Le contexte : des heures critiques pour l’Ukraine

L’Ukraine connaît des heures critiques. Après l’échec de la contre-offensive de juin 2023, les lignes de front ont peu bougé mais la Russie dispose d’une supériorité numérique et matérielle importante qui lui permet d’effectuer des percées locales même si elles impliquent le sacrifice de nombreux soldats et la destruction totale des localités nouvellement occupées comme Avdiivka. On estime que le rapport de la puissance de feu déployée (obus, missiles, bombes, etc…) pourrait être de l’ordre de cinq contre un. Une partie importante des soldats ukrainiens qui sont sur le front sont entrés dans leur troisième année de guerre et leur remplacement par de nouvelles troupes s’avère difficile.

Malgré les sanctions, la Russie parvient à financer la guerre par ses exportations de combustibles fossiles et à se fournir en équipements fabriqués aux Etats-Unis et en Europe grâce à des sociétés intermédiaires situées dans d’autres pays.

Dans les territoires occupés, un régime de terreur a été mis en place. En Russie, les attaques contre les droits et les libertés de la population s’intensifient. En témoignent la mort de Navalny en février 2024, l’interdiction de toute candidature d’opposition au cours des élections présidentielles de mars. Les nouvelles législations répressives frappent autant l’opposition politique que toutes les personnes qui ne répondent pas au modèle familial ultra-conservateur prôné par le régime (mise hors la loi de toute organisation LGBT, attaques contre le droit à l’avortement, promotion des familles nombreuses, dénonciation à la police par les écoles primaires d’enfants dont les parents ont tenu des propos anti-guerre). L’antisémitisme et les attaques contre les migrants originaires d’Asie centrale se sont aggravés.

Cette année, l’armée russe a entamé très tôt la destruction systématique du système de production et distribution de l’énergie électrique. Au cours de l’hiver 2022-2023, la tentative russe de casser la résistance ukrainienne en détruisant ces infrastructures vitales avait échoué grâce à la créativité et l’ingéniosité de la population qui avait su trouver des solutions d’urgence. Par ailleurs, le dernier hiver avait été doux par rapport aux températures moyennes ukrainiennes. Pour le prochain hiver, la situation est beaucoup plus risquée. La pénurie de moyens de défense anti-aérienne permet à la Russie de bombarder de manière répétée les mêmes installations jusqu’à rendre impossible leur réparation dans l’urgence.

La survie de l’Ukraine dépend autant de l’arrière que du front. A l’arrière, ce sont les femmes qui assurent l’essentiel de la production matérielle et des services indispensables à la survie du pays. Elles doivent en même temps se battre pour de meilleurs salaires, pour les droits syndicaux et sociaux, contre les manifestations de militarisme viriliste, contre les violences sexuelles. C’est pourquoi une partie importante de nos contributions solidaires est destinée à des collectifs féministes.

Au plan international, le soutien des Etats occidentaux à l’Ukraine a été inférieur aux promesses.

Pendant six mois, les élus du Parti Républicain ont bloqué l’aide des Etats-Unis. Si finalement un accord a été trouvé le 20 avril sur un montant de presque 62 milliards de dollars, de graves incertitudes pèsent sur la continuité de l’aide en cas de victoire électorale de Trump en novembre.
Ce dernier annonce à tous vents qu’il trouvera un accord de paix dans les vingt-quatre heures.

Dans l’Union européenne, les sondages annoncent une forte progression de l’extrême-droite pour les élections européennes de juin. L’extrême-droite est loin d’être d’avoir une position commune en ce qui concerne l’Ukraine. Dans tous les pays d’Europe, elle a grandi avec l’appui du régime de Poutine et ses méthodes de propagande s’appuient sur les réseaux russes de désinformation. Même les personnalités politiques qui affichent aujourd’hui leur soutien à l’Ukraine comme l’Italienne Meloni ou les dirigeants de Vox en Espagne partagent une grande partie de la vision politique de Poutine (racisme, homophobie, anti-féminisme, conception autoritaire de l’Etat et des hommes providentiels, etc…). D’autres secteurs de l’extrême-droite remettent en cause le soutien à l’Ukraine tout en conservant des rapports étroits avec l’extrême-droite « atlantiste » au sein du Parlement européen. En Italie, l’extrême-droite atlantiste (Meloni) gouverne en coalition avec l’extrême-droite anti-ukrainienne (« la Ligue » de Savini). Dans deux pays de l’Union européenne, une droite radicale anti-ukrainienne est au pouvoir (Hongrie et Slovaquie). Elle vient de devenir le pivot d’une coalition gouvernementale anti-migrants, anti-environnement et eurosceptique aux Pays-Bas suite à la victoire électorale de Geert Wilders en novembre 2023. Les problèmes ne sont pas uniquement politiques. La montée en puissance des industries militaires européennes ne répond pas actuellement aux besoins de l’Ukraine, en partie à cause de la lenteur des investissements dans certaines productions, en partie parce que l’Union européenne maintient un commerce des armes très rentable vers d’autres régions du monde, ce qui limite les quantités disponibles pour l’Ukraine. Certains pays comme l’Allemagne refusent de livrer à l’Ukraine des équipements qui seraient indispensables pour s’attaquer en profondeur à la logistique de l’armée russe. L’efficacité des sanctions passerait par des cadastres des fortunes, la transparence des transactions financières et commerciales et la traçabilité des exportations de matériaux sensibles mais ces mesures ne sont pas mises en place parce qu’au-delà de la guerre en Ukraine, elles représenteraient des garanties démocratiques pour la population de nos pays qui sont peu compatibles avec les politiques néo-libérales.

Télécharger : Lettre d’information du Comité belge du Réseau européen de solidarité avec l’Ukraine
n°20, 16 mai 2024 : campagne 2024 de soutien à la résistance populaire en Ukraine : UKRAINE SOLIDARITÉ n°20, mai24

Contexto: horas críticas para Ucrania
https://entendiendoucrania.com/invasion/contexto-horas-criticas

Auteur : entreleslignesentrelesmots

notes de lecture

Une réflexion sur « Le contexte : des heures critiques pour l’Ukraine »

  1. C’est la culture ukrainienne qu’on assassine

    Le bombardement à Kharkiv, le 24 mai 2024, du plus important imprimeur de livres en Ukraine, au cours duquel plus de 50 000 livres ont été détruits, s’ajoute aux nombreux crimes contre la culture ukrainienne commis par l’armée russe depuis le 24 février 2024. De nombreuses bibliothèques ont, par exemple, été détruites. Dans les territoires ukrainiens occupés par l’armée russe, la langue ukrainienne est réprimée au profit du russe et les musées pillés. Cependant, le peuple ukrainien résiste. Auteur·trices, correcteur·trices, traducteur·trices sont engagé·es les armes à la main pour combattre l’envahisseur et meurent au combat ou sous les bombardements.

    Editeur internationaliste, les éditions Syllepse et d’autres éditeurs et revues rassemblés dans les Brigades éditoriales de solidarité se sont rangées aux côtés du peuple ukrainien dès le début de l’invasion. Très rapidement nous avons noué un accord de partenariat et d’assistance avec la maison d’édition Medusa et publié de nombreux ouvrages.

    Aujourd’hui, nous réaffirmons notre soutien à tous les acteurs et actrices du livre ukrainien.

    24 mai 2024

    Les éditions Syllepse

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