« Il faut aborder le #metoo politique avec lucidité et sans complaisance »

A l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, plusieurs organisations politiques et syndicales de gauche défendent, dans une tribune au « Monde », l’utilité et la nécessité des cellules de lutte contre les violences sexistes et sexuelles.

Cette année est marquée par les cinq ans du mouvement #metoo, c’est un moment historique. En cette Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes [le 25 novembre, depuis 1999], nous, organisations syndicales et politiques, et associations, constatons depuis quelques mois une mise en cause de nos dispositifs internes de lutte contre les violences sexistes et sexuelles (VSS). Elles sont accusées de rendre une forme de justice sauvage, secrète et à visée politique.

Le moment #metoo est un moment important dans la prise en compte de la parole des femmes, un mouvement qui continue sa déflagration dans toute la société. Aujourd’hui, nous assistons à un #metoo politique, suite logique que nous saluons pour sa capacité à faire entrer le débat dans chaque organisation politique ou syndicale quant à la manière de faire cesser les mécanismes de domination à l’œuvre en interne, afin que l’égalité soit réelle. Au lieu de voir ce moment avec crainte, il faut l’aborder avec lucidité et sans complaisance.

Nous rappelons que les cellules de veille, commissions ou collectifs qui existent dans nos structures ont pour mission principale de protéger les victimes, en faisant en sorte d’éloigner leurs agresseurs et de les empêcher de représenter nos organisations. Il s’agit aussi de faire vivre des valeurs d’égalité sur lesquelles se fondent nos structures. Elles supposent de faire cesser toutes formes de violences à l’égard des femmes.

Sortir de l’invisibilité
C’est une condition sine qua non au changement de société auquel nous œuvrons. La mise en place d’un environnement militant sans violence ni domination doit permettre aux femmes de prendre toute leur place dans le militantisme et d’y assumer des responsabilités. Outre l’atteinte grave à la dignité des victimes que constituent les VSS, elles sont aussi un frein majeur à leur investissement et donc au renforcement de nos structures.

Le féminisme se bat contre les oppressions et les dominations. Il prône l’égalité réelle entre les femmes et les hommes dans la vie privée et dans la vie publique. Il ne s’agit pas pour nous de lancer une « guerre des sexes ». Il ne s’agit pas davantage de rendre la justice – que celle-ci fasse son travail, « il est temps de siffler la fin… » de l’impunité pour les agresseurs !

Nous nous sommes dotés pour cela de protocoles de fonctionnement, généralement débattus et adoptés collectivement dans nos instances et le plus souvent rendus publics. Les membres de nos cellules de veille, commissions ou collectifs sont formés et tenus à la confidentialité. Le battage médiatique dont certaines situations ont été ou sont encore l’objet montre à la fois que les violences sexistes et sexuelles continuent de sortir de l’invisibilité, ce qui est une avancée, mais que les ressorts du patriarcat sont encore puissants : la lutte doit se poursuivre.

Vindicte publique
Nos cellules de veille, nos commissions et nos collectifs travaillent ensemble depuis maintenant plus d’un an. Nous demandons que les moyens nécessaires et suffisants soient donnés aux associations d’aide et d’écoute aux victimes : organiser une réelle prise en charge est une nécessité incontournable.

L’impact de ces violences sur les femmes est délétère, que ce soit sur leur santé physique ou psychologique ou sur leur place dans nos organisations. L’accès aux soins et à la justice doit être garanti.

Nous exprimons toute notre solidarité envers les membres des cellules dont le travail méticuleux et dans le respect de la confidentialité a été soumis à la vindicte publique jusqu’au plus haut niveau. Nous demandons que soit lancée une large campagne de formation sur les violences sexistes et sexuelles, à même de recentrer le débat sur les questions de fond : prévenir ces exactions, protéger les victimes et obtenir réparation, ce qui passe notamment par des mesures à l’encontre des mis en cause.

Nos aspirations rejoignent celles qui vont s’exprimer dans la rue à l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes : nous voulons vivre dans une société où chacune et chacun puissent s’épanouir quel que soit leur genre ou quelle que soit leur sexualité. Pour cela, nous sommes prêts à changer ce monde sexiste et patriarcal !

Gaëlle Backer et Pablo Rauzy, pour l’Union communiste libertaire (UCL) ; Aline Chitelman, responsable de la cellule contre les violences sexuelles et sexistes, et Jean-François Pellissier, porte-parole d’Ensemble ! Mouvement pour une alternative de gauche et écologiste ; Alain Coulombel et Chloé Sagaspe, porte-parole d’Europe écologie-Les Verts (EELV) ; Hendrik Davi et Myriam Martin, porte-parole de la Gauche écosocialiste (GES) ; Julie Ferrua, secrétaire nationale et Murielle Guilbert, codéléguée de l’Union syndicale Solidaires ; Olivier Faure et Cécilia Gondard, premier secrétaire et secrétaire nationale du PS à l’égalité entre les femmes et les hommes ; Sigrid Gérardin et Benoit Teste, secrétaire nationale et secrétaire général de la FSU ; Nicolas Girod et Véronique Marchesseau, porte-parole et secrétaire générale de la Confédération paysanne ; Hélène Le Cacheux et Jean-Christophe Sellin, co-coordinatrice et co-coordinateur du Parti de gauche ; Sarah Legrain, députée de Paris et référente du Comité de suivi contre les violences sexistes et sexuelles de la France Insoumise ; Adrien Lienard et Imane Ouelhadj, secrétaire général et présidente de l’Union nationale des étudiants de France ; Mathilde Panot, présidente du groupe parlementaire LFI-Nupes ; Alice Pelletier, Commission nationale d’intervention féministe et conseil politique national et Philippe Poutou, porte-parole national du NPA ; Alice Picard et Youlie Yamamoto, co-porte-parole d’Attac France ; Fabien Roussel, secrétaire national du Parti communiste français (PCF) et député du Nord, et Shirley Wirden, responsable nationale du dispositif Tolérance zéro du PCF ; Blandine Turki, secrétaire générale et Nicolas Wallet, secrétaire général du SNUipp-FSU.

https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/11/25/il-faut-aborder-le-metoo-politique-avec-lucidite-et-sans-complaisance_6151587_3232.html
https://syndicollectif.fr/vers-un-metoo-politique-et-syndical/

Auteur : entreleslignesentrelesmots

notes de lecture

4 réflexions sur « « Il faut aborder le #metoo politique avec lucidité et sans complaisance » »

  1. #MeToo. Le combat continue
    Collectif
    Mediapart est le journal qui a le plus documenté et accompagné en France ce « mouvement social mondial » qu’est devenu #MeToo. Ce livre témoigne de ce bouleversement politique, social, intime et culturel qui ne s’arrête plus depuis l’émergence planétaire du fameux hashtag à l’automne 2017. On y trouve des enquêtes et des analyses au plus près des mobilisations et des changements politiques, précédés ou suivis d’entretiens inédits avec des spécialistes (sociologues, historien·nes, etc.) dont Michelle Perrot, Mérabha Benchikh, Christelle Taraud, Fanny Gallot, Alex Mahoudeau, Chowra Makaremi, Kaoutar Harchi. Ainsi, cet ensemble de contributions permet-il de saisir ce qui se joue dans cette grande vague féministe porteuse d’espoir. Quels sont les enjeux de la période actuelle, à l’heure où la réaction patriarcale et antiféministe face à #MeToo prend de l’ampleur_? #MeToo. Le combat continue ne cache pas les difficultés politiques et judiciaires de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, les reculs et les menaces (montées des LGBTQphobies, remises en question du droit à l’avortement) partout dans le monde (aux États-Unis, ainsi qu’en Iran, en Afghanistan, en Russie…), mais il fait aussi honneur à l’incroyable mobilisation de la société, à l’importance des luttes féministes notamment au travail, et aux avancées permises par le mouvement.

    18 journalistes, collaborateurs et collaboratrices régulières de Mediapart signent cet ouvrage sous la direction de Lénaïg Bredoux, co-directrice éditoriale de Mediapart et responsable éditoriale aux questions de genre.
    https://www.seuil.com/ouvrage/-metoo-le-combat-continue-collectif/9782021543889

  2. Depuis septembre dernier, La France Insoumise compte parmi ses élu·es un auteur de violences sexistes et sexuelles. Puisqu’à ce jour aucune sanction politique satisfaisante n’a été appliquée, nous, militant·es à La France Insoumise, demandons publiquement la démission d’Adrien Quatennens.

    En septembre dernier, nous, militant·es de La France Insoumise, apprenions qu’Adrien Quatennens, député LFI-NUPES, avait commis des actes violents envers son épouse. Ce mardi 13 décembre, la justice a rendu son verdict concernant les seuls faits reconnus par Adrien Quatennens, désormais condamné pour « violences sans incapacité commises par conjoint » et « envoi régulier et malveillant de messages ». Notre mouvement, qui se revendique féministe, doit prendre la mesure de ce que représente cette condamnation aux yeux des militant·es et de l’ensemble des français·es.
    Considérer qu’une gifle n’est pas un acte assez grave pour justifier une sanction sévère revient à minimiser ce type de violences. En outre, selon la parole de Céline Quatennens, cette gifle s’inscrit dans un contexte de violences conjugales. Invoquer l’éternelle graduation des violences pour éviter d’appliquer une sanction claire et cohérente avec notre programme revient à minimiser les VSS dans l’opinion publique. Cette situation ne peut plus durer.
    Contrairement à nos opposants politiques, nous tirons notre légitimité des valeurs que nous portons dans notre programme et qui ont ravivé l’espoir de beaucoup d’électeur·ices.
    Certes, Adrien Quatennens a été rapidement écarté de la coordination du mouvement. C’était une mesure nécessaire, loin d’être suffisante. Nous, qui avons à cœur de transformer la Ve République, notamment par le « droit de révocation » des élu·es, ne devrions jamais craindre de nous en remettre aux électeur·ices en leur donnant la possibilité de s’exprimer à nouveau lorsque des circonstances particulières remettent en cause la légitimité d’un mandat.
    Pour toutes ces raisons, nous portons deux revendications :
    • Le groupe parlementaire LFI-NUPES doit s’opposer au retour d’Adrien Quatennens à l’Assemblée nationale et se prononcer en faveur de sa démission. La France Insoumise ne saurait être représentée par un auteur de violences sexistes et sexuelles.
    • La France Insoumise doit établir une charte claire, ambitieuse et applicable à tous·tes sans distinction concernant les VSS et travailler à une meilleure gestion de ces violences en son sein.
    En aucun cas, nous ne souhaitons nous substituer à la justice. Celle-ci a son temps mais aussi ses failles, surtout lorsqu’il s’agit du traitement des VSS. Notre mouvement dénonce d’ailleurs ces dysfonctionnements et reconnaît la nécessité d’ouvrir la voie à une meilleure prise en charge de ces violences par la justice. Aujourd’hui, il nous faut traduire en actes concrets ce positionnement qui nous a valu le soutien des militant·es féministes et, plus largement, d’une grande part de nos concitoyen·nes.
    La gestion défaillante de l’affaire Quatennens est aussi pour nous le symptôme d’un problème récurrent au sein de La France Insoumise : le manque de démocratie interne. Afin que se résorbent fractures et contestations, notre mouvement doit plus que jamais entendre l’appel de sa base militante et acter la démission d’Adrien Quatennens. Sur ces bases assainies, nous, militant·es sincèrement attaché·es au mouvement, pourrons alors de nouveau défendre fièrement ses valeurs auprès des Français·es.
    Iris Robin, Fouad Benhammou dit Fouadastaire, Léonie Houssin, Tony Gonçalves, Charlotte Lefebvre, Frédéric Roussel, Claire Badouel, Camilo Rojas, Olivia Alcaraz, Alain Iachendrowiecz, Vilain Syndicaliste, Maïlys Baron, Guillaume Dore, Éloïse Carrere-Kane, Jules Nocart, Alexia Rosso, Erwan Fosse, Sandra Vidaud, Gabin Plantet, Axel Urbain, Romain V., Mathilde Geoffroy, Robbin Plantet, Thomas M., Abel Rapetti, Alice Resche, Arthur Valois-Lagourdette, Gaël Baillargeau, Jason Valente, Coatantiec Sacha, Béatrice Michel, Pernaïka Joassaint, Julie N’Diaye, Julien Loyseau, Florian Baudoin, Baptiste Laporte, Louis Barchon, Marie Perrin, Maxime F., Marina Diaby, Karima Mokrani, Mona Martoglio Chwastyk, Eric Vincent, Agnès Aoudaï, Brandon Heller, Paloma Pavan Nuňez, Stella Vauchelle-Touleron, Alexandre Peuvot, Adrien Cloître, Nausicaa Bouaziz, Rémi Durupt, Benjamin Kuntz, Caroline Racine, Maxime Scaduto, Jules Gross, Anne Leclerc, Hugo Marchand
    Pour vous joindre aux signataires de cette tribune, signez la pétition : https://chng.it/CCKh2TkDtf

  3. Soudain que de gens préoccupés par le sort des femmes ! Ils et elles ont signé, ils sont trop bien. On ne les a pas toujours entendus et c’est dommage, maintenant ils et elle en rajoutent dans « les pauvres femmes victimes de ces salauds de bonhommes »

    1. il peut-être difficile de croire en leur sincérité, à une réelle prise de conscience de l’ancrage profondément « masculiniste » des organisations du « mouvement ouvrier »
      mais qu’elles et ils se sentent obligé es de faire une telle déclaration souligne la force des mouvements #MeToo
      les rapports de domination et leurs effets ont été sous-estimés en regard des rapports d’exploitation
      les mobilisations actuelles peuvent permettre de repenser sur le fond l’égalité substantielle (et non formelle) souhaitable

      Interview Geneviève Fraisse : « Renvoyer les violences sexuelles à la seule sphère judiciaire est hypocrite »
      https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2022/10/04/interview-genevieve-fraisse-renvoyer-les-violences-sexuelles-a-la-seule-sphere-judiciaire-est-hypocrite/

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