Appel urgent à l’action pour les Rohingyas de l’État de Rakhine, au Myanmar

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Le Réseau des femmes pour la paix appelle à une action immédiate pour protéger la minorité ethnique et religieuse des Rohingyas dans l’État de Rakhine, ou Arakan, et empêcher que d’autres crimes atroces soient commis au Myanmar.

Le 17 mai 2024, à partir d’environ 22 heures (heure de Myanmar), l’armée de l’Arakan a mis le feu au centre-ville de Buthidaung et aux villages environnants, notamment Tat Min Chaung et Kyauk Phyu Taung, selon des informations provenant de ces localités. Des témoins ont raconté que des membres de l’AA avaient brûlé la grande majorité des quartiers de la ville, y compris les maisons, les écoles et d’autres édifices à caractère civil. Des centaines de Rohingyas auraient été tués ou mutilés, et près de 150 000 d’entre eux auraient été déplacés de force. C’est dans la commune de Buthidaung que l’on trouve la plus forte concentration de Rohingya – plus de 200 000 civils – dans l’État.

Selon ces rapports, l’attaque de l’Armée contre le centre-ville de Buthidaung, qui compte sept quartiers, n’a pas de lien direct avec le conflit armé en cours, qui s’intensifie, avec les militaires birmans dans l’État de Rakhine. Trois jours avant l’attaque de l’AA, les militaires birmans se seraient retirés du centre-ville de Buthidaung. L’Armée du Salut des Rohingyas de l’Arakan, dont il est connu qu’elle coopère avec l’armée, s’est retirée du centre-ville de Buthidaung quelques jours avant l’attaque. Les Rohingyas recrutés de force par l’armée, qui avaient brûlé plusieurs maisons que les habitants de l’ethnie rakhine avaient fuies il y a quelques semaines, n’étaient pas non plus présents dans la zone touchée.

Il est alarmant de constater que l’attaque de l’AA contre Buthidaung s’inscrit dans un contexte d’escalade des atrocités contre les civils rohingyas. Au cours des deux dernières semaines, le WPN a été informé de cas où l’AA a incendié des dizaines de villages rohingyas et a bombardé l’école secondaire d’éducation de base n°1 et le seul hôpital de la commune, où les Rohingyas déplacés à l’intérieur du pays cherchaient refuge. Des cas de massacres de familles rohingyas dans plusieurs villages de la commune ont également été signalés ; il s’agit notamment d’un groupe d’anciens rohingyas qui ont tenté d’engager des pourparlers avec les membres des AA présents dans le secteur dans le but de modérer les agressions des AA contre eux et leurs communautés. Ces attaques ont fait des centaines de morts et de blessés parmi les civils, et dans l’État de Rakhine, près de 100 000 Rohingyas ont été déplacés de force. Le WPN continue de vérifier les informations et de rechercher activement des preuves dans un contexte où les lignes téléphoniques et l’Internet sont constamment coupées arbitrairement dans l’État de Rakhine, assorti de la diffusion en ligne et hors ligne de fausses informations et de désinformation, de la promotion de discours de haine et de rhétorique génocidaire de la part d’acteurs tels que l’armée birmane et les dirigeants de l’AA, ainsi que d’actes visant à exacerber les tensions ethniques et à instrumentaliser (weaponize) les Rohingyas à l’encontre des objectifs et des efforts du mouvement pro-démocratique birman.

Il n’est sans doute pas nécessaire de rappeler que les centaines de milliers de Rohingyas déplacés, qui risquent de plus en plus de subir de nouvelles atrocités sont des victimes et des survivants des attaques génocidaires de 2017. Ils font également partie des 600 000 Rohingyas restés au Myanmar, dont environ 130 000 déplacés internes, dans des conditions de précarité extrêmes sur ple plan humain. Systématiquement privés de citoyenneté, de liberté de mouvement et d’autres droits fondamentaux, les Rohingyas n’ont aucun moyen de fuir ou de se protéger d’un régime d’apartheid, de la conscription forcée, d’actes généralisés d’enlèvement, de torture, de meurtre, ainsi que d’autres attaques ciblées de la part de l’armée birmane et d’autres acteurs. Dans le même temps, l’évacuation récente du personnel des Nations unies et de diverses organisations non gouvernementales internationales a privé les civils rohingyas de l’État de Rakhine de tout accès à l’aide humanitaire, notamment à la nourriture et aux produits de première nécessité. Les coupures généralisées des communications et des transports sont toujours d’actualité. La famine, en particulier pour les femmes et les enfants, est désormais imminente dans la région.

Le droit international doit être respecté pour que la situation dans l’État de Rakhine soit traitée de manière globale. Il est essentiel que toutes les mesures nécessaires soient prises pour protéger la minorité ethnique et religieuse rohingya, qui a été reconnu par la Cour internationale de justice comme un « groupe protégé » en vertu de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide

Une action immédiate est nécessaire pour mettre fin aux atrocités en cours dans l’État de Rakhine et pour empêcher que d’autres crimes atroces ne soient commis contre les Rohingyas. La communauté internationale ne doit plus laisser tomber les Rohingyas comme elle l’a fait dans les jours, les mois, les années et les décennies qui ont précédé les attaques génocidaires de 2017.

En conséquense, WPN appelle immédiatement :

– la communauté internationale à déployer des observateurs indépendants dans l’État de Rakhine afin que des experts puissent vérifier les faits et établir un rapport sur la crise actuelle ;

– les États membres de l’ONU et les gouvernements donateurs à fournir une assistance humanitaire aux Rohingyas déplacés de force par la crise actuelle dans l’État de Rakhine ;

– le Secrétaire général des Nations unies à invoquer l’article 99 de la Charte des Nations unies concernant la situation dans l’État de Rakhine et à faire en sorte que l’aide transfrontalière puisse être apportée aux communautés touchées ;

– le Conseil de sécurité des Nations unies à tenir une réunion publique sur la situation dans l’État de Rakhine, en mettant l’accent sur le non-respect des mesures conservatoires demandées par la CIJ ;

– les dirigeants du mouvement démocratique birman, y compris le gouvernement d’unité nationale, le Conseil consultatif d’unité nationale et les organisations révolutionnaires des communautés ethniques à prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher l’escalade des atrocités contre la minorité ethnique et religieuse rohingya dans l’État de Rakhine, et à lutter activement contre l’utilisation manipulatrice des divisions ethniques par l’armée birmane contre le mouvement démocratique et ses efforts pôur aller vers une démocratie fédérale véritablement inclusive ; et

– l’AA et ses dirigeants à s’engager immédiatement et de manière significative auprès de la communauté rohingya dans le but bien circonscrit d’empêcher que d’autres atrocités soient commises à leur encontre, d’assurer leur protection, leur accès à la justice et aux responsabilités, de façon à établir une base solide pour la coexistence pacifique de toutes les communautés dans l’Arakan.

19 mai 2024
Réseau des femmes pour la paix

Déclaration au format PdF

http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article70805
Traduit pour ESSF par Pierre Vandevoorde avec l’aide de DeeplPro.

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Séance d’information publique du Conseil de sécurité des Nations Unies sur la situation au Myanmar

À la suite de sa réunion publique sur le Myanmar, le Conseil de sécurité de l’ONU devrait sans plus attendre prendre des mesures énergiques pour épargner des vies civiles et garantir une paix et une sécurité durables dans le pays et dans la région, a déclaré le Réseau des femmes pour la paix.

« La journée d’aujourd’hui montre que grâce à un engagement fondé sur des valeurs morales, il est possible de pousser l’un des organes les plus puissants du monde à une action plus énergique. En mobilisant la volonté politique nécessaire à la tenue de cette réunion, le Conseil a montré qu’il était capable de mener des actions décisives plus d’un an après la résolution 2669, qui n’a toujours pas été mise en œuvre. J’espère que les recommandations formulées lors de cette réunion seront reprises dans tout l’État de Rakhine et qu’elles donneront lieu à des mesures concrètes pour assurer la protection, la paix et la coexistence de toutes les communautés. Le Conseil de sécurité ne doit plus manquer à ses obligations envers le peuple du Myanmar, y compris les Rohingyas, encore et toujours », a déclaré Wai Wai Nu, fondateur et directeur exécutif de WPN.

La réunion du Conseil de sécurité de l’ONU sur la situation au Myanmar est la première depuis la tentative de coup d’État de l’armée birmane le 1er février 2021. Depuis lors, l’armée a commis des atrocités d’une ampleur et d’une fréquence de plus en plus grandes qui ont été signalées comme pouvant constituer des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité selon des organismes et des experts majeurs de l’ONU. La mobilisation forcée des civils par l’armée à partir de février 2024 fera peser sur eux un fardeau physique, mental, social et économique encore plus écrasant, en particulier sur les femmes et les jeunes. La crise actuelle fait suite à des décennies d’atrocités commises par l’armée, notamment des violences sexuelles liées au conflit, à l’encontre des minorités ethniques et religieuses ; ces atrocités ont également été qualifiées de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et, dans le cas des Rohingyas, de génocide.

Depuis que le conflit armé s’est rapidement intensifié dans l’État de Rakhine, les signes avant-coureurs de nouvelles atrocités sont de plus en plus fréquents : l’armée birmane a enrôlé de force de plus en plus de Rohingyas, les a fait participer à ses batailles meurtrières, a totalement entravé l’accès à l’aide humanitaire, a lancé davantage de frappes aériennes contre les villages rohingyas et a orchestré des manifestations pour attiser les clivages ethniques. Davantage de Rohingyas, en particulier des femmes et des jeunes filles, seront désormais contraints de fuir par terre et par mer.

« Dans l’État de Rakhine, ce sont les seconds qui commettent les atrocités, les Rohingyas étant désormais pris en étau entre les deux parties, sans aucun moyen de se protéger. Face à ce groupe vulnérable et marginalisé de façon démesurée, jouer le jeu des tactiques militaires de division et de conquête, des discours haineux et de la rhétorique génocidaire ne fera qu’alimenter davantage d’atrocités », déclare Wai Wai Nu.

Conformément à son mandat, ainsi que dans le cadre des programmes « Responsabilité et protection » et « Femmes, paix et sécurité », le Conseil devrait maintenant remédier au non-respect des mesures conservatoires arrêtées par la Cour internationale de justice dans le jugement « Gambie contre Myanmar » et adopter une nouvelle résolution contraignante et exécutable qui reflète la volonté du peuple du Myanmar, notamment en déférant la situation du pays à la Cour pénale internationale et en imposant des sanctions économiques globales ainsi qu’un embargo sur les armes et le kérosène à l’encontre de l’armée birmane.

Jeudi 4 avril 2024
Traduit pour ESSF par Pierre Vandevoorde avec l’aide de DeeplPro.
http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article70804

Auteur : entreleslignesentrelesmots

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