Un homme guetté par une bête féroce tapie quelque part sur son chemin

8603983_4029012Un roman paru en 1906. La jungle. La condition ouvrière dans les abattoirs de Chicago, la misère…

Un village transformé en ville industrielle en 50 ans. Un roman noir, comme la saleté et les vies brisées. Une investigation dans l’enfer des cartels, du capitalisme réellement existant, de la loi du plus fort…

Un banquet de mariage, « Chicago disparaît, avec ses bars et ses taudis ; surgissent des prairies verdoyantes, des rivières étincelantes sous le soleil, de majestueuses forêts et des collines enneigés ». Le temps suspendu à l’archet déchainé d’un violon. Et de suite l’argent, cette face permanente de la misère…

Les migrant-e-s. La découverte d’un « nouveau monde ». Chicago, « une épaisse fumée, grasse et noire comme la nuit, en jaillissait », le bruit, les meuglements lointains de bovins, la masse noire des bâtiments, les cheminées, les taudis, l’entassement…

Les abattoirs, « Le vacarme était effroyable, à vous déchirer les tympans », le travail, les couteaux, les carcasses, rien à jeter, « la division du travail poussée à l’extrême »…

Les trusts de la viande, les arnaques immobilières, les gangs et la pègre, la corruption et la police, la prostitution, la puanteur attachée à la peau, les chefs, l’alcool, les mises à la porte, les fermetures, les enfants mendiants, le froid, les dettes, le clientélisme, etc.

Les mort-e-s, les blessures, les abandons et quelques fois des lumières d’espoir….

Et une poignée d’ouvrier-e-s socialistes, comme un refus organisé, comme une attente au pays des rêves, de la démocratie frelatée, des violences policières et patronales…

Je ne fréquente que rarement cette littérature pouvant être qualifiée de naïve, « réaliste » ou moralisante. Je souligne, d’autant plus volontiers, la volonté de l’auteur de n’enjoliver ni les situations ni les personnes. Un monde de violence sociale donc aussi interpersonnelle. Le souffle puissant de l’évocation.

Ce livre eut un retentissement international. Il nous parle encore et encore.

Chicago :

Carl Sandburg : Les émeutes raciales de Chicago. Juillet 1919, un-journalisme-dinvestigation-sans-voyeurisme/

Pavel Desmet et Clément Petitjean : Extraordinaire convergence des luttes à Chicago : la grève des enseignants du 1er avril 2016, extraordinaire-convergence-des-luttes-a-chicago-la-greve-des-enseignants-du-1er-avril/

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Upton Sinclair : La jungle

Traduit de l’américain par Anne Jayez et Gérard Dallez

Editions Gutenberg, Paris 2008, 456 pages, 23,95 euros

Didier Epsztajn

Auteur : entreleslignesentrelesmots

notes de lecture

Une réflexion sur « Un homme guetté par une bête féroce tapie quelque part sur son chemin »

  1. Je ne pense pas que ce roman soit naïf, il montre bien aussi l’absence de solidarité entre les ouvrier·ère·s, l’abrutissement et l’ignorance qui empêchent de s’unir dans l’adversité. Moralisante peut-être, mais cela ne me gêne pas, car c’est ce que je recherche dans les livres et la littérature : être secouée, prendre conscience de ce qui ne va pas. Je viens de lire Pétrole ! et j’adore définitivement cet auteur !!

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