La CIJ ordonne à Israël d’arrêter « immédiatement » son offensive militaire à Rafah (et autres textes)

  • Amira Hass : Une facette de la guerre menée par Israël à Gaza. Enquête
  • Offensive meurtrière et prolongée de l’armée israélienne à Jénine
  • Ruwaida Kamal Amer : En renforçant son implantation militaire, Israël transforme la géographie de Gaza
  • UAWC : Appel urgent à déclarer Gaza une zone dévastée par la famine
  • Dans le camp de réfugié·es de Jénine, l’armée d’occupation « la plus morale du monde » détruit tout ce qui fait la vie
  • La CIJ ordonne à Israël d’arrêter « immédiatement » son offensive militaire à Rafah
  • Ghousoon Bisharat : « L’ordre juridique international a besoin d’être réparé – et Gaza en fait partie »
  • Ashifa Kassam : Le personnel de l’UE signe une lettre exprimant ses inquiétudes quant à sa gestion de la crise de Gaza
  • Gideon Levy : Enfin la justice. Mais les Israéliens vont-ils commencer à se réveiller ?
  • AFPS : Après l’Espagne, la Norvège et l’Irlande, la France doit reconnaître l’État de Palestine !
  • Appel urgent des syndicats européens : suspendre l’Accord d’Association avec Israël
  • Jewish Voice for Peace : Le nouveau manuel de répression de la droite
  • Jeffrey St. Clair : Israël armé par les Etats-Unis : comment et avec quelle ampleur Biden contourne les procédures établie ?
  • Semaine nationale d’action du 18 au 25 mai 2024 pour contraindre Carrefour à cesser sa complicité avec la colonisation israélienne
  • Communiqué 22/05/2024 – Collectif GOLEM
  • RAAR : Soutenir les mobilisations étudiantes pour Gaza et un cessez-le-feu immédiat et permanent
  • Yorgos Mitralias : Même s’il évite la guerre civile, la crise finale d’Israël s’annonce cataclysmique !
  • Amos Goldberg et Alon Confino : « Comment Israël dévoie les allégations d’antisémitisme pour projeter ses propres crimes sur les Palestiniens »
  • Le Freedom Theatre en France cet été
  • Liens vers d’autres textes

Une facette de la guerre menée par Israël à Gaza. Enquête

L’armée israélienne a commencé à publier des photos et des détails d’identification sur des habitants de la bande de Gaza qui, selon elle, ont espionné d’autres habitants de Gaza pour le compte de l’appareil de sécurité du Hamas, menaçant de continuer à publier les détails de beaucoup d’autres personnes à moins qu’elles n’appellent d’abord les Forces de défense israéliennes (FDI).

Une source militaire a déclaré à Haaretz que l’armée israélienne avait reçu l’autorisation légale de se livrer à cette campagne d’intimidation, qui vise essentiellement à « alerter la population de Gaza et à lui montrer que le Hamas la surveille, et à mettre en évidence ce qu’il lui inflige ».

Le service de sécurité israélien Shin Bet, a-t-on dit à Haaretz, n’est pas impliqué dans cette initiative.

Les informations d’identification déjà publiées font partie, selon l’armée, du matériel de renseignement sur lequel Tsahal a mis la main au cours de son opération terrestre dans la bande de Gaza.

Vendredi dernier, les FDI ont largué des brochures au-dessus des mosquées de plusieurs localités de la bande de Gaza, apparemment pendant les prières de midi. Ces brochures contiennent les photos et les numéros d’identification de 130 hommes. Selon la source militaire avec laquelle Haaretz s’est entretenu, ces hommes ont été recrutés par l’appareil de sécurité du Hamas afin d’espionner les habitants de Gaza.

Dans le cadre de cette mission, ils ont fourni au Hamas des informations personnelles sur des membres de la base, notamment sur leurs penchants sexuels ou leurs relations sexuelles hors mariage.

« Appelez-nous si vous ne voulez pas que votre photo apparaisse ici », peut-on lire au bas de la dernière page de la brochure, intitulée (en arabe) « The Revealer » (le dénonciateur). La partie supérieure de la même page montre une rangée de silhouettes.

La page indique que « des centaines de milliers de rapports sur vous, les habitants de Gaza, ont été recueillis ». S’adressant directement à eux, les FDI écrivent : « Voulez-vous savoir si vous avez été espionné et si vous avez fait l’objet d’un rapport ? Allez sur le site web, entrez votre numéro d’identification et découvrez qui vous a dénoncé. »

***

Deux pages internes contiennent, ligne après ligne, des photos, des noms et des numéros d’identification. Les FDI donnent également un code-barres qui renvoie à un site web où l’on peut trouver des informations sur une personne spécifique. A côté du code-barres, on peut lire : « Collaborateur de la sécurité générale [du Hamas] ! Avez-vous découvert si votre numéro d’identification figure sur le site web ? Nous allons bientôt révéler vos coordonnées à tout le monde. Vous pouvez encore vous sauver – appelez-nous.»

Sur la première page de la brochure figure la photo d’un homme, avec son nom. La légende est : « Le mouchard d’aujourd’hui ». Le texte cite des informations que cet homme est censé avoir fournies, concernant une personne qui se rendait fréquemment en Egypte et qui avait des relations avec une Egyptienne mariée dont le mari se rendait fréquemment dans les Etats du Golfe pour son travail.

La seconde moitié de la page indique que des informations secrètes ont révélé l’espionnage effectué par le Service de sécurité générale du Hamas. « Ceci n’est qu’un fragment des informations que nous avons obtenues. Voici comment le Hamas vous a espionné », peut-on lire.

La page indique également que « la Sécurité générale est une organisation secrète du Hamas qui, depuis des années, utilise des informateurs pour vous suivre et vous espionner ; il est possible que votre ami ou votre voisin ait confié au Hamas vos plus importants secrets. Nous dévoilerons bientôt tous les informateurs et les rapports qu’ils ont recueillis. »

***

La source militaire a déclaré à Haaretz par téléphone que l’armée « n’y a pas mis d’histoires personnelles. Nous n’avons pas fourni de détails sur ce que ces personnes savaient ou avaient collecté. » Mais contrairement à ces affirmations, les noms complets de certaines des cibles présumées de ces informateurs apparaissent sur le site web.

« L’appareil de sécurité générale du Hamas a espionné (un nom complet apparaît ici), soupçonné d’être homosexuel… Il a espionné un jeune homme marié (son nom complet est fourni) soupçonné d’avoir des rendez-vous interdits avec une femme », peut-on lire sur le site web.

Le site invite les internautes à cliquer sur les liens vers les documents originaux qui se cachent derrière chaque nom, ce qui peut révéler les noms et les détails personnels, même intimes, de nombreux habitants de Gaza qui, selon les FDI, ont été la cible d’espionnage et de délation.

Le site web mentionne les noms de Gazaouis appartenant à d’autres organisations telles que le Jihad islamique et le Front populaire de libération de la Palestine, qui, selon les FDI, ont fourni au Hamas des informations sur leurs organisations.

Certains rapports indiquent, par exemple, que le Jihad islamique a connu des difficultés financières, ou que des personnes ont rencontré à plusieurs reprises des associés de l’Autorité palestinienne ou du Fatah, ce qui est considéré comme subversif ou suspect dans la bande de Gaza sous le régime du Hamas. Il y a également des dizaines de photos d’identité de personnes décrites par Tsahal comme des « informateurs ou des collaborateurs ».

D’après l’écriture de certaines de ces photos, on peut conclure qu’elles ont été prises sur fond de logo et d’en-tête du ministère palestinien de l’Intérieur à Gaza. Certaines photos représentent des enfants qui ont l’air d’avoir moins de dix ans, l’un d’entre eux ayant même moins de cinq ans. Certains noms apparaissent sans photo.

***

Le site web a été mis en ligne le 16 mai, a déclaré la source militaire à Haaretz. Un jour plus tard, des brochures imprimées ont été larguées par avion, avec la menace que d’autres noms et détails sur les informateurs seraient divulgués.

Quelques jours auparavant, le 13 mai, le New York Times avait révélé l’existence de tels documents détenus par les services de renseignement militaires israéliens. Il semble que les correspondants du journal, Adam Rasgon et Ronen Bergman, aient eu accès à de nombreux documents classifiés, dont certains faisaient l’objet d’un reportage.

La source militaire a déclaré à Haaretz que les documents recueillis par l’unité de renseignement militaire chargée de collecter les documents et le matériel technique lors de l’invasion de la bande de Gaza ont permis à l’armée de « découvrir beaucoup de choses sur le Hamas et ses intentions ».

De nombreux documents provenaient de cet appareil de la Sécurité générale, dont l’objectif était « d’espionner toute personne vivant dans la bande de Gaza, y compris des personnes trompant simplement leur femme. Il ne s’agissait pas seulement d’informations militaires ou de sécurité. Ils exploitent ces informations pour recruter des gens, et travaillent de cette manière pour maintenir leur pouvoir. »

La source a déclaré que les FDI ont appris de ces documents qu’« en fin de compte, cela a nui aux gens ordinaires à Gaza ». L’armée ne considère pas la publication de ces photos comme un moyen de pression, mais comme « un souhait de réveiller la population là-bas, en lui montrant ce que le Hamas lui a fait subir. Les personnes dont nous avons publié les photos ont été soigneusement sélectionnées par le Hamas, qui les a recrutées pour espionner et racketter des gens. Ces personnes appartiennent à des clans identifiés au Hamas. Cela fait partie de la façon dont le Hamas utilise les gens. Nous proposons à tous les civils et à toutes les personnes qui ont vécu des expériences similaires de nous fournir des informations. » Le site web indique que 10 988 recherches ont été effectuées. Ce chiffre est resté inchangé tout au long de la journée de lundi et jusqu’à la publication de cet article.

***

Un homme nommé Tamer, qui a publié des photos de la brochure en ligne (en brouillant les détails d’identification), affirme que les affirmations de l’armée sont fausses et que, puisqu’Israël contrôle le registre de la population palestinienne (à la fois à Gaza et en Cisjordanie), il a accès aux noms et aux numéros d’identification de tous les résidents.

Le compte de Tamer sur X, ouvert en octobre 2023, indique une personne ou une organisation qui adopte ou représente le discours du Hamas. Il explique qu’après l’échec des tentatives de l’armée israélienne pour pousser les habitants de Gaza à collaborer avec elle, cette nouvelle mesure vise à susciter des conflits internes au sein de la population et des familles.

Certains habitants de Gaza ont déclaré à Haaretz qu’ils n’étaient pas choqués d’apprendre que le Hamas espionnait les gens, « comme le font d’autres régimes, y compris l’Autorité palestinienne à Ramallah ou l’administration militaire israélienne », a déclaré l’un d’entre eux, soulignant qu’ils savaient souvent qui les avait informés sur certaines questions. « Ce sont des méthodes infâmes utilisées par toutes les parties », a déclaré un autre habitant de Gaza.

Selon eux, alors que les gens ne savent pas s’ils seront tués le lendemain ou non et qu’ils sont occupés à chercher de l’eau et de la nourriture, il y a peu de chances que la divulgation des noms des informateurs présumés suscite beaucoup de colère ou que la guerre psychologique d’Israël fonctionne.

Amira Hass
Article publié par Haaretz le 22 mai 2024 ; traduction rédaction A l’Encontre
http://alencontre.org/moyenorient/palestine/une-facette-de-la-guerre-menee-par-israel-a-gaza-enquete.html

******
Offensive meurtrière et prolongée de l’armée israélienne à Jénine

Depuis le mardi 21 mai, la ville et le camp de réfugiés de Jénine sont attaqués par l’armée israélienne qui a fait irruption de nuit avec une armada de tanks et de drones. Les habitants sont enfermés chez eux. Des morts, des blessés. Une population terrorisée, déjà privée d’électricité et peut-être d’eau et de nourriture si la situation se prolonge . Des maisons démolies. Des rues éventrées. Voyez ci-dessous le témoignage d’Ahmed Tobasi et un extrait d’émission de Democracy Now, une chaîne de TV progressiste américaine.

Ahmed Tobasi est le directeur artistique du Théâtre de la Liberté de Jénine (Freedom Theatre) dont nous sommes, en France, l’association amie. Depuis le mois de mars il a monté avec les comédien.nes de la troupe une nouvelle pièce dont la dernière répétition devait se faire le mercredi 22 mai avant une première représentation. Cela a été impossible. Un des acteurs a réussi à sortir du camp et à expliquer la situation. Ahmed est enfermé chez lui. 

Il faut faire savoir le plus largement possible ce qu’il se passe à Jénine en ce moment, une fois de plus, contre le peuple palestinien et notamment contre cette résistance que nos amis appellent l’intifada culturelle. 

Democracy Now :
« En Cisjordanie occupée, l’armée israélienne a assailli la ville de Jénine, dans le Nord, mardi aux premières heures, tuant au moins huit Palestiniens, dont un médecin abattu alors qu’il se rendait au travail et un adolescent qui roulait à bicyclette. Une grosse dizaine de personnes ont été blessées, dont un journaliste.
Motasem Abu Hasan, un acteur du Freedom Theatre dans le camp de réfugiés de Jénine, rescapé de l’invasion, décrit l’offensive en cours contre le camp 
« Ils tirent des coups de feu sur tout », 
dit Abu Hasan
Le Freedom Theatre était sur le point de représenter pour la première fois leur première pièce depuis le 7 octobre, qui s’inscrit dans une volonté d’ensemble de partager le récit palestinien et de « révéler la vérité sur l’occupation israélienne ».
Le raid a commencé au moment même où l’Espagne, l’Irlande et la Norvège s’ajoutaient aux États européens qui ont reconnu l’État palestinien.
« C’est un résultat de l’intifada culturelle », dit Abu Hasan.
« C’est pourquoi nous croyons vraiment au pouvoir du récit, en particulier au Freedom Theatre, en Palestine, au camp de Jénine. »

« Jusqu’à présent, je suis vivant.
Nous ne savons pas ce qui se passe. Avez-vous des infos sur le moment où ils partiront ?
Nous sommes dans la maison et partout autour de nous il y a des explosions. D’énormes explosions.
Il y a des snipers partout, nous gardons donc les fenêtres fermées et nous ne nous en approchons pas.
Les drones sont très bruyants et volent très bas.

1-1-800x800

De nombreuses maisons ont été détruites et incendiées.
Ils font à leur aise, détruisant tout avec d’énormes bulldozers.
Jouissant du contrôle total qu’ils ont sur nous.
On ne peut aller nulle part. II fait tellement chaud et les enfants sont en sueur, avec des moustiques partout.
Il n’y a pas d’électricité, et nous essayons de faire des choix judicieux sur la façon d’utiliser le peu d’eau qui nous reste.

1-2-800x800

Quand la nuit tombe, nous restons assis dans le noir. Nous n’avons même pas de bougies. Nous ne nous sommes pas préparés à cela.
Les enfants de notre maison n’arrêtent pas de pleurer et on peut entendre les cris des enfants de tout le quartier.
On essaie de jouer avec les enfants mais nous avons tous peur.
Les Israéliens ont utilisé un bâtiment du camp pour les interrogatoires. Ils vont d’un quartier à un autre en emmenant des hommes. C’est la même chose qu’en décembre.
Oui, il est très possible qu’ils m’emmènent en vue d’un interrogatoire. J’essaie de rester calme.

3-800x800

Chaque seconde passe et on pense à tous les scénarios.
Mentalement c’est trop, c’est trop cinglé.
Je me demande combien de temps ça va durer ?
Ces deux journées ont fait l’effet de durer deux ans”
Ahmed Tobasi

4-800x800

Toutes les informations à lire (mises à jour régulièrement) sur le site The Cultural Intifada
https://atljenine.net/offensive-meurtriere-et-prolongee-de-larmee-israelienne-a-jenine/

******
En renforçant son implantation militaire,
Israël transforme la géographie de Gaza

Alors qu’Israël étend une zone tampon et érige des bases militaires dans la bande de Gaza, les Palestiniens craignent de perdre définitivement leurs maisons et leurs terres.

Plus de sept mois après le début de la guerre, les plans à long terme de l’armée israélienne pour la bande de Gaza deviennent plus clairs. D’après les images satellite et les témoignages, il semble que l’armée détruise des maisons, rase des terres et érige des structures qui lui permettront d’opérer dans la bande de Gaza pour les années à venir.

Depuis le début de la guerre, l’armée a démoli des bâtiments le long de la bordure orientale de la bande de Gaza, dans le cadre de ce qui est largement considéré comme un plan visant à établir une « zone tampon » d’un kilomètre de large entre les zones peuplées de Gaza et Israël – l’équivalent de 16% du territoire de Gaza – dans laquelle les Palestiniens n’auraient pas le droit de pénétrer. Cette mesure entraînerait le déplacement permanent de milliers de civils et aurait de graves répercussions sur le secteur agricole déjà limité de la bande de Gaza.

Cette zone tampon n’est pas le seul moyen dont dispose l’armée israélienne pour transformer de façon permanente la géographie de Gaza. Depuis octobre, le poste de contrôle abandonné de Netzarim – que l’armée israélienne exploitait avant son « désengagement » de Gaza en 2005 – a été agrandi pour devenir une route de 6,5 kilomètres de long qui coupe la bande en deux. Les images satellite montrent maintenant le « corridor de Netzarim » qui s’étend de la frontière orientale de Gaza avec Israël jusqu’à la mer Méditerranée, ainsi que la construction extensive de zones résidentielles, de tours de communication et d’autres infrastructures. En construisant des avant-postes le long du corridor de Netzarim, l’armée sera en mesure de contrôler et de restreindre les déplacements dans la bande de Gaza et de continuer à mener des opérations au sol.

Cette destruction rampante de la propriété privée et l’occupation du territoire en dehors des frontières reconnues d’Israël constituent une violation flagrante du droit international, avec des conséquences immédiates pour la population civile de Gaza. Outre la perte de leurs terres et de leurs maisons, les Palestiniens qui ont été déplacés par la guerre vers le sud de la bande sont maintenant physiquement empêchés de retourner dans le nord.

Tasnim Ahal, une étudiante de 21 ans de la ville de Gaza, a été déplacée à Rafah à la fin du mois de mars. « Mon père a d’abord refusé de quitter la ville de Gaza pour aller dans le sud. Nous avons donc vécu pendant près de six mois en nous déplaçant d’un quartier à l’autre de la ville de Gaza », a-t-elle déclaré à +972. Elle et sa sœur ont finalement décidé de fuir vers Rafah, dans l’espoir de rester en vie pour terminer leurs études et poursuivre un avenir meilleur.

Elles ont essayé de partir à un moment stratégique. « La dernière fois que l’hôpital Al-Shifa a été pris d’assaut pendant le mois de Ramadan, j’ai dit au revoir à ma famille, et ma sœur Sama et moi sommes allées marcher vers le sud. J’ai dit à ma famille que l’armée était occupée à prendre d’assaut l’hôpital Al-Shifa, et que nous ne rencontrerions donc pas de chars sur notre chemin. Mais nous nous sommes trompés. »

Tasnim a rapidement découvert ce qu’elle a décrit comme une « base militaire complète » à Netzarim, avec des chars israéliens parcourant la zone. « J’ai vu des soldats en civil se promener au bord de la mer. Il était clair qu’ils résidaient là et qu’ils avaient construit une base pour eux-mêmes ». Sama, la sœur de Tasnim, âgée de 19 ans, a remarqué « des dizaines de soldats dans la zone », équipés de dispositifs de surveillance faciale, « comme si la zone était complètement occupée ».

Tasnim et Sama ont raconté avoir été suivies par un char jusqu’à ce qu’elles atteignent un groupe de soldats israéliens. « Les soldats nous ont laissé passer… mais ils ont lâché des chiens sur nous, et nous n’avons pas regardé en arrière. Nous avons vu la ville de Gaza pour la dernière fois comme un tas de cendres et nous avons fait nos adieux, dans l’espoir d’y revenir bientôt ».

« Nous ne retournerons pas dans nos maisons
si l’armée met son plan à exécution »

Alors que l’armée israélienne élargit la zone tampon séparant Gaza d’Israël, les Palestiniens assistent à la destruction de leurs maisons et de leurs villages. Khaled Taima est originaire de la ville de Khuza’a, située à l’est de Khan Younis et désormais dans la zone tampon élargie. Bien que Taima n’ait pas encore vu d’activité de construction, il a indiqué à +972 que « l’armée a fait exploser de nombreux bâtiments à Khuza’a et a également rasé beaucoup de terres », rasant des blocs résidentiels entiers. Taima a tenté à plusieurs reprises de retourner à Khuza’a, mais à chaque fois, « les chars nous ont tiré dessus et nous ont empêchés d’atteindre la zone ».

Ces destructions semblent se poursuivre tout au long du périmètre oriental de Gaza. Rami Obaid, un habitant de la ville de Beit Hanoun, dans le nord-est de la bande, a déclaré à +972 qu’il s’inquiétait des « effets des vastes travaux de bulldozer et de destruction » dans les zones proches de la barrière frontalière, en particulier pour ceux qui ont perdu leurs maisons et leurs terres en raison de l’élargissement de la zone tampon. « Nous ne retournerons pas dans nos maisons si l’armée met son plan à exécution », a-t-il déploré.

Avant le 7 octobre, Israël maintenait depuis longtemps une zone tampon de 300 mètres découpée dans le territoire de Gaza et tirait régulièrement sur les Palestiniens qui y pénétraient. Seul un petit nombre d’agriculteurs ayant reçu l’autorisation de l’armée était autorisé à pénétrer dans cette zone.

C’est également là que s’est déroulée en 2018 la Grande Marche du retour, au cours de laquelle les Palestiniens se sont rassemblés tous les vendredis pendant plus d’un an pour demander la levée du blocus israélien sur Gaza et la mise en œuvre de leur droit au retour. Les manifestants ont été confrontés à une violence féroce : en 18 mois, des tireurs d’élite israéliens ont tué 223 Palestiniens et en ont blessé plus de 8 000 à balles réelles, y compris des médecins et des journalistes.

Aujourd’hui, les responsables israéliens affirment que l’extension massive de la zone tampon est nécessaire pour que les Israéliens puissent retourner dans les villes entourant la bande de Gaza, qui ont été évacuées après les attaques menées par le Hamas le 7 octobre. Selon Reham Owda, analyste politique à Gaza, il s’agit également d’un geste stratégique de la part d’Israël pour renforcer sa position dans les futures négociations.

« Au lendemain de la guerre, la communauté internationale voudra revenir à la négociation d’une solution à deux États, et si l’Autorité palestinienne prend le contrôle de Gaza, elle devra négocier avec Israël l’évacuation de la zone tampon par ses militaires », explique Mme Owda. « Ces zones connaîtront le même sort que celles prises par Israël en Cisjordanie : les Palestiniens devront négocier pour les récupérer. »

M. Owda pense que la zone tampon israélienne pourrait s’étendre sur toute la longueur de Gaza, y compris la zone orientale de la ville de Rafah, où l’armée a lancé son incursion au début du mois de mai. Sami Zoroub, 32 ans, originaire du quartier Al-Shu’ara de Rafah, fait partie des centaines de milliers de Palestiniens qui ont été déplacés lorsque les chars israéliens sont entrés dans la ville. Alors que l’armée israélienne a émis des avis d’évacuation pour les habitants d’Al-Shu’ara, Zoroub et sa famille sont d’abord restés dans leur maison, rassurés par « les déclarations des responsables américains qui disaient que l’opération était limitée à l’est de la ville ». Pourtant, les bombardements incessants dans l’est de Rafah les empêchaient de dormir et ils ont rapidement déménagé dans la maison d’un parent dans le centre de la ville, avant d’être suivis par les chars qui approchaient.

« Nous nous sommes maintenant déplacés à l’ouest de Rafah, dans la zone d’Al-Mawasi », a déclaré Zoroub à +972. « Nous ne nous attendions pas à ce que l’armée pénètre dans la ville de Rafah par voie terrestre, malgré les avertissements des pays du monde entier.

Dans toute la bande de Gaza, la destruction des maisons et la saisie des terres par l’armée israélienne sont un signe inquiétant pour l’avenir de la bande. La femme d’Obaid, qui a été déplacée dans un camp à Deir Al-Balah, lui a raconté que « des tours de guet et des caméras ont été déployées tout au long de la route [côtière], et […] des quadcopters et des avions de reconnaissance surveillent la zone et empêchent les citoyens de retourner dans le nord ». Alors qu’Israël étend et consolide cette architecture militaire, Obaid a observé que « c’est comme si Gaza était entièrement sous leur contrôle ».

Ruwaida Kamal Amer, le 21 mai 2024
Ruwaida Kamal Amer est une journaliste indépendante de Khan Younis
Source : +972
Traduction ED pour l’Agence Média Palestine.
https://agencemediapalestine.fr/blog/2024/05/22/en-renforcant-son-implantation-militaire-israel-transforme-la-geographie-de-gaza/

******
UAWC :
Appel urgent à déclarer Gaza une zone dévastée par la famine

Nous, les organisations de la société civile et les coalitions soussignées, prenant en compte le génocide en cours à Gaza depuis plus de sept mois, constatons que les habitant·es de Gaza souffrent de pénuries alimentaires sévères, d’une baisse continue des niveaux de nutrition, de la malnutrition généralisée chez les enfants et de taux de mortalité accrus dus aux maladies causées par la faim et la malnutrition, ainsi que de la difficulté d’accès aux services médicaux et de santé. De plus, la pollution environnementale résultant de la destruction des systèmes d’égouts, de l’incapacité des municipalités à éliminer les déchets, de la présence de milliers de corps sous les décombres et de la faible réponse humanitaire et de la fourniture d’aide nécessaire aux personnes dans le besoin.

La destruction des infrastructures et la pénurie de carburant ont entraîné une interruption significative des services d’assainissement et d’élimination des déchets, ce qui s’est traduit par la propagation des déchets et des eaux usées sans méthode d’élimination appropriée. Avec la hausse des températures, la propagation des maladies et des épidémies est devenue une réalité pour les Palestinien.nes du secteur. En outre, la défense civile de Gaza souffre d’un grave manque de ressources, d’équipement et de personnel, ce qui l’empêche de dégager les décombres et de récupérer les corps. 

Selon le droit international humanitaire et le droit international des droits de l’homme, il est interdit de provoquer la famine en tant que tactique militaire contre des civil.es. L’article 54 du premier protocole additionnel à la quatrième convention de Genève de 1977 affirme la protection des biens indispensables à la survie de la population civile et interdit d’attaquer, de détruire, d’enlever ou de mettre hors d’usage ces biens, y compris les denrées alimentaires, les zones agricoles, les récoltes, le bétail, les installations d’eau potable et les ouvrages d’irrigation, si l’objectif est d’affamer les civil.es ou de les forcer à se déplacer ou pour tout autre motif. 

De même, l’article 14 du deuxième protocole additionnel à la quatrième convention de Genève de 1977 interdit d’affamer les civil.es en tant que méthode de guerre et interdit d’attaquer, de détruire, d’enlever ou de rendre inutilisables les objets indispensables à la survie de la population civile. 

L’article 6 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale stipule que tout acte commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux comme tel, constitue un génocide. En outre, l’article 11 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels stipule que toute personne a droit à un niveau de vie suffisant, y compris une nourriture suffisante, et oblige les États à prendre des mesures appropriées pour assurer la réalisation de ce droit. 

Le fait de provoquer la famine et de détruire les ressources vitales à Gaza viole également les mesures provisoires ordonnées par la Cour internationale de justice, ouvrant ainsi la possibilité de poursuivre les responsables ou de retarder l’acheminement de l’aide auprès de la Cour pénale internationale. Les actions et les politiques imposées par l’occupation israélienne à la population de Gaza la place dans une position de responsabilité criminelle en raison de ses actions qui ont créé des conditions telles que des attaques directes sur des installations vitales ou l’imposition d’un blocus pour empêcher l’aide humanitaire d’atteindre la population. 

Nous, les soussigné.es, appelons les Nations unies et l’Autorité palestinienne à déclarer immédiatement Gaza une zone dévastée par la famine en raison de la famine, de la pollution environnementale et de la propagation des maladies. Les Nations Unies et l’Autorité palestinienne doivent adopter cette déclaration et coordonner les efforts mondiaux et locaux en partenariat avec la société civile palestinienne pour élaborer un plan immédiat afin de traiter ces impacts, augmenter les niveaux de secours d’urgence pour les citoyen.nes du secteur, et promouvoir la responsabilité et la poursuite de l’occupation pour les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité.

Nous appelons toutes les organisations, mouvements, défenseur.es des droits humains et supporter.es à signer cette pétition pour demander aux Nations Unies et à l’Autorité palestinienne de déclarer Gaza zone de famine et de prendre les mesures nécessaires pour protéger ses habitant.es. 

Vive les luttes du peuple palestinien ! Vive une Gaza libre et fière !

Ramallah, 23 mai 2024

Vous pouvez signer cette pétition ICI

https://viacampesina.org/fr/uawc-appel-urgent-a-declarer-gaza-une-zone-devastee-par-la-famine/

******

Dans le camp de réfugié·es de Jénine, l’armée d’occupation « la plus morale du monde » détruit tout ce qui fait la vie

Les forces d’occupation ont attaqué à nouveau pendant 40 heures les 21 et 22 mai le camp de réfugié·es de Jénine, faisant à nouveau 12 morts dont un jeune de 15 ans, un professeur, un chirurgien et de nombreux blessés ainsi que des dizaines d’arrestations.

Le raid de l’armée d’occupation israélienne des 3 et 4 juillet dernier avait déjà détruit voirie, infrastructures, habitations, mosquées, lieux culturels, faisant 12 morts et 118 blessés sans compter les arrestations arbitraires.

C’est ce mode opératoire qu’Israël reproduit depuis le 7 octobre plusieurs fois par semaine en Cisjordanie, ciblant particulièrement les camps foyers de résistance comme celui de Jénine ou de Tulkarem.

Ce sont 122 Palestinien·nes (dont 30 enfants) qui ont été assassiné·es dans le gouvernorat de Jénine depuis le 7 octobre, 107 (dont 17 enfants) dans celui de Tulkarem – soit près de la moitié des assassinats en Cisjordanie  513).N

on contents de s’en prendre à la jeunesse palestinienne, les soldats ont attaqué lors de ce dernier raid le Centre des femmes du camp et saccagé les installations et équipements de cette structure. Ce Centre est un lieu d’accueil pour les femmes. La Maison chaleureuse installée dans le Centre accueille des enfants en situation précaire ou ayant des difficultés économiques et psychiques. Un atelier de couture accueille également des jeunes filles en situation de handicap.

Ce Centre qui concourt à apporter un peu d’humanité et de ressourcement dans un contexte déprimant et anxiogène du fait des incursions violentes très fréquentes de l’armée est soutenu financièrement par l’AFPS et plusieurs de ses groupes ainsi que par des collectivités françaises.

En s’attaquant à cette structure, comme au Théâtre de La liberté il y a quelques semaines, ou en défonçant systématiquement les rues et les réseaux d’eau et d’assainissement, Israël vise à rendre la vie des Palestiniens impossible et tente de briser tout esprit de résistance. Cela concourt à l’entreprise de génocide en cours en Cisjordanie comme à Gaza.

La France est parfaitement au courant de ces exactions permanentes de l’armée d’un « pays ami ». Qu’attend-elle pour dénoncer et condamner ces crimes de guerres ? Pas un mot du ministre de l’Europe et des Affaires étrangères sur cette occupation militaire qui dure depuis 57 ans. Il ne s’agit pas de violence des colons que la France consent à condamner mais d’une politique systématique d’oppression et de domination d’un l’État qui agit en toute impunité.

L’AFPS proteste avec la plus grande énergie et dénonce ces attaques haineuses et racistes. Elle rappelle au gouvernement français la nécessité de prendre les mesures nécessaires pour faire cesser ces agressions et mettre un terme au processus génocidaire en cours. Le « moment est venu » pour la France de reconnaître l’État de Palestine, de soutenir les instances judiciaires internationales, mais également de prendre des sanctions envers Israël tant que cet État ne respectera pas le droit international et les droits humains les plus élémentaires.

Le Bureau National de l’AFPS, le 24 mai 2024
https://www.france-palestine.org/Dans-le-camp-de-refugie-es-de-Jenine-l-armee-d-occupation-la-plus-morale-du

******
La CIJ ordonne à Israël d’arrêter « immédiatement » son offensive militaire à Rafah

La Cour internationale de justice (CIJ), la plus haute juridiction de l’ONU, a ordonné vendredi à Israël d’arrêter « immédiatement » son offensive militaire à Rafah, dans le sud de Gaza.

L’Afrique du Sud avait saisi la CIJ le 10 mai et souhaitait que la Cour ordonne à Israël de cesser immédiatement toutes ses opérations militaires et de faciliter l’accès à l’aide humanitaire. Les 16 et 17 mai, la Cour a tenu des audiences publiques à son siège à La Haye sur la demande déposée par l’Afrique du Sud.

Les ordonnances de la CIJ, qui tranche les différends entre Etats, sont juridiquement contraignantes mais elle n’a pas de moyens pour les faire respecter.

L’ordonnance de vendredi survient quelques jours après que le Procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Karim Khan, a demandé des mandats d’arrêt contre le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, son ministre de la Défense, Yoav Gallant, et trois dirigeants du Hamas, pour des crimes présumés commis à Gaza et en Israël.

Une situation humanitaire catastrophique
Dans son ordonnance, la Cour internationale de Justice souligne que « la situation humanitaire catastrophique dans la bande de Gaza, dont elle avait, dans son ordonnance du 26 janvier 2024, noté qu’elle risquait fort de se détériorer, s’est entre-temps dégradée, et encore davantage depuis qu’elle a rendu son ordonnance du 28 mars 2024 ».

La Cour considère que ces développements, qui sont d’une gravité exceptionnelle, constituent « un changement dans la situation au sens de l’article 76 du Règlement ». Elle est en outre d’avis que les mesures conservatoires indiquées dans son ordonnance du 28 mars 2024, ainsi que celles qui y ont été réaffirmées, ne couvrent pas intégralement les conséquences découlant de ce changement dans la situation, ce qui justifie une modification de ces mesures.

La Cour considère également que, d’après les informations dont elle dispose, « les risques immenses associés à une offensive militaire à Rafah ont commencé à devenir réalité, et augmenteront encore si l’opération se poursuit ».

Face à cette situation, dans son ordonnance du vendredi 24 mai, la Cour réaffirme, par 13 voix contre deux, les mesures conservatoires indiquées dans ses ordonnances des 26 janvier et 28 mars 2024, qui doivent être immédiatement et effectivement mises en œuvre.

Nouvelles mesures conservatoires
La CIJ a aussi indiqué de nouvelles mesures conservatoires.

Par 13 voix contre deux, l’État d’Israël doit, conformément aux obligations lui incombant au titre de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, et au vu de la dégradation des conditions d’existence auxquels sont soumis les civils dans le gouvernorat de Rafah, « arrêter immédiatement son offensive militaire, et toute autre action menée dans le gouvernorat de Rafah, qui serait susceptible de soumettre le groupe des Palestiniens de Gaza à des conditions d’existence capables d’entraîner sa destruction physique totale ou partielle ».

Par treize voix contre deux, la Cour indique que l’Etat d’Israël doit « maintenir ouvert le point de passage de Rafah pour que puisse être assurée, sans restriction et à grande échelle, la fourniture des services de base et de l’aide humanitaire requis de toute urgence ».

Par treize voix contre deux, la CIJ indique aussi que l’Etat d’Israël doit « prendre des mesures permettant effectivement de garantir l’accès sans entrave à la bande de Gaza à toute commission d’enquête, toute mission d’établissement des faits ou tout autre organisme chargé par les organes compétents de l’Organisation des Nations Unies d’enquêter sur des allégations de génocide ».

Par treize voix contre deux, la CIJ décide que « l’État d’Israël devra, dans un délai d’un mois à compter de la date de la présente ordonnance, soumettre à la Cour un rapport sur l’ensemble des mesures qu’il aura prises pour donner effet à cette ordonnance ».

Les décisions de la CIJ sont contraignantes, rappelle Guterres
Le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a pris note de l’ordonnance de la CIJ, rendue vendredi à La Haye, a dit son porte-parole, Stéphane Dujarric.

« Le Secrétaire général rappelle que, conformément à la Charte et au Statut de la Cour, les décisions de la Cour internationale de Justice sont contraignantes et espère que les parties se conformeront dûment à l’ordonnance de la Cour », a-t-il ajouté. « Conformément au Statut de la Cour, le Secrétaire général transmettra également dans les meilleurs délais au Conseil de sécurité la notification des mesures conservatoires ordonnées par la Cour ».

Le chef de l’humanitaire de l’ONU, Martin Griffiths, a également réagi à la décision prise par la CIJ.

« Bien qu’Israël ait rejeté les appels de la communauté internationale à épargner Rafah, la clameur mondiale en faveur d’un arrêt immédiat de cette offensive est devenue trop forte pour être ignorée. Avec l’adoption aujourd’hui de la résolution 2730 du Conseil de sécurité appelant à la protection des travailleurs humanitaires et l’ordonnance de la Cour internationale de Justice d’ouvrir le terminal de Rafah pour fournir une aide à grande échelle et mettre fin à l’offensive militaire là-bas, c’est un moment de clarté », a dit M Griffiths dans une déclaration.

Selon lui, « c’est le moment d’exiger le respect des règles de la guerre auxquelles tous sont liés : les civils doivent être autorisés à rechercher la sécurité ». « L’aide humanitaire doit être facilitée sans obstruction. Les travailleurs humanitaires et le personnel des Nations Unies doivent pouvoir effectuer leur travail en toute sécurité », a-t-il ajouté.

Afrique du Sud : Gaza réduite en ruines
Lors de la présentation des arguments de son pays le 16 mai, Vusimuzi Madonsela, ambassadeur sud-africain aux Pays-Bas, avait déclaré que son pays était contraint de revenir devant la Cour en vertu de ses obligations en vertu de la Convention sur le génocide « en raison de l’anéantissement continu du peuple palestinien, avec plus de 35 000 morts et la plupart de Gaza réduite en ruines ».

« Le point clé aujourd’hui est que l’objectif déclaré d’Israël de rayer Gaza de la carte est sur le point de se réaliser », avait dit Vaughn Lowe, du groupe d’avocats et d’experts présentant les arguments de l’Afrique du Sud. « Les preuves de crimes et d’atrocités épouvantables sont littéralement détruites et passées au bulldozer, ce qui fait table rase pour ceux qui ont commis ces crimes et tourne en dérision la justice ».

Israël : une « exploitation obscène »
Comparaissant devant la Cour le 17 mai, Gilad Noam, co-agent d’Israël, avait réfuté les affirmations de l’Afrique du Sud, les qualifiant d’« exploitation obscène » de la Convention sur le génocide « la plus sacrée ».

Il avait déclaré qu’Israël était engagé dans un conflit armé « difficile et tragique », un fait essentiel pour « comprendre la situation » mais ignoré par l’Afrique du Sud. « Cela tourne en dérision l’accusation odieuse de génocide… les faits comptent et la vérité devrait compter. Les mots doivent garder leur sens. Appeler encore et encore quelque chose de génocide n’en fait pas un génocide », avait-il ajouté.

Requête de l’Afrique du Sud le 29 décembre
La requête déposée le 10 mai par l’Afrique du Sud est liée à l’affaire en cours de l’Afrique du Sud accusant Israël de violer ses obligations au titre de la Convention sur le génocide.

Le 29 décembre 2023, l’Afrique du Sud avait déposé une requête introductive d’instance contre Israël au sujet de manquements allégués de cet État aux obligations qui lui incombent au regard de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide en ce qui concerne les Palestiniens dans la bande de Gaza.

La requête contenait également une demande en indication de mesures conservatoires pour « protéger contre un nouveau préjudice grave et irréparable les droits que le peuple palestinien tient de la convention sur le génocide », et réclamait « le respect par Israël des obligations que lui fait la convention de ne pas commettre le génocide ainsi que de prévenir et de punir le génocide ».

Des audiences publiques sur la demande en indication de mesures conservatoires soumise par l’Afrique du Sud s’étaient tenues les 11 et 12 janvier 2024.

Le 26 janvier 2024, la Cour internationale de Justice avait émis des mesures provisoires pour empêcher tout préjudice aux habitants de Gaza. Toutefois, il n’y avait pas eu d’appel explicite à un arrêt immédiat des opérations militaires israéliennes à grande échelle dans la bande de Gaza.

https://news.un.org/fr/story/2024/05/1145861

*-*

La Cour internationale de justice ordonne à Israël d’arrêter « immédiatement » son offensive militaire à Rafah
L’Afrique du Sud, qui avait saisi la CIJ, avait estimé la semaine dernière que « le génocide » commis par Israël à Gaza avait atteint un « niveau horrible ». Les ordonnances de la cour sont juridiquement contraignantes, mais elle n’a aucun moyen de les faire respecter.
https://www.lemonde.fr/international/article/2024/05/24/la-cour-internationale-de-justice-ordonne-a-israel-d-arreter-immediatement-son-offensive-militaire-a-rafah_6235283_3210.html
L’avertissement de la CIJ à Israël
L’avertissement de la Cour internationale de justic (CIJ), le 24 mai, à Israël est à peine voilé. La cour ordonne à Israël de cesser immédiatement son offensive sur Rafah, à Gaza, et indique clairement que, dans le cas contraire, le risque d’être accusé de génocide deviendra un peu plus probable. C’est un deuxième revers judiciaire majeur pour les autorités israéliennes, après la demande de mandats d’arrêt par le Procureur de la Cour pénale internationale, le 20 mai, contre le premier ministre Netanyahu et son ministre de la Défense.
Https://www.justiceinfo.net/fr/132381-la-cij-ordonne-a-israel-de-stopper-immediatement-son-offensive-militaire-a-rafah.html
Dans les coulisses du coup d’éclat du procureur de la CPI
C’est la première fois qu’un procureur de la Cour pénale internationale demande des mandats d’arrêt contre un chef d’État soutenu par l’Occident. La pression est maintenant sur les juges de la CPI pour qu’ils confirment (ou non) les cinq mandats d’arrêt demandés sur Israël et la Palestine. Justice Info examine le processus innovant adopté par le procureur de la CPI, Karim Khan, pour confirmer son analyse, ainsi que les acteurs impliqués en coulisses.
https://www.justiceinfo.net/fr/132151-coulisses-coup-eclat-procureur-cpi.html
Israël/Palestine : le moment de vérité
Le 20 mai, le procureur de la Cour pénale internationale a déposé devant les juges des demandes de mandats d’arrêt pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre à l’encontre du Premier ministre et du ministre de la Défense israéliens et de trois dirigeants majeurs du Hamas palestinien. Habib Nassar, directeur des politiques et de la recherche à l’ONG Impunity Watch, spécialiste des questions de justice transitionnelle au Proche-Orient, offre une analyse à chaud de l’annonce spectaculaire de Karim Khan.
https://www.justiceinfo.net/fr/132093-israel-palestine-moment-verite.html

******
« L’ordre juridique international a besoin d’être réparé 
– et Gaza en fait partie »

Issam Younis, directeur d’Al Mezan, explique les obstacles et les perspectives qui s’offrent aux Palestiniens à la suite des interventions importantes des plus hautes juridictions internationales.

Au cours d’une semaine mouvementée sur le plan du droit international, deux des plus hautes juridictions du monde ont pris des mesures historiques concernant la guerre de Gaza qui fait rage depuis les attaques du 7 octobre.

Le 20 mai, le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Karim Khan, a annoncé qu’il sollicitait des mandats d’arrêt à l’encontre de plusieurs hauts responsables israéliens et du Hamas pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité : Le Premier ministre Benjamin Netanyahou et le ministre de la Défense Yoav Gallant, qu’il accuse d’avoir intentionnellement affamé et ordonné des opérations dirigées contre des civils palestiniens à Gaza, ainsi que Yahya Sinwar, Mohammed Deif et Ismail Haniyeh, tenus pour responsables de l’assassinat et de l’enlèvement de civils israéliens le 7 octobre dernier.

Ensuite, le 24 mai, dans le cadre de la procédure en cours engagée par l’Afrique du Sud contre Israël pour génocide, la Cour internationale de justice (CIJ) a ordonné à Israël de mettre immédiatement fin à l’invasion terrestre de Rafah, qui dure depuis des semaines, a exigé qu’Israël rouvre le point de passage de Rafah vers l’Égypte pour permettre l’entrée de l’aide humanitaire et des enquêteurs mandatés par l’ONU, et a réitéré son appel à la libération immédiate de tous les otages israéliens encore détenus à Gaza.

Pour comprendre l’importance de ces événements, +972 s’est entretenu avec Issam Younis, directeur du Centre Al Mezan pour les droits de l’homme, basé à Gaza, et ancien commissaire général de la Commission palestinienne indépendante pour les droits de l’homme. M. Younis a été déplacé avec sa famille de la ville de Gaza au début de la guerre, avant de quitter la bande pour le Caire, où il se trouve actuellement.

Lors d’un long entretien, M. Younis s’est félicité de la demande de mandats d’arrêt formulée par M. Khan, soulignant la nécessité d’utiliser tous les outils juridiques pour obliger Israël à rendre des comptes ; il a également estimé que la décision de la CIJ constituait une étape importante vers l’instauration d’un cessez-le-feu permanent dans la bande de Gaza. Néanmoins, a précisé M. Younis, le système mondial du droit international est manifestement à bout de souffle.

Les Palestiniens, a-t-il expliqué, ressentent un « antagonisme chronique » entre leur quête de justice et un monde dans lequel les règles du droit international ne sont appliquées que de manière sélective à certains acteurs. Gaza, selon M. Younis, est donc un test pour le système juridique, car les pays du Sud se battent pour faire respecter les principes moraux formulés par le Nord il y a près de huit décennies.

M. Younis a également affirmé que la décision concernant M. Netanyahou et M. Gallant était « la chose facile à faire », étant donné qu’ils sont les visages publics impopulaires de la campagne militaire israélienne. Il a toutefois souligné que la CPI devait poursuivre toute une série de responsables qui ont exécuté les crimes, y compris ceux qui sont actuellement étudiés dans le cadre de l’enquête plus globale de la Cour sur les territoires occupés, notamment en ce qui concerne l’expansion des colonies en Cisjordanie. Néanmoins, M. Younis est resté prudemment optimiste : « La justice ne s’obtient pas par un KO, mais par un cumul de points », a-t-il déclaré.

L’entretien a été revu pour des raisons de longueur et de clarté.

Ghousoon Bisharat – De nombreux Palestiniens estiment depuis longtemps que le droit international n’a pas réussi à les protéger ou à faire avancer leur lutte, ce qui a abouti à ce que nous voyons aujourd’hui à Gaza. Vous qui avez consacré votre vie à ce combat, que diriez-vous à vos compatriotes palestiniens sur la manière d’appréhender les évolutions juridiques actuelles ?

Issam Younis – Il y a deux réponses à la demande de mandats d’arrêt présentée par M. Khan. La première, c’est que nous sommes optimistes à long terme, au niveau stratégique. Nous ne sommes pas naïfs et nous sommes conscients que le droit international est le produit de ce que les Etats acceptent pour eux-mêmes. Mais nous essayons autant que possible d’utiliser les outils existants. Comme l’a écrit le poète Al-Tughra’i, « comme la vie serait étroite sans l’espace de l’espoir », nous devons donc préserver cette espérance.

La deuxième réponse exige de bien comprendre les mécanismes du système juridique international. Les Nations unies, les conventions de Genève et les autres régimes et institutions d’après-guerre ont été créés par les vainqueurs : pour protéger la paix et la sécurité internationales, maintenir l’ordre mondial et faciliter la coopération internationale. Ces règles sont devenues trop étriquées pour répondre aux injustices existant dans le monde, à tel point que le droit international ne s’applique désormais clairement qu’à certains pays et à certains êtres humains, mais pas à tous. Comment expliquer autrement le caractère moralement inacceptable [de la réponse des pays occidentaux à Gaza] ?

Bien sûr, le statu quo [l’application sélective du droit international] est dangereux. Il révèle une crise de l’ensemble du système. Le génocide à Gaza confirme que cet ordre international a fait son temps ; les règles de 1945 ne peuvent plus être maintenues en l’état aujourd’hui. Mais elles font toujours partie de notre système à nous les Palestiniens. Si nous parvenons à obtenir justice grâce à ce qui vient de se passer, tant mieux ; si nous n’y parvenons pas, c’est l’occasion de renforcer au maximum notre mobilisation politique et juridique et de démontrer l’absence de justice.

Les Palestiniens du monde entier – que ce soit en Cisjordanie, à Gaza, à Jérusalem, dans la diaspora ou à l’intérieur d’Israël – ont le sentiment qu’il existe un antagonisme chronique entre la justice et la réalité du monde. La guerre contre Gaza, qui constitue la détérioration la plus brutale et la plus criminelle des valeurs morales et juridiques, a placé [l’absence de justice] au premier rang des préoccupations du monde.

Pourtant, je dis aux Palestiniens : aussi brutale et criminelle que soit la réalité actuelle, la justice l’emportera. Car même si les gens s’habituent à la vue du sang et de la mort, il s’agit d’une situation anormale. Elle n’est pas juste et un jour, les choses changeront. La justice ne s’obtient pas par un KO, mais par le cumul des points, et la victime doit toujours faire bon usage des outils dont elle dispose.

Un mouvement se dessine clairement dans le monde entier : des manifestations de masse ont lieu dans les rues et sur les campus. La guerre de Gaza ne perturbe pas seulement l’ordre mondial, elle révèle aussi une nouvelle relation entre le Nord global et le Sud. Le fait que l’Afrique du Sud ait porté le dossier du génocide devant la CIJ n’était pas seulement symbolique ; l’alignement des États du Sud derrière elle, qu’ils le déclarent ou non publiquement, est important.

L’autre monde, les Européens blancs du Nord, doit se rendre compte que les choses ne sont plus ce qu’elles étaient. L’ordre international a besoin d’être réparé, et Gaza en est un élément. Nous pensions qu’en dépit du fossé entre le Sud et le Nord, nous partagions certaines valeurs avec l’ensemble de la communauté internationale, mais nous avons découvert que même les concepts [les plus fondamentaux] ne font pas l’objet d’un consensus.

La preuve de cette immoralité est que la guerre contre Gaza se poursuit après huit mois et que le fait que plus de 15 000 enfants aient été tués est un sujet de controverse. Tant que le monde n’intervient pas, qu’il continue d’envoyer des cargaisons d’armes et d’apporter un soutien politique, cela signifie que le monde accepte le meurtre d’enfants parce qu’ils ne sont pas blancs, et qu’il croit que chaque Palestinien est soit un bouclier humain, soit un terroriste, soit un obstacle sur le chemin d’un nouveau Moyen-Orient.

Que pensez-vous de la décision rendue aujourd’hui par la CIJ ?

Il s’agit d’un événement très important, d’une étape cruciale [non seulement] pour mettre fin au génocide à Gaza, mais aussi pour ouvrir la voie à ce qu’Israël soit tenu responsable du crime de génocide.

La CIJ demande à Israël de « cesser immédiatement son offensive militaire et toute autre action dans le district de Rafah susceptible d’infliger à la population palestinienne de Gaza des conditions d’existence pouvant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ». Je comprends ce texte comme un appel au cessez-le-feu : la CIJ ordonne à Israël d’arrêter son opération militaire dans l’ensemble de la bande de Gaza, puis ajoute une virgule très importante, suivie de « toute autre action dans le district de Rafah ».

Selon moi, cela signifie que la CIJ ordonne à Israël de mettre fin à l’ensemble de sa guerre, même si je m’attendais à ce que la Cour soit plus claire [dans sa formulation].

Que pensent les Palestiniens de Gaza de ces décisions de la CPI et de la CIJ ?

Les habitants de Gaza sont extrêmement en colère contre l’ensemble de l’ordre mondial et les institutions judiciaires existantes. Le temps se mesure avec leurs morts, et les autres ne sont en vie que par chance. Ils se sentent abandonnés et pensent que le monde est complice de ce qui leur arrive. Tant que vous n’arrêterez pas cette guerre, vous en serez comptables.

Des ONG palestiniennes comme Al Mezan se sont engagées auprès de la CPI pour enquêter sur des affaires remontant à la guerre de 2014. Que pensez-vous de la lenteur de ces enquêtes, qui n’ont pas encore abouti à des inculpations, et de la rapidité de celles qui ont été menées en raison de la guerre actuelle ?

L’origine de l’histoire remonte à la guerre de Gaza de 2008-9. Nous nous sommes adressés au procureur de la CPI de l’époque, M. Luis Moreno Ocampo, et lui avons demandé d’enquêter sur [la manière dont Israël s’est comporté pendant la guerre] comme étant une violation du Statut de Rome. Trois ans plus tard, M. Ocampo est revenu vers nous pour nous dire que le statut juridique de l’État de Palestine n’était pas clair pour les trois principales parties – l’Assemblée générale des Nations unies, le Conseil de sécurité des Nations unies et les États contractants du statut de Rome – et qu’il ne pouvait donc pas ouvrir d’enquête.

Lorsque la Palestine est devenue un État observateur non membre de l’Assemblée générale des Nations unies en novembre 2012, une nouvelle ouverture s’est présentée : La Palestine avait désormais le « caractère » d’un État qui pouvait être signataire du Statut de Rome, et elle est donc devenue l’une des 124 parties contractantes de la CPI.

Huit ans plus tard, le procureur de la CPI, Fatou Bensouda, a décidé qu’il y avait une base sur laquelle s’appuyer, et la Chambre préliminaire [après avoir confirmé le statut d’État de la Palestine] a autorisé l’ouverture d’une enquête en 2021. Depuis lors, l’enquête n’a pas progressé d’un millimètre, malgré plusieurs guerres lancées contre Gaza, la poursuite du blocus et d’autres crimes.

Je pense donc que la récente décision de Khan indique qu’il ne peut rester silencieux face à cette sauvagerie. Elle montre également l’ampleur de la pression exercée sur le tribunal.

La demande de M. Khan d’émettre des mandats d’arrêt contre M. Netanyahou et M. Gallant – qui sont tous deux des personnalités politiques impopulaires et indésirables pour beaucoup, y compris les États-Unis – était la chose la plus facile à faire. Le monde s’est rendu compte, bien que tardivement, que Netanyahou est un obstacle. Quant à Gallant, ses déclarations « Nous combattons des animaux humains » et « J’ai ordonné un siège complet de la bande de Gaza. Il n’y aura pas d’électricité, pas de nourriture, pas de carburant » sont des preuves de sa brutalité politique. Le procureur n’a pas pu rester neutre.

Le choix de la voie la plus facile explique pourquoi il n’y a pas de mandat d’arrêt contre ceux qui ont exécuté et ordonné ces crimes : les officiers de sécurité et les officiers de l’armée, ainsi que tous les autres membres du cabinet de guerre israélien. Le criminel, selon le Statut de Rome, est celui qui a ordonné, exécuté, assisté, voire cautionné le crime, il est donc inconcevable de ne pas délivrer des mandats d’arrêt pour les autres responsables directs.

Pourquoi le procureur a-t-il demandé des mandats d’arrêt concernant uniquement les crimes commis depuis le 7 octobre ?

J’espère que ce sera le premier volet. Le devoir du procureur est d’examiner tous les crimes qui menacent la paix et la sécurité internationales et de se pencher sur l’ensemble du dossier, et non d’être sélectif et partiel.

Mais il semble qu’il soit soumis à des pressions et qu’il ne puisse pas aller au-delà du 7 octobre. S’il le faisait, cela signifierait l’ouverture du dossier des colonies [de Cisjordanie]. Pour les Palestiniens, les colonies ne sont pas moins dangereuses que la guerre actuelle, car elles signifient l’élimination de toute possibilité d’existence pour le peuple palestinien. Le transfert d’une population vers un territoire occupé est un crime grave en regard du Statut de Rome et des Conventions de Genève. Je m’attendais à ce que cela fasse partie de l’affaire en cours devant la CPI, mais il semble que ce soit le maximum que Khan puisse faire pour l’instant.

Les pressions qui s’exercent sur lui expliquent également pourquoi il a choisi de demander des mandats d’arrêt contre trois membres du Hamas et seulement deux Israéliens. De plus, les Palestiniens sont accusés de huit crimes, les Israéliens de sept, et seuls les Palestiniens sont accusés de torture, de mauvais traitements, etc., alors que les crimes d’enlèvement, de disparition et de détention de Palestiniens dans les prisons militaires israéliennes ne sont même pas mentionnés. Je travaille dans ce domaine depuis 35 ans et je n’ai jamais vu autant de brutalité [contre les prisonniers] : 27 Palestiniens ont été tués dans les prisons israéliennes, pas des « combattants illégaux », mais des travailleurs qui se trouvaient sur leur lieu de travail lorsque le Hamas a lancé son attaque, qui ont tous fait l’objet d’un contrôle de sécurité et qui ont obtenu un permis de travail en Israël.

Le procureur a également choisi de ne pas mentionner le crime de génocide. Pourtant, ce qui se passe actuellement est un génocide dans tous les sens du terme, et des preuves fiables ont été présentées par l’équipe juridique sud-africaine devant la CIJ.

Une question clé concernant l’intervention de la CPI est celle de la complémentarité (c’est-à-dire qu’Israël enquête sur lui-même). Quelle a été l’expérience d’Al Mezan avec le système judiciaire israélien en ce qui concerne l’obligation de rendre des comptes ?

En notre qualité d’institution de défense des droits de l’homme, nous traitons avec l’autorité existante tant qu’elle assure un certain respect des droits de l’homme des citoyens. Parmi les parties avec lesquelles nous nous avons à faire, par exemple, il y a le corps israélien de l’avocat général des armées (MAG Corps). Pendant la guerre de 2014 et avant, nous avons soumis des centaines de demandes concernant les crimes les plus graves commis. La grande majorité des cas n’ont pas fait l’objet d’une enquête, à l’exception de ceux qui concernaient la discipline militaire, comme le cas d’un soldat qui avait volé une carte de crédit. Il n’y a pas eu d’enquête sur les meurtres de familles entières qui ont été effacés du registre d’état-civil, ni sur la destruction d’un hôpital. Mais nous devons épuiser toutes les voies de recours au niveau national pour faire face à la puissance occupante.

Israël est pratiquement le seul pays au monde où le système judiciaire refuse d’entendre la victime. Cette situation est décrite dans l’amendement 2012 de la loi sur la responsabilité de l’État [n°8]. Dans de nombreux pays, ce sont les victimes qui choisissent de boycotter le système judiciaire parce qu’elles considèrent qu’il n’est pas indépendant, impartial ou neutre.

Notre approche était la suivante : « Nous sommes de Gaza, et les Israéliens doivent nous rendre justice », mais ils fournissent toujours une couverture politique et juridique [à l’État]. Une victime [que nous représentions] a perdu sa maison en 2008 et l’a reconstruite ; en 2012, un membre de sa famille a été tué ; et en 2014, l’armée a de nouveau détruit sa maison. Aucun tribunal israélien ne lui a rendu justice. Alors, où va-t-il ? Le principe de complémentarité est fondamental, mais dans le cas d’Israël, son système judiciaire ne peut pas rendre justice aux Palestiniens.

Comment voyez-vous la réaction des Etats-Unis à la décision de la CPI ?

Les États-Unis font partie du problème, pas de la solution. Les États-Unis ont fait pression sur la Cour, et lorsque la précédente procureure Fatou Bensouda a ouvert une enquête, elle a été punie : l’administration Trump a retiré les visas de Bensouda et d’autres collaborateurs, en plus d’autres mesures de rétorsion. Sous l’administration Bush, les États-Unis ont également signé des accords avec la plupart des États parties au Statut de Rome pour ne pas extrader ou détenir un citoyen américain accusé de crimes de guerre, et ont ainsi accordé l’immunité à leurs soldats. Cette semaine, des sénateurs américains ont signé des déclarations menaçantes à l’encontre de la Cour. C’est sans précédent.

Que peut-on attendre d’un pays qui pense et agit de la sorte ? Si les États-Unis voulaient mettre fin à la guerre, ils l’auraient fait en cinq minutes, avec un coup de téléphone de Biden. Pour les États-Unis, le tribunal est excellent tant qu’il rend une décision d’arrestation de Poutine, mais il devient un problème lorsqu’il traite le cas de ses proches alliés. Les États-Unis entraînent le monde vers des situations dangereuses, voire catastrophiques.

Quelles sont les conséquences de ces mandats du pour les obligations de la Palestine en tant que signataire du Statut de Rome – y compris le fait que Sinwar et Deif se trouvent en territoire palestinien ?

Convenons que l’État de Palestine n’exerce aucune forme de souveraineté et qu’il est un État sous occupation. C’est un État virtuel. Si le président lui-même veut se déplacer d’un endroit à l’autre en Cisjordanie ou à l’extérieur, il doit obtenir l’approbation des Israéliens. Le monde sait que l’Autorité palestinienne n’a pas le pouvoir d’arrêter qui que ce soit. Elle veut remplir ses obligations légales en tant qu’État indépendant, mais elle ne le peut pas.

[Concernant le Hamas], ce n’est pas nous qui fixons le droit international, mais il y a des règles qui s’appliquent à tout le monde et que tout le monde doit respecter. La résistance et la lutte font partie de la nature humaine, et visent à faire valoir la moralité et les lois humanitaires que le monde civilisé a acceptées pour lui-même. Il est toujours nécessaire de mettre en question les modalités de la résistance et de se demander comment elle peut atteindre les meilleurs résultats possibles. La résistance a toujours besoin de se corriger, mais cela ne change rien au fait qu’il y a une occupation et qu’il faut s’y opposer.

La question la plus importante est de savoir comment le peuple palestinien peut y parvenir tout en étant soumis à cette sauvagerie et à cette agression. En fin de compte, l’arbre de vie est toujours vert, et la théorie est grise.

Il faut mettre fin à ce conflit et fournir aux Palestiniens toutes les ressources morales, juridiques et humanitaires pour qu’ils puissent exercer leur droit à l’autodétermination. D’ailleurs, il ne s’agit pas seulement du droit à leur propre État ; je suis contre l’idée que le problème des Palestiniens est qu’ils n’ont pas d’État. En fait, le peuple palestinien revendique le droit à l’autodétermination afin de pouvoir décider de son destin. Peut-être ne voulons-nous pas d’État ?

C’est la première fois que des dirigeants palestiniens sont officiellement accusés de crimes de guerre au niveau international. Qu’est-ce que cela signifie pour la lutte et la résistance palestiniennes ? La décision de la CPI signifie-t-elle également qu’il existe des lignes rouges pour la résistance ?

En tant qu’institutions de défense des droits de l’homme, nous pensons que toute personne qui viole le Statut de Rome, quelle que soit sa nationalité, doit être traduite en justice et assumer la responsabilité de ses actes.

Je suis d’avis que même si la décision de demander des mandats d’arrêt contre Sinwar, Deif et Haniyeh se révèle inacceptable pour certains Palestiniens, c’est l’occasion pour tout accusé de se présenter devant le tribunal, de faire valoir son point de vue, de replacer les choses dans leur contexte et de présenter des preuves. En fin de compte, bien que des mandats d’arrêt aient été émis, les personnes inculpées sont toujours innocentes jusqu’à preuve du contraire.

Ce n’est pas nous qui décidons de ce qu’est un crime de guerre : en fin de compte, c’est le tribunal qui décidera. Mais le tribunal lui-même doit être très crédible et ne pas politiser la question, car le système international est aujourd’hui mis à l’épreuve. Et nous continuons à demander à haute voix : « Qui commet un génocide ? ».

Quant au choix entre la résistance et la négociation [avec Israël], à mon avis, les deux posent problème tant que ces choix ne font pas l’objet d’un consensus au sein de la population. Nous paierons un prix pour l’une ou l’autre option, mais nous sommes prêts à le payer. La question centrale est qu’il y a une cause juste et que nous voulons mettre fin à l’occupation, mais nous sommes confrontés à un véritable front qui cherche à qualifier chacune de nos actions d’immorales.

Êtes-vous sûr que le monde respectera les mandats d’arrêt ?

Nous continuons à croire que le maintien de la sécurité internationale, de la stabilité et de la paix est le devoir du monde. Il est intéressant qu’un pays qui couvre le génocide, comme l’Allemagne, déclare que les décisions de la Cour doivent être respectées. La non-application de ces décisions signifierait que le monde a oublié l’État de droit et qu’il est en train de basculer vers la loi de la jungle.

Comment la délivrance de mandats d’arrêt par la CPI peut-elle influencer l’affaire de la CIJ ?

Il s’agit de deux espaces différents et chaque cour jouit d’une indépendance totale, sans relation officielle entre elles. Mais comme la CIJ discute de l’affaire du génocide, cela peut aider le procureur de la CPI à inculper les Israéliens accusés. Il ne fait aucun doute que l’affaire de la CIJ contribue à créer l’environnement approprié [pour les actions de la CPI]. La CIJ a accepté la demande de l’Afrique du Sud, ce qui signifie que la plainte est fondée. Il appartient à la Cour de se prononcer sur le fond, mais d’un point de vue procédural, le procureur de la CPI n’aurait pas dû craindre de porter des accusations de génocide contre les Israéliens.

Vous et votre famille avez quitté Gaza en décembre et vous êtes maintenant au Caire. Comment vous sentez-vous en ce moment ?

Par chance, nous sommes en vie, mais nous continuons à osciller entre la vie et la mort. Le plus important pour moi est d’être fort pour soutenir ma femme et mes enfants. Je suis au Caire, mais mon cœur et mon esprit sont avec ma famille, mes voisins, mes collègues et mes amis à Gaza.

Nous avons perdu nos maisons et nos biens. J’ai été contraint de quitter ma maison dans le quartier d’Al-Rimal, dans la ville de Gaza, le 13 octobre. Ma maison et mon bureau ont été gravement endommagés, et toute la maison de mon fils a été détruite par un missile. Nous avons été déplacés à Rafah pendant quelques mois, contrairement à beaucoup d’autres personnes qui ont été tuées lorsque leurs maisons ont été prises pour cible, et nous avons quitté Gaza le 3 décembre.

Ce que nous avons vécu à Gaza était incroyable. Je n’oublierai jamais la peur ressentie lors des bombardements continus de la ceinture de feu. Imaginez le son des coups de feu d’un fusil automatique ; imaginez maintenant la même chose à partir d’un avion. Il est lancé à la même vitesse, à quelques secondes d’intervalle, dans un quartier résidentiel rempli d’enfants et de femmes. L’état de terreur est indescriptible. J’ai perdu beaucoup de membres de ma famille et d’amis. J’essaie de ne pas écouter les nouvelles, parce qu’elles donnent toujours les noms des personnes qui ont été tuées.

Allez-vous retourner à Gaza ?

Oui, bien sûr. Lorsque la guerre prendra fin, je veux y retourner et contribuer à la reconstruction de Gaza. La dignité n’existe que dans votre pays d’origine. Je veux rentrer, mais ma famille ne pourra pas revenir parce qu’il n’y a pas de maisons, d’hôpitaux, d’écoles ou d’universités.

Je comprends ceux qui disent qu’ils ne peuvent pas revenir, parce que tout ce qui est nécessaire à la vie a été complètement détruit. Je comprends les jeunes qui ont réussi à sortir et qui ne veulent pas revenir. Mais je reviendrai pour reconstruire Gaza pour la jeune génération, pour mes enfants et mes petits-enfants.

Ghousoon Bisharat
Ghousoon Bisharat est la rédactrice en chef du magazine +972.
Source : +972 Magazine. 24 mai 2024 :
https://www.972mag.com/nakba-march-of-return-gaza/
Traduit pour ESSF par Pierre Vandevoorde avec l’aide de DeepLpro.
https://www.europe-solidaire.org/spip.php?article70842

*-*

Notre équipe a été dévastée par les événements horribles de cette dernière guerre – les atrocités commises par le Hamas en Israël et les attaques israéliennes massives de représailles sur Gaza. Nous sommes de tout cœur avec les personnes et les communautés confrontées à la violence.
Nous vivons une période extraordinairement dangereuse en Israël-Palestine. L’effusion de sang déclenchée par ces événements a atteint des niveaux extrêmes de brutalité et menace d’engloutir toute la région. L’assaut meurtrier du Hamas dans le sud d’Israël a dévasté et choqué le pays au plus profond de lui-même. Les bombardements de représailles d’Israël sur Gaza sèment la destruction dans la bande déjà assiégée et tuent un nombre croissant de civils. En Cisjordanie, des colons enhardis, soutenus par l’armée, saisissent l’occasion pour intensifier leurs attaques contre les Palestiniens.
Cette escalade s’inscrit dans un contexte très clair, que +972 a passé les 13 dernières années à couvrir : Le racisme et le militarisme croissants de la société israélienne, l’occupation enracinée et le siège de plus en plus normalisé de Gaza.
Nous sommes bien placés pour couvrir ce moment périlleux – mais nous avons besoin de votre aide pour le faire. Cette terrible période mettra à l’épreuve l’humanité de tous ceux qui œuvrent pour un avenir meilleur sur cette terre. Les Palestiniens et les Israéliens s’organisent déjà et élaborent des stratégies pour mener le combat de leur vie.
Pouvons-nous compter sur votre aide
+972 Magazine est la principale voix médiatique de ce mouvement, une plateforme dont on a désespérément besoin où les journalistes et les activistes palestiniens et israéliens peuvent rendre compte et analyser ce qui se passe, guidés par l’humanisme, l’égalité et la justice. Rejoignez-nous. « DEVENEZ MEMBRES »

******
Le personnel de l’UE signe une lettre exprimant ses inquiétudes quant à sa gestion de la crise de Gaza

Plus de 200 signataires invoquent « l’apathie persistante » de l’Union Européenne face au sort des Palestiniens et demandent un appel officiel au cessez-le-feu.

Plus de 200 membres du personnel des institutions et agences de l’UE ont signé une lettre exprimant leur « inquiétude croissante » face à la réponse de l’Union à la crise humanitaire à Gaza, argumentant qu’elle va à l’encontre de ses valeurs fondamentales et de son objectif de promotion de la paix.

La lettre, signée par 211 personnes en leur qualité personnelle de citoyens et adressée aux trois plus hauts responsables de l’UE, commence par condamner les attaques du 7 octobre « dans les termes les plus forts ».

Citant l’arrêt rendu en janvier par la Cour internationale de justice, qui a estimé qu’il existait un risque crédible pour les Palestiniens en vertu de la convention sur le génocide, la lettre avertit que « l’apathie persistante de l’UE face au sort des Palestiniens » risque de normaliser un ordre mondial dans lequel le simple recours à la force, plutôt qu’un système fondé sur des règles, détermine la sécurité, l’intégrité territoriale et l’indépendance politique d’un État. »

« C’est précisément pour éviter un ordre mondial aussi sinistre que nos grands-parents, témoins des horreurs de la Seconde Guerre mondiale, ont créé l’Europe », peut-on lire dans la lettre. « Rester les bras croisés face à une telle érosion de l’État de droit international reviendrait à faire échouer le projet européen tel qu’ils l’avaient envisagé. Cela ne peut se produire en notre nom. »

La lettre, communiquée en exclusivité au Guardian, a été rédigée par un petit groupe d’employés, a déclaré Zeno Benetti, l’un des organisateurs.

« Nous n’arrivions pas à croire que nos dirigeants, qui parlaient si fort des droits de l’homme et qui décrivaient l’Europe comme le phare des droits de l’homme, étaient soudain si silencieux face à la crise qui se déroulait à Gaza », a-t-il déclaré. « C’est comme si on nous demandait soudain de fermer les yeux sur nos valeurs et sur les valeurs pour lesquelles nous étions censés travailler. Et pour nous, ce n’était pas acceptable ».

Les organisateurs espéraient obtenir 100 signatures, un chiffre qui a été rapidement dépassé à mesure que la lettre se répandait. Une version de la lettre rendue publique vendredi ne mentionne pas les noms des signataires, les organisateurs leur ayant promis la confidentialité.

La lettre met en avant les nombreuses ONG qui ont appelé à plusieurs reprises à un cessez-le-feu, et ajoute : « L’incapacité de l’UE à répondre à ces appels de plus en plus désespérés est en contradiction flagrante avec les valeurs que l’UE défend et que nous défendons. »

Elle demande instamment à l’UE d’appeler officiellement à un cessez-le-feu immédiat et permanent, ajoutant cette demande à une liste de requêtes comprenant l’appel officiel à la libération de tous les otages et la garantie que les États membres mettent fin aux exportations d’armes directes et indirectes à destination d’Israël.

M. Benetti a souligné que l’initiative n’avait pas pour but d’être pro-palestinienne, ni d’adopter une position partisane sur le conflit. « Nous avons plutôt signé parce que nous pensons que ce qui se passe met en péril des principes de droit international que nous jugeons importants et que nous considérons comme acquis », a-t-il déclaré.

La lettre devrait être remise vendredi à Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, ainsi qu’à Roberta Metsola, présidente du Parlement européen, et à Charles Michel, qui dirige le Conseil européen.

Cette manifestation intervient quelques semaines après que plus de 100 membres du personnel de l’UEont défilé à Bruxelles pour protester contre la guerre menée par Israël à Gaza. « Nous nous rassemblons pacifiquement pour défendre les droits, les principes et les valeurs sur lesquels reposent les institutions européennes », avait alors déclaré à Reuters Manus Carlisle, membre du personnel de la Commission européenne.

Ashifa Kassam
Ashifa Kassam est la correspondante du Guardian pour les affaires communautaires européennes.
The Guardian
Traduction ED pour l’Agence Média Palestine
https://agencemediapalestine.fr/blog/2024/05/24/le-personnel-de-lue-signe-une-lettre-exprimant-ses-inquietudes-quant-a-sa-gestion-de-la-crise-de-gaza/

******
Enfin la justice.
Mais les Israéliens vont-ils commencer à se réveiller ?

Le mieux pour Israël, en ce moment difficile, serait de se regarder en face, de voir enfin son propre portrait.

Le procureur général de la Cour pénale internationale a déclaré lundi qu’il demandait des mandats d’arrêt contre les dirigeants de l’État d’Israël et du Hamas.

La justice, enfin ; les tout premiers signes du début d’une justice, bien tardive et partielle, mais tout de même une mesure de justice.

On ne peut certes pas se réjouir de ce que le premier ministre et le ministre de la défense de son pays soient en passe d’être recherchés dans le monde entier, mais il est impossible de ne pas éprouver une certaine satisfaction à l’idée que la justice commence à être rendue.

Alors que les Israéliens font étalage de leur statut de victime, que les chaînes de télévision se complaisent dans l’autosatisfaction, qu’ils clament que le monde est antisémite et qu’il est injuste d’associer Israël au Hamas, une question fondamentale et déterminante n’est jamais posée : « Israël a-t-il commis des crimes de guerre dans la bande de Gaza ? Israël a-t-il commis des crimes de guerre à Gaza ? Personne n’ose aborder cette question essentielle et déterminante : Y a-t-il eu, oui ou non, des crimes ?

S’il y a eu des crimes de guerre, des massacres et des famines, comme cela a été évoqué par le courageux procureur Karim Khan (à la nomination duquel Israël a participé en coulisses, son prédécesseur ayant été considéré comme douteux), alors il y a des criminels qui en sont responsables. Et s’il y a des criminels de guerre, il est du devoir du monde de les traduire en justice. Ils doivent être signalés comme étant recherchés, et arrêtés.

Si le Hamas a commis des crimes de guerre – et il ne semble y avoir aucune discussion à ce sujet – alors leurs auteurs doivent être traduits en justice. Et si Israël a commis des crimes de guerre – et il ne semble y avoir aucune discussion à ce sujet à travers le monde, à l’exception d’un Israël qui se trompe lui-même de manière suicidaire – les responsables de ces crimes doivent également être traduits en justice.

Le fait de les regrouper n’implique pas une symétrie morale ou une équivalence juridique. Même si Israël et le Hamas étaient accusés séparément, Israël aurait déclenché un tollé contre le tribunal.

Le seul argument que l’on entend aujourd’hui en Israël est que le juge est un fils de pute. Le seul moyen envisagé pour empêcher qu’il ne prononce sa lourde sentence est de s’en prendre à la Cour pénale internationale de La Haye.

Il faut convaincre les nations amies de ne pas respecter ses décisions, imposer des sanctions (!) à ses juges. C’est le raisonnement de n’importe quel criminel, mais un Etat n’a pas le droit de penser ainsi. Les deux tribunaux internationaux où Israël et les Israéliens sont jugés méritent le respect de l’État, pas son mépris. L’outrage au tribunal de la part d’Israël ne fera qu’allonger la liste des accusations et des soupçons qui pèsent sur lui.

Mieux vaudrait pour Israël, en ce moment difficile, de tourner son regard vers l’intérieur, pour enfin voir son propre portrait. Mieux vaudrait que ce pays se reproche quelque chose, n’importe quoi, plutôt que de rejeter la faute sur le monde entier. Comment en sommes-nous arrivés là, telle devrait être la question, plutôt que de se demander comment ils en sont arrivés là.

Quand assumerons-nous enfin la responsabilité de quoi que ce soit, de ce qui a été fait en notre nom ? Les 106 députés qui ont signé la pétition contre la CPI et les zéro députés qui ont signé la pétition inexistante contre les crimes de guerre israéliens sont un triste reflet du pays : unis contre le fait de vouloir rendre justice, unis dans un éternel sentiment de victimisation, ni droite ni gauche, un chœur céleste. Si Israël est un jour reconnu coupable de crimes de guerre, il faudra se souvenir que 106 députés ont voté pour que ceux de Benjamin Netanyahou et de Yoav Gallant soient effacés.

La bande de Gaza est en ruines, ses habitants sont tués, blessés, rendus orphelins, affamés, démunis, alors que la plupart d’entre eux étaient innocents. Il s’agit clairement d’un crime de guerre. Tout le monde en Israël considère que la famine est un instrument légitime, qu’il faut soutenir ou combattre, tout comme les massacres intentionnels. Comment peut-on prétendre qu’il n’y a pas eu de famine ou de massacre intentionnel ?

Au lendemain de l’audience de la CPI, Israël doit se ressaisir et procéder à une introspection nationale, chose qu’il n’a jamais faite auparavant. Chaque Israélien doit s’interroger : Comment en sommes-nous arrivés là ? Il ne suffit pas de blâmer Netanyahou, le principal coupable, ni de se blanchir au moyen d’échappatoires invoquant la hasbara, dee avis juridiques fallacieux ou les déclarations outrées de certains responsables israéliens.

Le problème touche à des réalités bien plus profondes : Depuis 57 ans, Israël impose un système qui repose sur des pratiques condamnables et malfaisantes, et aujourd’hui, enfin, le monde se réveille et commence à se dresser contre ce système. Cela permettra-t-il au moins à certains Israéliens de se réveiller et de se départir de leur sens de la justice déformé et aveugle ?

Gideon Levy
Source : Haaretz. 23 mai 2024 2:05 am IDT : 
https://www.haaretz.com/opinion/2024-05-23/ty-article-opinion/.premium/at-last-justice-but-will-israelis-also-start-waking-up/0000018f-a1a3-d5dc-a7df-efe79f950000
Traduit pour ESSF par Pierre Vandevoorde avec l’aide de DeepLpro.
https://www.europe-solidaire.org/spip.php?article70841

*-*

Rappels :
Gilbert Achcar : 
Que se cache-t-il derrière l’accusation d’antisémitisme lancée contre Karim Khan ?
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/05/24/que-se-cache-t-il-derriere-laccusation-dantisemitisme-lancee-contre-karim-khan/
Le Procureur de la CPI réclame des mandats d’arrêt contre Netanyahu et des dirigeants du Hamas 
Déclaration du Procureur de la CPI, Karim A.A. Khan KC :  dépôt de requêtes aux fins de délivrance de mandats d’arrêt concernant la situation dans l’État de Palestine
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/05/21/le-procureur-de-la-cpi-reclame-des-mandats-darret-contre-netanyahu-et-des-dirigeants-du-hamas-declaration-du-procureur-de-la-cpi-karim-a-a-khan-kc/
B’Tselem : L’ère de l’impunité pour les décideurs israéliens est révolue
Bureau national de l’AFPS : L’impunité d’Israël va-t-elle prendre fin ?
Philippe Corcuff : 
Proche-Orient : la CPI plus intersectionnelle que des militants intersectionnels ?
Pourquoi nous soutenons les poursuites de la CPI pour les crimes commis en Israël et à Gaza
MRAP : Une décision historique de la Cour Pénale Internationale
La demande de mandats d’arrêts par le procureur de la CPI est une étape majeure dans la lutte contre l’impunité
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/05/22/limpunite-disrael-va-t-elle-prendre-fin-et-autres-textes/

******
Après l’Espagne, la Norvège et l’Irlande,
la France doit reconnaître l’État de Palestine !

Ce mercredi 22 juin marque une nouvelle avancée en faveur des droits du peuple palestinien et du droit international.

En « étroite coordination », selon les propos du premier ministre norvégien, trois États européens et non des moindres, l’Espagne, la Norvège et l’Irlande, accompagnés de la Slovénie et de Malte, ont décidé d’accorder la reconnaissance de leur pays à l’existence d’un État palestinien.

L’AFPS se félicite de la décision de ces pays européens.

« Une reconnaissance ne peut plus attendre une solution de paix » a déclaré le Premier ministre norvégien Jonas Gahr Store lors d’une conférence de presse à Oslo. Simon Harris, Premier ministre irlandais, a quant à lui salué un « jour historique et important pour l’Irlande et pour la Palestine ». Pour son peuple, les cicatrices du colonialisme britannique sont encore vivaces. La semaine dernière, le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez avait déjà fait savoir qu’il annoncerait la date de la décision de Madrid.

Après la demande du président de la Cour pénale internationale de prononcer des mandats d’arrêt internationaux contre Benyamin Netanyahou, premier ministre d’Israël, et Yoav Gallant, son ministre de la défense, pour crimes de guerre et crimes contre l’Humanité, c’est un pas de plus qui est franchi : 146 des 193 États membres de l’Organisation des Nations unies (ONU) reconnaissent aujourd’hui l’État palestinien.

Il ne peut y avoir de paix réelle pour les peuples de la région sans la reconnaissance effective du droit à l’autodétermination du peuple palestinien, ce qui passe par le premier des droits nationaux : avoir un État.

L’AFPS tient à rappeler à cette occasion que le droit à l’autodétermination du peuple palestinien ne saurait s’exercer complètement sans l’application du droit au retour des réfugié·es.

Quant à la France, elle s’était prononcée en 2012 à l’Assemblée générale de l’ONU en faveur de cette reconnaissance. L’Assemblée nationale et le Sénat ont demandé en 2014 au président de la République de le faire. Elle aurait pu ainsi jouer un rôle moteur d’entraînement auprès de ses partenaires européens. Mais François Hollande avait alors préféré répondre qu’il le ferait « le moment venu »… Moment qui ne vint jamais. La France a ainsi passé son tour, laissant le leadership à d’autres.

Emmanuel Macron quant à lui prétend que la question n’est pas taboue. Reste à savoir ce que cela veut dire en termes de prise de décision. L’AFPS lui demande simplement de mettre ses actes en adéquation avec le vote de la France au Conseil de sécurité de l’ONU.

L’État de Palestine attend toujours, 76 ans après l’admission d’Israël aux Nations unies ! Ce deux poids deux mesures doit cesser. Israël ne peut pas s’opposer à cette reconnaissance, il n’a aucun droit de le faire, l’autodétermination du peuple palestinien n’est pas de son ressort. Netanyahou n’aurait jamais dû être autorisé à exhiber devant l’Assemblée générale des Nations unies une carte d’Israël recouvrant tout le territoire de la mer Méditerranée au Jourdain, en niant cyniquement l’existence même de la Palestine.

Rétorquer, comme le fait Israël, que la reconnaissance serait une prime au terrorisme est purement grotesque : en quoi amorcer une solution politique à une oppression de plus de 76 ans serait une prime au terrorisme ? C’est un pas vers la paix et la justice.

Quant à Stéphane Séjourné, le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, pour lui, ça n’est pas le bon moment. Ça n’est jamais le moment de contrarier « l’ami Bibi ». Comme pour François Hollande, on se demande quand ce bon moment viendra ! Quand il y aura 100 000 morts à Gaza, 2000 en Cisjordanie ? Quand il y aura 20 000 prisonniers politiques palestiniens ? Quand Israël aura annexé la Cisjordanie, expulsé plus de deux millions de Palestinien·nes et recolonisé Gaza ?

Le moment est au contraire venu d’arrêter Israël dans son entreprise d’effacement du peuple palestinien et de tout faire pour parvenir à l’égalité des droits pour les Palestinien·nes où qu’ils se trouvent.

Les États qui comme la France se disent attachés aux droits des peuples doivent le prouver par cet acte simple. Reconnaître l’État de Palestine, c’est la première étape vers la reconnaissance du droit du peuple palestinien à l’autodétermination, c’est reconnaître la valeur du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, face au fait accompli et contre la loi du plus fort.

La France doit reconnaître l’État de Palestine maintenant !

Le Bureau National de l’AFPS, le 23 mai 2024
https://www.france-palestine.org/Apres-l-Espagne-la-Norvege-et-l-Irlande-la-France-doit-reconnaitre-l-Etat-de

******
Appel urgent des syndicats européens :
suspendre l’Accord d’Association avec Israël

Par l’Initiative syndicale européenne pour la justice en Palestine

Bruxelles, le 2 avril 2024
Présidente Ursula von der Leyen
Vice-président exécutif Valdis Dombrovskis
Commission européenne
Monsieur Charles Michel
Président du Conseil européen
Mme Roberta Metsola
Présidente du Parlement européen
Premier ministre Alexander De Croo
Présidence du Conseil de l’Union européenne
M. Josep Borrell
Haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité
Premiers ministres de tous les États membres de l’UE,
M. Jonas Gahr Støre
Premier ministre de la Norvège,

Mesdames et Messieurs,
Nous, syndicats européens soussignés, demandons à l’UE et aux pays européens de suspendre l’Accord d’Association avec Israël ainsi que les traités bilatéraux à la lumière des graves violations des droits de l’homme commises par le gouvernement israélien, en violation de l’article 2 de l’Accord d’Association UE-Israël.

Le conflit à Gaza et les restrictions supplémentaires sévères imposées par le gouvernement israélien en Cisjordanie ont eu un impact dévastateur sur les travailleurs palestiniens et ceux qu’ils soutiennent. L’OIT a indiqué en décembre que 66% des emplois à Gaza et 32% des emplois en Cisjordanie ont été perdus depuis le 7 octobre.

Le vendredi 26 janvier 2024, la Cour internationale de justice (CIJ) a estimé qu’il était plausible que les actes d’Israël puissent constituer un génocide à l’encontre de 2,3 millions de Palestiniens dans la bande de Gaza occupée et assiégée. La CIJ a également pris six mesures provisoires, ordonnant à Israël d’empêcher les actes de génocide à Gaza.

Au moment de la décision de la CIJ, plusieurs pays européens ont décidé de suspendre leur financement à l’UNRWA, suite à des accusations qui n’ont pas encore été prouvées, ce qui complique encore la fourniture de l’aide humanitaire à la population de Gaza. Nous demandons que cette aide soit rétablie, afin d’éviter d’autres morts dues au manque de ressources d’assistance pour la population civile.

Depuis que les juges ont rendu leur décision, la situation s’est encore détériorée. Plus de 30 000 Palestiniens sont morts, 1,7 million de personnes ont été déplacées et 93% d’entre elles souffrent de la faim. La dévastation est indéniable. L’arrêt de la CIJ a des implications plus larges pour tous les États, car tous ont l’obligation de s’abstenir de commettre un génocide, de le prévenir et de le punir où qu’il se produise. Nous rappelons à tous les États parties à la Convention qu’ils ont l’obligation légale d’assurer la mise en œuvre des « mesures provisoires », de prévenir le génocide et de s’assurer qu’ils ne sont pas complices d’un génocide.

En février 2023, l’Irlande et l’Espagne ont appelé à une « révision urgente » de l’Accord d’Association UE-Israël – et à une action s’il s’avère qu’Israël a violé ses obligations en matière de « respect des droits de l’homme et des principes démocratiques » qui « constituent la base même de l’association ».

La mutilation et le meurtre de dizaines de milliers de civils, la famine délibérée de la population et la destruction de tous les moyens de vie suggèrent en effet qu’Israël pourrait ne pas respecter strictement les droits de l’homme et les normes démocratiques à Gaza.

L’UE est le plus grand partenaire commercial d’Israël, avec des échanges s’élevant à plus de 46 milliards d’euros en 2023. Les échanges sont régis par l’accord d’association UE-Israël, qui comprend une clause relative aux droits de l’homme. Cela signifie que chaque partie peut suspendre unilatéralement l’accord en cas de violations graves des droits de l’homme.

Israël participe également au programme Horizon Europe, dans le cadre duquel les institutions israéliennes peuvent demander un financement au titre de ce programme de recherche et d’innovation d’une valeur de 95 milliards d’euros. L’accès à ce programme lucratif devrait également être immédiatement suspendu jusqu’à ce qu’Israël garantisse le respect de ses obligations en vertu du droit international.

Le 23 février, un groupe d’experts de l’ONU a lancé un appel urgent à l’arrêt immédiat des exportations d’armes vers Israël. En outre, le 12 février 2024, la cour d’appel néerlandaise a ordonné aux Pays-Bas de mettre fin à l’exportation de pièces d’avions de chasse F-35 vers Israël. La cour a estimé qu’il existait un « risque évident » que les pièces soient utilisées pour commettre ou faciliter de graves violations du droit international humanitaire, car « il existe de nombreux indices selon lesquels Israël a violé le droit humanitaire de la guerre dans un nombre non négligeable de cas ».

Nous soutenons ces déclarations et appelons l’UE et les pays européens à imposer un embargo militaire et à mettre un terme aux transferts d’armes via leurs pays, comme le demandent les syndicats palestiniens.

Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de nos salutations distinguées,

Réseau syndical européen pour la justice en Palestine
Co-signé par :
ACV-CSC (Belgique)
Pancyprian Federation of Labour PEO (Chypre)
Union Syndicale Solidaires (France)
Irish Congress of Trade Unions (Irlande)
La Centrale Générale-FGTB (Belgique)
Métallos-FGTB (Belgique)
CNE-CSC (Belgique)
ACV Puls (Belgique)
CGSP-ALR Bruxelles / ACOD-LRB Brussel (Belgique)
CGT-FNSCBA (France)
CGT-FDSP (France)
Fédération Syndicale Unitaire (France)
Fórsa (Irlande)
Communication Workers Union (Irlande)
Irish National Teachers Organisation (Irlande)
Teachers’ Union of Ireland (Irlande)
Mandate Trade Union (Irlande)
UNISON (Irlande du Nord)
NIPSA (Irlande du Nord)
Fagforbundet (Norvège)
Industri Energi (Norvège)
CGT – Confederación General del Trabajo (Espagne)
ELA (Pays Basque)
Solidaritat Obrera (Catalogne)
IAC-Intersindical alternativa de Catalunya (Catalogne)
Confederación Intersindical Galega (CIG) (Galice)
Intersindical Valenciana (Pays valencien)
SAT-PDI-US (Espagne)
Craigavon Trades Council (Irlande)
Dundee Trades Union Council (Ecosse)
Cork Council of Trade Unions (Irlande)
NUJ Dundee Branch (Ecosse)
Unite Retired Members Branch Dundee (Écosse/Royaume-Uni)
Dublin Council of Trade Unions (Irlande)
Fédération CGT des Services Publics (France)
CGT FDSP (France)
Syndicat CGT retraités de Morsang sur Orge UCR CGT (France)
Comité des syndicats CGT ville de Paris (France)
CGT Territoriaux Strasbourg Eurométropole (France)
CGT Territoriaux de Saint-Nazaire (France)
Coordination Syndicale Départementale CGT des Services Publics de Seine Maritime (France)
Section retraités service public ville de Tarbes et TLP (France)
UFICT CGT TX IVRY (France)

https://visa-isa.org/article/appel-urgent-des-syndicats-europeens-suspendre-laccord-dassociation-avec-israel

******
Le nouveau manuel de répression de la droite.

Chaque jour, de plus en plus de personnes reconnaissent que le soutien des États-Unis au génocide des Palestinien·nes par Israël est indéfendable. Notre mouvement n’a jamais été aussi important.

Et alors que nous atteignons des proportions véritablement historiques, nous sommes également confronté·es à un nouveau niveau de répression de la part des États. En réponse, nous devons être lucides sur les risques auxquels nous sommes désormais confronté·es, qui peuvent avoir et auront des répercussions sur la gauche américaine pendant des décennies.

Les calomnies contre notre mouvement prennent de l’ampleur et se traduisent par des attaques juridiques et législatives antidémocratiques. Notre opposition, soutenue par le poids et la puissance de l’alliance israélo-américaine et des groupes de méga-donateurs comme l’AIPAC, construit de nouveaux outils pour écraser notre pouvoir grandissant.

Au cours des derniers mois, nous avons assisté à des tentatives d’adoption d’une myriade de nouvelles lois criminalisant la protestation et qualifiant la liberté d’expression d’antisémite, à des accusations de délit contre des étudiant·es protestant dans leurs propres salles de classe, à un défilé de présidents d’université convoqués à des audiences maccarthystes au Congrès, et bien plus encore.

Face à cette menace croissante, notre mouvement ne ralentit pas, mais nous devons être attentifs.

La répression étatique ne surgit pas de nulle part.
Cela fait des années que les militant·es tirent la sonnette d’alarme au sujet de l’accélération de la répression étatique et du mépris croissant du gouvernement américain pour les droits à la liberté d’expression et de manifestation, depuis le mouvement anti-guerre de l’après 11 septembre jusqu’au mouvement « Black Lives Matter » et au-delà. Le gouvernement américain ne s’est pas contenté de réprimer durement les organisateurs et les organisatrices individuellement, il introduit de plus en plus de nouvelles lois visant à criminaliser et à interdir des mouvements sociaux entiers dans le cadre d’une vaste « guerre contre la protestation ».

Il commence par nous salir, mais il ne s’arrête pas là.
Le mouvement de libération de la Palestine a toujours été clair dans ses objectifs. Nous luttons pour mettre fin au génocide, à l’oppression des Palestinien·nes par Israël, à la liberté et à une vie digne pour tous les peuples. Notre opposition ne peut pas nous battre sur ces bases morales – c’est pourquoi elle s’acharne à calomnier et à mentir sur notre mouvement, en créant un tollé autour de slogans de protestation tels que « de la rivière à la mer, la Palestine sera libre ».

Cette obsession du langage sert deux objectifs. Le premier est de détourner l’attention de la violence constante, brutale et indéfendable d’Israël à l’encontre des Palestinien·nes en assimilant les mots protestant contre cette violence à la violence elle-même. Le second est de créer un prétexte pour une répression de plus en plus intense des manifestations en faveur de la Palestine.

Le cahier des charges de la répression ne cesse de s’étoffer.
Après avoir calomnié notre mouvement en le qualifiant d’antisémite et de dangereux, les forces qui cherchent à faire avancer un programme antidémocratique et de droite poussent à toute vapeur pour codifier cette répression, voyant dans la répression des manifestations pro-palestiniennes une ouverture pour faire avancer leurs objectifs autoritaires dans tous les domaines.

Extension de la surveillance étatique inconstitutionnelle.
Après le 11 septembre, les agences de surveillance américaines ont massivement étendu leur pouvoir d’espionnage anticonstitutionnel sur les citoyen·nes américain·es. Dans une lettre soutenant la réautorisation de la section 702 de la loi FISA, législation utilisée pour espionner des communications privées sans mandat, l’ADL a explicitement cité la surveillance des étudiant·es manifestant·es comme un avantage de l’extension de la loi.

Auditions du Congrès : Le nouveau maccarthysme.
Afin de renforcer le climat de peur et la suppression des actions de principe en faveur de la liberté des Palestinien·nes, la commission de l’éducation et de la main-d’œuvre de la Chambre des représentants a organisé un certain nombre d’auditions avec des président·es d’université, alors que le mouvement étudiant a pris de l’ampleur. La prochaine audition aura lieu jeudi, mais nous en avons déjà vu suffisamment pour en comprendre l’objectif.

Ces auditions ont systématiquement effacé le sujet des manifestations étudiantes : Le soutien des États-Unis à la guerre génocidaire d’Israël contre Gaza. Au lieu de cela, les membres du Congrès s’engagent dans une nouvelle forme de maccarthysme, exploitant de manière opportuniste les craintes d’antisémitisme afin d’alimenter le récit alarmiste de la prétendue « violence » des adolescent·es qui manifestent pacifiquement sur les pelouses des universités pour exiger le désinvestissement du génocide.

Attaques législatives contre la liberté d’expression.
Nous assistons actuellement à un rythme régulier d’attaques législatives contre les droits des personnes qui soutiennent la Palestine – et elles ne s’arrêteront pas là. Toute personne militant dans le cadre d’un mouvement social pourrait être prise pour cible.

La loi sur la sensibilisation à l’antisémitisme (Antisemitism Awareness Act) récemment introduite interdirait effectivement toute critique du gouvernement israélien, en utilisant la définition fausse et dangereuse de l’IHRA pour qualifier une telle critique d’antisémite par définition. Un autre nouveau texte législatif est tout aussi flagrant dans sa partialité, exploitant les tropes islamophobes pour accuser les organisations caritatives américaines de soutenir des organisations terroristes – ce que toutes les organisations américaines sont bien sûr déjà légalement interdites de faire. Ce projet de loi donne le pouvoir de priver les organisations 501(c)(3) de leur statut d’exonération fiscale, une menace qui pourrait être utilisée non seulement contre notre mouvement, mais aussi contre toute organisation qui s’oppose à la politique du gouvernement américain. L’ADL a dépensé des sommes record pour faire pression sur ces deux projets de loi.

Au niveau des États, une multitude de nouvelles lois sont introduites pour interdire et criminaliser les tactiques de protestation pacifique, comme le blocage des autoroutes, qui ont été utilisées depuis le mouvement des droits civiques. Certaines de ces lois citent directement les actions de protestation du JVP et de ses organisations partenaires contre le génocide israélien comme des exemples de protestations à proscrire.

Guerre juridique contre les personnes de conscience.
À la suite des accusations forgées de toutes pièces contre les manifestant·es de Stop Cop City à Atlanta, les procureurs de l’État ont poursuivi leurs efforts pour déformer les lois anti-criminalité afin de couvrir l’action politique. Les étudiant·es manifestant·es qui ont été arrêté·es lors des opérations de ratissage des campements de solidarité avec Gaza sont aujourd’hui confronté·es à diverses accusations, y compris des délits, pour leur participation aux manifestations. Souvent, les procureurs savent que ces accusations ne tiendront pas. Leur objectif est plutôt d’utiliser la menace d’une peine de prison pour harceler et intimider les gens afin qu’ils cessent de militer.

Ils ne reculeront devant rien.
L’objectif est clair : nous faire taire et maintenir l’alliance entre les États-Unis et Israël, à n’importe quel prix. Ces machinations témoignent de la force de notre mouvement – nous savons aussi bien qu’eux que la majorité de la population est avec nous. Comme ils ne peuvent pas nous vaincre politiquement, ils doivent recourir à la force brute pour tenter d’éradiquer notre mouvement.

Notre mouvement tente de forcer le gouvernement américain à sanctionner Israël, son principal partenaire à l’étranger, et à s’en désengager. Des milliards de dollars sont en jeu. Mais il en va de même pour des millions de vies. Les règles du jeu sont inégales. Il est essentiel que nous sachions à quoi nous nous heurtons et comment sont construits les outils utilisés pour tenter de nous effrayer et de nous réduire au silence, afin que nous puissions mieux lutter pour un avenir libéré pour nous tous.

Dites-le au Congrès : S’opposer au génocide n’est pas antisémite.

Jonathan Greenblatt et l’ADL sont en croisade depuis des années pour défendre l’apartheid israélien en étouffant la liberté d’expression, en dépeignant faussement l’activisme antisioniste comme antisémite à chaque fois, et en mettant une cible sur le dos de toute personne solidaire de la Palestine.

Aujourd’hui, l’ADL fait pression sur le Congrès pour qu’il vote une loi adoptant une définition controversée et dangereuse de l’antisémitisme.

Utilisez cet outil de notre organisation sœur JVP Action pour dire à vos sénateurs d’empêcher l’adoption de ce projet de loi dangereux.

Envoyer un courriel

Jewish Voice for Peace
http://www.jewishvoiceforpeace.org/2024/05/22/new-right-wing-repression-playbook/
Traduit avec DeepL.com (version gratuite)

*-*

Sur le mot d’ordre « de la rivière à la mer, la Palestine sera libre », lire la critique de Norman Finkelstein : En soutien aux manifestations étudiantes (États-Unis)   Construire une majorité pour la Palestine
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/05/13/du-fleuve-a-la-mer-toutes-et-tous-les-etres-humains-seront-libres/
Lire aussi : Josh Yunis : Parler en tant que juif
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/05/18/parler-en-tant-que-juif/

******
Israël armé par les Etats-Unis : comment et avec quelle ampleur Biden contourne les procédures établie ?

Les Etats-Unis sont depuis longtemps le plus grand fournisseur d’armes d’Israël. Au cours des quatre dernières années, les Etats-Unis ont fourni à Israël 69% de ses importations d’armes: des F-35 aux munitions chimiques (phosphore blanc), en passant par les obus de chars et les bombes de précision. Malgré cela, l’administration Biden prétend ne pas savoir comment ces armes sont utilisées, même lorsqu’elles mutilent et tuent des citoyens américains [référence à la frappe ayant causé la mort de sept employés de World Central Kitchen, le 1er avril].

Depuis le début de la dernière guerre contre Gaza, des fonctionnaires du ministère de la Défense et de la CIA se trouvent en Israël pour aider les Israéliens dans les domaines du renseignement, de la logistique, du ciblage et de l’évaluation des dommages causés par les bombes. Pourtant, l’administration Biden affirme n’avoir aucune preuve tangible que les armes qu’elle a transférées à Israël ont été utilisées pour massacrer des civils, torturer des détenus ou restreindre l’acheminement de l’aide humanitaire aux civils palestiniens affamés, déshydratés et malades.

***

Sous la pression de Bernie Sanders [sénateur indépendant du Vermont], Chris Van Hollen [sénateur démocrate du Maryland], Jeff Merkley [sénateur démocrate de l’Oregon]et d’autres démocrates du Congrès, le président a publié en février le mémorandum de sécurité nationale 20 (NSM-20, ou « mémorandum de sécurité nationale sur les garanties et la responsabilité concernant les articles de défense et les services de défense transférés »). Ce dernier demande au département d’Etat d’« obtenir certaines assurances écrites crédibles et fiables de la part des gouvernements étrangers recevant des équipements de défense [américains] et, le cas échéant, des services de défense » qu’ils respecteront le droit américain et le droit international. La NSM-20 exige également que les départements d’Etat et de la Défense fassent rapport au Congrès dans les 90 jours sur la mesure dans laquelle ces partenaires respectent leurs assurances. Il souligne « l’évaluation de tout rapport ou allégation crédible selon lequel des équipements de défense et, le cas échéant, des services de défense, ont été utilisés d’une manière non conforme au droit international, y compris le droit international humanitaire ». Le rapport NSM-20 demandait également à l’administration Biden d’évaluer si Israël avait pleinement coopéré avec les efforts internationaux et soutenus par le gouvernement des Etats-Unis pour fournir une assistance humanitaire dans la zone de conflit. Le délai de 90 jours a été dépassé de deux jours [le 17 mai], ce qui a probablement repoussé la publication du rapport à la fin de l’après-midi d’un vendredi, moment traditionnellement creux pour les nouvelles que l’on voudrait enterrer.

***

Depuis le 7 octobre, l’administration Biden a approuvé plus de 100 transferts d’armes à Israël dans le cadre des ventes de matériel militaire à l’étranger. Deux de ces transferts ont fait l’objet d’une autorisation d’urgence afin de contourner l’examen du Congrès. La vague de transferts d’armes vers Israël a commencé au début du mois d’octobre et la quantité de matériel expédié était telle que le Pentagone a eu du mal à trouver suffisamment d’avions-cargos pour les acheminer. Alors que le Pentagone fournit régulièrement des informations détaillées sur les armes envoyées en Ukraine, il n’a publié que deux mises à jour sur le type et la quantité d’armes envoyées en Israël. Mais ces deux rapports, publiés en décembre 2023, suggèrent que les armes comprenaient des obus d’artillerie, des obus de chars, des systèmes de défense aérienne, des munitions guidées de précision, des armes légères, des missiles Hellfire utilisés par des drones, des obus de canon de 30 mm, des dispositifs de vision nocturne PVS-14 et des roquettes à épaulement jetables (mais probablement pas biodégradables). Fin octobre, une vente à Israël comprenait des kits JDAM (Joint Direct Attack Munition) d’une valeur de 320 millions de dollars, destinés à convertir des bombes « muettes » non guidées en munitions guidées par GPS. Cette vente s’ajoutait à une autre, d’une valeur de 403 millions de dollars, portant sur les mêmes systèmes de guidage. Entre le 7 octobre et le 29 décembre, les livraisons d’armes américaines à Israël comprenaient 52 229 obus d’artillerie M795 de 155 millimètres, 30 000 charges propulsives M4 pour obusiers, 4792 obus d’artillerie M107 de 155 millimètres et 13 981 obus de chars M830A1 de 120 millimètres.

Depuis des années, les Etats-Unis conservent en Israël un stock d’armes secrètes destinées à être utilisées dans le cadre d’opérations américaines au Moyen-Orient. Dans un geste extraordinaire, l’administration Biden a donné aux FDI (Forces de défense israéliennes) l’accès à ces munitions, y compris les bombes de 2000 livres qui ont été utilisées pour détruire les villes de Gaza. Les Etats-Unis auraient transféré au moins 5000 « bombes muettes » de 2000 livres à Israël depuis le 7 octobre.

Ces transferts et ventes d’armes s’inscrivent en grande partie dans le cadre d’un accord conclu en 2016 par l’administration Obama, qui engageait les Etats-Unis à fournir à Israël au moins 38 milliards de dollars d’armes sur dix ans. En mars, alors que le nombre officiel de morts à Gaza avait déjà dépassé les 30 000, le département d’Etat a autorisé le transfert de 25 avions de combat F-35A et de leurs moteurs, d’une valeur d’environ 2,5 milliards de dollars. Cet accord a été rapidement suivi, en avril, par l’approbation par Biden de la vente de 50 chasseurs F-15 à Israël, pour un prix de vente total de 18 milliards de dollars. Plus tard, en avril, Biden a signé un programme d’aide qui permettra à Israël de bénéficier d’une aide militaire supplémentaire de 15 milliards de dollars.

***

Aucun de ces transferts n’a été assorti de conditions quant à l’utilisation des armes. En effet, le porte-parole du Conseil de sécurité nationale de Joe Biden, John Kirby, a déclaré à plusieurs reprises que la Maison-Blanche n’avait imposé « aucune ligne rouge» pour les offensives d’Israël à Gaza et au Sud-Liban. Selon une analyse du Washington Post, les FDI ont largué plus de 22 000 munitions sur Gaza au cours des 45 premiers jours de la guerre, munitions qui ont été fabriquées aux Etats-Unis.

L’administration Biden s’était enfermée dans un carcan, car les « lignes rouges » étaient déjà fixées. Et ce n’est pas seulement le droit international, pour lequel l’administration Biden fait régulièrement preuve de mépris lorsqu’il s’applique aux Etats-Unis et à leurs alliés, qui interdit les ventes d’armes aux pays qui violent le droit humanitaire, mais aussi plusieurs lois américaines, ainsi que les procédures internes de l’exécutif de Biden.

***

La loi, les règlements et la politique de transfert d’armes conventionnelles des Etats-Unis exigent la suspension de l’assistance militaire lorsque nos transferts d’armes sont utilisés en violation du droit humanitaire international :

  • La « loi Leahy » (22 U.S. Code § 2378d) exige l’interruption automatique de l’aide américaine à la sécurité des unités militaires étrangères impliquées de manière crédible dans des violations flagrantes des droits de l’homme.

  • La section 502B de la loi sur l’assistance aux pays étrangers interdit aux Etats-Unis de fournir une assistance en matière de sécurité à tout gouvernement qui se livre à des violations flagrantes et systématiques des droits de l’homme [ce que tendent à confirmer les dernières conclusions de la CIJ et de la CPI].

  • La section 620I de la loi sur l’aide à l’étranger « …interdit aux Etats-Unis de fournir une assistance en matière de sécurité ou de vendre des armes à tout pays lorsque le président est informé que le gouvernement interdit ou restreint, directement ou indirectement, le transport ou l’acheminement de l’aide humanitaire des États-Unis ».

  • La politique de transfert d’armes conventionnelles de l’administration Biden, publiée en 2023, stipule que les Etats-Unis ne transféreront pas d’armes lorsqu’il est « plus probable qu’improbable » que ces armes seront utilisées pour commettre, faciliter la réalisation ou aggraver le risque de violations graves des droits de l’homme ou du droit humanitaire international, parmi d’autres violations spécifiées.

  • En 2022, l’administration Biden a signé, avec plus de 80 autres pays, une déclaration commune sur les armes explosives dans les zones peuplées (EWIPA-Explosive Weapons in Populated Areas), dans laquelle les signataires « condamnent fermement toute attaque dirigée contre des civils, d’autres personnes protégées et des biens civils, y compris les convois d’évacuation de civils, ainsi que les bombardements aveugles et l’utilisation aveugle d’armes explosives» , qui sont incompatibles avec le droit humanitaire international.

***

Comment Biden pourrait-il se sortir de ce dilemme ?
Bien que le département d’Etat américain ait prudemment admis qu’il était « raisonnable d’estimer » qu’Israël utilisait des armes fournies par les Etats-Unis dans des cas qui, selon lui, pourraient être « incompatibles » avec les obligations du droit humanitaire international et avec le mémorandum américain sur la sécurité nationale de février 2024 qui exige des gouvernements étrangers qu’ils garantissent qu’ils ne violeront pas les droits de l’homme avec des armes achetées aux Etats-Unis, il a conclu qu’il ne disposait d’aucune preuve tangible que c’était le cas. Plus risible encore, le rapport du département d’Etat a déclaré qu’il acceptait comme « crédibles et fiables » les assurances d’Israël selon lesquelles il utiliserait les armes américaines conformément à la loi, étant donné l’absence d’informations complètes permettant de vérifier que les armes américaines ont bien été utilisées dans des cas spécifiques. L’administration n’a pas non plus constaté qu’Israël avait intentionnellement entravé l’aide humanitaire à Gaza, du moins pas pendant la semaine où le rapport a été publié, ce qui semble être à peu près tout ce qu’elle a pris en compte.

Alors que le NSM-20 demandait au département d’Etat d’enquêter sur «tout rapport ou allégation crédible» concernant une éventuelle utilisation abusive d’armes américaines par le gouvernement israélien, l’équipe d’Antony Blinken n’a examiné que dix incidents, et encore, de manière superficielle. Lorsqu’il s’est agi de déterminer si Israël avait mis en œuvre les «meilleures pratiques» pour limiter les dommages causés aux civils lors de ses opérations militaires dans des zones urbaines densément peuplées, le rapport de Blinken n’a pas identifié ni examiné de cas spécifiques, se contentant de citer la conclusion anodine de la Communauté du renseignement des Etats-Unis selon laquelle Israël «pourrait faire plus» pour éviter les pertes civiles.

Selon Akbar Shahid Ahmed, du Huffington Post (le 9 mai), deux des principaux collaborateurs de Joe Biden, Jack Loew (ambassadeur en Israël) et David Satterfield (envoyé humanitaire à Gaza), ont joué un rôle décisif dans l’édulcoration des critiques formulées par le rapport conter Israël, en particulier en ce qui concerne la restriction des flux d’aide à Gaza. Un fonctionnaire du département d’Etat a déclaré à Amar : « C’était la tâche de Satterfield de défendre Israël. »

Les preuves du massacre massif de civils par Israël, du bombardement de cibles non militaires et d’infrastructures civiles, de l’assassinat de travailleurs humanitaires et de personnel médical, ainsi que du retard, de l’obstruction et de la restriction de l’aide humanitaire sont accablantes et ont été méticuleusement documentées depuis octobre par l’ONU, ainsi que par des organisations humanitaires et de défense des droits de l’homme, dont Amnesty International, Oxfam et Human Rights Watch. Si le département d’Etat ne pouvait pas obtenir les évaluations de la CIA et du Pentagone, il aurait pu consulter et évaluer les rapports préparés par ces organisations. Mais, comme l’a noté Chris Van Hollen, « ces rapports indépendants soulignent une tendance inquiétante : l’administration cite l’important travail de ces organisations lorsque cela lui convient, mais l’ignore lorsque cela ne lui convient pas ».

***

Pour mémoire, examinons le dossier depuis le 7 octobre en suivant simplement le cheminement des missiles.
Le 7 octobre, jour des attaques du Hamas, Israël a coupé l’électricité qu’il fournit à Gaza, la principale source d’énergie de la bande. L’électricité est restée coupée au moins jusqu’au mois de mars.

Le 7 octobre 2023, Nidal al-Waheidi et Haitham Abdelwahed, journalistes palestiniens de Gaza, ont été arrêtés par les FDI alors qu’ils couvraient l’attaque menée par le Hamas dans le sud d’Israël. Plus de sept mois plus tard, les autorités israéliennes refusent toujours de révéler le lieu où ils se trouvent, ainsi que les motifs légaux et les raisons de leur arrestation.

En octobre, Israël a utilisé des munitions d’attaque directe conjointes (JDAM-Joint Direct Attack Munitions) fabriquées aux Etats-Unis lors de deux frappes meurtrières sur des maisons palestiniennes dans la bande de Gaza occupée, tuant 43 civils – 19 enfants, 14 femmes et 10 hommes.

Le 9 octobre, une frappe aérienne des Forces de défense israéliennes sur le camp de réfugiés de Jabalia a détruit plusieurs bâtiments à plusieurs étages, tuant au moins 39 personnes. Le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH) a constaté qu’il n’y avait pas d’objectif militaire spécifique et qu’aucun avertissement n’avait été donné avant l’attaque.

Le 9 octobre 2023, le ministre israélien de la Défense, Yoav Gallant, a annoncé un « siège complet » de Gaza: « Nous imposons un siège complet à [Gaza]. Pas d’électricité, pas de nourriture, pas d’eau, pas de carburant – tout est fermé. Nous combattons des animaux humains et nous agissons en conséquence. » La politique de blocus a été réaffirmée le 18 octobre 2023 par le Premier ministre Benyamin Netanyahou, qui a déclaré que « nous n’autoriserons pas l’aide humanitaire sous forme de nourriture et de médicaments à partir de notre territoire vers la bande de Gaza ». Pendant les douze jours qui ont suivi, Israël a fermé tous les points d’accès à Gaza et a bombardé à plusieurs reprises le poste-frontière de Rafah avec l’Egypte. Le blocus complet impose une punition collective à tous les habitants de Gaza et viole la section 620I du Foreign Assistance Act.

Le 10 octobre, une frappe aérienne des FDI a démoli un bâtiment dans le quartier Sheikh Radwan de la ville de Gaza, tuant au moins 40 civils. Selon Amnesty International, un membre du Hamas vivait à l’un des étages de l’immeuble, mais il n’était pas présent au moment du bombardement. Le même jour, une frappe aérienne des FDI sur une maison à Deir al Balah a tué 21 membres de la famille al Najjar ainsi que trois voisins. L’enquête d’Amnesty International a permis d’établir qu’une bombe de 2000 livres équipée d’une munition d’attaque directe conjointe (JDAM) et d’un kit de guidage avait été utilisée lors de cette frappe meurtrière. Rien n’indique qu’il y ait eu des cibles militaires légitimes dans la zone.

Le 11 octobre, la seule centrale électrique de Gaza s’est retrouvée à court de réserves de carburant, après qu’Israël a bloqué l’entrée du carburant dans la bande.

Le 13 octobre, une attaque de chars israéliens dans le sud du Liban a tué le journaliste de Reuters Issam Abdallah, grièvement blessé la photographe de l’AFP Christina Assi, et blessé cinq autres reporters, dont un citoyen américain. Selon une enquête de Human Rights Watch, les tirs des Israéliens étaient « apparemment une attaque délibérée contre des civils, ce qui constitue un crime de guerre ».

Le 16 octobre, les forces israéliennes ont utilisé du phosphore blanc de fabrication américaine lors d’une attaque à Dhayra, dans le sud du Liban, d’une manière incompatible avec le droit humanitaire international, qui a blessé au moins neuf civils et endommagé des bâtiments civils. Le ministère libanais de l’Environnement a déclaré qu’au moins 6,82 kilomètres carrés de terres ont été brûlés lors des attaques des forces israéliennes, en grande partie à cause du phosphore blanc. Une enquête menée par le Washington Post a révélé que l’armée israélienne avait utilisé des munitions au phosphore blanc fournies par les Etats-Unis lors de ces attaques.

Le 19 octobre, une frappe aérienne israélienne a détruit un bâtiment dans l’enceinte de l’église orthodoxe grecque Saint Porphyre, au cœur de la vieille ville de Gaza, où s’abritaient environ 450 personnes déplacées de la petite communauté chrétienne de Gaza. La frappe a tué 18 civils et en a blessé au moins 12 autres.

Le 19 octobre, les FDI ont mené deux frappes aériennes sur la maison de la famille Saqallah à Sheikh Ajleen près de Tal-Hawa, à l’ouest de la bande de Gaza, où la famille élargie s’était réunie pour s’abriter de l’attaque. Tous les occupants de la maison ont été tués, dont 4 enfants et 4 médecins.

Le 20 octobre, 28 civils, dont 12 enfants, ont été tués par une frappe israélienne qui a détruit la maison de la famille al-Aydi et gravement endommagé deux maisons voisines dans le camp de réfugiés d’al-Nuseirat. Les maisons se trouvaient dans une zone du centre de la bande de Gaza où l’armée israélienne avait ordonné aux habitants du nord de la bande de Gaza de se déplacer.

Le 21 octobre, Israël n’a autorisé que 20 camions d’aide humanitaire, contenant des denrées alimentaires, de l’eau, du fourrage pour les animaux, des fournitures médicales et du carburant, à passer par le point de passage de Rafah pour entrer dans la bande de Gaza. En revanche, avant le 7 octobre, la population de Gaza dépendait en moyenne de 500 camions chargés de nourriture, d’eau, de médicaments et d’autres produits essentiels chaque jour. Des mois plus tard, lorsqu’Israël a finalement ouvert les points de passage de Rafah et de Kerem Shalom, les FDI ont imposé un système d’inspection arbitraire et restrictif qui a entraîné des embouteillages massifs et de longues files d’attente pouvant aller jusqu’à 2000 camions. Aujourd’hui encore, il faut en moyenne 20 jours aux camions humanitaires pour se rendre du point d’inspection israélien d’Al Arish à Gaza.

Le 22 octobre 2023, une frappe aérienne des FDI sur une maison à Deir al-Balah a tué 18 membres de la famille Mu’ei-leq – 12 enfants et 6 femmes – ainsi qu’un voisin. Amnesty International a établi que la maison avait été touchée par une bombe de 1000 livres équipée d’une munition d’attaque directe conjointe (JDAM) dotée d’un système de guidage.

Entre le 7 octobre et le 7 novembre, les forces israéliennes ont bombardé plusieurs hôpitaux et cliniques, notamment l’hôpital de l’amitié turco-palestinienne, l’hôpital indonésien et le centre international de soins ophtalmologiques. Les hôpitaux bénéficient d’un statut protégé en vertu du droit humanitaire international et ne perdent leur protection contre les attaques que s’ils sont utilisés pour commettre des « actes préjudiciables à l’ennemi », bien que les avertissements, la proportionnalité et la distinction soient toujours requis.

Le 25 octobre, des frappes aériennes israéliennes ont décimé le quartier d’Al Yarmouk, détruisant sept tours résidentielles. Dans la seule tour résidentielle Al Taj, le bombardement a tué 91 Palestiniens, dont 28 femmes et 39 enfants.

Le 31 octobre, une frappe aérienne des FDI a visé un immeuble d’habitation de six étages près du camp de réfugiés de Nuseirat, dans le centre de Gaza. Au moins 106 civils, dont 54 enfants, ont été tués dans ce bombardement. Les autorités israéliennes n’ont fourni aucune justification pour cette attaque. Human Rights Watch n’a trouvé aucune preuve de l’existence d’une cible militaire à proximité de l’immeuble au moment de l’attaque.

Le 5 novembre, les forces israéliennes ont frappé une famille dans une voiture dans le sud du Liban, tuant trois filles âgées de 10, 12 et 14 ans et leur grand-mère. Human Rights Watch n’a trouvé aucune preuve de l’existence d’une cible militaire à proximité de la voiture qui a été frappée et qui ne contenait que des civils en fuite. Selon Human Rights Watch, l’attaque de la voiture montre « un mépris inconsidéré de l’armée israélienne pour son obligation de faire la distinction entre les objets civils et militaires et un manquement significatif à l’obligation de prendre des mesures de protection adéquates pour éviter la mort de civils ».

Le 3 novembre, une frappe aérienne israélienne sur une ambulance balisée à l’extérieur de l’hôpital al-Shifa a tué 21 personnes, dont 5 enfants, et en a blessé 60. Les ambulances sont des biens civils protégés en vertu du droit international humanitaire et ne peuvent être prises pour cible lorsqu’elles sont utilisées pour soigner des blessés et des malades, qu’il s’agisse de civils ou de combattants. Un porte-parole des FDI a justifié l’attaque lors d’une interview télévisée en déclarant : « Nos forces ont vu des terroristes utiliser des ambulances pour se déplacer. Elles ont perçu une menace et, en conséquence, nous avons frappé cette ambulance. » Human Rights Watch n’a trouvé aucune preuve que l’ambulance attaquée était utilisée à des fins militaires, mais a au contraire vérifié une vidéo montrant une femme sur un brancard dans l’ambulance.

En décembre 2023, des frappes aériennes des FDI ont détruit plusieurs bâtiments dans le camp de réfugiés d’Al Maghazi, tuant au moins 68 personnes. Un responsable militaire israélien a admis à la chaîne publique israélienne Kanque « [l]e type de munition ne correspondait pas à la nature d’un tel objectif, causant d’importants dommages collatéraux qui auraient pu être évités ».

Du 1er janvier au 12 février, plus de la moitié des missions d’aide humanitaire prévues dans le nord de Gaza ont été entravées par les autorités israéliennes. Les restrictions comprenaient : l’absence de garantie d’un passage sûr ; l’absence d’ouverture de routes supplémentaires vers le nord de Gaza; des retards excessifs ; et le refus pur et simple de l’accès par l’armée israélienne.

Le 9 janvier 2024, une frappe aérienne israélienne a touché un immeuble d’habitation de cinq étages appartenant à la famille Nofal dans le quartier de Tal Al-Sultan à Rafah. L’attaque a tué 18 civils, dont 10 enfants, quatre hommes et quatre femmes. Au moins huit autres personnes ont été blessées. Une analyse des fragments de la bombe effectuée par Amnesty International a permis de déterminer qu’il s’agissait d’une bombe de petit diamètre GBU-39 à guidage de précision, fabriquée aux Etats-Unis par Boeing.

Le 29 janvier 2024, les FDI ont attaqué une voiture transportant la famille de Hind Rajab, une fillette palestinienne de 6 ans, dans la zone identifiée plus tard comme Tel Al-Hawa, dans la ville de Gaza. La plupart des membres de sa famille ont été tués lors de l’attaque initiale, laissant Hind en vie parmi les corps de ses six parents. Deux médecins du Croissant-Rouge palestinien ont été dépêchés pour secourir Hind, qui a peut-être été tuée par les tirs israéliens avant leur arrivée. Ils ont également été attaqués et tués. Leur ambulance a été écrasée par des chars israéliens. Le Washington Post a identifié sur les lieux un fragment d’obus de 120 mm de fabrication américaine.

Le 2 février, un navire israélien a tiré sur un convoi de l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) qui attendait d’entrer dans le nord de Gaza par la route Al Rashid.

Le 13 février, il a été révélé que le ministre israélien des Finances, Bezalel Smotrich, bloquait la livraison d’une cargaison de farine financée par les Etats-Unis au port d’Ashdod depuis au moins le 19 janvier 2024, alors que Netanyahou avait assuré à Biden que la cargaison serait autorisée à entrer à Gaza.

Le 16 février, la production d’eau à Gaza n’était plus que de 5,7% de ce qu’elle était avant le début de la guerre, ce qui a entraîné des cas de déshydratation grave, ainsi que l’apparition de maladies, notamment l’hépatite A et la diarrhée. Depuis novembre, les habitants du nord de Gaza n’ont pas accès à l’eau potable, tandis que depuis mars, les habitants du sud de Gaza ne disposent en moyenne que de deux litres d’eau par jour.

Le 24 mars 2024, alors que le nord de Gaza est au bord de la famine, les autorités israéliennes déclarent aux Nations unies qu’elles n’autoriseront plus le passage de convois alimentaires de l’UNRWA dans le nord de Gaza. Le même jour, les forces israéliennes ont tiré sur des personnes qui attendaient la distribution de nourriture sur un site situé au rond-point de Koweït.

Le 1er avril, une frappe aérienne israélienne a tué sept travailleurs humanitaires de la World Central Kitchen suite à trois frappes distinctes sur des véhicules portant le logo de la WCK dans une rue « désignée pour le passage de l’aide humanitaire ». Les trois voitures ont été frappées l’une après l’autre et ont été retrouvées détruites à près d’un kilomètre et demi de distance. Les frappes ont été autorisées par un colonel et supervisées par un major.

***

Voici un extrait du rapport (publié le 18 avril) de l’Independent Task Force on NSM-20, rédigé par Noura Erakat et Josh Paul, ancien fonctionnaire du département d’Etat : « Bien qu’Israël ait attribué les 34 000 victimes palestiniennes, dont 70% sont des femmes et des enfants, à la prétendue utilisation de civils comme boucliers humains par le Hamas, nous avons constaté que dans 11 des 16 incidents que nous avons analysés, Israël n’a même pas défini publiquement une cible militaire ou tenté de justifier l’attaque. Sur les cinq incidents restants, Israël a publiquement désigné des cibles, avec vérification dans deux cas, mais aucun avertissement de précaution n’a été donné et nous estimons que les dommages civils anticipés étaient connus et excessifs. »

Depuis qu’Antony Blinken a publié son rapport réaffirmant sa confiance en Israël pour utiliser son arsenal américain de manière responsable, Israël a fermé le point de passage de Rafah, forcé plus de 500 000 personnes à quitter la ville [1], recommencé à bombarder le camp de réfugiés de Jabalia déjà dévasté, frappé un camion d’aide de l’ONU par un drone, laissé 20 médecins américains bloqués à l’hôpital sans eau. Et les forces de sécurité israéliennes se sont retirées alors que des centaines de colons et de paramilitaires israéliens détruisaient les fournitures d’un convoi humanitaire et incendiaient deux des camions.

En réponse à ces nouvelles atrocités, Joe Biden a approuvé un nouveau transfert de 1,2 milliard de dollars d’armes (700 millions de dollars de munitions pour chars, 500 millions de dollars de véhicules tactiques et 60 millions de dollars d’obus de mortier) vers Israël, ce qui constituera certainement une récompense bienvenue lorsque les FDI franchiront une nouvelle ligne rouge de facto fictive dans leur assaut terrestre sur Rafah.

Jeffrey St. Clair 

[1] Déclaration de Martin Griffiths, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et coordinateur des secours d’urgence, sur Rafah, le 24 mai
« La souffrance et la misère que l’opération militaire israélienne à Rafah a infligées à la population de Gaza n’ont rien de limité.
Comme on le craignait, il s’agit d’une tragédie sans nom.
L’incursion terrestre à Rafah a déplacé plus de 800 000 personnes, qui ont fui une fois de plus en craignant pour leur vie et sont arrivées dans des zones dépourvues d’abris adéquats, de latrines et d’eau potable.
Elle a interrompu l’acheminement de l’aide dans le sud de la bande de Gaza et paralysé une opération humanitaire déjà à bout de souffle.
Elle a interrompu les distributions de nourriture dans le sud et ralenti l’approvisionnement en carburant des éléments vitaux de Gaza – boulangeries, hôpitaux et puits d’eau – jusqu’à ce qu’il ne reste plus qu’un mince filet d’eau.
Bien qu’Israël ait rejeté les appels de la communauté internationale à épargner Rafah, la clameur mondiale en faveur d’un arrêt immédiat de cette offensive est devenue trop forte pour être ignorée.
Avec l’adoption aujourd’hui de la résolution 2730 du Conseil de sécurité appelant à la protection des travailleurs humanitaires et l’ordre de la Cour internationale de justice d’ouvrir le point de passage de Rafah pour fournir une aide à grande échelle et mettre fin à l’offensive militaire, nous vivons un moment de clarification.
C’est le moment d’exiger le respect des règles de la guerre auxquelles tous sont tenus. Les civils doivent pouvoir se mettre à l’abri. L’aide humanitaire doit être acheminée sans obstruction. Les travailleurs humanitaires et le personnel des Nations unies doivent pouvoir accomplir leur travail en toute sécurité.
Alors que la population de Gaza est confrontée à la famine, que les hôpitaux sont attaqués et envahis, que les organisations humanitaires sont empêchées d’atteindre les personnes dans le besoin, que les civils sont bombardés du nord au sud, il est plus important que jamais de tenir compte des appels lancés au cours des sept derniers mois:
Libérer les otages. Accepter un cessez-le-feu. Mettez fin à ce cauchemar. » (Traduction rédaction A l’Encontre)

Jeffrey St. Clair
Jeffrey St. Clair est rédacteur en chef de CounterPunch. Son livre le plus récent est An Orgy of Thieves: Neoliberalism and Its Discontents (Counterpunch, novembre 2022, avec Alexander Cockburn).
Article publié dans Counterpunch le 17 mai 2024 ; traduction rédaction A l’Encontre
http://alencontre.org/ameriques/americnord/usa/israel-arme-par-les-etats-unis-comment-et-avec-quelle-ampleur-biden-contourne-les-procedures-etablies.html

******
Semaine nationale d’action du 18 au 25 mai 2024 pour contraindre Carrefour à cesser sa complicité avec la colonisation israélienne

logo site-page001

Depuis plus de 7 mois l’armée israélienne mène une guerre génocidaire contre la population de Gaza qui a déjà fait plus de 35 000 morts dont près de la moitié d’enfants. Dans le même temps, le gouvernement fasciste israélien conduit une accélération brutale de la colonisation de la Palestine. Chaque jour, les forces d’occupation et les colons sèment la mort et la destruction en toute impunité . Dans ce contexte, la complicité active du groupe Carrefour avec cette colonisation qui s’est encore aggravée est des plus indécente et insupportable.

À l’occasion de l’Assemblée générale des actionnaires de Carrefour qui va se tenir le vendredi 24 mai, l’AFPS et les organisations signataires du rapport dénonçant la complicité de Carrefour avec la colonisation israélienne organisent une grande semaine d’action du 18 au 25 mai 2024 pour appeler les citoyens et citoyennes attaché-e-s à la justice et au respect du droit, partout dans le monde, à s’adresser au PDG de Carrefour pour exiger que l’entreprise se retire de tous les accords signés, depuis deux ans avec des sociétés israéliennes très impliquées dans la colonisation.

La tenue de l’Assemblée générale, près de Paris, sera l’occasion d’une forte mobilisation en Île de France. Durant cette période, seront organisées des actions menées dans de nombreuses villes de France par les groupes locaux de l’AFPS, en partenariat avec les organisations participant à cette campagne.

Nous invitons toutes les personnes révoltées par la colonisation israélienne et l’horreur des crimes qu’elle engendre à écrire au PDG de Carrefour.

Agir contre la colonisation de la Palestine et les crimes contre le peuple palestinien, cela commence par dénoncer et s’opposer à tous les actes commis chez nous, en France, qui encouragent cette colonisation, en particulier la complicité d’entreprises françaises comme Carrefour.

Communiqué par I.A.

******
Communiqué 22/05/2024 – Collectif GOLEM

Nous étions invités le mardi 21 mai à une table ronde organisée par la présidence de l’Université de Lille en présence de Régis Bordet, président de l’Université de Lille et animée par Pierre Savary, di-recteur de l’ESJ, sur le thème Israël-Palestine : Comment une communauté universitaire s’engage avec la présidente de l’association Academic Solidarity With Palestine et deux militants de l’Association Libre Palestine.

Nous y allions pour dénoncer la restriction des libertés publiques et la répression du mouvement étudiant en soutien au peuple palestinien avec l’interdiction de conférences et les interventions policières dans les universités. Nous y allions également pour alerter sur l’antisémitisme dont sont victimes les étudiants juifs depuis le 7 octobre et la nécessité pour les organisations syndicales étudiantes, pour le mouvement de solidarité avec la Palestine et pour l’administration universitaire d’entendre leur souffrance. Et de garantir aux étudiants juifs des conditions d’études sereines en combattant l’antisémitisme.

Malheureusement nous n’avons pas pu faire entendre notre voix car nous sommes tombés dans une véritable embuscade. Avant même le début de la table ronde, les deux militants de Libre Palestine ont refusé de nous adresser la parole ce qui n’augure rien de bon dans le cadre d’une discussion. Après une présentation rapide du débat par Pierre Savary, une militante de Libre Palestine a lu un communiqué collectif, préparé à l’avance avec l’ensemble de ses camarades nous a t-elle précisé.

Dans ce communiqué, il était peu question de solidarité avec le peuple palestinien. Il s’agissait surtout d’une diatribe haineuse contre le collectif Golem que nous avons dû écouter pendant que plusieurs étudiants nous filmaient avec leur portable, à l’affut du moment où, face aux calomnies, nous finirions par perdre notre sang froid. Après avoir appelé à la décolonisation de toute la Palestine historique, l’étudiante nous a accusés d’être des partisans de Netanyahu, de soutenir un génocide à Gaza, d’être des colons, d’être un collectif raciste et antisémite.

Elle n’a pas hésité à expliquer que la lutte contre l’antisémitisme était une cause noble mais pas dans le cadre du mouvement de solidarité avec la Palestine. Nous ne sommes pas antisémites a-t-elle dit, la preuve, nous aurions aimé que l’UJFP et Tsedek puissent venir à la place de Golem. Et puis de toute façon, l’antisémitisme c’est la faute d’Israël a-t-elle affirmé en citant Rony Brauman.

À la fin de ces accusations antisémites que personne n’a essayé de stopper, son camarade s’est levé et est venu nous lire, les yeux dans les yeux en nous pointant du doigt, un poème de Mahmoud Darwish : Parmi les paroles passagères : Vous fournissez l’épée, nous fournissons le sang. Vous fournissez l’acier et le feu, nous fournissons la chair […] prenez votre lot de notre sang et partez , nous accusant ouvertement d’avoir du sang sur les mains, d’être responsables et même partie prenante des massacres à Gaza. Le public s est ensuite levé brandissant des drapeaux palestiniens et en nous hurlant des slogans Sionistes, fascistes, c’est vous les terroristes, On ne discute pas avec des sionistes Vous n’avez pas votre place ici, Vous êtes des colons, Nous n’avons pas pu parler et nous avons dû subir sans broncher les calomnies antisémites dont on nous a abreuvé. Seuls quelques étudiants sont restés jusqu’à la fin pour enfin nous écouter et nous les en remercions.

Nous avons plusieurs messages à adresser aux militants de Libre Palestine qui ont écrit ce communiqué ainsi qu’aux étudiants présents dans le public qui nous ont traité de fascistes et de colons.

Avec ce communiqué, pendant cette table ronde, vous avez sombré dans l’antisémitisme.

Vous faites l’amalgame entre Juifs, israéliens, sionistes, colons et criminels de guerre que vous utilisez de manière interchangeable. En nous accusant d’être complices d’un génocide quand bien même nous avons toujours dénoncé les massacres à Gaza et appelé à un Cessez-le feu, vous nous mettez une cible dans le dos et vous encouragez la violence à notre égard. Vous vous réfugiez derrière Tsedek, l’UJFP et Rony Brauman pour mieux essentialiser tous les Juifs qui n’ont pas grâce à vos yeux et les accuser des crimes de l’armée israélienne dont ils ne sont en rien responsables.

Vous perdez l’occasion de soutenir le peuple palestinien et vous préférez vous attaquer à des étudiants juifs dont le seul tort est de parler d’antisémitisme. S’en prendre aux Juifs, qu’ils soient sionistes ou pas, n’aide en rien le peuple palestinien.

La haine antisémite que vous avez étalée au grand jour pendant cette table ronde est un désastre pour votre collectif dont vous avez dévoilé l’imposture, un désastre pour les étudiants juifs qui ne se sentent plus en sécurité pour étudier, et surtout un désastre pour le mouvement de solidarité avec le peuple palestinien dont la perméabilité avec l’antisémitisme est un des principaux freins.

À la présidence de l’Université de Lille, nous voulons dire qu’il n’est pas normal qu’il n’y ait pas eu de réaction de votre part face à l’agression antisémite dont nous avons été victimes sous vos yeux, qu’il n’est pas normal que nous ayons dû supporter les invectives seuls sur l’estrade pendant 20 minutes pendant que vous discutiez avec les étudiants, qu’il n’est pas normal que nous nous soyons sentis en danger et humiliés dans le cadre d’un événement organisé par la présidence de l’Université de Lille.

Pour revenir au thème de cette table ronde, la communauté universitaire doit s’engager de deux façons : en garantissant la liberté de réunion, de débat et de manifester aux étudiants d’une part et d’autre part en garantissant la sécurité des étudiants face à l’explosion des actes antisémites depuis le 7 octobre. Force est de constater qu’aujourd’hui, la communauté universitaire échoue aussi bien dans un cas que dans l’autre.

22/05/2024 – Collectif GOLEM

******

RAAR-Logo-vertical-lettres-noires-1

Soutenir les mobilisations étudiantes pour Gaza
et un cessez-le-feu immédiat et permanent

Soutenir les mobilisations étudiantes pour Gaza et un cessez-le-feu immédiat et permanent, condamner le Hamas là-bas et l’antisémitisme ici.

Les récentes mobilisations étudiant·e·s en solidarité avec Gaza interpellent sur plusieurs plans une association antiraciste comme le RAAR.

Solidarité, d’abord, avec les étudiant·e·s réprimé·e·s
L’intervention de la police sur les campus de Sciences Po, de la Sorbonne à Paris ou de Sciences Po Lyon pour y déloger des étudiant·e·s constitue une atteinte grave à la liberté d’expression, un droit fondamental dans toute démocratie. En occupant pacifiquement les lieux, ces étudiant·e·s ne faisaient que protester contre les massacres de Palestinien·ne·s perpétrés à Gaza par l’armée israélienne. Se sont exprimés là un sentiment de commune humanité face à la situation humanitaire catastrophique de Gaza et aux crimes de masse qui y sont commis et une solidarité internationaliste qui devraient faire honneur à une démocratie ouverte sur le monde, dont les institutions universitaires constituent un pilier.

On peut mesurer l’érosion significative des libertés publiques depuis une quarantaine d’années. Afficher des banderoles propalestiniennes sur la façade ou dans l’enceinte d’une université, porter un keffieh, afficher un drapeau palestinien ou scander des slogans en soutien à Gaza constitueraient des actes tellement insupportables qu’il faudrait les bannir par le biais de la force publique. Or, c’est plutôt l’intervention de la police dans les universités pour interdire des manifestations politiques d’étudiant·e·s qui constitue un réflexe illibéral en contradiction avec les principes de notre démocratie. Car la liberté d’expression est garantie par l’article 19 de la Déclaration universelles des droits de l’homme. L’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (un texte inclus dans le préambule de l’actuelle Constitution française) affirme que : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. »

Le premier mouvement du RAAR, en tant qu’association démocratique et antiraciste, est donc d’exprimer sa solidarité avec les étudiant·e·s réprimé·e·s et de condamner la dérive répressive gouvernementale.

Pour un cessez-le-feu immédiat et permanent à Gaza, pour la reconnaissance d’un État palestinien
Au-delà de la solidarité avec le mouvement étudiant, le RAAR s’inscrit dans les mobilisations pour un cessez-le-feu immédiat et permanent à Gaza, pour le retrait israélien des territoires occupés depuis 1967 et pour la reconnaissance d’un État palestinien. Le massacre de dizaine de milliers de civil·e·s palestinien·ne·s à Gaza, la destruction du système de santé, la famine, les meurtres de Palestinien·ne·s en Cisjordanie sont inacceptables car contraires aux principes du droit international. L’ensemble des États et des institutions qui se réclament de la démocratie devraient les condamner, faire pression sur le gouvernement israélien et à minima refuser de lui fournir des armes.

Un boycott des universités israéliennes ?
Faut-il pour autant organiser un boycott des universités israéliennes et rompre les partenariats avec elles comme le réclament souvent le mouvement étudiant ? Nous pensons que le boycott peut constituer une arme pacifique utile face des formes d’oppression ou une urgence humanitaire, mais à condition de cibler des objectifs précis. Les universités israéliennes constituent, comme les universités dans d’autres pays démocratiques, des lieux d’apprentissage de l’esprit critique et de l’ouverture internationale. Les forces critiques qui existent dans la société israélienne s’y expriment tout particulièrement, parmi les enseignant·e·s-chercheurs·ses comme les étudiant·e·s. Un mot d’ordre généralisé de boycott des universités et d’abandon des partenariats ne pourrait qu’isoler un peu plus et affaiblir sur place les courants critiques qui s’y manifestent au profit des forces conservatrices, voire d’extrême droite. Le RAAR y est défavorable. Par contre, le boycott ciblé de départements universitaires qui seraient directement impliqués dans la colonisation en Cisjordanie ou dans les opérations militaires à Gaza serait tout à fait légitime. La solidarité avec les Palestinien·ne·s ne doit pas se transformer en haine des Israélien·ne·s. La solidarité internationaliste avec les forces émancipatrices palestiniennes et israéliennes devrait être la priorité sur ce plan. Et les universités françaises devraient valoriser les dialogues entre Palestinien·ne·s et Israélien·ne·s progressistes plutôt que d’essentialiser négativement les seconds. Il ne faut pas confondre ici la lutte contre un gouvernement et la haine contre une population.

Ne pas oublier les massacres antisémites du 7 octobre et être fermes ici vis-à-vis des dérapages antisémites minoritaires
L’extrême droite, Les Républicains, les Macronistes ainsi que des partisans inconditionnels du gouvernement israélien ont stigmatisé indûment les mobilisations en cours, les présentant comme globalement « antisémites ». Ces critiques ont reçu un fort écho dans les médias conservateurs et d’extrême droite. Or, se battre pour un cessez-le-feu à Gaza est légitime et n’a rien à voir en soi avec l’antisémitisme. Prétendre l’inverse, c’est affaiblir la lutte contre l’antisémitisme, en contribuant à discréditer la notion par des usages étendus et erronés, et cela, au profit d’étroits motifs politiciens.

Cependant les mobilisations étudiantes ont été accompagnées de réels dérapages antisémites minoritaires (une enquête interne est, par exemple, en cours à Sciences Po Paris, sur des paroles et des actes antisémites), d’intimidations (comme celles subies le 22 mai par des membres du collectif Golem à l’Université de Lille), de mots d’ordre (comme le slogan « De la rivière à la mer, la Palestine sera libre », qui impliquerait la disparition de l’État d’Israël) et de symboles (comme les « mains rouges », susceptible de renvoyer au lynchage et à la mise à mort de deux soldats israéliens le 12 octobre 2000 à Ramallah) dotés d’une portée antisémite, ou encore d’ambiguïtés autour des appellations polysémiques comme « antisioniste » et « sioniste ». Nous condamnons ces faits, qui sont inacceptables au sein de mouvements émancipateurs, et nous demandons aux mobilisations étudiant.e.s de clairement s’en désolidariser.

Nous rappelons qu’historiquement le sionisme est une réalité compliquée : à la fois revendication d’une émancipation nationale face à la violence de l’antisémitisme européen et pratique coloniale spoliant le peuple palestinien. La réduction de cette réalité à la seule logique coloniale est contraire à une vision intersectionnelle du monde, apte à prendre en compte la pluralité des oppressions et des violences qui se croisent dans la réalité, dont l’antisémitisme ne doit pas être exclu. L’hypostase de la seule logique coloniale et l’exclusion de l’antisémitisme, là-bas et ici, de l’intersectionnalité, constitue un risque aujourd’hui au sein des mouvements pour l’émancipation.

Par ailleurs, une certaine indifférence vis-à-vis des crimes antisémites perpétrés par le Hamas le 7 octobre a pu être observée dans les mobilisations étudiantes. Nous rappelons que le Hamas n’est pas une composante ordinaire de la résistance palestinienne, mais qu’il constitue une organisation islamo-conservatrice totalitaire, sexiste, homophobe et antisémite. Le RAAR combat toute complaisance à son égard.

Le combat contre tous les racismes et contre toutes les oppressions ne doit pas laisser à la porte la lutte contre l’antisémitisme.

Solidarité avec les étudiant·e·s mobilisé·e·s pour Gaza ! Solidarité avec la population de Gaza massacrée ! Non à la complaisance à l’égard du Hamas ! Tolérance zéro pour l’antisémitisme dans les universités !

Paris, le 23 mai 2024,
Le Réseau d’Actions contre l’Antisémitisme et tous les Racismes
https://raar.info/2024/05/soutenir-les-mobilisations-etudiantes-pour-gaza-et-un-cessez-le-feu-immediat-et-permanent/

******
Même s’il évite la guerre civile, la crise finale d’Israël
s’annonce cataclysmique !

En juillet 2021, commentant les avertissements prophétiques formulés par Albert Einstein dès 1948 sur l’avenir désastreux d’Israël, nous terminions notre texte par le constat et, en même temps, la prédiction suivants :

« Malheureusement, tout montre qu’Einstein a eu de nouveau raison. Avec les Britanniques étant depuis longtemps un lointain souvenir, ce sont effectivement les épigones des « organisations terroristes » de 1948 qui inéluctablement conduisent Israël – qu’ils gouvernent – vers la « catastrophe finale » ! Un Israël qui peut se montrer maintenant plus puissant et arrogant que jamais, mais qui, en même temps, est en train de traverser sa plus grande crise existentielle de son histoire, pourrissant et se désintégrant à son intérieur. Le compte à rebours a déjà commencé et l’heure de la vérité approche… » [1]

Peut-être plus vite que nous ne l’avions prévu, tout indique en ce printemps 2024, que l’heure de la grande vérité de l’État juif n’est pas seulement proche, mais qu’elle est déjà arrivée, qu’elle est là et qu’elle se déroule sous nos yeux ! Et les pronostics ne sont pas du tout optimistes. En Israël même, les premières voix commencent à se faire entendre, exprimant des doutes sur la viabilité de l’État d’Israël. Comme, par exemple, celles des auteurs du texte au titre éloquent « A ce rythme, Israël n’atteindra pas son centième anniversaire », qui a été reproduit et discuté ces derniers jours comme aucun autre en Israël et hors d’Israël. L’une des raisons de ce choc est que ses deux auteurs, Eugene Kandel et Ron Tzu, sont tous deux des membres éminents de l’establishment gouvernemental israélien, le premier ayant dirigé pendant des années le Conseil économique national de Netanyahou ! La deuxième raison, la plus importante, est que le document estime que, à moins d’un changement de cap radical de la part d’un personnel politique radicalement différent, la crise existentielle que les Israéliens commencent à vivre conduira à la fin d’Israël, ce qui signifiera nécessairement la fin aussi du « rêve sioniste »…

Ce n’est pas un hasard si, au moment même où l’on parle tant de la « solution à deux États » et où l’État palestinien commence à être reconnu même par des pays membres de l’Union européenne, des voix s’élèvent en Israël même pour parler d’une… « solution à trois États » ! En effet, à côté de l’État palestinien de demain, elles considèrent qu’il existe déjà – de facto – non pas un, mais deux États juifs ! C’est exactement ce que dit l’ancien diplomate Alon Pinkas lorsqu’il fait les constats suivants dans un article très récent dans Haaretz : « Il y a désormais, ici, deux États – Israël et la Judée –, avec des visions opposées de ce que doit être une nation. Il y a un “éléphant dans la pièce” et ce n’est pas l’occupation, bien que celle-ci en soit la cause principale. Cet “éléphant dans la pièce” est constitué par le fait qu’Israël est progressivement mais inéluctablement divisé entre l’État d’Israël – high-tech, laïc, ouvert vers l’extérieur, imparfait mais libéral – et le royaume de Judée, une théocratie suprémaciste juive ultranationaliste antidémocratique et isolationniste. »

Bien sûr, Pinkas, qui appartient au premier, à cet Israël moderne et « ouvert sur l’extérieur », a tendance à l’idéaliser et évite de tirer ses conclusions jusqu’au bout. Mais d’autres le font, notamment le vétéran de la gauche israélienne antisioniste Michel Warschawski, qui répond comme suit à la question de savoir s’il entrevoit la possibilité d’une guerre civile en Israël : « J’ai souvent été interrogé sur les risques d’une guerre civile : j’ai toujours dit que ce n’était pas possible.Aujourd’hui, j’en suis beaucoup moins sûr. Et ce n’est pas lié à Gaza. Il n’y a pas simplement deux Israël sociologiques. Nous sommes en présence de deux projets de société irréconciliables. Avec à la tête du pays le gouvernement le plus faible que nous ayons jamais eu, et Netanyahou incapable de contrôler des ministres qui pour certains sont des fous furieux ».

Nous pensons que Warshawski a raison à la fois lorsqu’il n’exclut plus la possibilité d’une guerre civile en Israël et lorsqu’il affirme que cela n’a rien à voir avec Gaza et le génocide en cours des Palestiniens. Certes, le fait est que le spectre du génocide et de la guerre plane sur Israël et sa société. Mais c’est aussi un fait que la grande, voire l’écrasante majorité des citoyens israéliens, des hommes politiques et de leurs partis se montrent, aujourd’hui encore, indifférents à l’incroyable souffrance que leur propre État inflige aux Palestiniens, alors même qu’ils manifestent contre Netanyahou et se heurtent parfois violemment à sa police. À l’exception de quelques petits groupes de citoyens qui perpétuent les vieilles traditions juives humanistes et internationalistes, en déclarant leur solidarité et leur soutien au peuple palestinien, la société israélienne ne veut ni entendre ni voir l’horrible tragédie qui se déroule à quelques kilomètres de ses villes et de ses kibboutz, faisant preuve de la plus monstrueuse insensibilité face au génocide en cours commis par sa propre armée et son propre État ! Et c’est pour cela qu’elle se rallie – de facto – même à ce Netanyahou par ailleurs si détesté, lorsque, par exemple, la Cour Pénale Internationale ose lancer un mandat d’arrêt contre lui, tout comme il se rallie à l’État israélien lorsque certains pays européens osent reconnaître l’État palestinien…

Shlomo Sand, dans son dernier et magnifique livre « Deux peuples, pour un Etat ? », attribue cette monstrueuse insensibilité et ce tout aussi monstrueux « patriotisme », entre autres, au « lavage de cerveau » auquel les citoyens d’Israël sont systématiquement et méthodiquement soumis tout au long de leur vie afin de croire fermement que c’est… la volonté de Dieu que tous les territoires occupés, de Hébron, Jéricho et Bethléem à Jérusalem, soient israéliens ! C’est donc cette relation étroite entre messianisme nationaliste et messianisme religieux – qui non seulement a existé dès l’origine dans le projet sioniste, mais constitue le pilier idéologique central de l’État israélien, surtout depuis que la référence initiale à un certain « socialisme des kibboutz » mythique a été « jetée dans les poubelles de l’histoire » -, qui nous a fait constater il y a trois mois, que « cette actuelle ferveur exterminatrice de la société israélienne ne serait pas possible si elle n’était pas le produit et l’aboutissement de la logique interne du projet constitutif de l’État hébreu, du projet sioniste ! » [2]

C’est donc pour toutes ces raisons que nous assistons aujourd’hui à des développements qui auraient été totalement inimaginables à la naissance d’Israël. Comme, par exemple, l’alliance du gouvernement israélien avec des antisémites notoires d’extrême droite ou même avec des leaders néo-fascistes de cette Internationale Brune en gestation, tels que l’Italienne Meloni, la Française Le Pen, l’Argentin Milei, le Hongrois Orban, le Portugais Ventura et plusieurs autres d’Europe et d’Amérique du Nord et du Sud, qui se sont réunis il y a quelques jours à Madrid sous l’égide du Vox des nostalgiques du franquisme. C’est à ce rassemblement madrilène de ce ramassis fasciste, qui s’est transformé en une manifestation de souàtien à Netanyahou, que le ministre israélien de la diaspora, Amichai Chikli a envoyé un message de remerciement et d’encouragement confirmant ce que nous savions depuis longtemps : que Netanyahou et l’extrême droite israélienne sont devenus le symbole et le drapeau des racistes, de l’extrême droite et des néo-fascistes du monde entier, dont la plupart continuent d’ailleurs à être des… antisémites décomplexés !

La boucle du projet sioniste et en même temps de l’État juif d’Israël est donc en train d’être bouclé, dans une atmosphère non seulement de crise généralisée, mais aussi de décadence morale généralisée. Et ce n’est pas un hasard si son élément fondateur fondamentale, le racisme à l’égard des Palestiniens, coule aujourd’hui dans ses veines comme un poison au point de permettre aux ministres Gvir et Smotrich et à leurs amis colons et autres de parler de la nécessité d’expulser (violemment) de la terre de leur mythique Grand Israël (Eretz Israël) non seulement les Palestiniens mais même les citoyens israéliens juifs qui ne partagent pas leurs opinions et leurs choix barbares et inhumains !

Nous concluons donc comme nous avons commencé : il est désormais manifeste que le prix que paie l’Israël sioniste pour l’exhibition de son arrogance et de sa toute-puissance mesurée par les hécatombes de morts civils palestiniens à Gaza, est sa propre décadence morale et sa propre décomposition sociale et politique. Avec ou sans guerre civile, la crise finale d’Israël s’annonce cataclysmique.

Notes
[1] Voir notre article « Quand Einstein appelait « fascistes » ceux qui gouvernent aujourd’hui Israël » :
https://www.pressegauche.org/Quand-Einstein-appelait-fascistes-ceux-qui-gouvernent-Israel-depuis-44-ans
[2] Voir notre article « Essayant de comprendre la derive génocidaire de la société israélienne »  
https://www.cadtm.org/Essayant-de-comprendre-la-derive-genocidaire-de-la-societe-israelienne

Yorgos Mitralias

******
« Comment Israël dévoie les allégations d’antisémitisme pour projeter ses propres crimes sur les Palestiniens »

Dans la foulée de la multiplication des campements d’étudiant·e·s pro-palestiniens sur les campus universitaires des Etats-Unis, les accusations d’antisémitisme sont de nouveau au centre du discours politique états-unien et mondial. Il ne fait aucun doute, comme Peter Beinart (Notebook, 28 avril 2024) et d’autres l’ont indiqué, que des expressions d’antisémitisme sont apparues dans certaines de ces actions, mais leur fréquence a été fortement exagérée. En effet, des personnalités juives et non juives influentes dans les médias et la politique ont délibérément cherché à créer une inquiétude morale publique en associant les critiques sévères d’Israël et du sionisme à de l’antisémitisme.

Cet amalgame est le résultat d’une campagne menée depuis des décennies par Israël et ses partisans dans le monde entier afin d’étouffer toute opposition aux politiques violentes d’occupation [Cisjordanie, Jérusalem-Est, Gaza…], d’apartheid et de domination de l’Etat sur les Palestiniens   qui, au cours des sept derniers mois, ont pris des proportions immenses, voire génocidaires.

Cette stratégie n’est pas seulement cynique, hypocrite et nuisible à la lutte essentielle contre le véritable antisémitisme. Elle permet également à Israël et à ses partisans, comme nous le soutiendrons ici, de nier les propres crimes et le discours violent d’Israël en les inversant et en les projetant sur les Palestiniens et leurs partisans, et en appelant cela de l’antisémitisme [1].

Ce mécanisme psycho-discursif d’inversion et de projection sous-tend le document fondateur de la prétendue « lutte contre l’antisémitisme » : la définition de l’antisémitisme de l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (IHRA-International Holocaust Remembrance Alliance), qu’Israël et ses alliés diffusent agressivement dans le monde entier[2].

En réponse aux protestations des étudiant·e·s, la Chambre des représentants des Etats-Unis a récemment adopté un projet de loi qui, s’il était approuvé par le Sénat, intégrerait cette définition dans la législation, et ce malgré le fait que l’IHRA elle-même la décrive comme une « définition de travail juridiquement non contraignante ».

Une définition par inversion et projection
L’IHRA est une organisation internationale influente composée de 35 Etats membres provenant principalement du Nord (y compris Israël et l’Europe de l’Est). L’organisation a adopté une définition de travail de l’antisémitisme en 2016 qui comprend une vague articulation de l’antisémitisme comme « haine envers les Juifs » ainsi que 11 exemples qui prétendent l’illustrer ; sept d’entre eux se concentrent sur Israël, assimilant essentiellement la critique d’Israël et l’opposition au sionisme à l’antisémitisme. Cette définition a donc suscité une énorme controverse dans le monde juif et au-delà, bien qu’elle ait été adoptée par des dizaines de pays et des centaines d’organisations, des universités aux clubs de football[3].

D’innombrables exemples ont été enregistrés au fil des ans pour montrer comment cette définition sert à restreindre la liberté d’expression, à faire taire les critiques à l’égard d’Israël et à harceler ceux qui les expriment. A tel point que Kenneth Stern, principal rédacteur de la définition, en est devenu le principal opposant. D’autres définitions, comme la Déclaration de Jérusalem sur l’antisémitisme (dont les auteurs de cet article ont été parmi les initiateurs et les rédacteurs), ont été proposées comme des outils plus précis et moins politiquement biaisés à utiliser à des fins éducatives dans la lutte contre l’antisémitisme.

La définition de l’IHRA met en évidence le mécanisme d’inversion et de projection par lequel Israël et ses partisans nient les crimes d’Israël et les attribuent aux Palestiniens. L’un des exemples de la définition stipule, par exemple, que « nier au peuple juif son droit à l’autodétermination » est antisémite. Pourtant, la politique officielle d’Israël en matière de colonisation, d’occupation et d’annexion au cours des dernières décennies a nié au peuple palestinien son propre droit à l’autodétermination.

Cette politique s’est intensifiée sous la direction de Benyamin Netanyahou qui, en janvier 2024, s’est publiquement engagé à résister à toute tentative de création d’un Etat palestinien. Les principes directeurs fondamentaux de la coalition gouvernementale déclarent en outre, en écho à la loi sur l’Etat-nation juif de 2018, que « le peuple juif a un droit exclusif et inaliénable sur toutes les régions de la Terre d’Israël ». Alors qu’Israël s’oppose activement à l’autodétermination des Palestiniens, la définition de l’IHRA inverse et projette cet état de fait sur les Palestiniens eux-mêmes, en la qualifiant d’antisémitisme.

Selon la définition de l’IHRA, « établir des comparaisons entre la politique israélienne contemporaine et celle des nazis » est un autre exemple d’antisémitisme. Ici aussi, le schéma d’inversion et de projection est évident, puisqu’Israël et ses partisans ne cessent d’associer les Arabes et surtout les Palestiniens aux nazis.

Il s’agit d’un discours profondément enraciné et très populaire en Israël. Il va de David Ben-Gourion, premier Premier ministre israélien, qui considérait les Arabes qui combattaient Israël comme les successeurs des nazis, à Benyamin Netanyahou, qui affirme que le Hamas représente de nouveaux nazis, en passant par le ministre des Finances Bezalel Smotrich, qui a récemment affirmé qu’il y avait deux millions de nazis en Cisjordanie occupée (Times of Israel, 28 novembre 2023).

A la lumière de ce narratif inversé, l’affirmation de la définition de l’IHRA selon laquelle «appliquer deux poids deux mesures» dans les jugements moraux sur Israël est antisémite traduit un autre exemple de ce mécanisme d’inversion et de projection. La définition de l’IHRA elle-même utilise deux poids deux mesures: alors qu’Israël est autorisé à refuser aux Palestiniens leur droit à l’autodétermination et à les comparer aux nazis, la définition affirme que refuser aux Juifs le droit à l’autodétermination et établir des liens entre la politique israélienne et la politique nazie est antisémite.

Pour la défense du génocide
Ce mécanisme psycho-discursif va au-delà de la définition de l’IHRA, comme l’a révélé la récente audition au Congrès de trois présidents d’universités d’élite des Etats-Unis. Un moment clé s’est produit lorsque la députée républicaine Elise Stefanik a demandé aux présidents si leurs institutions toléreraient des appels au génocide des Juifs.

Je suppose que vous connaissez le terme « intifada », n’est-ce pas ? a demandé Elise Stefanik à Claudine Gay, présidente de l’Université de Harvard. « Et vous comprenez, a-t-elle poursuivi, que l’utilisation du terme intifada dans le contexte du conflit israélo-arabe est en fait un appel à la résistance armée violente contre l’Etat d’Israël, y compris la violence contre les civils et le génocide des Juifs. Le savez-vous ? »

Cette assimilation de l’intifada au génocide est sans fondement : l’intifada est le mot arabe qui désigne un soulèvement populaire contre l’oppression et pour la libération et la liberté (le verbe intafad signifie littéralement « se débarrasser »). Il s’agit d’un appel à l’émancipation qui a été répété à de nombreuses reprises dans le monde arabe contre des régimes oppressifs, et pas seulement en Israël. Une intifada peut être violente, comme l’a été la seconde intifada en Israël-Palestine entre 2000 et 2015, ou non violente, comme l’a été la majeure partie de la première intifada entre 1987 et 1991, ou l’« intifada WhatsApp » au Liban en 2019. Dans ces conditions, la seule allusion au génocide réside dans l’imagination d’Elise Stefanik et de ses semblables. Ce fut un moment douloureux : Stefanik a tendu un piège à Claudine Gay, et elle est tombée dedans.

Un autre exemple de fausse allégation pernicieuse est l’affirmation d’Israël et de ses partisans selon laquelle le slogan de libération palestinien «Du fleuve à la mer, la Palestine sera libre» est génocidaire et antisémite [voir l’article de Stephen Zunes publié sur ce site le 7 mai 2024]. Comme l’ont affirmé les historiens Maha Nasser, Rashid Khalidi et d’autres, la grande majorité des Palestiniens et de leurs partisans qui scandent ce slogan veulent simplement dire que la terre de la Palestine historique sera libérée politiquement – en rejet absolu de la réalité actuelle de l’absence de liberté pour les Palestiniens, sous diverses formes, entre le Jourdain et la mer Méditerranée. Cela pourrait prendre la forme d’un seul Etat avec des droits égaux pour tous, de deux Etats-nations pleinement indépendants ou d’une sorte d’arrangement binational ou confédéral.

Dans les deux cas, Israël et ses partisans trouvent un appel au génocide contre les Juifs là où il n’existe pas. Pourtant, en Israël, après les massacres et les atrocités du 7 octobre, de nombreux dirigeants israéliens, ministres du cabinet de guerre, hommes politiques, journalistes et rabbins ont appelé explicitement et ouvertement à un génocide à Gaza dans plus de 500 cas documentés rien qu’au cours des trois premiers mois (Law for Palestine, 4 janvier 2024), certains d’entre eux lors d’émissions de télévision à des heures de grande écoute. Cela a été exposé de manière bouleversante au monde entier dans la plainte que l’Afrique du Sud a déposée contre Israël en décembre 2023 devant la Cour internationale de justice (CIJ).

Il s’agit, par exemple, du président Isaac Herzog, du ministre de la Défense Yoav Gallant et du ministre du Patrimoine Amichai Eliyahu. Plus récemment, l’influent rabbin Eliyahu Mali exhorté l’armée israélienne à tuer tous les enfants et toutes les femmes de Gaza, tandis que Bezalel Smotrich a appelé à l’anéantissement total des villes de Rafah, Deir al-Balah et Nuseirat. Ces voix représentent une large part de l’opinion publique israélienne et correspondent à ce qui se passe réellement sur le terrain.

Le 26 janvier, la CIJ a rendu un arrêt provisoire déclarant qu’il existe un « risque plausible » de violation du droit des Palestiniens à être protégés d’un génocide. La situation s’est encore détériorée depuis, Israël étendant son invasion à Rafah et affamant délibérément les 2,3 millions d’habitants de Gaza[4].

De nombreux spécialistes du génocide – parmi lesquels Raz Segal, Omer Bartov, Ronald Grigor Suny, Marion Kaplan, Amos Goldberg et Victoria Sanford – sont parvenus plus ou moins à la même conclusion que la CIJ. La rapporteuse spéciale des Nations unies sur les territoires palestiniens occupés, Francesca Albanese, a également affirmé, dans son récent rapport intitulé « Anatomie du génocide », qu’«il y a des motifs raisonnables de croire que le seuil indiquant qu’Israël a commis un génocide est atteint».

Ainsi, ce qu’Israël et ses partisans accusent les Palestiniens d’inciter à commettre, les fonctionnaires et les personnalités israéliennes le déclarent explicitement et ouvertement, et l’armée israélienne le perpètre. Et tandis que les Palestiniens et leurs partisans chantent la libération « du fleuve à la mer », Israël impose la suprématie juive « du fleuve à la mer » sous la forme de l’occupation, de l’annexion et de l’apartheid.

Nous suggérons donc d’interpréter cette inversion et cette projection non seulement comme un cas classique de double standard hypocrite contre des Palestiniens, mais aussi   comme c’est souvent le cas avec les processus de projection – comme un mécanisme de défense et de déni. Comme Israël et ses partisans ne peuvent pas faire face à la structure d’apartheid oppressive de l’Etat, à sa délégitimation des Palestiniens ou à sa rhétorique et à ses crimes génocidaires, alors ils déforment ces allégations et les projettent sur les Palestiniens.

La prétendue « lutte contre l’antisémitisme » menée par Israël et ses partisans, fondée sur la définition de l’antisémitisme de l’IHRA, doit donc être considérée comme un moyen supplémentaire utilisé par un Etat puissant pour nier ses actes criminels et ses atrocités massives. Le gouvernement des Etats-Unis doit le refuser catégoriquement.

[1] Henry Laurens, professeur au Collège de France, dans un entretien avec le quotidien Libération, à la question «L’usage du slogan « Du Jourdain à la mer » ou le symbole des mains ensanglantées sont-ils le signe d’une radicalisation des manifestants pro-palestiniens ?» répond : « Ce symbole est utilisé depuis des siècles et renvoie simplement à l’expression « avoir du sang sur les mains ». C’est le célèbre monologue de Lady Macbeth ! Quant au slogan « Du Jourdain à la mer », on a oublié que c’est aussi un vieux discours sioniste d’extrême droite. Il renvoie au droit à l’autodétermination des Palestiniens. Juridiquement, Israël n’a pas de frontières officielles. En 2004, un avis de la Cour internationale de justice déclare que ses frontières sont celles d’avant juin 1967 mais Israël ne le reconnaît pas et se revendique dans de nombreuses occasions comme le seul héritier territorial de la Palestine mandataire. Côté palestinien, le discours officiel depuis Oslo a toujours distingué un Etat à construire dans les territoires occupés libérés, et une Palestine historico-géographique, qui existe indépendamment de l’Etat palestinien à construire, comme une origine, un passé qui ne peut être effacé. La solution des deux Etats, une fois appliquée, implique des deux côtés l’abandon de toute revendication territoriale. » (Réd.)
[2] Voir l’ouvrage Whatever Happened to Antisemitism?: Redefinition and the Myth of the ‘Collective Jew, d’Antony Lerman, Pluto Press, June 2022.
[3] A ce sujet, voir sur ce site la tribune « Antisémitisme: combattre le feu avec le pyromane ? », signée par Mateo Alaluf, Vincent Engel, Fenya Fischler, Henri Goldman, Heinz Hurwitz, Simone Süsskind. (Réd.)
[4] La Cour internationale de justice a ordonné, ce vendredi 24 mai 2024, à Israël d’arrêter « immédiatement » son offensive militaire à Rafah dans le sud de Gaza. Voir ONU Info. « La Cour considère également que, d’après les informations dont elle dispose, “les risques immenses associés à une offensive militaire à Rafah ont commencé à devenir réalité, et augmenteront encore si l’opération se poursuit”. Face à cette situation, dans son ordonnance du vendredi 24 mai, la Cour réaffirme, par 13 voix contre deux, les mesures conservatoires indiquées dans ses ordonnances des 26 janvier et 28 mars 2024, qui doivent être immédiatement et effectivement mises en œuvre. »
Dans 
ONU Info, il est aussi indiqué : « L’ordonnance de vendredi survient quelques jours après que le Procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Karim Khan, a demandé des mandats d’arrêt contre le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, son ministre de la Défense, Yoav Gallant, et trois dirigeants du Hamas, pour des crimes présumés commis à Gaza et en Israël. » (Réd.)

Amos Goldberg et Alon Confino
Amos Goldberg est professeur d’histoire de l’Holocauste. Ses ouvrages les plus récents sont Trauma in First Person: Diary Writing during the Holocaust (Indiana University Press, 2017) et un ouvrage coédité avec Bashir Bashir, The Holocaust and the Nakba: A New Grammar of Trauma and History (Columbia University Press, 2018).
Alon Confino est titulaire de la chaire Pen Tishkach d’études sur l’Holocauste à l’Université du Massachusetts, à Amherst. Son dernier ouvrage est A World Without Jews: The Nazi Imagination from Persecution to Genocide (Yale University Press, 2014).

Article publié sur le site israélien +972 le 21 mai 2024 ; traduction rédaction A l’Encontre
http://alencontre.org/moyenorient/palestine/comment-israel-devoie-les-allegations-dantisemitisme-pour-projeter-ses-propres-crimes-sur-les-palestiniens.html

******
Le Freedom Theatre en France cet été

L’actualité tragique en Palestine n’a jamais empêché le Freedom Theatre de Jénine de continuer ses nombreuses activités : ateliers pour les enfants et les jeunes, École de théâtre et représentations se poursuivent, malgré les incursions (plus de 70 depuis le 7 octobre) violentes et meurtrières de l’armée d’occupation dans la ville et le camp de réfugiés de Jénine.

Nous sommes heureux.ses de vous communiquer les dates des deux pièces qui seront jouées cet été en France.

Parlez-en autour de vous !

https://atljenine.net/le-freedom-theatre-en-france-cet-ete/

*-*

Gaza : sans la fin des hostilités, les seules négociations sur l’aide humanitaires sont dilatoires et cosmétiques
L’ampleur de la catastrophe n’est plus à démontrer. Il aura fallu la mort dramatique de 7 volontaires de l’ONG nord-américaine « World Central Kitchen » pour que les lignes commencent à bouger sur les flux d’aide humanitaire. Le débat qui se concentre sur les modalités de l’aide apportée et sur les alternatives aux approvisionnements massifs par voie terrestre est pourtant en trompe-l’œil.
https://blogs.mediapart.fr/pierre-micheletti/blog/220524/gaza-sans-la-fin-des-hostilites-les-seules-negociations-sur-l-aide-humanitaires-sont-dilatoir
Pourquoi une Palestine démilitarisée ne fonctionnera pas
Il existe des précédents d’États désarmés réussis, mais aucun ne s’applique au Moyen-Orient.
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou s’oppose depuis longtemps à l’idée d’une solution à deux États, mais rarement de manière aussi explicite que dans les mois qui ont suivi l’attaque du Hamas contre Israël, le 7 octobre 2023, et la guerre qui s’en est suivie à Gaza. Le président américain Joe Biden insiste cependant sur le fait qu’il existe une voie à suivre pour une Palestine indépendante, en coopération avec le gouvernement de M. Netanyahou. « Je pense que nous pourrons trouver une solution… Je pense qu’il y a des moyens pour que cela fonctionne », a récemment déclaré Joe Biden à la presse, évoquant un éventuel accord d’après-guerre qui permettrait d’établir un État palestinien tout en surmontant les objections de son homologue israélien.
https://athena21.org/in-english/why-a-demilitarized-palestine-wont-work
Les éditions de la rue Dorion ont publié récemment le livre de Pappé pour le Québec
Censure d’un livre en France en 2023 dans le contexte de la guerre à Gaza !
Le nettoyage ethnique de la Palestine (2008) d’Ilan Pappé retiré des ventes par Fayard
https://www.pressegauche.org/Censure-d-un-livre-en-France-en-2023-dans-le-contexte-de-la-guerre-a-Gaza
Note de lecture parue sous le titre : Abîme entre réalité et représentation
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2010/04/03/abime-entre-realite-et-representation/
La destruction de la Palestine, c’est la destruction de la Terre
Les six derniers mois de génocide à Gaza ont marqué le début d’une nouvelle phase dans une longue histoire de colonisation et d’extraction qui remonte au dix-neuvième siècle. Pour comprendre véritablement la crise actuelle, Andreas Malm affirme qu’il faut analyser sur la longue durée* l’assujettissement de la Palestine à l’empire fossile.
https://www.pressegauche.org/La-destruction-de-la-Palestine-c-est-la-destruction-de-la-Terre
Des professeurs d’université perdent leur emploi à cause du « nouveau McCarthysme » sur Gaza
Alors que la répression policière brutale balaie les campements sur les campus, les écoles coupent les liens avec les enseignants pro-palestiniens qui ne sont pas titularisés.
https://agencemediapalestine.fr/blog/2024/05/22/des-professeurs-duniversite-perdent-leur-emploi-a-cause-du-nouveau-mccarthysme-sur-gaza/
UQAM – Solidarité avec la Palestine : le droit de réunion pacifique en question
https://www.pressegauche.org/UQAM-Solidarite-avec-la-Palestine-le-droit-de-reunion-pacifique-en-question
L’agenda annexionniste informe les développements sur les sites antiques dans le TPO et autres mises à jour
Au cours des derniers mois, nous avons suivi une prolifération d’activités visant à étendre et à approfondir le contrôle israélien sur plusieurs sites antiques en Cisjordanie. Ces activités comprennent la déclaration de nouvelles zones comme terres d’État, l’expansion des zones de juridiction et les fouilles menées par l’Autorité israélienne des antiquités (IAA) sur des sites situés au-delà de la ligne verte, constituant une annexion de facto. Parallèlement, nous assistons à une convergence du tourisme biblique en Cisjordanie et à Jérusalem avec un programme messianique axé sur les scénarios du troisième temple.
Thèmes abordés : Déclaration sur Gaza, Gouvernance du patrimoine, Jérusalem-Est, Cisjordanie
https://emekshaveh.org/en/annexationist-agenda/
Qu’est-il arrivé au mouvement pacifiste israélien ?
Certains groupes tentent d’attirer l’attention sur le carnage à Gaza. Mais après le 7 octobre, la plupart des Israélien·nes ne veulent plus être dérangé·es. Il est difficile, voire illusoire, de parler d’un camp de la paix au sein de la gauche israélienne.
https://portside.org/2024-05-23/what-earth-has-happened-israeli-peace-movement
Le Hamas déshumanise les Israélien·nes. En Israël, les Palestinien·nes sont profondément déshumanisé·es
https://www.haaretz.com/israel-news/podcasts/2024-03-27/ty-article-podcast/the-more-oppression-there-is-the-more-younger-arabs-in-israel-identify-as-palestinians/0000018e-8071-d861-adff-ce7d3b6b0000
Peace Now et les activistes de la vallée du Jourdain ont déposé une pétition pour l’expulsion de l’avant-poste de Moshe Sharvit au milieu des sanctions internationales.
https://peacenow.org.il/en/shalom-now-and-the-jordan-valley-activists-filed-a-petition-for-the-evacuation-of-moshe-sharvits-outpost-amid-international-sanctions
Le ministre Gallant ouvre la voie à l’établissement de nouvelles colonies dans le nord de la Cisjordanie
https://peacenow.org.il/en/minister-gallant-paves-the-way-for-the-establishment-of-new-settlements-in-the-northern-west-bank
Moyen-Orient : la CFDT appelle le gouvernement français à reconnaître l’état palestinien
https://www.cfdt.fr/portail/presse/communiques-de-presse/moyen-orient-la-cfdt-appelle-le-gouvernement-francais-a-reconnaitre-l-etat-palestinien-srv2_1357300
La Caisse de dépôt a doublé ses investissements dans l’apartheid israélien en 2023
Le « bas de laine » des Québécois·es finance des compagnies d’armement et de surveillance complices de la répression et des crimes de guerres en cours dans les territoires occupés palestiniens.
https://pivot.quebec/2024/05/13/la-caisse-de-depot-a-double-ses-investissements-dans-lapartheid-israelien-en-2023/
L’Irlande et l’Espagne demandent à l’UE de « réexaminer d’urgence » ses relations commerciales avec Israël
https://www.euractiv.fr/section/international/news/lirlande-et-lespagne-demandent-a-lue-de-reexaminer-durgence-ses-relations-commerciales-avec-israel/
« L’avenir de l’Europe se joue en Palestine »
Les hésitations de l’Europe concernant la guerre à Gaza accélèrent sa perte d’influence vis-à-vis du « Sud global ». Elle doit surmonter ses divisions et défendre le droit international.
https://www.nouvelobs.com/monde/20240524.OBS88798/l-avenir-de-l-europe-se-joue-en-palestine.html

Auteur : entreleslignesentrelesmots

notes de lecture

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

En savoir plus sur Entre les lignes entre les mots

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture