Nicaragua. « La dictature accuse Oscar René Vargas, sans préciser le “crime” »

Le 23 novembre, quelque 24 heures après son arrestation, le Ministère public a inculpé le sociologue Oscar René Vargas, un intellectuel critique du régime de Daniel Ortega qui a été appréhendé alors qu’il rendait visite à sa sœur, dont l’état de santé est fragile, dans le quartier de Bolonia à Managua.

Les autorités n’ont pas précisé le délit, mais ont estimé que l’Etat était « victime ou offensé » par Vargas, qui, dans les années 1980, était conseiller à la Direction nationale du Front sandiniste de libération nationale (FSLN). Dans le cas de précédentes arrestations dans des circonstances similaires, les personnes arrêtées ont ensuite été accusées de « propagation de fausses nouvelles » ou de « conspiration visant à porter atteinte à l’intégrité nationale ».

La procureure est Yubelca del Carmen Pérez Alvarado, qui a déposé l’acte d’accusation de quatre pages à 12h56 mercredi 23 novembre devant la juge Gloria María Saavedra Corrales, cheffe du Tribunal pénal du dixième district de Managua. L’affaire est enregistrée sous le numéro 025318-ORM4-2022-PN.

Oscar René Vargas était membre du FSLN dans les années 1960 et, en novembre 1967, il a sauvé Daniel Ortega dans le quartier Monseñor Lezcano de Managua, alors que ce dernier était sur le point d’être capturé. Un acte que le sociologue n’a jamais regretté comme il l’a confié au journaliste nicaraguayen Fabián Medina dans Infobae en 2019, alors qu’il était en exil.

Oscar René Vargas rentrera ensuite discrètement au Nicaragua, où il n’aura aucune activité publique, mais maintiendra un travail intellectuel intense, publiant ses articles critiques sur son blog et exposant ses analyses à divers médias indépendants, sur la crise du FSLN, d’Ortega et la crise sociale et politique qui frappe le Nicaragua.

Une juge et une procureure qui poursuivent des prisonniers politiques
Tant la procureure que la juge chargées la procédure contre Oscar René Vargas sont connues pour persécuter les prisonniers politiques. L’universitaire a été arrêté lors d’une opération menée par la Direction des opérations spéciales (DOEP), composée de policiers chargés des opérations contre le trafic de drogue et le terrorisme.

Le sociologue et économiste n’a pas résisté, selon des sources proches de sa famille. Il a été transféré vers une destination inconnue.

L’un des plus récents procès contre des prisonniers politiques, intenté par la juge Saavedra Corrales, concerne l’Eglise catholique, cible d’une persécution féroce de la part de la dictature. Ainsi, la juge a imposé 90 jours de détention pour « enquêter » sur les religieux et les laïcs qui accompagnaient Monseigneur Rolando Álvarez, évêque de Matagalpa, lorsqu’il a été emmené de force après une descente de la police contre la Curie, le 19 août 2022.

Yubelca del Carmen Pérez Alvarado fait partie du réseau de procureurs et de juges qui ont exécuté l’ordre politique d’Ortega de condamner les prisonniers politiques dans une escalade répressive déclenchée par le régime pour imposer un régime de terreur contre les citoyens. Il y a actuellement 219 prisonniers politiques dans le pays, détenus dans un système qui a été dénoncé pour avoir pratiqué la torture et effacé les garanties constitutionnelles.

Ces agents du système judiciaire commettraient le crime de prévarication et de torture, selon une enquête menée il y a plusieurs mois (12 février) par Confidencial. En effet, la procureure a été sanctionnée par les Etats-Unis en juillet dernier comme faisant partie des 23 agents du système judiciaire du régime Ortega qui sont caractérisés comme des bourreaux de prisonniers de conscience.

Le Cenidh demande sa libération : « Sa vie est en danger » !
En apprenant l’acte d’accusation publié sur le système électronique des tribunaux de Managua, le Centre nicaraguayen des droits de l’homme (Cenidh) a tenu le régime Ortega-Murillo pour responsable de ce qui pourrait arriver à l’intellectuel, âgé de 76 ans et porteur d’un pacemaker.

« Sa vie est en danger. Nous exigeons sa libération immédiate », a demandé la célèbre organisation. Elle a souligné qu’il est innocent et a ajouté que ses proches et son avocat ont pu lui faire passer de l’eau [l’aide apportée devrait encore être confirmée –  éd.], mais qu’il a besoin de soins de santé spécialisés.

Répercussions internationales
L’arrestation de Vargas, auteur de 36 livres et co-auteur de 20 autres, a provoqué des réactions internationales. Le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH) a qualifié cette détention d’arbitraire et a déclaré que les responsables de la prison, y compris celle d’El Chipote, ont nié le détenir. Le HCDH a affirmé que ce schéma est récurrent et peut être qualifié de « disparition forcée à court terme ».

De son côté, l’Association latino-américaine de sociologie (ALAS) a également exprimé sa plus vive protestation et a souligné son travail dans une déclaration. « Son important travail d’analyse et de recherche s’est traduit, entre autres, par la publication de dizaines de livres et de centaines d’articles tant au Nicaragua qu’à l’étranger », a déclaré l’organisation.

Selon le site web du sociologue nicaraguayen, Oscar René Vargas est également économiste. Il a étudié, entre autres, à l’Université de Lausanne (Suisse) et à l’Institut universitaire d’études du développement (Genève). Il est titulaire d’un doctorat en économie politique de l’Université nationale autonome du Mexique (UNAM).

Dans l’un de ses derniers articles, Oscar René Vargas a analysé un document du Fonds monétaire international sur la situation au Nicaragua, article publié suite à une visite du FMI qui s’est déroulée entre le 7 et le 15 novembre.

L’organisation multilatérale a déclaré que l’économie se redresse et que ses perspectives sont favorables. « Malgré le fait que la dictature n’a pas d’accord formel avec le FMI, les mesures qu’elle va mettre en place en 2023 sont beaucoup plus sévères que celles recommandées par le FMI dans ses programmes d’ajustement structurel. La situation sera pire qu’aujourd’hui : plus de chômage, plus de d’émigration, une réduction du pouvoir d’achat, l’impossibilité de faire face au coût de panier alimentaire de base [1], la malnutrition, la faim et plus de mécontentement parmi les citoyens », a déclaré le sociologue. 

[1] Le 15 novembre, Oscar René Vargas, dans un article intitulé « Salaires, coût du panier alimentaire de base et faim » écrivait sur son blog : « Au début du mois de janvier 2022, le panier de la ménagère [panier des biens essentiels] coûtait 16 255,38 córdobas, en octobre 2022 il atteignait le prix de 18 636,44 córdobas. En d’autres termes, en dix mois, le panier des biens essentiels de 53 produits a augmenté de 2381,06 córdobas, soit une hausse de 14,64%. Entre 2017 et octobre 2022, le coût mensuel du panier des biens essentiels a augmenté de 5304,48 córdobas, ce qui équivaut à une augmentation de 39,78%. » Oscar René Vargas précisait : « L’évolution du coût du panier de base des produits alimentaires (23 biens) a été la suivante : 2017 : 8874.04, 2018 : 8972.57, 2019 : 9537.59, 2020 : 9681.56, 2021 : 11·096.45, octobre 2022 : 13·216,02 – 36  dollars (Fuente: Instituto Nacional de Información y Desarrollo-INIDE). » Il comparait l’évolution des prix du panier des biens essentiels au niveau des salaires minimums qui sont fixés par branche. Le salaire le plus bas actuel dans l’agriculture est fixé à 4723.95 ; dans le secteur manufacturier à 6351.88 ; dans le secteur du petit artisanat et du tourisme à 4977.07 ; le plus élevé, qu’il citait, dans le secteur des assurances, de la finance et de la construction situait à hauteur de 10·571.78 córdobas (294 dollars). Il soulignait que ces salaires minimums « nous disent que les travailleurs formels vivent dans la pauvreté laborieuse et l’insécurité alimentaire sans pouvoir acquérir les aliments nécessaires, ce qui indique une augmentation de la faim dans le pays, les gens ne sont pas en mesure de manger trois repas par jour ». Les constats argumentés d’Oscar René Vargas impliquaient de facto une condamnation de la politique du régime d’Ortega-Murillo. Autrement dit, le fait flagrant que ce régime est une « offense » contre la très large majorité populaire du Nicaragua. Ce qui constitue un vrai crime. (Réd. A l’Encontre)

Pobreza

Octavio Enriquez
Confidencial, le 25 novembre 2022; traduction rédaction A l’Encontre
http://alencontre.org/ameriques/amelat/nicaragua/nicaragua-la-dictature-accuse-oscar-rene-vargas-sans-preciser-le-crime.html

La dictadura acusa a Oscar René Vargas, sin especificar el “delito”
https://vientosur.info/la-dictadura-acusa-a-oscar-rene-vargas-sin-especificar-el-delito/

Rappel :
Nicaragua : arrestation du sociologue Oscar-René Vargas / Appel pour sa libération
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2022/11/25/nicaragua-arrestation-du-sociologue-oscar-rene-vargas-appel-pour-sa-liberation/

Auteur : entreleslignesentrelesmots

notes de lecture

2 réflexions sur « Nicaragua. « La dictature accuse Oscar René Vargas, sans préciser le “crime” » »

  1. «Les “preuves” contre Oscar René Vargas se réduisent aux “témoignages” de la police et à la référence aux publications sur les réseaux sociaux»
    Le témoignage de deux policiers et des publications sur les réseaux sociaux constituent les «preuves» que le régime Ortega présentera contre le prisonnier politique Oscar René Vargas, séquestré le mardi 22 novembre au matin et enfermé dans une cellule d’isolement dans la prison d’El Chipote.
    Le bureau du procureur a inculpé le sociologue de 76 ans un jour après sa détention arbitraire à Managua, qui s’est produite alors qu’il rendait visite à sa sœur Patricia, dont la santé est fragile.
    Bien que dans un premier temps les accusations n’aient pas été rendues publiques, les autorités ont finalement inculpé l’intellectuel pour les crimes présumés de «conspiration visant à porter atteinte à l’intégrité nationale» et de «propagation de fausses nouvelles par le biais des technologies de l’information et de la communication».
    Ce sont les mêmes crimes que la dictature a reprochés à d’autres prisonniers d’opinion dans une série d’accusations qualifiées de «machoteras» [dans le langage juridique, cela désigne des actes d’accusation pré-rédigés par les procureurs] par les organisations de défense des droits de l’homme, qui ont dénoncé le fait que les procureurs de la dictature ne changent, sur ces actes d’accusation, que les noms des personnes accusées pour rendre officielles les persécutions judiciaires.
    Selon le document d’échange d’informations et de preuves, présenté le 9 décembre par la procureure Yubelca del Carmen Pérez Alvarado et auquel Confidencial a eu accès, le sociologue est également accusé de «provocation à la rébellion», comme l’a rapporté il y a quelques jours le Centre nicaraguayen des droits de l’homme (Cenidh).
    La présidente du Cenidh, Vilma Núñez, avait alors prévenu qu’il pouvait s’agir d’une stratégie de l’Etat pour criminaliser Oscar René Vargas et lui imposer une peine plus lourde. «Attention, ils vont lui donner 30 ans. Ou je ne sais pas combien d’années. C’est l’intention», a expliqué la défenseur des droits de l’homme.
    Gloria Saavedra Corrales, la juge chargée de l’affaire – qui a un passé de persécution judiciaire contre les opposants à Ortega – est responsable du tribunal du dixième district pénal de Managua.
    Avant que le régime ne fasse d’Oscar René Vargas l’un des 235 prisonniers d’opinion du Nicaragua, le sociologue exprimait fréquemment son opinion sur la réalité du pays, tant dans les médias indépendants que sur son blog, un site où il analysait à différents moments la situation économique, sociale et politique, alternant sa demande de démocratie avec la dénonciation des violations des droits de l’homme commises par Ortega.
    Au cours des années 1980, Oscar René Vargas était conseiller auprès de la direction nationale du Front sandiniste de libération nationale, dont l’un des membres est Ortega, qu’il a rencontré en 1967 lorsqu’il l’a sauvé d’une opération menée par la Garde nationale contre les guérilleros sandinistes dans le quartier Monseñor Lezcano de Managua.
    La procureure Yubelca del Carmen Pérez Alvarado est l’une des membres de la machine judiciaire qui a réprimé les prisonniers politiques. A ce propos, elle a été visée en juillet dernier par les Etats-Unis. Ses «preuves» indiquent également qu’Oscar René Vargas a fait des commentaires sur Facebook entre le 12 et le 18 juin 2021, et a donné un entretien le 27 juin de la même année à la chaîne de télévision NTN24.
    Le premier mensonge: «Capturé en public»
    La procureure «accrédite» le témoignage de l’agent de la brigade de recherche et de capture, Salvador de Jesús Chacón, numéro d’agent 14606, qui a assuré avoir capturé l’analyste politique «en pleine rue» pour se conformer à un mandat qui «existait déjà au nom de l’accusé», selon le document.
    Le 22 novembre, la procureure a révélé que la personne qui avait émis l’ordre était le commissaire général Luis Alberto Pérez Olivas, chef de la Dirección de Auxilio Judicial (DAJ), organisme sanctionné par la communauté internationale pour des violations des droits de l’homme. Ce faisant, elle se contredisait elle-même.
    «Elle s’est rendue sur les lieux, confirmant que l’accusé était bien celui recherché. Le témoin (l’agent Chacón) a demandé l’appui des agents de la sécurité publique du Complejo Ajax Delgado et en compagnie de cinq agents ils ont réussi à arrêter l’accusé dans la rue. Il a été emmené à la Dirección de Auxilio Judicial», a déclaré la procureure Yubelca del Carmen Pérez Alvarado.
    Cette version s’oppose aux propos des proches d’Oscar René Vargas, qui ont dénoncé les actions violentes de la police. Son ex-femme, la poétesse Daisy Zamora, a déclaré, après l’arrestation, que l’ordre d’arrestation avait été exécuté par «une patrouille de membres cagoulés de la garde pro-Ortega, avec violation de domicile».
    Dans ce cas traité par la DAJ, l’inspectrice María Palma Téllez sera également citée à comparaître. Si elle n’est pas présente, son supérieur, le commissaire Francisco Villareal Morales, «chef du département anti-narcotiques», pourra comparaître.
    Des «experts en informatique» pour passer en revue les réseaux
    Selon le bureau de la procureure, René Oscar Vargas a été arrêté avec 2161 dollars en billets de différentes coupures, ses cartes de crédit, ses documents personnels et un support de stockage d’informations portant son nom. Pour évaluer le contenu de ce dernier, la police a fait appel à l’inspecteur Francisco Antonio Gutiérrez Valverde.
    Gutiérrez Valverde travaille dans le département des crimes informatiques de la DAJ et son témoignage sera pris en considération en tant qu’«expert en informatique». Mais, «s’il ne peut pas se présenter», la police lui a trouvé un remplaçant: le lieutenant Xavier Corea Martínez, «chef» du département de la DAJ susmentionnée et qui a supervisé «le travail d’enquête».
    Le rapport établi par la police mentionne quatre commentaires spécifiques de l’économiste: 1° «Le pouvoir ou la mort», publié le 12 juin 2021, 2° «Reflux social et unité» du 15 juin 2021, 3° un commentaire sur une publication du magazine The Economist et 4° un autre commentaire intitulé «Répression et négociation» du 18 juin 2021.
    Dans le commentaire «El poder o la muerte» («Le pouvoir ou la mort»), Oscar René Vargas a écrit textuellement: «(Los) Ortega Murillo savent [ce verbe est souligné dans le document du procureur] qu’ils peuvent perdre le pouvoir lors d’élections transparentes et être présentés devant la justice internationale, sans aucune immunité fournie par le pouvoir autoritaire, donc ils considèrent que rester au pouvoir est une question de vie ou de mort.»
    Selon l’analyse d’Oscar René Vargas, la famille Ortega Murillo utilise le système judiciaire pour persécuter les journalistes indépendants et les défenseurs des droits de l’homme, et se sert des médias qu’elle contrôle pour tenter de vendre l’idée qu’elle se défend contre une «conspiration étrangère».
    Les autres commentaires font référence à la crise politique, sociale et économique que traverse le Nicaragua et expliquent, par exemple, dans le cas du commentaire intitulé «Répression et négociation», que la répression généralisée avec davantage d’arrestations arbitraires a «pour objectif d’imposer une négociation par crainte de l’augmentation potentielle des sanctions suite à l’approbation de la loi Renacer» [le Renacer Act a été signé par le président Biden en novembre 2021 suite au constat, entre autres, de violations des droits de l’homme au Nicaragua; le Renacer Act visait aussi des hauts responsables de l’armée et de la police et du Conseil supérieur électoral].
    La famille dénonce les mauvaises conditions de détention d’Oscar René Vargas
    La dictature a autorisé les visites des familles des prisonniers politiques les 7 et 8 décembre. Oscar René Vargas a reçu sa famille le premier jour (le 7).
    Le poète René Alberto Vargas Zamora, fils du sociologue, a exprimé son inquiétude quant à la santé du prisonnier, qui est porteur d’un pacemaker et a perdu entre six et dix livres, comme a pu le confirmer une source proche de sa famille. «La famille craint que mon père ne souffre d’hypothermie, car il se trouve dans une cellule d’isolement sans matelas ni couverture, exposé au vent, au froid et au sol en béton. De plus, il a une hernie entre la quatrième et la cinquième vertèbre lombaire et son dos et ses genoux sont atteints par le fait d’être soumis à ces conditions.»
    La source proche de la famille a déclaré au sujet du sociologue: «Il se levait avec difficulté, grimaçant de douleur, parce qu’il dort sur le ciment, avec un matelas très fin et sans couverture; [la source indique que] bien que depuis le moment de la rencontre j’ai amené une couverture tous les jours [à la prison El Chipote] ils [les gardiens] me disent qu’ils ne la prennent pas parce qu’elle n’est pas autorisée. Les conditions de détention d’Oscar René sont très préoccupantes, pour ne pas dire qu’elles constituent une menace pour son intégrité physique, psychologique et morale. Encore plus lorsque l’on sait qu’Oscar René est un homme de 76 ans, avec une hypertension artérielle, un glaucome et un pacemaker… un homme âgé (76 ans) avec une situation de santé délicate a besoin de conditions humaines minimales pour vivre.» La source demande un soutien pour une campagne afin qu’Oscar René Vargas puisse recevoir «une couverture et un matelas ou une housse matelassée».

    Octavio Enriquez
    Article publié par Confidencial le 13 décembre 2022; traduction rédaction A l’Encontre
    http://alencontre.org/ameriques/amelat/nicaragua/nicaragua-les-preuves-contre-oscar-rene-vargas-se-reduisent-aux-temoignages-de-la-police-et-a-la-reference-aux-publications-sur-les-reseaux-sociaux.html
    Las “pruebas” contra Oscar René Vargas: policías y publicaciones en redes sociales
    https://vientosur.info/las-pruebas-contra-oscar-rene-vargas-policias-y-publicaciones-en-redes-sociales/

  2. Des procès fabriqués par la dictature. Elle veut infliger 30 ans de prison à Oscar René Vargas

    La tornade contre Guisella Elizabeth Ortega Cerón, 34 ans, professeure et militante de l’opposition nicaraguayenne, a commencé lorsque la police l’a surprise le 24 novembre dernier avec son bébé de deux ans. Elle a été placée en détention arbitraire et un scénario répété avec d’autres prisonniers politiques s’est ensuivi: séparation de la famille, une accusation peu imaginative, un procureur diligent et un juge prêt à accepter des affabulations judiciaires, même le week-end.
    Les crimes reprochés à Ortega Cerón, attaquée par la dictature depuis 2018 [date de la rébellion populaire massivement réprimée], sont la «provocation», des «propos diffamatoires» et la «conspiration d’atteinte à l’intégrité nationale» ainsi que la diffusion de «fausses nouvelles», selon le dossier enregistré sous le numéro 025521-orm4-2022-PN.
    Selon un rapport publié le 24 octobre par Confidencial, la dictature avait jusqu’à cette date condamné 45 Nicaraguayens pour «conspiration» et «fausses nouvelles» – avec des peines allant de sept à treize ans de prison. Parmi les victimes figurent les sept pré-candidats à la présidence qui ont été emprisonnés à l’approche des élections de 2021, lorsque Daniel Ortega et Rosario Murillo ont été réélus sans garanties démocratiques.
    Si la documentation ayant trait au cas de l’enseignante Guisella Elizabeth Ortega Cerón montre quelque chose, c’est bien la rapidité avec laquelle les autorités du système judiciaire se coordonnent lorsqu’elles placent des prisonniers d’opinion sur le banc des accusés. «La vérité est que les 235 prisonniers politiques du Nicaragua sont innocents. Ils n’ont commis aucun crime», a commenté un avocat indépendant, qui a demandé à rester anonyme.
    Les accusations contre l’enseignante ont été portées par le procureur Sandro Efraín Peña Urbina, qui a présenté les accusations dans un document de sept pages à 8h23 le matin du samedi 26 novembre, deux jours après l’arrestation. Il a également inculpé la nièce de la professeur, Heidi Walkiria Ortega, et Francisco Hernaldo Vásquez Delgado.
    Un juge répressif est chargé du «procès»
    Ce même samedi, à 9h18, le juge Rolando Salvador Sanarrusia Munguía, qui a l’habitude de persécuter d’autres prisonniers politiques, a tenu l’audience préliminaire. Lorsque l’horloge a sonné 9h35, soit 17 minutes après le début de l’audience, il avait déjà condamné les accusés à la prison, après avoir admis l’accusation lors d’une séance du tribunal du sixième district pénal de Managua.
    Rolando Salvador Sanarrusia est l’un des 23 agents judiciaires de la dictature, sanctionnés par les Etats-Unis le 15 juillet. Ils ont été accusés de porter atteinte aux institutions démocratiques et d’exercer une procédure juridique discrétionnaire pour porter de fausses accusations contre des opposants nicaraguayens.
    Les défenseurs étaient représentés par un avocat commis d’office. Il s’agit d’avocats mis à disposition par l’Etat pour les accusés qui n’ont pas de conseil juridique. Depuis des mois, ces avocats d’office sont également mis en cause parce qu’ils finissent par agir dans l’intérêt des procureurs et des juges du régime.
    Lors de la première audience, cependant, le défenseur public a expliqué que les faits n’étaient pas assez clairs, et que n’existait pas une «individualisation» des cas qui permettrait de savoir comment l’enseignante, sa nièce Heidi Walkiria Ortega et Francisco Hernaldo Vásquez Delgado ont participé au complot invoqué par le procureur.
    «Dans l’avant-dernier paragraphe, il fait référence au fait que l’accusée a organisé des plans contre le gouvernement, mais il ne détaille pas les plans, comment ils allaient être exécutés; or tout cela doit être détaillé au cas où les charges sont admises», a expliqué le défenseur public. Cependant, après avoir entendu les parties, le juge a poursuivi la procédure et a condamné l’accusé à la prison, fixant l’audience initiale au mardi 6 décembre à 9h00.
    Cependant, selon les médias, la professeure Guisella Elizabeth Ortega Cerón, connue sous le nom de «Taylor», a été poursuivie prétendument parce que la police l’a impliquée dans l’impression d’autocollants aux couleurs du drapeau nicaraguayen, considérés comme subversifs par le régime depuis 2018, année où l’Etat a brutalement réprimé les opposants.
    Sa nièce est la propriétaire de «Multiservicios Ortega» et le troisième accusé, Hernández, est propriétaire de «Copynic». Or cette entreprise louait des imprimantes et des photocopieuses à la première pour qu’elle puisse effectuer son travail, selon le site indépendant Artículo 66.
    La CENIDH dénonce des procès «machoteros»: Oscar René Vargas en est la principale victime
    Pour le Centre nicaraguayen des droits de l’homme (CENIDH), ce type de procès express fabriqués par l’Etat est souvent qualifié de «machoteros», en référence au mot «machote» qui, dans le langage juridique, désigne des documents que les avocats de l’Etat ont déjà rédigés, seuls sont changés les noms des accusés et les dates des événements dans une tentative infructueuse de rendre la fabrication de l’accusation plus plausible.
    «Regardez toutes les accusations présentées par le bureau du procureur. Quelles que soient les circonstances et les personnes, il s’agit toujours des mêmes crimes: conspiration ou atteinte à l’intégrité nationale. […] Les modalités d’accusation donnent l’impression que tout le Nicaragua est complice de la même action [comme dans un cybercrime où tout le monde serait impliqué]. Les autorités répriment et travaillent avec un projet d’acte d’accusation préétabli pour criminaliser les personnes», a expliqué Vilma Núñez, présidente du CENIDH.
    Vilma Núñez a ajouté que le seul des prisonniers politiques à être accusé d’un crime différent était le sociologue Oscar René Vargas, qui, en plus d’être accusé de diffusion de fausses nouvelles et de conspiration, il est également accusé de rébellion. Dans aucun des cas, selon la juriste, ils n’ont de base pour cela, et ce qu’ils essaient de faire est «d’augmenter sa peine et de le criminaliser plus que les autres».
    «Si aux autres les condamnations vont de 7 à 13 ans d’incarcération, pour Oscar René Vargas, ils vont vouloir le condamner à 30 ans de prison. Ou je ne sais pas à combien d’années; c’est leur intention», a affirmé la défenseure des droits de l’homme, qui considère que tous ces faits démontrent l’instrumentalisation du pouvoir judiciaire afin de réprimer.
    Oscar René Vargas a été arrêté alors qu’il se trouvait chez sa sœur à Bolonia [quartier de Managua], à qui il était venu rendre visite car elle est en mauvaise santé. Malgré les crimes qui lui sont imputés, le sociologue est en réalité puni pour ses critiques à l’égard du régime Ortega-Murillo. Il s’agit d’une criminalisation de son travail de sociologue et d’économiste, il diffuse depuis des années ses analyses sur son blog et dans les médias indépendants.
    Ce sociologue, qui a travaillé comme conseiller de la Direction nationale du FSLN dans les années 1980, est économiste et historien et, jusqu’à son arrestation, il avait dénoncé la grave crise économique, sociale et politique que traverse le pays et la responsabilité du régime d’Ortega dans cette crise et dans l’émigration forcée de milliers de Nicaraguayens.

    Octavio Enriquez
    Article publié dans le quotidien en ligne Confidencial, le 6 décembre 2022 ; traduction rédaction A l’Encontre
    http://alencontre.org/ameriques/amelat/nicaragua/des-proces-fabriques-par-la-dictature-elle-veut-infliger-30-ans-de-prison-a-oscar-rene-vargas.html

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