme qui sévit à l’étranger ; seules certaines sont vraies. En voyant ce qu’Israël fait à Gaza, on peut s’attendre à ce que quiconque éprouve de la haine et du mépris à son égard. Mais ne nous préoccupons pas du monde, regardez ce qui nous est arrivé : nous avons toujours été indifférents à la souffrance des Palestiniens, mais aujourd’hui, nous avons établi de nouveaux records monstrueux en matière d’indifférence.

Des membres sont régulièrement amputés dans le centre de détention de Sde Teiman, et il n’y a aucune réaction. Il y a 17 000 enfants à Gaza qui sont devenus orphelins ou qui ont été séparés de leurs parents – et rien. Les médecins israélien.nes ne protestent pas contre la situation à Sde Teiman, pas plus que les travailleur.es sociaux pour les enfants qui souffrent de la faim ni pour celles et ceux qui sont morts ou ont été tué.es. Nous sommes devenus des monstres. Non seulement de par nos actions, mais surtout de par notre apathie.

Il fut un temps où il y avait des Israélien.nes qui étaient choqués et qui appelaient à l’action. Ils ont presque tous disparu. Il n’y a qu’un seul médecin droit et juste de Sde Teiman pour écrire une lettre. On ne sait pas s’il continue à collaborer avec le mal qui sévit là-bas.

Le 7 octobre, il y a six mois dimanche, a détruit la conscience morale des Israélien.nes. Désormais, absolument rien d’autre ne compte que ce qui touche à Israël : il n’y a plus personne d’autre que nous. Uniquement nos drames, nos souffrances, nos sacrifices – et tout le reste peut brûler, c’est le dernier de nos soucis.

Toutefois, lorsque le complexe médical le plus important et le plus perfectionné de Gaza a été détruit par les flammes, l’âme d’Israël, qui était déjà en mauvais état auparavant, en a fait de même. À la fin de cette guerre, Gaza sera détruite et mise à mort, et nous découvrirons alors que c’est un tout autre visage qui nous regarde dans le miroir. Le monde nous traitera en conséquence, exactement comme nous nous attendrions à ce qu’il traite n’importe quel État malfaisant qui agirait de cette manière.

De plus en plus d’Israélien.nes commencent à comprendre, à oser parler et à se sortir de leur « état de choc » de l’après-7 octobre. Les appels à un cessez-le-feu inconditionnel se multiplient, même dans les pages de Haaretz, mais ils arrivent trop tard et sont trop hésitants. La soif de sang et le sadisme sont sortis du placard au cours des six derniers mois et sont devenus politiquement corrects en Israël.

Les six prochains mois de la guerre pourraient être encore pires que les premiers. Une invasion de Rafah pourrait faire passer les massacres que nous avons perpétrés jusqu’à présent pour une simple bande-annonce de film.

Si tel est le cas, la frontière nord d’Israël entrera également en ébullition, et l’Iran sera également en ébullition. Il est préférable de ne pas se lancer dans des scénarios d’horreur tout à fait réalistes. Israël continuera à ramasser les corps de ses otages, comme il l’a fait ce week-end ; la Cisjordanie ne pourra qu’entrer dans la ronde et, pour la première fois de son histoire, Israël se retrouvera seul face à tout cela.

Mieux vaut s’arrêter là. Arrêter les descriptions apocalyptiques trop réalistes et arrêter la guerre. Les six premiers mois nous ont suffi : c’est plus que suffisant, nous en avons par-dessus la tête.

Gideon Levy
Source : Haaretz. 7 avril 2024 :
https://www.haaretz.com/opinion/2024-04-07/ty-article/.premium/in-six-months-in-gaza-israels-worst-ever-war-achieved-nothing-but-death-and-destruction/0000018e-b476-d50a-a1bf-fc7edc440000
Traduit pour ESSF par Pierre Vandevoorde avec l’aide de DeepLpro.

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Après six mois de massacres méthodiques,
qui emportera la palme de l’ignominie ?

Israël caracole en tête. Mais les pays occidentaux suivent de près. Au point qu’on ne sait plus très bien qui a le comportement le plus ignoble !

Au-delà des décomptes macabres, les informations s’accumulent sur ce qui se passe à Gaza, et la monstruosité du tableau que dresseront les historiens dans quelques années se précise. On sait maintenant que la doctrine « Dahiya », qui théorise l’usage disproportionné de la force, a été mise en œuvre avec plus de sauvagerie que jamais, en s’appuyant sur l’intelligence artificielle. Cette machine, nommée « Lavande », définit ses cibles tellement vite que le personnel chargé de sa gestion n’a plus le temps de valider ses choix. Elle épingle, avec une marge d’erreur complaisamment évaluée à 10 %, le moindre individu supposé être proche du Hamas. On bombarde alors son domicile la nuit, puisque les statistiques montrent qu’on optimise ainsi les résultats. Aucun problème éthique pour éliminer en même temps famille et voisins.

Les snipers, qu’ils tirent depuis un tank, un hélicoptère, ou un bureau d’où ils pilotent un drone, sont également très actifs. Euro-Med Human Rights Monitor révèle dans un rapport détaillé [1], qu’entre le 11 janvier et le 23 mars, 563 personnes ont été assassinées et 1 523 blessées alors qu’elles attendaient des aides devant différents centres de distribution ; parmi les cibles, de nombreux travailleurs humanitaires. Le comportement des snipers va jusqu’à la bêtise aveugle : le 15 décembre, trois otages en fuite, qui agitaient un drapeau blanc, ont été tirés comme des lapins !

Assurée de son impunité et imbue de sa toute-puissance, cette armée a perdu toute humanité, elle tire sur tout ce qui bouge ; avec le soutien de la majorité de l’opinion israélienne ! Car les civils ne sont pas en reste. Entre les colons qui terrorisent et assassinent en Cisjordanie et les bandes hargneuses qui bloquent les camions de premiers secours, la volonté d’éradication et la haine n’ont plus de limite.

Côté occidental, on est bien sûr dans un autre registre, mais l’état des lieux est consternant. Les témoignages des médecins occidentaux venus apporter leur aide, les rapports d’ONG ou de juristes, les investigations méthodiques, comme celles de la Cour Internationale de Justice, sont tout à fait clairs et accablants. Ils sont parfaitement connus des décideurs occidentaux qui disposent par ailleurs des rapports des services de renseignement. Tout est parfaitement documenté. Mais aucune sanction n’est envisagée. On se contente d’exprimer des inquiétudes pour tenter d’éviter la complicité de génocide. Pire, les États-Unis, qui fournissent déjà tout le matériel nécessaire aux destructions en cours, confirment une livraison supplémentaire d’avions de combat et de bombes, pour plusieurs milliards de dollars. La France se distingue à sa façon : le 5 avril, au Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU, elle s’est tout simplement abstenue de voter l’arrêt des ventes d’armes à Israël. L’Allemagne, deuxième fournisseur derrière les États-Unis, ayant quant à elle voté contre. Quant au président du Sénat, Gérard Larcher, il s’apprête à recevoir le président de la Knesset, tandis que la présidente de l’Assemblée Nationale considère que l’heure est toujours au dialogue avec Israël. Il faut se rendre à l’évidence, les dirigeants occidentaux cautionnent les massacres et le génocide en cours. Sans relâche, il faut le dénoncer, et par nos mobilisations leur imposer un complet changement de cap.

[1] https://www.palestinechronicle.com/deliberate-israeli-policy-to-kill-starving-palestinians-target-aid-trucks-euro-med-monitor-report/

Le Bureau National de l’AFPS, le 8 avril 2024
https://www.france-palestine.org/Apres-six-mois-de-massacres-methodiques-qui-emportera-la-palme-de-l-ignominie

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Gaza :
La famine imposée par Israël est meurtrière pour des enfants

Témoignages accablants de médecins et de parents ; signalements d’une famine « imminente »

(Beyrouth, 9 avril 2024) – À Gaza, des enfants sont décédés de complications liées à la famine depuis que le gouvernement israélien a commencé à utiliser la famine comme arme de guerre, un crime de guerre, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Des médecins et des familles de Gaza ont décrit comment des enfants, ainsi que des femmes enceintes et allaitantes, souffrent de malnutrition et de déshydratation sévères, alors que les hôpitaux sont mal équipés pour les soigner.

Les gouvernements préoccupés devraient imposer des sanctions ciblées et suspendre les transferts d’armes à Israël, pour faire pression sur le gouvernement israélien afin qu’il garantisse l’accès à l’aide humanitaire et aux services de base à Gaza ; ceci serait conforme aux obligations d’Israël en vertu du droit international, et de la récente ordonnance de la Cour internationale de Justice suite à la plainte pour génocide déposée par l’Afrique du Sud.

« L’utilisation par le gouvernement israélien de la famine comme arme de guerre se révèle meurtrière pour les enfants de Gaza », a déclaré Omar Shakir, directeur de la division Israël et Palestine à Human Rights Watch. « Israël doit mettre fin à ce crime de guerre, faire cesser ces souffrances et permettre à l’aide humanitaire d’atteindre sans entrave l’ensemble de la bande de Gaza. »

Un partenariat coordonné par les Nations Unies, et regroupant 15 organisations internationales et agences de l’ONU enquêtant sur la crise de la faim à Gaza, a averti le 18 mars que « toutes les preuves indiquent une accélération majeure des décès et de la malnutrition ». Les organisations avaient alors ajouté que dans le nord de la bande de Gaza, où selon les estimations, 70 pour cent des habitants sont déjà confrontés à une « faim catastrophique », la famine pourrait survenir à tout moment entre la mi-mars et le mois de mai.

Selon le ministère de la Santé de Gaza, au 1er avril, 32 personnes dont 28 enfants étaient mortes de malnutrition et de déshydratation dans des hôpitaux du nord de la bande de Gaza. Le 2 avril, l’organisation Save the Children a confirmé la mort de 27 enfants en raison de la famine et de maladies. Début mars, des responsables de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) avaient déjà évoqué « des enfants mourant de faim » dans les hôpitaux Kamal Adwan et al-Awda, dans le nord de la bande de Gaza. Dans le sud de la bande de Gaza, où l’aide est plus accessible mais demeure encore largement insuffisante, les agences des Nations Unies ont signalévers la mi-février que 5 pour cent des enfants de moins de 2 ans souffraient de malnutrition aiguë.

En mars, Human Rights Watch a mené des entretiens avec deux médecins – un médecin du nord de la bande de Gaza et un docteur qui travaillait à titre bénévole avant de quitter Gaza – ainsi qu’avec les parents de deux nourrissons qui, selon les médecins, sont morts de complications liées à la famine et subies par les mères et leur enfants ; Human Rights Watch a également mené des entretiens avec les parents de quatre autres enfants souffrant de malnutrition et déshydratation.

Human Rights Watch a examiné le certificat de décès de l’un des enfants, ainsi que les photos de deux des enfants dans un état critique qui montraient des signes d’émaciation. Tous avaient été soignés à l’hôpital Kamal Adwan de Beit Lahia, dans le nord de la bande de Gaza.

Des experts en santé consultés par Human Rights Watch ont également examiné et vérifié des photos et vidéos en ligne, montrant trois autres enfantsmanifestement émaciés qui sont décédés, et quatre autres dans un état critique qui montraient également des signes d’émaciation.

Le 4 avril, le Dr Hussam Abu Safiya, qui dirige l’unité de pédiatrie de l’hôpital Kamal Adwan, a déclaré à Human Rights Watch que 26 enfants étaient morts des suites de complications liées à la famine, dans son hôpital. Il a précisé que 16 d’entre eux avaient moins de cinq mois, et les 10 autres avaient entre 1 et 8 ans. Il a ajouté qu’un homme de 73 ans souffrant de malnutrition était également décédé. 

Le Dr Safiya a indiqué que l’un des nourrissons est décédé à l’âge de deux jours seulement, après être né gravement déshydraté. Cette situation était exacerbée par la mauvaise santé de sa mère : « [Elle] n’avait pas de lait à lui donner ».

Nour al-Huda, une fillette de 11 ans atteinte de mucoviscidose, a été admise à l’hôpital Kamal Adwan le 15 mars. Les médecins ont dit à sa mère que Nour souffrait de malnutrition, de déshydratation et d’une infection aux poumons, et lui ont administré de l’oxygène et une solution saline. « Nour al-Huda pèse désormais 18 kilos [environ 40 livres] », a déclaré sa mère à Human Rights Watch. « Je peux voir les os jaillir de sa poitrine. »

Le droit international humanitaire interdit d’affamer les civils comme méthode de guerre. Selon le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, « affamer délibérément des civils … en les privant de biens indispensables à leur survie, y compris en empêchant intentionnellement l’envoi de [fournitures de] secours », constitue un crime de guerre.

Depuis les attaques menées par le Hamas en Israël le 7 octobre 2023, le gouvernement israélien a délibérément bloqué l’acheminement de l’aide, de la nourriture et du carburant à Gaza, tout en entravant l’aide humanitaire et en privant les civils des moyens de survivre. Les responsables israéliens ayant ordonné ces actions ou qui les exécutent sont responsables d’une peine collective infligée à la population civile, et de l’utilisation de la famine de civils comme méthode de guerre ; ces deux actes constituent des crimes de guerre.

Les actions du gouvernement israélien limitant la capacité de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) à remplir son rôle de distribution de l’aide à Gaza ont exacerbé les effets des restrictions.

Un médecin qui a travaillé à titre bénévole à l’Hôpital européen de Khan Younis, dans le sud de la bande de Gaza, pendant deux semaines fin janvier, a déclaré que le personnel médical était contraint de soigner les patients avec des fournitures médicales limitées. Il a décrit la difficulté de traiter la malnutrition et la déshydratation, en raison du manque d’éléments essentiels tels que le glucose, les électrolytes et les sondes d’alimentation. Il a ajouté que la mère d’un patient, désespérée en l’absence d’autres solutions, avait eu recours à des pommes de terre écrasées pour créer un liquide improvisé pour l’alimentation par sonde de son enfant. Malgré l’insuffisance nutritionnelle de ce liquide, le médecin a déclaré : « J’ai fini par dire à mes autres patients de trouver des pommes de terre et de faire de même. »

Le 26 janvier, la Cour internationale de Justice, dans une affaire intentée par l’Afrique du Sud, a ordonné des mesures conservatoires, notamment en enjoignant Israël de « prendre sans délai des mesures effectives pour permettre la fourniture des services de base et de l’aide humanitaire requis de toute urgence » et d’autres mesures pour se conformer avec la Convention sur le génocide de 1948. Le 28 mars, la Cour a indiqué qu’Israël n’avait pas respecté cette ordonnance et a imposé une mesure provisoire plus détaillée obligeant le gouvernement à garantir la fourniture sans entrave des services de base et de l’aide en pleine coopération avec l’ONU, tout en soulignant le problème d’« une famine qui s’installe ».

Les autres gouvernements devraient imposer des sanctions ciblées, y compris des interdictions de voyager et des gels d’avoirs, aux responsables israéliens qui continuent de commettre les crimes de guerre que sont la punition collective de civils, l’obstruction délibérée de l’aide humanitaire et l’utilisation de la famine des civils comme arme de guerre.

Plusieurs pays ont réagi aux restrictions illégales imposées par le gouvernement israélien en larguant de l’aide par voie aérienne. Les États-Unis se sont également engagés à construire un port maritime temporaire à Gaza. Cependant, les groupes humanitaires et les responsables de l’ONU ont déclaré que de tels efforts étaient insuffisants pour prévenir une famine. Une autre tentative d’acheminement de l’aide par voie maritime a été interrompue après une attaque israélienne contre des travailleurs humanitaires le 1er avril.

Le 4 avril, le gouvernement israélien a accepté de prendre plusieurs mesures visant à augmenter le montant de l’aide humanitaire entrant à Gaza, apparemment suite aux pressions du gouvernement américain.

« Les gouvernements indignés par le fait que le gouvernement israélien affame les civils à Gaza ne devraient pas chercher des solutions de fortune à cette crise humanitaire », a déclaré Omar Shakir. « L’annonce par Israël de mesures pour augmenter l’aide montre que la pression extérieure fonctionne. Les alliés d’Israël comme les États-Unis, le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne devraient faire pression pour que l’aide soit fournie intégralement à Gaza, en suspendant immédiatement leurs transferts d’armes à Israël. »

Communiqué complet en anglais, avec des informations plus détaillées sur la famine croissante à Gaza : en ligne ici.
https://www.hrw.org/fr/news/2024/04/09/gaza-la-famine-imposee-par-israel-est-meurtriere-pour-des-enfants

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Le génocide et l’occupation par Israël menacent irrémédiablement l’autodétermination palestinienne

Les six derniers mois marquent la période la plus dévastatrice et la plus violente vécue par le peuple palestinien depuis la Nakba de 1948. Des deux côtés de la ligne verte, Israël persiste dans sa violation systématique des droits inaliénables du peuple palestinien, se rendant coupable de graves crimes internationaux, parmi eux, les crimes contre l’humanité d’apartheid et de génocide.

8 avril 2024. Depuis l’annonce par Israël, le 9 octobre 2023, d’un « siège complet de Gaza », la situation au sein du territoire palestinien occupé (TPO) n’a jamais été aussi désastreuse. À Gaza, les forces d’occupation israéliennes soumettent les Palestinien⋅nes à des bombardements, des déplacements massifs et à des restrictions strictes d’accès à l’aide humanitaire causant la famine dans l’enclave. En Cisjordanie et à Jérusalem-Est, Israël établit de nouvelles colonies illégales qui entraînent davantage de déplacements et de contrôle des terres. La violence des colons se poursuit sans relâche et les Forces d’occupation israéliennes continuent d’exercer un pouvoir assassin, tuant des Palestinien⋅nes en toute impunité.

« La politique continue d’expansion territoriale d’Israël repose sur la colonisation et l’apartheid. L’accélération actuelle de cette politique a pour conséquence des violations des droits humains d’une gravité et d’une ampleur presque jamais observées dans l’ensemble de la Palestine », déclare Diana Alzeer, vice-présidente de la FIDH et représentante d’Al-Haq. Elle ajoute : « L’accaparement des terres, l’annexion et l’exploitation des ressources naturelles par Israël sont contraires aux droits des Palestinien⋅nes au développement, ainsi qu’à toute aspiration des Palestinien⋅nes à vivre libres, dans la justice et la dignité, et à exercer leur droit à l’autodétermination et pour les réfugié⋅es palestinien⋅nes leur droit au retour. »

« L’invasion militaire en cours de la bande de Gaza a entraîné un renouvellement de la présence israélienne sur le territoire, matérialisant l’objectif génocidaire annoncé en octobre voulant rendre Gaza inhabitable pour les Palestinien⋅nes », déclare Yosra Frawes, responsable du bureau Moyen-Orient et Afrique du Nord à la FIDH. « Israël a clairement l’intention de garder la mainmise sur Gaza et même si la population est autorisée à retourner dans la partie nord de l’enclave, ce sera très probablement sous l’occupation permanente des colons et de l’armée israélienne ».

Alors que les pénuries alimentaires à Gaza entraînent une augmentation de la malnutrition et de la faim sévère au sein de la population, exposant des millions de Gazaoui⋅es à un risque imminent de famine, plus de 32 000 Palestinien⋅nes ont été tué⋅es et des milliers d’autres sont toujours porté⋅es disparu⋅es depuis octobre 2023. Plus de 70% des logements et des structures de la bande de Gaza ont été détruits. Début avril 2024, Israël a continué de bloquer les pourparlers de trêve menés par le Qatar, les États-Unis et l’Égypte, ignorant la résolution juridiquement contraignante du Conseil de sécurité des Nations unies appelant à un cessez-le-feu immédiat. Désormais le gouvernement israélien a commencé à étendre ses opérations militaires à Rafah, où plus de la moitié de la population de Gaza a été déplacée, avec des raids aériens qui ont tué au moins 31 personnes, dont 14 enfants les 26 et 27 mars 2024.

L’occupation israélienne n’a jamais été aussi terrible
pour les Palestinien⋅nes

Depuis octobre 2023, Israël a déployé une politique de déploiement systématique de la force létale dans le TPO. En date du 27 mars 2024, 446 Palestinien⋅nes avaient été tué⋅es en Cisjordanie et à Jérusalem, dont 113 enfants, et 4 à l’intérieur de la ligne verte. Depuis octobre 2023, Israël a également arrêté plus de 5 500 Palestinien⋅nes, soumettant certain⋅es à des traitements s’apparentant à de la torture. Cette augmentation de la violence d’État se traduit également par une augmentation de la violence des colons et une accélération radicale de la construction des colonies. En un peu moins de six mois, 22 communautés palestiniennes de Cisjordanie ont été déplacées de force, tandis que 40 autres font l’objet de diverses formes d’attaques. Récemment, Israël a annoncé son intention de construire 3 476 logementssupplémentaires pour les colons à Maale Adoumim, Efrat et Kedar.

Les principes directeurs de l’actuel gouvernement israélien, formé en décembre 2022, déclarent explicitement que « le peuple juif a un droit exclusif et incontestable sur toutes les régions de la terre d’Israël » et s’engagent à « promouvoir et développer les colonies dans toutes les régions de la terre d’Israël – en Galilée, dans le Néguev, dans le Golan (illégalement annexé), en Judée et en Samarie (Cisjordanie occupée) ». Le transfert des pouvoirs administratifs des territoires occupés au gouvernement israélien et l’extension de l’autorité juridique civile directe sur les colonies équivaut à une annexion de droit. Ce faisant, Israël procède à l’annexion du territoire palestinien occupé. Ces derniers mois, de nombreux responsables israélien⋅nes, appuyé⋅es par des mouvements de colons, ont appelé à la « réinstallation » dans le nord de Gaza et dans les lieux que l’armée israélienne a détruits au cours du génocide en cours dans la bande de Gaza.

La communauté internationale doit prendre des mesures concrètes pour mettre fin aux graves crimes internationaux et aux violations des droits humains à Gaza. Il s’agit notamment des mesures suivantes.

  • Prendre des mesures urgentes pour assurer la mise en œuvre immédiate d’un cessez-le-feu permanent afin de mettre fin aux souffrances humaines, de permettre le retour des otages civil⋅es et de fournir l’aide humanitaire nécessaire et suffisante.

  • Prendre des sanctions restrictives et efficaces à l’encontre des autorités responsables des crimes graves commis à Gaza et notamment mettre un terme aux transferts d’armes vers Israël, y compris les licences d’exportation et l’aide militaire.

  • Continuer à œuvrer pour l’acheminement sans entrave de l’aide humanitaire aux civil⋅es de Gaza et, à cet égard, continuer à soutenir l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA).

  • Continuer à condamner toutes les violations du droit international par toutes les parties impliquées dans le génocide à Gaza.

  • Soutenir les efforts visant à enquêter, poursuivre et punir les responsables des atrocités commises à Gaza.

  • Les États tiers doivent envisager d’imposer des sanctions politiques et utiliser tous les moyens de pression pour s’assurer qu’Israël et les autres États respectent leurs obligations, notamment en empêchant la commission de nouveaux crimes et de crimes contre l’humanité à l’encontre du peuple palestinien.

https://www.fidh.org/fr/regions/maghreb-moyen-orient/israel-palestine/le-genocide-et-l-occupation-par-israel-menacent-irremediablement-l

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Cher ,
Je n’oublierai jamais le moment où, au cours de mon service militaire, j’ai réalisé que j’étais leur plus grand cauchemar : faire irruption dans les maisons palestiniennes au milieu de la nuit, sans mandat, sans poser de questions et avec le pouvoir ultime de faire ce que bon nous semble. Je me suis soudain imaginé à leur place et j’ai compris ce qui se passait réellement. 

Nous étions envoyés pour faire respecter la politique de notre gouvernement dans les territoires palestiniens occupés. Nous avons vu le prix de ces politiques et nous pensons qu’il est de notre responsabilité de partager ce dont nous avons été témoins et ce à quoi nous avons participé. Nous le faisons pour éduquer et mobiliser nos communautés afin d’exiger des changements et des comptes.

Malgré l’horreur et le chagrin que nous avons ressentis ces derniers mois, nous restons attachés à notre objectif de mettre fin à l’occupation. Depuis la tragédie du 7 octobre et la guerre qui s’en est suivie et qui continue de faire d’innombrables victimes et de mettre en danger les otages toujours retenu·es à Gaza, notre travail est devenu plus important que jamais.

Depuis vingt ans, nous nous efforçons de confronter la société à la réalité de l’occupation, même dans les moments les plus difficiles. Breaking the Silence est la seule organisation qui recueille, vérifie et publie les témoignages d’anciens soldats des FDI sur leur service dans les territoires palestiniens occupés. Le soutien de nos donateurs et nos donatrices nous a permis de continuer à dire la vérité à nos communautés, malgré les tentatives de nous faire taire. Voulez-vous nous rejoindre en tant que donateur aujourd’hui ?

Faire un don pour soutenir notre travail

À la BtS, nous pensons que l’occupation ne peut se maintenir que si nous gardons le silence sur la mission que nous avons été envoyés accomplir en tant qu’ancien·nes soldat·es·. Mais nous savons aussi que le courage de parler est contagieux. Alors que de plus en plus d’ancien·nes soldat·es sortent de leur silence, nous ébranlons le discours selon lequel nous ne pouvons garantir la sécurité des Israélien·nes qu’en contrôlant le peuple palestinien par la force militaire. 

À l’heure actuelle, les enjeux sont plus élevés que jamais. Nous ne pouvons pas nous permettre d’ignorer ceux qui viennent témoigner, que ce soit dans le cadre de la guerre actuelle à Gaza ou en Cisjordanie. Nos voix ont le pouvoir de façonner la réalité, de demander des comptes à nos dirigeants politiques, d’éduquer nos communautés et de créer le changement. 

Cette semaine, nous lançons une campagne visant à collecter un million de shekels pour soutenir ce travail. Aujourd’hui, je vous demande de soutenir notre travail, de nous aider à répondre aux besoins du moment et à œuvrer pour la dignité, la liberté et la sécurité des Palestinien·nes et des Israélien·nes. 

Votre don d’aujourd’hui aura un impact double, grâce à nos généreuses donatrices et généreux donateurs qui se sont engagés à compléter chaque don. Merci de nous aider à faire entendre notre voix, même dans les moments les plus difficiles.

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Avec gratitude,
Avner Gvaryahu
Traduit avec DeepL.com (version gratuite)

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Soignant·es français·es revenant de Gaza :
« les drones, tanks, bombes, soldats terrorisent, mutilent, tuent »

Témoins des exactions commises par l’armée israélienne à l’égard des civils de la partie sud de la bande de Gaza, vingt revenant de Gaza, à la faveur de leurs engagements déontologiques de médecins et infirmiers soutenu·es par des collègues, n’acceptent plus « l’hypocrisie et le silence gêné de la classe politique et des médias nationaux, en particulier au centre et à droite, bercés par une narration unique ». Ils et elles demandent solennellement à être reçus par le Président de la République.

Nous, médecins et infirmières français(es), de retour de Gaza, où nous soutenons les équipes médicales de l’hôpital européen à Khan Younes et Mère Enfant à Rafah depuis le 25 janvier 2024, témoignons de manière neutre et factuelle, du non respect évident par le gouvernement israélien et de ses forces armées, des mesures conservatoires émises à son encontre le 26 janvier 2024 par la Cour Internationale de Justice de la Haye. 

Nous sommes témoins et avons les preuves audiovisuelles et écrites des exactions commises à l’égard des civils de la partie sud de la bande de Gaza relevant de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, ce que sans aucun doute, confirmera la justice. 

Nous sommes témoins visuels, auditifs et par notre pratique, de l’intention génocidaire explicite du gouvernement israélien sur le territoire de Gaza sud, sans avoir pu obtenir d’informations par nous-même de ce qui se passe dans le nord, tout accès y étant interdit. Les informations transmises ces derniers jours du devenir des soignants, patients et structures du plus grand hôpital universitaire de Gaza, Al Shifa, confirment nos observations de terrain, au sud. La mort des 7 humanitaires de World Central Kitchen est inacceptable, au même titre que celle des soignants et civils de la population gazaouie. 

Nous n’acceptons pas le silence assourdissant de la communauté médicale et para médicale, et de leurs représentants ordinaux et ministériel, comme celui des instances représentant l’éthique dans notre pays, et ce malgré nos multiples sollicitations depuis le 10 décembre 2023 ; 

Nous n’acceptons pas l’hypocrisie et le silence gêné de la classe politique et des médias nationaux, en particulier au centre et à droite, bercés par une narration unique, non soumise à une analyse contradictoire et vérification honnête et indépendante, refusant, de surcroît, de recevoir les éléments de preuve que nous avons collectés ; 

Nous n’acceptons pas que les drones, tanks, bombes, snippers, et soldats qui terrorisent, mutilent, tuent une population civile enfermée dans une nasse sans échappatoire, soient encore, au-delà des mots, d’une manière ou d’une autre, soutenus par le gouvernement français et la majorité des députés et sénateurs ; 

Nous n’acceptons pas que la place des droits de l’Homme soit le lieu autorisé pour la manifestation de soutien à l’armée israélienne ce dimanche 7 avril, c’est simplement honteux, comme l’absence d’arrêt immédiat de toute coopération militaire, voire, économique, en particulier dans les domaines soutenant l’occupation, la violence, la colonisation et une politique d’apartheid. 

Nous demandons solennellement à être reçus par Monsieur le Président de la République et son épouse, en tant que femme et mère, Monsieur le Premier Ministre, ainsi que de manière transpartisane au Parlement et au Sénat, afin que nos témoignages et ceux de nos collègues de Gaza soient enfin entendus en France, alors qu’ils le sont déjà dans une grande partie du monde. 

L’enjeu national et international est tel que nous sommes prêts, en regard de nos engagements déontologiques de médecins et infirmiers, à saisir la justice, ayant été témoins et ne pouvant être entendus et soutenus par les décideurs du pouvoir exécutif et législatif, ainsi que par les médias à diffusion nationale. 

Signataires :
Imane 
MAARIFI, infirmière aux urgences
Cyrine 
ZRELLI, infirmière aux urgences pédiatriques
Lylia 
BOUDJEMAA, infirmière soins intensifs
Narinem 
BENABSA, infirmière aux urgences pédiatriques Habiba ZERRAR, infirmière
Pr Christophe 
OBERLIN, orthopédiste
Dr Pascal 
ANDRE, infectiologue, urgentiste
Dr Christophe 
DENANTES, anesthésiste
Dr Hachem 
HIJJI, pédiatre
Dr Chems Eddine 
BOUCHAKOUR, anesthésiste
Dr Zouhair 
LAHNA, gynécologue obstétricien
Dr Khaled 
BENBOUTRIF, urgentiste
Dr Jubran 
DURBAS, chirurgien vasculaire
Dr Kheira 
HIRECHE, chirurgienne thoracique
Mr Hacene 
CHAOUCHI, infirmier de bloc
Dr Mamoun 
ALBARQAWI, chirurgien orthopédiste
Dr Mohamed 
ABARGUISS, chirurgien vasculaire
Dr Anes 
AROUEL, chirurgie thoracique
Dr Frederic 
PAIN, urgentiste 
Dr Vincent 
CARRE, urgentiste 

Avec le soutien de médecins n’ayant pas été lors des 10 dernières semaines à Gaza
Et d’infirmières(ers) n’ayant pas été lors des 10 dernières semaines à Gaza

https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/090424/soignant-es-francais-es-revenant-de-gaza-les-drones-tanks-bombes-soldats-terrorisent-m

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La solidarité avec les Palestinien-nes n’est pas un crime

Depuis plusieurs mois, la série de convocations par les services de lutte contre le terrorisme de plusieurs de nos militant·es ou de collègues syndiqué·es, en raison de leur engagement envers la cause palestinienne, nous sidère et nous inquiète fortement. 

Le mouvement de solidarité qui s’est exprimé depuis la France connait une répression particulièrement brutale : interdictions de manifester, plaintes pour apologie du terrorisme, amendes et gardes à vue pour des personnes pour le simple fait de brandir un drapeau palestinien. Leur soutien public au peuple palestinien est assimilé à une apologie du terrorisme, les exposant ainsi à des poursuites pénales, voire à une inscription sur la liste des auteurs et autrices de crimes terroristes, tout cela pour l’expression de positions politiques alignées sur le droit international. L’accélération de ces convocations s’inscrit dans un climat de répression global du mouvement social, toujours plus criminalisé, illégitimé et ici dans le but évident de faire taire toute forme de contestation envers un Etat colonisateur qui multiplie les crimes de guerre. 

L’Union syndicale Solidaires dénonce fermement cette utilisation abusive des lois antiterroristes visant à réduire au silence toute voix dissidente, tout comme nous condamnons la loi séparatisme et son contrat d’engagement républicain qui sert à museler des associations du mouvement social ne plaisant pas au pouvoir.

L’Union syndicale Solidaires, internationaliste et membre du collectif pour une Paix Juste et Durable entre palestiniens et israélien, condamne les massacres de civils du 7 octobre et tous les crimes de guerre. Elle tient à rappeler que le droit international sanctionne, depuis plus de 75 ans, les actions de l’État d’Israël. Il reconnait aussi ce dernier comme une puissance occupante, et condamne l’apartheid et d’autres crimes de guerre commis par celui-ci. Le génocide en cours à Gaza doit cesser.

L’Union syndicale Solidaires exprime son soutien aux camarades de Solidaires étudiant·es EHESS poursuivis actuellement et à toutes les personnes mises en cause abusivement en raison de leur soutien au peuple palestinien. Nos libertés syndicales et politiques, y compris le droit d’exprimer des positions anticoloniales, ne sont pas négociables dans une démocratie.

Union syndicale Solidaires, 7 avril 2024
https://solidaires.org/sinformer-et-agir/actualites-et-mobilisations/communiques/la-solidarite-avec-les-palestinien-nes-nest-pas-un-crime/

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« Nos camarades étudiant.es convoqué.es par les services antiterroristes pour leur soutien à la Palestine »
Des syndicats, partis politiques et personnalités dénoncent la répression dont sont victimes des étudiant.es. de Solidaires étudiant.es EHESS convoqué.es par les services de lutte contre le terrorisme pour leur soutien au peuple palestinien.
https://www.politis.fr/articles/2024/04/nos-camarades-etudiant-es-convoque-es-par-les-services-antiterroristes-pour-leur-soutien-a-la-palestine/

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S’il est minuit dans le siècle
Nouveaux Cahiers du socialisme – No. 31 – Hiver 2024

ÉDITORIAL [1] — Malgré les nombreuses protestations à travers le monde et dans leur propre pays, émanant de divers groupes, y compris d’organisations rassemblant des Juifs [3], plusieurs gouvernements occidentaux continuent de soutenir le gouvernement israélien. Pourtant, ils ont, et les États-Unis en particulier, les moyens de faire pression afin de faire cesser immédiatement le génocide en cours du peuple palestinien. Ce génocide accompagne les volontés de recolonisation de la bande de Gaza par l’extrême droite israélienne [4] qui a pris le prétexte des représailles des crimes inhumains commis par le Hamas le 7 octobre dernier pour la mettre en œuvre à grande échelle.

Ce constat sur l’attitude de puissances occidentales en dit long sur l’époque que nous vivons, alors que les classes dirigeantes gagnées par le néolibéralisme ont perdu le sens de l’intérêt collectif et qu’elles préfèrent continuer leurs calculs stratégiques en défense de leurs intérêts à court terme. Car qui peut ignorer que la haine et la violence alimentent le désespoir et la haine et la violence ? D’une certaine façon, Israël en est l’illustration, avec sa population prise en tenaille par un gouvernement sioniste d’extrême droite, qui instrumentalise la Shoah et prétend parler au nom des Juifs de la planète.

Les élites néolibérales, y compris lorsqu’elles flirtent avec l’extrême droite et mettent en œuvre des politiques autoritaristes, n’ignorent pas qu’une part de consentement de certaines couches de la société est nécessaire pour gouverner. Comme disait Talleyrand à Napoléon : « On peut tout faire avec des baïonnettes, sauf s’asseoir dessus [5] ». Les refus de certains pays, dont le Canada et le Québec, de voter une résolution appelant au cessez-le-feu à l’Assemblée des Nations unies est un non-sens criminel. Mais le soutien inconditionnel à Israël est sans doute une façon d’alléger la culpabilité de l’Europe et des États-Unis. Car, dès 1942, Roosevelt, Churchill et d’autres savaient ce qui se passait dans les camps d’extermination, mais n’ont rien fait pour arrêter la Shoah. Depuis, on laisse le sionisme développer son récit de l’histoire sur le thème : « Seul Israël peut assurer la sécurité des Juifs ». Ce qui ressemble à une gigantesque tartufferie quand on regarde la montée de l’antisémitisme un peu partout dans le monde depuis le début des représailles génocidaires [6].

Mais les classes dirigeantes n’ont-elles jamais eu une vision du bien commun quand les populations du Sud global sont en jeu ? Plus de cinq cents ans d’histoire faite de génocides des Autochtones, de traite des Noirs africains et de l’esclavage, de colonialisme, de racisme et d’antisémitisme nous ont démontré le contraire.

Aujourd’hui, lorsque l’on compare les réponses occidentales à l’invasion de l’Ukraine par la Russie et celles suivant la destruction en cours de Gaza et de ses habitants par Israël, on constate qu’il n’y a aucun support gouvernemental digne de ce nom des Palestiniens et Palestiniennes. Pire, plusieurs pays occidentaux, dont le Canada, les États-Unis, l’Italie et la Grande-Bretagne ont immédiatement coupé le financement de l’UNRWA [7], un organisme des Nations unies, sur les seules allégations d’Israël au sujet d’une participation d’employés de cet organisme aux attaques du Hamas le 7 octobre. Pourtant, dans d’autres situations où des employés d’organismes de l’ONU ou des Casques bleus étaient accusés de viols et d’autres atrocités lors d’interventions, les sanctions n’ont pas été dirigées contre les organismes [8], car on arguait, avec raison, qu’il ne fallait pas confondre leur raison d’être avec le personnel employé ou mobilisé. En outre, ces allégations sont intervenues juste après qu’ait été confirmé, le 26 janvier dernier, le risque de génocide des Palestiniens par la Cour internationale de justice, qui avait été saisie par des avocats de l’Afrique du Sud, ce pays où la population noire a mis fin à l’apartheid. Or, l’arrêt du financement de l’UNRWA va transformer le risque de génocide des Palestiniens en réalité.

L’UNRWA joue en effet un rôle essentiel dans la survie du peuple gazaoui qui, en plus des bombardements, subit la soif, la famine et les épidémies en raison du blocus en eau, nourriture, électricité et essence imposé par Israël. Car Israël contrôle tout dans la bande de Gaza. C’est son gouvernement et son administration, ses services secrets, son armée qui décident de tout ce qui se passe à Gaza, et même de qui peut travailler pour l’UNRWA ou bénéficier d’une autorisation pour rejoindre sa famille en France ou au Canada !

Pour les gouvernements occidentaux qui ont choisi de refuser de réclamer un cessez-le-feu immédiat, toutes les vies n’ont pas la même valeur. C’est ce qu’on retiendra au-delà des calculs stratégiques de Biden et de ses conseillers qui ne veulent pas donner l’impression qu’ils ne soutiennent plus Israël – ce qui risque par ailleurs de saper les chances que le Parti démocrate l’emporte sur Trump. Les États-Unis ont, il est vrai, durci leur discours, puis annoncé des sanctions contre les colons israéliens qui, profitant du chaos régnant, sévissent brutalement et souvent mortellement en Cisjordanie. Mais selon cette stratégie des petits pas diplomatiques, qui demande du temps, les Palestiniens font figure de « dommages collatéraux ». Cela est inadmissible, même si Biden et son administration prennent soin de ne pas confondre la population israélienne avec son gouvernement, et préfèrent attendre que Netanyahou soit obligé de partir pour mettre en œuvre un cessez-le-feu et la solution à deux États prévue par l’ONU depuis 1947 et prémisse des accords d’Oslo en 1993. Si tant est que cette solution soit encore viable, alors que c’est Netanyahou lui-même et sa clique d’extrême droite qui ont aidé le développement du Hamas – dont on ne peut ignorer les méthodes de gestion par la terreur sur la bande de Gaza [9] – parce qu’ils misaient sur le fait que le Hamas, qui était comme eux opposé à ces accords, les fasse échouer. Ces accords représentaient pourtant d’importants reculs par rapport aux aspirations des Palestiniens à reconquérir leur territoire de 1967 [10]. Ils résultaient notamment du soutien inconditionnel des États-Unis et d’autres puissances occidentales pour Israël, mais aussi du manque de vision politique de Yasser Arafat, dirigeant de l’Organisation de libération de la Palestine, majoritaire à l’époque parmi les Palestiniens, et de l’absence d’un réel appui des gouvernements des pays arabes. Malgré de grandes déclarations, ces derniers ont plus souvent laissé les Palestiniens à leur sort, quand ils ne les ont pas réprimés, préférant normaliser leurs relations avec Israël et l’Occident.

Combien de temps encore avant que les Israéliennes et les Israéliens ne mettent Netanyahou à la porte ? Car la majorité enrage contre leur premier ministre depuis leur mobilisation massive contre un projet de réforme judiciaire antidémocratique, bien avant le 7 octobre. Mais critiquer les politiques n’était plus dans les priorités depuis le 7 octobre, hormis pour celles et ceux qui risquent leur propre vie pour documenter et défendre les Palestiniennes et les Palestiniens de Cisjordanie contre les crimes qui se multiplient de la part des colons israéliens. En partie sous l’emprise d’un Netanyahou qui gouverne « par la peur [11] », la population est surtout focalisée sur les otages encore détenus par le Hamas et ses satellites, et sur les crimes commis le 7 octobre dernier, que certains vont jusqu’à qualifier de nouvelle Shoah, pratiquant aussi du coup une « autre forme de révisionnisme », comme le remarque Laurel Leff dans Haaretz [12], le seul journal israélien qui maintient une volonté critique d’information. Mais dans leur majorité, les Israéliens semblent indifférents au sort des Palestiniens. Quelques centaines ont toutefois manifesté le 18 janvier dernier à Tel-Aviv, pour réclamer un cessez-le-feu, expliquant notamment que « la guerre est mauvaise pour les Israéliens et pour les Palestiniens », mais « bonne pour le Hamas et pour Bibi [13] ». On est loin cependant des dizaines de milliers de manifestantes et manifestants qui défilaient au cours d’époques précédentes pour la paix avec les Palestiniens [14]. Selon un manifestant, le 18 janvier, la plupart des Israéliens « soit ne veulent pas comprendre ce qui se passe à Gaza, soit préfèrent détourner les yeux [15] ». Cela changera-t-il avec la reprise, début février, de manifestations contre le gouvernement Netanyahou, dont les prises de position reposent sur les mêmes soubassements racistes, xénophobes et colonialistes que les discours ou des lois anti-immigrants portés par une partie de l’extrême droite européenne ?

Dans un message (post) qui circulait sur Facebook en ce début d’année, il était écrit : « Ce qui est mort à Gaza, c’est l’idée que l’Occident incarnait l’humanité et la démocratie [16] ». Historiquement parlant, cette idée est morte avant, en 1942, et encore avant, pendant les siècles de domination coloniale qui ont précédé. La différence aujourd’hui, c’est que le génocide se déroule en direct, documenté par des journalistes palestiniens qui perdent la vie [17], les uns après les autres, dans ce combat destiné à informer et à restituer un nom, une voix et une histoire à ces dizaines de milliers d’êtres humains, femmes et enfants en premier lieu, qui sont morts ou mutilés.

La différence tient aussi dans le fait que les populations, qu’elles soient au Sud ou au Nord, sont plus sensibles aux enjeux. Les aspirations à l’égalité et à la démocratie se sont élargies pour intégrer une vision intersectionnelle des dominations et une conscience des rapports de pouvoir Nord-Sud – en témoigne l’ampleur des manifestations pour le cessez-le-feu, notamment dans ces pays occidentaux conduits par un néolibéralisme ravageur pour les pauvres, les minorités ou groupes minorés et les femmes. Dès lors, on peut croire en la capacité des êtres humains à se saisir de cette relativisation de l’héritage occidental pour poursuivre et mettre en pratique d’autres visions du monde.

En attendant, nous sommes dans ce moment dont parlait Gramsci lorsque l’Italie était dirigée par Mussolini et que le fascisme faisait des émules : « Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaitre et dans ce clair-obscur surgissent les monstres ». Cela, avec des conséquences désastreuses en termes de vies humaines.

Par Carole Yerochewski, pour le comité de rédaction [2]

NOTES
[1]
Ce titre est celui d’un livre écrit en 1939 par Victor Serge, anarchiste gagné au trotskysme pendant la Révolution russe, qui a été emprisonné par Staline et qui dénonce cette machine à broyer les êtres humains, en redonnant un visage et un nom à ces opposantes et opposants qui mourraient dans l’anonymat, comme meurent aujourd’hui tant de Palestiniennes et de Palestiniens broyés par les bombes de l’armée israélienne.
[2] Carole Yerochewski et le comité de rédaction remercient Rabih Jamil pour sa participation à la réflexion qui a conduit à l’écriture de cet éditorial.
[3] Comme Voix juives indépendantes Canada, et d’organisations ou représentants et représentantes de Juifs sionistes, selon les pays, notamment aux États-Unis.
[4] Rania Massoud, « En Israël, l’extrême droite rêve tout haut à la recolonisation de Gaza », Radio-Canada, 22 décembre 2023.
[5] « Sauf s’asseoir dessus » exprimait le fait qu’on ne peut se reposer sur la force, c’est-à-dire gouverner sans craindre ou risquer des protestations et des contre-réactions à cette violence.
[6] L’antisémitisme et le racisme anti-arabe ont décuplé ces derniers mois un peu partout. Voir à ce sujet :Tamara Alteresco, « Montée de l’antisémitisme en France », reportage de Radio-Canada, 6 novembre 2023 ; Oona Barrett, « Comprendre la montée de l’antisémitisme », Pivot, 17 novembre 2023 ; « Deux expertes de l’ONU dénoncent la montée de l’antisémitisme et de l’islamophobie dans le monde », ONU info, 22 décembre 2023.
[7] UNRWA : United Nations Relief and Works Agency for Palestine Refugees in the Near East ; en français, l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient.
[8] Human Rights Watch, « République centrafricaine : Des viols commis par des Casques bleus », 4 février 2016,
https://www.hrw.org/fr/news/2016/02
[9]
Voir un état des lieux par Amnistie internationale ; Voir aussi : AFP et Le Figaro, « Gaza : un émissaire de l’ONU condamne la répression par le Hamas de manifestations », 17 mars 2019
[10] Voir l’analyse d’Edward Saïd, « Au lendemain d’Oslo », 1993, dans lequel il rappelle les conditions pour mettre en œuvre une autodétermination palestinienne, un objectif oublié dans les discours actuels :
https://blogs.mediapart.fr/t-allal/
[11]
Netanyahou a été désigné comme « le plus grand marchand de peur de l’histoire d’Israël » par le journal Haaretz, qui sous-titre « Comment les tactiques de peur de Netanyahou manipulent les Israéliens », 27 janvier 2024.
[12] Laurel Leff, « Comment la Nakba a éclipsé l’Holocauste dans les médias américains depuis le 7 octobre », Haaretz, 10 décembre 2023.
[13] Surnom du premier ministre Benjamin Netanyahou.
[14] Voir La Paix maintenant, un mouvement extra-parlementaire israélien :
https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Pa .
[15] Voir Aya Batrawy, « Israeli protesters demand Gaza cease-fire in rare anti-war march through Tel-Aviv », Wamu 88.5, 19 janvier 2024,
https://wamu.org/story/24/01/19/israeli-protesters-demand-gaza-cease-fire-in-rare-anti-war-march-through-tel-aviv/
[16]
Notre traduction.
[17] Plus de 80 journalistes sont morts depuis le début des représailles. Voir Yunnes Abzouz et Rachida El Azzouzi, « Journalistes tués en Palestine : comment et pourquoi Mediapart a enquêté », 11 février 2024,
https://www.mediapart.fr/journal/in..
Une veillée en leur honneur a été organisée le 11 janvier dernier à Montréal par Palestinian Youth Movement avec la participation de plusieurs organisations dont Voix juives indépendantes.

30 mars 2024 | tiré des Nouveaux Cahiers du Socialisme
https://www.cahiersdusocialisme.org/sil-est-minuit-dans-le-siecle/
https://www.pressegauche.org/S-il-est-minuit-dans-le-siecle

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Opinion – Je suis juif et j’ai couvert des guerres.
Je sais reconnaître les crimes de guerre quand je les vois.

Qu’est-ce que cela fait d’être un journaliste spécialisé dans les crimes de guerre, dont la famille a financé une nation qui commet des crimes de guerre ?

Je peux vous le dire.

J’ai couvert le génocide en Bosnie pour le Post, j’ai écrit un livre à ce sujet et j’ai fait des reportages en Irak et en Afghanistan, entre autres pays ravagés par des conflits. Par ailleurs, mes ancêtres ont été les principaux bailleurs de fonds de l’émigration juive vers la Palestine sous contrôle britannique. Les Warburg et les Schiff ont donné des millions de dollars à cette cause et, pendant la guerre entre Juifs et Arabes qui a commencé en 1948, ils ont aidé à collecter des sommes considérables pour le nouvel État d’Israël. Lorsque Golda Meir s’est rendue d’urgence aux États-Unis pour collecter des fonds, l’un des philanthropes qu’elle a rencontrés était un de mes oncles qui dirigeait l’American Jewish Joint Distribution Committee (Comité juif américain de distribution conjointe).

Alors que les forces israéliennes s’acharnent sur Gaza dans ce que la Cour internationale de justice définit comme un cas « plausible » de génocide, l’histoire de la philanthropie de ma famille se confond avec ma familiarité avec les crimes de guerre. Lorsqu’Israël bombarde et tire sur des civil·es, bloque l’aide alimentaire, attaque des hôpitaux et coupe l’approvisionnement en eau, je me souviens des mêmes outrages en Bosnie. Lorsque des personnes faisant la queue pour obtenir de la farine à Gaza ont été attaquées, j’ai pensé aux Sarajéviens tués en faisant la queue pour obtenir du pain, et aux auteurs qui, dans chaque cas, ont insisté sur le fait que les victimes avaient été massacrées par leur propre camp.

Les atrocités ont tendance à rimer.

Lors de mon reportage à Sarajevo assiégée, j’ai séjourné dans un hôtel situé en pleine ligne de front, où des tireurs d’élite serbes tiraient régulièrement sur les civil·es qui passaient sous ma fenêtre. En sortant ou en entrant dans l’hôtel Holiday Inn, c’est parfois sur moi que l’on tirait. Un jour de printemps 1993, j’ai entendu le craquement et le sifflement familiers d’une balle de sniper, suivis d’un cri terrible. Je me suis approché de ma fenêtre et j’ai vu un civil blessé qui essayait de ramper pour se mettre à l’abri. Il y a plus de trente ans, j’ai décrit dans The Post les cris désespérés de l’homme comme « le hurlement dément d’une personne poussée à bout. Il venait des poumons, du cœur, de l’esprit ».

J’ai pensé à Haris Bahtanovic – je l’ai retrouvé le lendemain dans un hôpital voisin – en regardant il y a peu une vidéo angoissante en provenance de Gaza. La vidéo montre une grand-mère, Hala Khreis, essayant de quitter un quartier encerclé par les forces israéliennes. Marchant timidement, elle tient la main de son petit-fils, âgé de cinq ans, qui porte un drapeau blanc. Soudain, un coup de feu retentit et elle s’effondre sur le sol, morte. Les fusils de sniper sont dotés de lunettes de visée très puissantes – les tireurs peuvent voir sur qui ils tirent. Les attaques contre Khreis en 2024 et Bahtanovic en 1993 se sont produites de jour et n’étaient pas accidentelles.

Des millions de Juifs et de Juives américaines se sentent liés à la création d’Israël. Peut-être nos ancêtres ont-ils donné ou collecté de l’argent, peut-être sont-ils allés se battre, peut-être ont-ils fait des dons à des organisations sionistes. Que doit faire un juif/ une juive maintenant ? Chacun fait ses propres choix, mais mon expérience des crimes de guerre m’a appris qu’être juif signifie s’opposer à toute nation qui commet des crimes de guerre.

Tous.

Dans mon livre sur la Bosnie, j’ai noté que le fait d’être juif et d’assister à un véritable génocide m’a fait comprendre, plus qu’auparavant, la précarité des minorités et la nécessité de dénoncer les atrocités qui se produisent. Cet impératif se renforce si votre gouvernement approuve les crimes ou si votre tribu les commet.

Israël et ses partisan·es affirment que ce qui se passe à Gaza est une réponse légale et juste à l’attaque du 7 octobre par les combattants du Hamas. Il est évident que des crimes de guerre ont été commis par le Hamas : Des Israélien·nes ont été abattu·es chez elles et chez eux dans des kibboutzim et des spectateurs et des spectatrices du festival de musique Nova ont été massacré·es. Nous avons vu les photos et les vidéos, et bien que certaines allégations se soient révélées fausses, les preuves de crimes brutaux sont solides. Le Hamas détient toujours plus de 100 otages.

Cela ne donne pas à Israël le droit de réagir comme il l’entend. Œil pour œil – ou cent yeux pour un œil – n’existe pas en droit international. L’un des principes fondamentaux du droit de la guerre est qu’une attaque mettant en danger des civil·es doit être militairement nécessaire et que les pertes civiles doivent être proportionnelles au gain militaire. En d’autres termes, on ne peut pas massacrer un grand nombre de civil·es pour un gain mineur sur le champ de bataille, et on ne peut certainement pas cibler des civil·es, comme cela semble avoir été le cas pour le meurtre de Hala Khreis et de nombreux autres Palestinien·nes. Jusqu’à présent, plus de 30 000 personnes ont été tuées à Gaza, la plupart étant des civil·es, dont plus de 13 000 enfants.

Les victimes d’un génocide   comme l’ont été les Juif/Juivess pendant l’Holocauste – n’ont pas le droit d’en perpétrer un. Bien entendu, c’est à un tribunal chargé de juger les crimes de guerre qu’il revient de déterminer si les actions d’Israël à Gaza peuvent être qualifiées de génocide, mais il semble qu’il y ait suffisamment de preuves pour justifier des inculpations, car la définition juridique du génocide est la suivante : « actes commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux ». Les mots clés sont « en partie ». Il n’est pas nécessaire que les massacres aient atteint le niveau de l’Holocauste pour que la norme juridique soit respectée.

Cela met tous les Américain·es, et pas seulement les Juifs et les Juives américaines, dans l’embarras. Le gouvernement américain est le principal soutien d’Israël, en raison des bombes et autres armes qui continuent d’être fournies au gouvernement extrémiste du Premier ministre Benjamin Netanyahu. Nous sommes toutes et tous impliqué·es.

L’idée que les Juifs/Juives protègent les droits des Palestinien·nes n’est pas aussi nouvelle qu’on pourrait le croire. Avant l’Holocauste, mes ancêtres faisaient partie du mouvement « non sioniste » qui soutenait l’émigration juive en Palestine mais s’opposait à la création d’un État juif. La position non sioniste était fondée sur la crainte qu’un État juif n’entraîne des violences et ne renforce les accusations selon lesquelles les Juifs/Juives n’étaient pas loyales/loyaux envers l’Amérique.

Par exemple, dans l’édition du 21 mai 1917 du New York Times, un titre indique : « M. Schiff n’est pas favorable au sionisme : il établirait une population juive, et non une nation, en Palestine ». L’histoire concerne mon arrière-arrière-grand-père, Jacob Schiff, le financier de l’âge d’or qui a financé les efforts visant à aider les Juifs et les Juives persécutées à fuir l’Europe. L’objectif idéaliste non sioniste était que les Juifs/Juives qui s’installaient en Palestine concluent un accord avec les Arabes qui y vivaient déjà, sans qu’aucune des parties ne prenne le contrôle total du gouvernement. Deux décennies plus tard, en 1936, mon arrière-grand-père, Felix Warburg, qui avait épousé la fille de Schiff, a prévenu avec justesse que la création d’un État juif conduirait « à des têtes sanglantes et au malheur ».

La colonisation juive s’est poursuivie en Palestine, bien sûr, et l’Holocauste a accéléré la dynamique de création d’une patrie nationale dans ce pays, pour laquelle mes ancêtres ont consciencieusement ouvert leurs portefeuilles. Mais il existe une histoire largement oubliée de ce qui s’est alors passé dans un coin dissident de la communauté juive américaine. Comme l’écrit Geoffrey Levin dans son nouveau livre, « Our Palestine Question », depuis la création d’Israël, « Il y a des Juifs et des Juives américaines profondément troublé·es par les politiques israéliennes à l’égard des réfugié·es palestinien·nes et des Arabes vivant sous le régime israélien », qui se consacrent farouchement à cette question.

Ces juifs et juives dissidentes ont été troublées, entre autres, par l’exode de plus de 700 000 Arabes lors de la création d’Israël ; c’est ce que les Arabes appellent la Nakba, ou « catastrophe ». Israël a refusé de laisser ces Arabes rentrer chez elles et chez eux et, au fil des décennies, a mis en place un appareil répressif d’occupation militaire en Cisjordanie et à Gaza. Bien que le livre de Levin ait été publié juste avant la dernière convulsion, il note astucieusement que « certain·es Juifs/Juives américain·es considèrent aujourd’hui leur soutien aux droits des Palestinien·nes comme une expression significative de leur identité juive ».

Mon identité juive a toujours été un peu vague parce que mes ancêtres étaient des juifs et des juives allemandes qui se sont assimilé·es à la vitesse du son culturel ; lorsque j’étais enfant, nous avions même un arbre de Noël (elles et ils ont donné et dépensé leur argent au même rythme ; la fortune avait presque disparu lorsque j’ai atteint l’âge adulte). J’ai commencé à me sentir plus juif en couvrant le génocide des musulman·es de Bosnie. Ce que Levin souligne – la défense des Palestinien·nes étant de plus en plus un acte d’identité juive, en particulier pour les jeunes juifs et jeunes juives – me semble également juste.

C’est près de la maison du sénateur Charles E. Schumer, à Brooklyn, que j’ai récemment vu comment ce mouvement longtemps ignoré a trouvé une nouvelle propulsion. J’habite à dix minutes à pied de l’immeuble du chef de la majorité démocrate, que la police new-yorkaise barricade chaque fois qu’une manifestation approche. Bien que M. Schumer appelle aujourd’hui à des élections anticipées susceptibles de faire tomber M. Netanyahou, il soutient l’aide militaire à Israël et est l’élu juif le plus haut placé aux États-Unis. Les manifestant·es sont repoussé·es à quelques centaines de mètres de là, à Prospect Park, et une centaine d’entre elleux s’y trouvaient lorsque je suis passé le mois dernier.

Certain·es brandissaient des pancartes multicolores imprimées par des professionnel·les, sur lesquelles on pouvait lire « Hands Off Rafah – Stop the Genocide » et « Ceasefire Now – Let Gaza Live » (Cessez le feu maintenant – Laissez vivre Gaza). Mais il y avait aussi une femme portant un kaffiyeh autour de la taille, qui tenait un morceau de carton avec un message écrit à la main : « Infirmière juive contre l’occupation ». Elle protestait non seulement contre l’assassinat de civil·es, mais aussi contre l’occupation militaire du territoire palestinien, qui dure depuis des décennies et qui constitue le problème sous-jacent.

Ces manifestant·es font partie d’un mouvement qui comprend des manifestant·es juifs/juives portant des T-shirts sur lesquels on peut lire « Not In Our Name » (Pas en notre nom). Leurs voix puissantes sapent l’argument selon lequel toutes les manifestations contre la violence israélienne sont antisémites. Elles contribuent à légitimer l’opposition mondiale à ce qui se passe à Gaza et défendent non seulement les vies palestiniennes, mais aussi les vies juives, car elles contredisent l’idée erronée selon laquelle les Juifs et les Juives dans leur ensemble sont à blâmer pour ce que fait Israël.

Je n’ai pas choisi la voie de l’activisme après avoir obtenu mon diplôme universitaire. J’ai choisi le journalisme, puis les guerres m’ont choisie. Au fil des ans, j’ai réalisé que la dénonciation des crimes de guerre – où qu’ils se produisent – était au cœur de mon identité d’Américain, de journaliste et de Juif.

Peter Maass, 9 avril 2024
Peter Maass est l’auteur de « Love Thy Neighbor : A Story of War ». Il a couvert la guerre de Bosnie pour le Post et l’invasion de l’Irak pour le New York Times Magazine.
https://www.washingtonpost.com/opinions/2024/04/09/israel-gaza-war-crimes-genocide/
Traduit avec DeepL.com (version gratuite)

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Le plus grand organisme médical des Etats-Unis restera-t-il silencieux après la destruction d’Al-Shifa ?

Le 25 mars, le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté une résolution pour un cessez-le-feu immédiat à Gaza pour le mois de Ramadan. Maintenant que le président Joe Biden aurait dit au Premier ministre Benyamin Netanyahou qu’il souhaitait un « cessez-le-feu immédiat », l’Association médicale américaine (AMA-American Medical Association) va-t-elle enfin soutenir un appel à un cessez-le-feu permanent et à la fourniture immédiate d’une aide humanitaire et médicale aux milliers de blessés, y compris aux travailleurs de la santé à Gaza ?

L’AMA est l’organisme médical le plus important et le plus puissant des Etats-Unis. Elle est « engagée dans des domaines précis d’activité internationale », sous la direction du Bureau des relations internationales. Par exemple, l’AMA travaille avec d’autres pays pour comprendre comment ils structurent leurs systèmes de soins de santé et s’attaquent à des problèmes tels que la pénurie de médecins et les disparités en matière de santé. Cependant, depuis le 7 octobre, l’AMA est restée silencieuse face aux demandes des médecins qui réclament un cessez-le-feu permanent et une condamnation des attaques contre les structures de santé et de l’assassinat de centaines de travailleurs de la santé à Gaza.

Dans une déclaration de novembre prônant la neutralité médicale, l’AMA a ignoré un certain nombre de ses politiques existantes qui lui permettent de défendre les travailleurs et travailleuses de la santé. L’une de ces positions politiques condamne par exemple « le ciblage militaire des établissements et du personnel de santé et l’utilisation du non-respect des services médicaux comme arme de guerre, par quelque partie que ce soit, où et quand cela se produit ».

Selon la mise à jour de la situation d’urgence de l’Organisation mondiale de la santé du 2 avril, Israël a mené 435 attaques contre des structures sanitaires à Gaza, ciblant les hôpitaux et les travailleurs et travailleuses de la santé (médecins, infirmières et personnel paramédical) et laissant 28% des hôpitaux partiellement fonctionnels et seulement 30% des centres de soins primaires fonctionnels. En outre, 722 travailleurs de la santé ont été tués, 902 blessés lors d’attaques et 118 travailleurs de la santé ont été détenus ou arrêtés.

Israël continue de bloquer l’aide des Nations unies à Gaza et d’empêcher l’acheminement de fournitures essentielles, notamment de nourriture et de matériel médical. En l’absence d’installations de soins de santé pleinement opérationnelles, on estime à 8000 le nombre de patients qui doivent être évacués de Gaza pour des raisons médicales, dont 6000 patients souffrant de traumatismes. La classification intégrée des phases de la sécurité alimentaire (Integrated Food Security Phase Classification), une norme scientifique internationalement reconnue et une initiative multipartenaires qui détermine la gravité et l’ampleur de l’insécurité alimentaire aiguë et chronique et de la malnutrition dans un pays, a récemment mis en garde contre l’imminence d’une famine à Gaza, avec des conséquences immédiates et à long terme sur la santé [voir sur ce site l’article publié le 26 mars 2024]. L’Organisation mondiale de la santé a déjà signalé que 28 enfants étaient morts de malnutrition. Alex De Waal, directeur exécutif de la World Peace Foundation, a déclaré : « Nous sommes sur le point d’assister à Gaza à la famine la plus intense depuis la Seconde Guerre mondiale. »

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Après deux semaines d’opérations intensives sur Al-Shifa, le plus grand hôpital du nord de Gaza, Israël a laissé lundi l’établissement dans un état de ruine effroyable, avec des centaines de corps, y compris ceux du personnel médical, éparpillés dans l’hôpital. « Il n’est plus en mesure de fonctionner comme un hôpital, sous quelque forme que ce soit… Détruire Al Shifa, c’est arracher le cœur du système de santé », a déclaré Margaret Harris, la représentante de l’OMS.

« Si l’on veut supprimer le système de santé, on en supprime le cœur battant [l’hôpital Al Shifa] », a déclaré Tanya Haj-Hassan, pédiatre spécialisée dans les soins intensifs à Gaza. Le 1er avril, des frappes aériennes israéliennes ont tué sept travailleurs humanitaires de la World Central Kitchen, lors d’une attaque ciblée, en plein milieu de la famine provoquée par l’homme (voir sur ce site l’article d’Amira Hass).

Israël s’en prend au cœur battant de Gaza.

L’AMA a toujours soutenu la neutralité médicale; cependant, en avril 2022, la déclaration de l’AMA était très différente en réponse aux attaques russes sur les travailleurs et travailleuses de la santé en Ukraine : « L’AMA est indignée par l’assaut brutal de l’armée russe en Ukraine, et nous nous joignons à l’Association médicale mondiale et à nos autres partenaires internationaux pour demander un cessez-le-feu immédiat et la fin de toutes les attaques contre les travailleurs et les installations de santé. » En outre, l’AMA a publié un document d’orientation politique sur l’aide humanitaire et médicale à l’Ukraine afin d’améliorer les résultats pour les personnes touchées par la guerre.

La fondation de l’AMA a fourni une aide de 100 000 dollars à l’Ukraine en 2022, « pour fournir des fournitures médicales indispensables, telles que des médicaments, des kits d’hygiène et des EPI de base, ainsi que du personnel de santé dans certaines des régions les plus durement touchées ».

Pourquoi l’AMA ne s’indigne-t-elle pas de la même manière des attaques menées depuis des décennies par Israël contre le système de santé de Gaza ou des restrictions systématiques imposées par Israël à l’entrée et à la distribution de l’aide humanitaire, de l’eau potable et de l’électricité ? L’AMA accorde-t-elle plus d’importance aux vies ukrainiennes qu’aux vies palestiniennes ? Pourquoi l’AMA utilise-t-elle une approche à deux vitesses pour «ne pas faire de tort» (Do No Harm) [1] ? L’hypocrisie de l’AMA dans son application de la « neutralité médicale » est honteuse et ne représente pas la communauté médicale qu’elle prétend représenter.

Healthcare Workers for Palestine, un groupe de professionnels de la santé solidaires du peuple palestinien et dénonçant la violence israélienne, manifeste depuis octobre dans tout le pays et à Chicago devant le bâtiment de l’AMA pour exiger que l’AMA se joigne à d’autres organisations sanitaires et humanitaires, dont Médecins sans frontières et l’Organisation mondiale de la santé, pour réclamer un cessez-le-feu permanent à Gaza et fournir une aide humanitaire immédiate. Ils ont appelé et transmis des données aux personnels de la santé pour qu’ils demandent un cessez-le-feu à l’AMA ; ils ont organisé des séances d’information sur le thème « Do No Harm : l’apartheid médical en Palestine » ; et ils ont rédigé des déclarations de solidarité. L’AMA a répondu par le silence, et le silence est synonyme de complicité.

Bien que la neutralité médicale soit cruciale pour les professions de santé, nous avons un impératif moral, en tant que professionnels de santé, de nous engager dans l’activisme politique face à une longue histoire de violation des droits de l’homme, de récits déshumanisants, de génocide et de crimes de guerre commis par Israël. Un récent article d’opinion publié dans le British Medical Journal (BMJ, 2 avril 2024) par des membres de Health Justice Initiative et du People’s Health Movement a exhorté la communauté mondiale de la santé à demander un cessez-le-feu immédiat et une aide humanitaire sans restriction à Gaza. « Si nous restons silencieux, les inégalités que nous sommes censés combattre dans notre travail seront exacerbées – et cela ne fera que rendre la communauté mondiale de la santé complice de la souffrance de la population de Gaza », affirment Fatima Hassan et ses collègues.

J’exhorte l’AMA et les autres professions de santé, telles que l’American Nurses Association et l’American Psychological Association, à rompre leur silence complice et à appliquer leurs principes moraux et éthiques pour défendre l’humanité et lutter pour la sécurité, la dignité et les droits du peuple palestinien. J’invite tous les professionnels de la santé à faire de même.

[1] La formule « Do no harm » – ne pas faire de tort, ne pas nuire – renvoie de la part de l’aide humanitaire à un essai de monitorage de leurs activités ayant pour but d’éviter d’aggraver le climat d’instabilité et de violence. (Réd.)

Sarah Abboud
Sarah Abboud est professeure adjointe à la University of Illinois Chicago College of Nursing.
Article publié sur le site Truthout le 9 avril 2024 ; traduction rédaction A l’Encontre
http://alencontre.org/ameriques/americnord/usa/etats-unis-palestine-le-plus-grand-organisme-medical-des-etats-unis-restera-t-il-silencieux-apres-la-destruction-dal-shifa.html

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Gaza : des Palestiniens prisonniers « menottés puis amputés », dénonce un médecin israélien
https://www.humanite.fr/monde/guerre-israel-hamas/gaza-des-palestiniens-prisonniers-menottes-puis-amputes-denonce-un-medecin-israelien
« พวมอา : Peace Now
Un message au président Biden : Ne faites pas confiance à Netanyahou
Défendons la paix
Ce matin, nous nous sommes tenus devant l’ambassade des États-Unis avec cette pancarte, exprimant notre soutien au président Biden et appelant à la fin de la guerre, en vue d’un avenir meilleur, plus juste et plus pacifique pour les Israélien·nes et les Palestinien·nes.
https://www.facebook.com/ShalomAchshav.PeaceNow/posts/pfbid0bD54tDqhLKMGCEUgHDbwRVNTUAHzGVXkz4gNSKnoRbK5sMX6vsHQkMHLUc9LLmQ5l
Témoignage d’un travailleur gazaoui détenu et torturé en Israël
Rami Abou Jamous écrit son journal pour Orient XXI. Ce fondateur de GazaPress, un bureau qui fournissait aide et traduction aux journalistes occidentaux, a dû quitter son appartement de la ville de Gaza avec sa femme et son fils Walid, deux ans et demi. Il partage maintenant un appartement de deux chambres avec une autre famille. Il raconte son quotidien et celui des Gazaouis de Rafah, coincés dans cette enclave miséreuse et surpeuplée. Cet espace lui est dédié.
https://orientxxi.info/dossiers-et-series/temoignage-d-un-travailleur-gazaoui-detenu-et-torture-en-israel,7227
La NTMA [National Treasury Management Agency, l’Agence du Trésor Public Irlandais] se désengage de ses investissements dans six entreprises israéliennes, liées à des activités dans les territoires palestiniens occupés
https://agencemediapalestine.fr/blog/2024/04/09/la-ntma-se-desengage-de-ses-investissements-dans-six-entreprises-israeliennes-liees-a-des-activites-dans-les-territoires-palestiniens-occupes/
Les arguments juridiques en faveur de l’imposition d’embargos sur Israël
Les États ont la responsabilité d’agir lorsque la paix internationale est menacée. Les actes génocidaires d’Israël la menacent clairement.
https://agencemediapalestine.fr/blog/2024/04/08/les-arguments-juridiques-en-faveur-de-limposition-dembargos-sur-israel/

Auteur : entreleslignesentrelesmots

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