République tchèque (Dictionnaire du peuple Rrom)

Avec l’aimable autorisation des Editions Syllepse

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La façon dont sont traités les Tsiganes représente le vrai test, non seulement pour une démocratie mais d’abord pour une société civile. Vaclav Havel

Le nombre de Rroms vivant en République tchèque est estimé à 250 000 même si, aux termes du recensement de 2011, seulement 13 150 personnes se sont déclarées comme telles, sur une population de 10,5 millions.

La plupart des Rroms sont originaires des régions qui constituent aujourd’hui la Slovaquie. En effet, les Rroms tchèques entre 1939-1945 ont subi une extermination quasi-totale. Avant la guerre, il y aurait eu sur le territoire tchèque près de 8 000 Rroms, après la guerre, il n’y en avait plus que 600. Après la Seconde Guerre mondiale, beaucoup de Rroms de Hongrie et de Roumanie ont migré sur le territoire de la Tchécoslovaquie. Venus de villages de l’Est de la Slovaquie ils se sont d’abord installés dans des régions limitrophes tchèques ; puis, à l’initiative du gouvernement, ils ont été dispersés dans les régions industrielles de Bohême et de Moravie pour y être employés en tant que main-d’œuvre bon marché.

Sédentaires depuis le 14e siècle, les Rroms « slovaques » sont également appelés Rroms tchécoslovaques ou slovaques d’Ukraine ou Rómungro (Rroms hongrois). Ils sont environ 170 000. Ils parlent la version dialectale de la langue rromani de la Slovaquie orientale, qui pour l’essentiel est codifiée. Les Rroms « tchèques et moraves » ne représentent plus que quelques centaines de personnes. Un petit nombre de Sinte (Rroms allemands) qui vivait dans les régions occidentales de la République tchèque a également été exterminé durant la guerre de 1939-1945. Ils ne seraient plus qu’une centaine. Viennent ensuite les Rroms olaãshi qui sont environ 18 000 et parlent une autre version dialectale du rromani proche du Kelderash. Un autre groupe comprend les Rroms hongrois, dont la langue maternelle est le hongrois et qui sont environ au nombre de 15 000. La présence de Rroms originaires de l’ex-Yougoslavie, de la Roumanie et de l’ex-Union soviétique a été notée en différents endroits de la République tchèque. Toutefois, ces Rroms n’ont pas le statut de résidents. Selon une estimation du ministère de l’intérieur tchèque, 14 000 Rroms slovaques vivraient actuellement sur le territoire tchèque.

Comme le reste des Tchèques qui se déclarent à plus de 40 %, athées, les Rroms ne sont pas particulièrement religieux. En 2003, cependant, fut ordonné le premier prêtre rrom orthodoxe.

D’après le Conseil tchèque des minorités nationales il y aurait quatre parlers rromani dans la République tchèque. Le principal parler rromani est le rromani slovaque, langue codifiée qui s’apparenterait au rromani hongrois. On y retrouverait beaucoup d’éléments du slovaque et du hongrois. Mais la plupart des Rroms peuvent se comprendre entre eux étant donné qu’il n’y a que très peu de différences entre ces divers parlers. Les Sinte dont le nombre est restreint, seraient germanophones. Selon le secrétariat du Conseil des minorités nationales, environ 50% de Rroms de la République tchèque peuvent actuellement parler et comprendre le rromani. La majorité d’entre eux utilise le rromani dans un contexte familial et le tchèque dans un contexte social. Les premiers Rroms se seraient établis sur le territoire tchèque dans la Bohême et la Moravie au commencement du 15e siècle. Les premiers établissements de Rroms en Slovaquie remonteraient au milieu du 14e siècle. Au 18e siècle, un autre groupe rrom d’importance serait arrivé sur le territoire tchèque, au cours du règne du fils de Marie-Thérèse, Joseph II.

La 1re République tchèque (1918-1938) reconnut, en 1921, les Rroms dans la Constitution, en tant que « nationalité séparée » La même année, le gouvernement fit circuler des copies du registre autrichien de régulation des nomades de 1888. Ces règles répressives furent la base de la loi 117 dirigée contre les Rroms « nomades ». En 1927, fut créée une carte d’identité spéciale, destinée aux « nomades », en vue de l’enregistrement et de la scolarisation de leurs enfants. Cette loi les priva de certaines de leurs libertés civiques. Elle eut pour conséquence de stigmatiser cette population et d’accroître l’attitude hostile et calomnieuse de la société à leur égard. Du fait de la dépression économique faisant suite à la première guerre mondiale et à la crise des années 1930, cette loi fut exploitée par les groupes extrémistes, en particulier en Slovaquie, Cela conduisit à des violences directes et à des pogroms contre les Rroms. La loi de 1927 est restée en vigueur pendant toute la période antérieure aux « accords » de Munich de 1938, et longtemps après l’éclatement de la Tchécoslovaquie de 1992.

La Seconde Guerre mondiale fut la période la plus tragique pour les Rroms européens. Les anciens Rroms tchécoslovaques qui, après les modifications des frontières, à l’automne 1938, étaient restés dans des régions limitrophes, partagèrent le destin des Rroms de l’Allemagne hitlérienne et de la Hongrie de Horthy. Après l’annexion des Sudètes en novembre 1938, la Tchécoslovaquie perdit son indépendance en mars 1939. Le 14 mars 1939, la Slovaquie devint un État fantoche du Reich. Le lendemain, la Bohême-Moravie fut incorporée au Reich, sous le statut de protectorat. Conformément aux décrets du gouvernement tchécoslovaque, des camps de travail furent fondés en Slovaquie pour rassembler provisoirement des éléments « associables » et les Rroms. Des mesures discriminatoires furent mises en place : les Rroms ne devaient pas utiliser les transports en commun, ne pouvaient entrer dans les villes et les communes que certains jours et à certaines heures. Ilona Lacková dans son livre Je suis née sous une bonne étoile a été directement témoin de ces mesures :

Un jour le tambour débarqua au village tsigane en tapant comme un malade sur son instrument. Quand tout le monde fut sorti des cabanes, il annonça que les Tsiganes étaient déclarés hors la loi. Cela signifiait que l’accès aux auberges et aux lieux publics leur était interdit, qu’ils n’avaient pas le droit d’entrer dans le bourg, à l’exception de deux heures par jour entre midi et 14 heures, et qu’ils n’avaient pas le droit d’emprunter les transports en commun. [S’]’ils étaient pris en ville : pour leur punition, on rasait aux femmes la moitié du crâne et on rasait une croix sur le crâne des hommes. Ou on les expédiait tout droit au camp de travail du Petic.

Le protectorat de Bohême-Moravie ne s’aligna sur les lois nazies que dans la phase ultime de l’extermination. Les Rroms détenteurs d’un document d’identité les définissant comme Rroms, selon le décret de 1927, ou fichés à la police criminelle tchécoslovaque furent d’abord visés. Le 31 mars 1939, la vie en « famille élargie fut interdite », tout comme le « nomadisme », définie comme « l’errance hors des dispositifs de contrôle de l’État ». Des Sinte allemands, autrichiens et des Sudètes ayant fui le nazisme se retrouvèrent sur le territoire tchécoslovaque.

Les Rroms furent assignés à résidence et condamnés à des peines de travaux forcés dans des camps comme celui de Lety en Bohême et Hodonin en Moravie, ainsi qu’à Ruzyne (Prague). Ils représentèrent jusqu’à 25% des internés. Dans les Sudètes, les Rroms allemands et tchèques furent emmenés dans le camp tsigane d’Auschwitz II-Brzezinka. Dans les années 1942-1944, les Rroms furent déportés à quatorze reprises vers Auschwitz. Le camp dit « tsigane » dans le septième bloc devint l’étape finale de pratiquement tous les Rroms tchèques. Presque tous les Rroms « tchèques » moururent pendant la Seconde Guerre mondiale.

Ondrej Giňa, leader rrom qui habite à Rokycany, dans l’Ouest de la Bohême, estime que 90% des 6 000 habitants rroms du territoire tchèque ont été exterminés au cours de la guerre, il serait resté 600 survivants. En 1997, un porte-parole du ministère tchèque de la culture estimait que 3 000 Rroms tchèques et moraves avaient survécu à la guerre. Selon Marta Miklusakova, seulement dix familles ont survécu à la guerre. La plupart d’entre elles et leurs descendants vivent soit dans la capitale de la Moravie (Brno) ou dans sa zone périphérique. Un nombre important de ces survivants et de leurs descendants font partie de l’intelligentsia rrom de la République tchèque qui possède une formation universitaire. Les Holomek de Brno en Moravie constituent un exemple d’une famille dont les membres ont survécu, et qui font partie de nos jours de cette élite intellectuelle rrom.

Le génocide perpétré par les nazis (Samudaripen) a constitué l’un des plus lourds crimes contre l’humanité. Entre les deux guerres, l’intégration des Rroms tchécoslovaques dans la société environnante se réalisait. Cette voie fut interrompue par le Samudaripen, et les Rroms, comme dans le passé, furent de nouveau jetés dans un isolement social et culturel.

La création de la 1re République tchécoslovaque avait édifié un État fortement industrialisé à l’Ouest du côté tchèque. En 1945, la partie tchèque avait donc besoin de main-d’œuvre, en particulier dans l’industrie lourde. Après la guerre, un grand nombre de Rroms de Slovaquie, en particulier de sa région orientale, mais également de Hongrie et de Roumanie, commencèrent à émigrer en Tchécoslovaquie. Ils furent incités à s’installer dans les régions qui manquaient de main-d’œuvre bon marché.

Selon les directives gouvernementales, il fallait organiser une dispersion contrôlée pour aboutir à l’assimilation sociale et culturelle des émigrants. Encouragés ou contraints, un grand nombre de Rroms slovaques s’installèrent sur les terres inhabitées de la région des Sudètes. Saša Uhlová, journaliste, fille des dissidents tchèques Petr Uhl et Anna Sabatová, raconte : « Le gouvernement a organisé le déplacement des Rroms de Slovaquie vers les Sudètes après 1945, pour repeupler les villages « quittés » par les Allemands, en fait expulsés. À l’époque la Slovaquie était pauvre, les Rroms étaient « contents » de partir travailler, gagner de l’argent, parce qu’ainsi ils espéraient avoir un travail et une paye régulière. En fait, il s’agissait de travaux demandant une main-d’œuvre non qualifiée. À leur arrivée, les Rroms déchantèrent, ils furent assignés dans des cités non adaptées et dans les zones délabrées de la République tchèque industrielle des années 1950. » Ils restèrent dans ces régions des Sudètes, car il n’y avait pas de possibilité de partir vers l’Allemagne, puisque les frontières de chaque démocratie populaire sous la férule de l’Union soviétique étaient fermées jusqu’en 1989. Beaucoup d’entre eux furent ensuite dispersés dans les régions industrielles de Bohême et Moravie pour être employés à de petits travaux dans les villes industrielles.

La vie communautaire rrom a été brusquement interrompue, en raison du déplacement de cette population sur le territoire tchèque. La modification des activités des Rroms engendra un certain effritement des normes, des valeurs et de la vie familiale de la société rrom traditionnelle.

La migration volontaire et imposée aux Rroms slovaques s’est poursuivie par vagues successives au cours des décennies successives. Selon Holomek, les Slovaques considèrent en général les Rroms de Slovaquie comme des habitants de leur État, alors que les Tchèques, quant à eux, à cause de l’arrivée massive de Rroms après la Seconde Guerre mondiale, considèrent les Rroms comme des étrangers. Holomek affirme que le racisme en République tchèque est plus prononcé qu’en Slovaquie, même si les conditions de vie en Slovaquie sont pires qu’en République tchèque.

Après une brève période politique plus libérale, liée à la critique du stalinisme de Nikita Khrouchtchev, la fin de l’année 1957 vit le retour de la centralisation du pouvoir. Antonin Novotny, premier secrétaire du Parti communiste, fut élu président de la Tchécoslovaquie. La culture et l’idéologie furent à nouveau contrôlées. La volonté d’imposer une nouvelle fois aux Rroms une modification de leur mode de vie reprit. En 1958, fut adoptée la Loi 74/158 concernant la sédentarisation des nomades, interdisant le « nomadisme » sous peine de prison allant de six mois à trois ans. Des aides à la sédentarisation furent données par les comités nationaux entraînant l’hostilité des autres populations qui considèrent les Rroms, encore aujourd’hui, comme les favoris des communistes. Dans la pratique, l’application de la loi permit à la police de couper les roues des roulottes, de confisquer les chevaux des Rroms. Ces derniers eurent l’obligation de demeurer à l’endroit où ils étaient obligés de travailler, même si c’était loin de leurs familles. À part ses motivations économiques, la campagne d’assimilation communiste ressemblait très fortement à celle de ses prédécesseurs :celle des Habsbourg. Les communistes croyaient que l’intégration ne serait totalement achevée que par l’assimilation complète de tous les Rroms. Ils dénièrent l’existence de toute identité rrom, sous prétexte que l’ordre social précédent avait détruit de façon irrévocable la culture rrom. Bien que les Rroms ne fussent pas renommés « nouveaux Tchèques » ou « nouveaux Slovaques », la formulation « citoyen d’origine rrom » fut introduite pour indiquer que l’identité rrom était un vestige du passé. Durant toute la période « communiste » de 1947 à 1989, les Rroms furent victimes des autorités, qui, persuadées qu’une amélioration de leurs conditions de vie suffisait à changer leur manière de penser, ne s’intéressaient ni au développement de leur langue, ni à celui de leur culture.

Ces pressions assimilatrices, furent interrompues au moment du Printemps de Prague en 1968. Le programme de transfert et de dispersion des Rroms s’était alors effondré. Les militants rroms obtinrent l’autorisation en Tchécoslovaquie de créer leur propre organisation, Svaz Cikanu-Romu. Une délégation de la branche tchèque de cette organisation prit part au premier congrès mondial historique de la future Union rromani internationale, à Londres en 1971. Ces organisations furent interdites au bout de trois ans.

En 1979, le groupe dissident de la Charte 77 publia un rapport dénonçant la politique du gouvernement à l’encontre des Rroms. Ce rapport condamnait notamment la politique de stérilisation des femmes rroms organisée depuis le décret de 1972 du ministère de la santé tchécoslovaque sur la stérilisation. Ce décret ne faisait pas mention explicitement des Rroms mais il était évident qu’elles en étaient la première cible. En 1977, une circulaire soulignait le mauvais état de santé des Rroms et l’urgence d’augmenter les primes à la stérilisation des femmes rroms afin de contrebalancer les primes à la naissance. Le rapport du groupe de dissidents dénonça également la ségrégation spatiale des Rroms, la scolarisation des enfants rroms dans des écoles spéciales, et la loi de 1958 sur le nomadisme et le contrôle des Rroms.

Les premières années qui suivirent la Révolution de velours furent favorables à la cause rrom : le nouveau président Vaclav Havel, leader de la Charte 77, était l’un de leurs défenseurs. Le nouveau parti rrom qui venait de se créer, le Romska Obèanska Iniciativa (ROI) participa alors au Forum civique c’est-à-dire à la coalition des partis qui gagnèrent les premières élections. Les Rroms tchécoslovaques souhaitèrent alors renouer des liens avec l’ensemble du mouvement rrom international et le leader du ROI, Emil Ščuka fut élu secrétaire général de l’Union rromani internationale  URI) à son congrès de 1990. L’intérêt porté par Vaclav Havel aux Rroms n’était pas en mesure cependant de supprimer l’ostracisme régnant en Tchécoslovaquie. Durant la dernière décennie communiste, Vaclav Havel fut considéré comme la conscience de la Tchécoslovaquie mais « sa compassion » pour la cause rrom devint profondément impopulaire auprès de ses détracteurs.

L’extermination des Rroms tchèques pendant la Seconde Guerre mondiale et la politique du gouvernement tchécoslovaque après guerre, favorable à la venue de main-d’œuvre, explique que la majorité des Rroms vivant sur le sol actuel de la République tchèque viennent de Slovaquie. Or, en 1993, l’un des éléments politiques majeurs pour la Tchécoslovaquie a été sa scission et la partition de son territoire en deux pays : la République tchèque et la Slovaquie. Cette scission n’a pas été sans effet sur les Rroms.

La dissolution de la Tchécoslovaquie amena le vote de la loi de 1993 sur la citoyenneté tchèque. Cette loi, en incluant des conditions discriminatoires particulièrement à l’égard des Rroms, a eu pour conséquence de priver de la citoyenneté tchèque un grand nombre de Rroms vivant sur le territoire tchèque. En effet, la loi faisait la distinction entre les anciens Tchécoslovaques qui possédaient antérieurement la citoyenneté tchèque et ceux qui avaient la citoyenneté slovaque. Pour obtenir la citoyenneté tchèque, ces derniers étaient tenus de présenter des documents prouvant leur statut de résident permanent, d’avoir un casier judiciaire vierge portant sur les cinq années précédentes, et d’être libéré de la citoyenneté slovaque. Selon Human Rights Watch, « la législation de la République tchèque en matière de citoyenneté a particulièrement nui à la minorité rrom du pays, dont 95% avaient quitté la Slovaquie, peu après la Seconde Guerre mondiale pour s’installer dans les territoires tchèques de Bohême et de Moravie sans toutefois jamais s’inscrire officiellement comme des citoyens tchèques ». Même leurs enfants, nés en territoire tchèque, risquaient d’être assimilés aux Slovaques par les autorités tchèques.

Les autorités tchèques modifièrent en août 1996, les lois concernant la résidence permanente, ce qui permit aux mineurs étrangers placés dans des orphelinats du pays – il s’agit pour la plupart de Rroms – d’obtenir automatiquement un droit de résidence permanente, leur permettant ainsi de demander la citoyenneté tchèque.

Depuis 2001, la République tchèque a défini le terme de minorité nationale :

Une minorité nationale est une communauté de citoyens de la République tchèque vivant à l’intérieur des frontières territoriales actuelles de cette république et se différenciant généralement de la majorité de la population en ce qui concerne son origine ethnique commune, sa langue, sa culture et ses traditions, formant ainsi une minorité numérique au sein de la population. En outre, un tel groupe exprime le désir d’être considéré comme une minorité nationale dans le cadre d’un effort commun pour préserver et renforcer son identité nationale, sa langue et sa culture, ainsi que pour protéger les intérêts de ses communautés historiques. Un membre de minorité nationale est un citoyen de la République tchèque qui revendique une identité nationale autre que l’identité tchèque et exprime le désir d’être considéré comme membre de la minorité concernée au même titre que d’autres individus se réclamant de la même identité.

Le gouvernement s’était engagé en 1999 à faire en sorte que les Rroms participent aux prises de décisions les concernant. Il s’agissait en particulier de créer les conditions propices à la démocratisation au sein de la communauté rrom, de façon à favoriser une réelle représentation représentative de cette communauté.

Depuis 1986, il existait un conseil pour les minorités nationales, présidé, jusqu’en 2001, par Petr Uhl (représentant du gouvernement pour les droits humains). En 2001, ce conseil comprenait des représentants de l’administration et des délégués appartenant aux minorités nationales suivantes : hongroise, allemande, polonaise, rrom, slovaque, ukrainienne et grecque. La minorité rrom disposait de deux représentants choisis au sein des organisations rroms et élus par elles. Le Conseil des minorités est un organe consultatif du gouvernement sans compétence exécutive. Il ne gère que des activités liées à la culture et ne s’occupe pas des problèmes sociaux. Il permet le financement de journaux dans la langue propre à chaque minorité et l’enseignement à l’école de leur langue.

De 1993 à 1997, des subventions d’État ont été accordées à trois journaux rroms : Amaro Lav (qui a disparu en 1995), Romano Kurko et Amaro GendalosAmaro Gendalos (Notre miroir) est un mensuel dans lequel on trouve des dossiers, des articles, des entretiens sur les questions qui concernent les Rroms. Ils sont rédigés en langue tchèque. En langue rromani, il y a un résumé des commentaires réguliers des actualités du mois et également des articles sur l’histoire des Rroms. Ces derniers sont préparés pour ce magazine par la spécialiste tchèque des Rroms, Milena Hübschmannová. Une colonne permanente est réservée à la langue rromani où des spécialistes de la langue rrom expliquent la grammaire et le vocabulaire de la langue. Le rédacteur en chef de ce mensuel est la journaliste rrom Jarmila Balážová. Il est publié par l’association des Amis de la fondation Dženo. Régulièrement les membres du ROI sont interviewés ainsi que les membres de l’Union rromani internationale.

D’autres publications virent ensuite le jour : un bimensuel, Romano Hangos (La voix rrom), dirigé par Karel Holomekυ, et publié par l’association Spolecenstui Romu na Morave (La communauté des Rroms de Moravie) ; un hebdomadaire, Romano Kurko (La semaine rrom) en tchèque et rromani ; le mensuel Kereka, magazine pour les jeunes enfants, publié par l’Alliance démocratique des Rroms de la République tchèque ; enfin, Romano dzaniben, magazine d’études sur la littérature et la culture rrom, dont la rédactrice en chef était Milena Hübschmannová.

Un mémorial pour les victimes de l’Holocauste fut édifié à Lety près de Pišek et un hommage fut rendu, en 1997, aux victimes de l’Holocauste à Hodonin. Les activités du musée de la culture rrom à Brno furent soutenues financièrement par l’État qui subventionna la construction du bâtiment de l’institution.

Dans le but d’améliorer les relations entre les autorités locales et les Rroms, des conseils consultatifs pour l’intégration de la communauté rrom furent mis en place dans l’ensemble des 78 districts.

La seule organisation rrom existant avant 1989 était l’Union des Tsiganes-Rroms, qui avait été créée en 1969 pendant la relative détente du « socialisme à visage humain » durant le Printemps de Prague, a été interdite en 1973. Ses fondateurs étaient des Rroms tchèques survivants de la Seconde Guerre mondiale : Tomáš Holomekυ et les membres de sa famille, comme son fils Karel Holomek et son neveu Miroslav Holomek militaient pour l’amélioration de la situation des Rroms. Cette organisation permit la réalisation de la première « codification » de la langue rromani tchèque.

Après novembre 1989, de nombreuses organisations rroms purent voir le jour. Ainsi, le 31 décembre 1998, le ministère de l’intérieur recensait Coexistencia (Coexistence) ; le Mouvement des Rroms engagés ; le Parti chrétien-démocrate des Rroms ; l’Initiative civique Rrom ; le congrès national Rrom ; le Parti des citoyens d’identité nationale rrom de la Bohême du Nord ; le Mouvement politique de la minorité nationale d’Europe de l’Est en République tchèque.

Romska Obõanska Iniciativa (ROI, Initiative civique rrom) est le premier et le plus important parti politique rrom de la Tchéquie postcommuniste. Son président, Emil Ščuka, est né le 9 septembre 1957 à Poprad (Slovaquie). Après ses études secondaires, il partit ensuite en République tchèque à la faculté de Brno, puis il travailla à Sokolovo où il créa le groupe rromen de théâtre et brilla dans plusieurs films. Il partit à Prague avec Jan Rousenko, ils intervinrent pendant la Révolution de 1989 à l’un des meetings sur la colline de Letenska plan, avec un slogan : « les Rroms sont avec vous ». Il s’est également engagé dans des actions pour l’amélioration de la scolarisation des Rroms et en particulier dans la création d’une classe en secondaire en sciences sociales pour les Rroms à Kolin. Il fut nommé président de l’Union rromani internationale à son 5e congrès, en juillet 2000, et eut l’honneur de proclamer la nation rrom. Le ROI a cessé ses activités en 2009.

Plusieurs fondations furent mises en place : ainsi la Fond Porozumini A Nadije (Fondation pour la compréhension et l’espoir), la Nadace Dr Rajka Djurice (Fondation du docteur Rajko Djurič) qui consacre, depuis 1992, son activité à l’éducation des Rroms. Elle organise des programmes d’enseignement. Le plus connu est le cours annuel pour les assistants rroms. La première classe expérimentale rrom au niveau secondaire, destinée à préparer les jeunes rroms à des carrières d’assistants et de conseillers rroms, a été ouverte en septembre 1998 à Kolin. Le cours admet cinquante élèves par an en provenance de toute la République tchèque. Parmi les sujets étudiés, il y a la langue rromani, l’histoire des rroms et la médiation en vue de résoudre les conflits.

Une fréquence fut réservée pour une radio rrom au sein de la radio tchèque. Elle émit depuis 1992. Il existait de courts programmes hebdomadaires sur les stations régionales et une émission hebdomadaire sur la station FM, Radio Zurnal. La plupart des programmes étaient en tchèque. Les dépenses de cette programmation étaient incluses dans le budget de la radio tchèque. La responsable de cette programmation était la journaliste rrom Anna Polakova.

L’émission Romale était destinée à la minorité rrom. Il y avait une émission deux fois par mois. Les dépenses de cette production étaient prises en charge par le budget de la télévision tchèque.

En 2001, le gouvernement accueillit sur son sol le congrès de l’Union rromani internationale. Un accord de coopération fut passé entre le ministère des affaires étrangères de la République tchèque et l’Union rromani internationale.

Le festival de Khamoro (diminutif affectueux de Kham, soleil en langue rromani) célèbre, le 8 avril, la culture rrom. En 2019, le lancement de l’ouvrage intitulé « Amendar (De notre part) », au théâtre Archa à Prague, a constitué un autre moment fort de la fête internationale des Rroms. Le livre réunit les portraits de 254 personnalités tchèques d’origine rrom, actives dans tous les domaines de la vie publique en République tchèque.

Dans les années 2010, les principales questions touchant les Rroms n’étaient pas résolues. Le dossier des femmes rroms stérilisées sans leur consentement entre 1972 et 1991 n’était pas réglé. Cette pratique aurait été poursuivie jusqu’en 2004, en dépit d’un jugement de 1991. La compensation financière de ces femmes, dont le nombre était évalué à un millier, était à l’agenda des autorités depuis 2007, le gouvernement s’étant contenté de présenter ses excuses en 2009. Des enfants rroms étaient encore victimes d’une politique d’éducation discriminatoire qui favorisait leur scolarisation dans des écoles dites « spéciales », destinées à des enfants souffrant de handicaps mentaux légers. En 2010, ces affectations concernaient 16 000 enfants rroms, soit environ un tiers d’entre eux. Les autres étant, en grande partie, inscrits dans des « écoles tsiganes », comme les Rroms désignent ces établissements qu’ils gèrent eux-mêmes et dont les résultats sont également peu performants. Cette ségrégation, qui contribuait largement à l’exclusion sociale des Rroms, fut dénoncée par le Conseil de l’Europe.

En 2012, la crise économique amena une paupérisation plus grande des Rroms, mais aussi du reste de la population. Une partie de celle-ci dirigea sa colère contre les manquements supposés du gouvernement, la corruption généralisée, l’européanisation ou la mondialisation. Mais, sous l’influence des partis d’extrême droite, d’autres trouvèrent dans les Rroms des boucs émissaires.

En mars 2012, le chercheur Miroslav Mareš dans un rapport au ministère de l’intérieur évaluait à 4 000 le nombre de militants néo-nazis opérant dans le pays, dont 65% âgés de moins de 25 ans, regroupés autour d’un noyau dur de quelque 400 éléments. Alors que, comparée à d’autres pays, la République tchèque n’est pas confrontée à un afflux notable d’immigrants, les extrémistes tchèques tendaient à se focaliser sur les populations rrom et vietnamienne. En 2009, le Parti national tchèque (NS) proposa même comme spot de campagne pour les élections européennes « une solution finale pour la question tsigane ».

Les défenseurs des Rroms se sont fortement inquiétés de ce phénomène. Saša Uhlová, membre de l’ONG Romea qui publie le magazine Romano Vodin, fustigeait « la politique de l’État et des villes qui, en ostracisant géographiquement les Rroms, accroît la césure entre populations majoritaire et minoritaire ». Certains activistes rroms prônent la création d’un véritable parti représentant cette communauté, tout en reconnaissant que la dispersion géographique et le manque de mobilisation de la minorité y sont peu favorables.

La commission européenne appelait la République tchèque à redoubler d’efforts dans le cadre de la Stratégie d’intégration des Rroms jusqu’à 2020, dans le but d’améliorer la situation des Rroms dans les domaines du logement, de l’éducation, de l’emploi, des soins de santé et de la culture.

https://www.syllepse.net/dictionnaire-du-peuple-rrom-_r_22_i_1038.html

Auteur : entreleslignesentrelesmots

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