La sexualité est construite à partir de relations de pouvoir

Interview de Sheila Jeffreys par Francine Sporenda

Sheila Jeffreys est une féministe lesbienne et révolutionnaire qui a été active dans des campagnes féministes contre la violence masculine, la pornographie et la prostitution en Grande-Bretagne et en Australie pendant 20 ans. Elle a enseigné la politique féministe à l’Ecole de sciences sociales et politiques (SSPS) à l’université de Melbourne (Australie). Elle est l’autrice de 12 livres, dont « Trigger Warning : My Lesbian Feminist Life » (2020), « The Lesbian Revolution: Lesbian Feminism in the UK 1970-1990 » (2018), « Gender Hurts: A Feminist Analysis of the Politics of Transgenderism » (2014), « Beauty and Misogyny: Harmful Cultural Practices in the West » (2014), « Man’s Dominion: The Rise of Religion and the Eclipse of Women’s Rights » (2011), « The Industrial Vagina » (2009), « Unpacking Queer Politics: A Lesbian Feminist Perspective » (2002), « The Idea Of Prostitution » (1997), « The Lesbian Heresy » (1994), « Anticlimax: A Feminist Perspective on the Sexual Revolution » (1990), »The Spinster And Her Enemies: Feminism and Sexuality 1880-1930″ (1985), et plus récemment « Penile Imperialism: The Male Sex Right and Female Subordination » (2022). Elle est l’éditrice de « The Sexuality Debates » (1987). Elle a pris sa retraite en Grande-Bretagne en 2015 et est Professorial Fellow à l’université de Melbourne.

FS : Vous mentionnez dans votre livre un aspect de l’oppression des femmes qui a été peu abordé par le féminisme : malgré le fait que le viol conjugal soit maintenant puni par la loi (en théorie), la notion de « devoir conjugal » existe encore de facto, puisque si une femme refuse des rapports sexuels à son mari, le divorce peut être prononcé à ses torts. En d’autres termes, il y a là une contradiction majeure dans la loi, qui bien sûr est aussi discriminante envers les femmes, puisque c’est principalement les femmes mariées qui refusent des rapports sexuels à leurs maris. Vos commentaires ?

SJ : Il est vrai que partout, le mariage hétérosexuel et les relations hétérosexuelles sont basées sur le droit d’accès sexuel du mari à sa femme. C’est la base du contrat, et la base de toutes les relations hétérosexuelles. En ce sens, les femmes ne sont que de la viande échangée pour un usage sexuel, le mariage hétérosexuel étant l’échange d’entretien de la femme contre son usage sexuel. Ce n’est pas le cas du mariage gay, ce que je trouve très intéressant : il n’y a pas d’exigence d’accès sexuel dans le mariage gay. Donc, on peut supposer que le mariage gay est manifestement basé sur quelque chose d’autre, quelque chose de différent de la pénétration d’un vagin par un pénis, mais aussi différent du sexe généralement. Ce que le droit d’accès sexuel masculin inclut également, c’est l’accès des hommes à la pornographie, qui est la base de notre domination, et dans mon livre « Penile Imperialism », je montre comment c’est crucial pour le pouvoir masculin.

FS : Vous écrivez que le sexe consenti mais non désiré est une « partie inévitable » du mariage pour les femmes. Pourquoi les femmes mariées cessent-elles d’être intéressées par le sexe conjugal bien plus rapidement que les hommes mariés ? Est-ce que c’est juste à cause de différences dans le niveau de désir sexuel, comme vous le mentionnez dans votre livre, ou est-ce que d’autres facteurs sont en jeu (l’ennui de la vie conjugale, la fatigue du travail domestique et maternel, le ressentiment envers le mari qui ne s’implique pas dans ces tâches, ou juste que le fait qu’après un certain temps de vie commune, les femmes ne peuvent plus supporter leur mari) ?

SJ : Dans le livre, je pense que la façon dont le droit sexuel masculin existe, pourquoi ces différences dans le désir sexuel existent, pourquoi les hommes imposent des rapports sexuels aux femmes, pourquoi la sexualité est formée selon leur exigence que les femmes y soient des victimes, que le fait que les hommes les harcèlent constamment pour avoir du sexe est un modèle de sexualité, ce n’est pas quelque chose de naturel mais quelque chose de construit. Les hommes sont construits à croire que le sexe est crucial pour leur existence, et on leur dit qu’ils ont le droit de l’infliger aux femmes. Je ne vois pas ça comme naturel, donc demander pourquoi les femmes n’ont pas la même forme de sexualité n’a pas beaucoup de sens ; c’est très improbable que les femmes puissent avoir la même forme de sexualité, puisqu’elles n’ont pas d’objets à qui l’imposer, elles ne sont pas encouragées à penser qu’elles doivent se livrer au même type d’activité plusieurs fois par jour, qu’elles ont ces pulsions sexuelles irrépressibles. Et que tout le monde doit se plier à leur expression. Ce n’est pas comme ça que la sexualité des femmes est construite, parce que la sexualité est construite à partir du pouvoir des hommes et de la subordination des femmes, elle est construite à partir de relations de pouvoir et reflète ces relations. Il est clair, basé sur une partie importante des recherches féministes, que beaucoup de femmes cherchent à éviter le sexe PIV (pénis dans vagin), plus fréquemment bien sûr quand elles vieillissent, et qu’il y a une énorme pression sur les femmes pour qu’elles permettent cet accès sexuel aux hommes, même si elles trouvent ça douloureux, comme c’est le cas pour beaucoup de femmes, même si elles veulent désespérément y échapper et trouvent ça humiliant, même si elles préféreraient faire autre chose, comme de lire un livre.

En fait, dans mes lectures en matière de sexologie, j’ai trouvé le cas d’un homme qui forçait sa femme à avoir des rapports sexuels alors qu’elle continuait à lire un livre pendant qu’il la pénétrait, rencontrant manifestement une certaine résistance comme on peut le supposer. Cela met en évidence que, pour les hommes, le sexe peut n’être que des actes de pénétration et de domination n’ayant absolument rien à voir avec le plaisir de la femme et son sens d’elle-même en tant que personne. Et il y de nombreuses formes de force qu’un homme peut utiliser pour obliger les femmes à permettre l’usage sexuel de leur corps : la force physique bien sûr, la force économique, en leur refusant de l’argent, la force du terrorisme psychologique, comme la mauvaise humeur et la colère, et bien d’autres moyens. Les femmes sont très conscientes de cela et des recherches l’ont étudié.

FS : Est-ce que ce n’est pas absurde de dire que les femmes n’ont pas de désir sexuel alors que leur sexualité a été régulée et réprimée pendant des millénaires ?

SJ : Je ne pense pas que la sexualité des femmes soit réprimée, je pense que la sexualité des hommes et des femmes est politiquement construite dans un système de pouvoir. Et pour les hommes, la sexualité est créée de telle façon qu’elle leur permet d’exercer leur dominance et se sentir hyper-puissants, parce qu’ils ne se sentent pas comme des hommes s’ils ne se comportent pas en dominants comme ils peuvent le faire, et pour le faire ils doivent utiliser et jeter les femmes comme des kleenex. Je ne pense pas que les femmes aient la puissante libido que Freud a attribuée aux hommes et je pense que tout ça est imaginé et construit dans une large mesure, je le pense vraiment. Je ne pense pas que les femmes aient des pulsions sexuelles réprimées parce que je ne crois pas en l’oppression, je crois en la construction sociale.

Je crois que les êtres humains sont nés avec une capacité pour le plaisir sexuel, et quelle forme ce plaisir prendra, avec qui, comment il se manifestera et comment il sera ressenti résulte d’une construction par la société dans laquelle ces personnes vivent. Donc je ne crois pas que la sexualité des femmes ait été réprimée mais simplement qu’elle a été modelée sous une forme particulière pour le service de la sexualité des hommes. Je ne sais pas si nous devrions parler de ça aujourd’hui, mais en ce qui concerne les lesbiennes, je ne crois pas que vous pourrez trouver des lesbiennes qui ont des pulsions qui les pousseront à se comporter de façon prédatrice avec les femmes. Cela n’existe pas, donc vous pouvez considérer que, comme la sexualité des femmes a été réprimée pendant tant de siècles, si l’on faisait disparaître la domination masculine, les femmes surgiraient soudainement avec ces pulsions comme des coquelicots dans un champ, mais je ne pense pas que cela arriverait.

FS : Je suis d’accord mais est-ce que la répression n’est pas une forme de construction sociale ?

SJ : La notion de répression suppose que quelque chose est repoussé, tiré vers le bas, et que vous ne pouvez pas vraiment le ressentir, alors qu’ici, c’est plutôt construit sous une forme particulière, donc je suis en léger désaccord, je suppose… Peut-être qu’il y a une tradition intellectuelle française qui a une vue différente de ces choses, c’est possible.

FS : Je ne sais pas s’il y a un tradition intellectuelle française sur ce point mais je vais y réfléchir. Le consentement est le mot-clé pour ce qui est de l’éducation sexuelle de nos jours, si un consentement est donné avant des rapports sexuels, tout est ok. Vous écrivez que, en fait, la notion de consentement implique en soi l’inégalité, et que le consentement d’un subordonné ne peut jamais être libre. Pouvez-vous expliquer ?

SJ : Comme je l’explique dans le livre, le concept de consentement, sur lequel le sexe censé être acceptable est basé, démontre la façon dont la suprématie masculine est basée sur l’inégalité, parce que c’est un concept extraordinaire : de nombreuses femmes mariées « consentent », c’est-à-dire autorisent l’accès sexuel de leur mari mais elles n’ont aucune envie d’être là, et beaucoup souffrent beaucoup de cette situation. Ce concept de consentement n’a donc rien à voir avec le plaisir sexuel ; ce qu’il suggère est que, quand des membres de la classe de sexe qui a le pouvoir se sentent justifiés à utiliser leur droit sexuel sur la classe de sexe qui a moins de pouvoir, il s’agit de pouvoir et il s’agit d’accès.

Et le concept de consentement ne marche pas dans l’autre sens : les femmes sont éduquées au consentement par une classe de sexe composée de personnes dont les pulsions sexuelles doivent être satisfaites, sur et dans les corps d’une autre classe de personnes qui ont moins de pouvoir. Ceci n’est jamais mentionné, et poser ce concept comme égalitaire est une supercherie. En fait, il inscrit dans le marbre le pouvoir des mâles. Par exemple, on enseigne l’éducation sexuelle aux étudiants des universités dans ce pays – je ne sais pas si c’est le cas en France – et le contenu de cette éducation est de former les garçons à ne pas commettre des violences sexuelles sur les femmes. On peut arguer que ce n’est pas très utiles aux filles, puisqu’il n’est pas mentionné qu’elles ont le droit de ne pas être utilisée comme des objets, et que ce droit est une possibilité. Mais le but de cette éducation n’est certainement pas d’éduquer les filles à ne pas contraindre les garçons à des rapports sexuels qu’ils ne désirent pas – car cela n’arrive jamais.

En fait, l’éducation au consentement enseigne une forme de sexualité dans laquelle l’agression et la violence sont normales. Pour mettre fin à la violence sexuelle masculine, c’est toute la construction de la sexualité qui doit être changée, la notion que les hommes ont des pulsions sexuelles qui doivent absolument être satisfaites doit être abandonnée, la sexualité doit être complètement revue, l’idée même de l’initiative sexuelle masculine, l’idée que les hommes doivent toujours imposer leurs exigences aux femmes doit disparaître. Bien sûr, tout cela crée un modèle de sexualité basée sur le couple prédateur-victime qui ne doit pas seulement être réaménagé, il doit être aboli. L’idée que le sexe puisse être basé sur quelque chose d’autre qu’un désir égal et mutuel doit être éliminée. Il faut se débarrasser du concept de sexe tel qu’il existe et transformer totalement la façon dont nous le concevons. Le consentement reste un concept important, mais le problème est qu’il produit un constant renforcement et re-création de l’inégalité dans le futur.

FS : Vous soulignez le soutien ou la tolérance pour la violence sexuelle masculine par les Etats et les gouvernements, évident en particulier dans la prostitution. Vous voyez comme une avancée majeure le passage de lois criminalisant l’achat de sexe dans divers pays, la France en particulier. Malheureusement, cette loi n’est pas appliquée correctement par la police ici, peu d’« acheteurs de sexe » sont contrôlés comparé au nombre total de ceux qui continuent à acheter des services sexuels dans les salons de massage, en ligne et dans la rue, sans être du tout ennuyés par la police. Quand cette loi a été passée, j’ai dit qu’elle serait délibérément sabotée par les hommes chargés de l’appliquer, et alors des gens se lèveraient pour dire que cette loi ne marche pas et qu’il faut l’abroger. C’est exactement ce qui s’est passé : il y a eu plusieurs tentatives pour faire abroger cette loi. Vos commentaires ?

SJ : Je pense qu’il y a de meilleures situations avec cette loi, je pense qu’elle marche mieux en Suède qu’en France, ce qui est intéressant, et je ne sais pas pourquoi, nous ne pouvons pas discuter de ça ici…

FS : Oui, absolument, la situation est bien meilleure en Suède…

SJ : Ce que je veux dire ici est que la bataille des hommes pour conserver leur accès aux femmes en prostitution et leur idée que les femmes en prostitution sont des objets est énorme, et c’est une lutte continuelle. La prostitution ne peut pas être abolie sans abolir la pornographie, qui est simplement une excroissance de la prostitution qui crée le droit sexuel masculin, et elle ira toujours de pair avec toutes les formes de prostitution. Pénaliser l’achat de sexe est absolument crucial mais nous devons aussi abolir toutes les formes d’accès sexuels exploitatives, donc la pornographie doit disparaître aussi, et il faudrait reconstruire la conception de ce qu’est la sexualité et de ce qu’elle devrait être. Je suis désolée d’apprendre que la situation n’est pas bonne en France, mais je ne pense pas que l’on devrait abandonner cette lutte particulière de pénalisation des acheteurs de sexe.

FS : Non, absolument pas. Mais un des problèmes posés par la mise en œuvre de cette loi en France est que nous demandons à des hommes dans la police, qui sont très sexistes, qui sont en faveur de la prostitution s’ils ne sont pas des clients eux-mêmes, d’appliquer cette loi anti-prostitution, ce qui est absurde.

SJ : Je peux comprendre ce problème particulier en France mais je me souviens que, quand je suis allée en Norvège pour parler de ce problème, nous avions un panel et un public, et j’étais très étonnée car en Australie, l’usage sexuel des femmes par les hommes dans des systèmes de prostitution décriminalisée ou légalisée est totalement accepté, comme vous le savez sans doute. Là, en Norvège, j’ai constaté que le public était totalement avec nous, les hommes se levaient pour dire combien c’était important de pénaliser les acheteurs, c’était un contexte complètement différent de tout ce que j’avais connu, et j’ai vu à quel point la façon dont les Norvégiens concevaient la communauté et la société était différente. Je dirais qu’il est probable que l’attitude envers la prostitution soit différente selon les pays.

FS : Dans votre livre vous montrez comment le lobby pédophile a parasité le mouvement LGB pour promouvoir ses objectifs : la normalisation de la pédophilie comme une orientation sexuelle à l’égal de l’homosexualité, l’abaissement de l’âge de la majorité sexuelle, la validation de la pédophilie comme biologiquement déterminée. Et le mouvement gay, la gauche et les Verts ont plutôt bien accueilli ces campagnes. Vos commentaires ?

SJ : Les hommes, à gauche comme à droite, sont unis dans leurs demandes de protection de leur accès sexuel aux femmes, et aussi de la promotion et de la protection d’une large gamme d’exigences sexuelles. Il est impossible d’imaginer de leur part une autre réaction parce que toutes les formes de politique actuelles sont des politiques masculines dans lesquelles les femmes doivent lutter pour arriver seulement à se faire entendre. C’était surtout les hommes qui soutenaient la « révolution sexuelle » par exemple, durant les 60s et les 70s, et le fait d’être ainsi sexuellement utilisées ne suscitait pas beaucoup d’enthousiasme chez les femmes durant ces années. C’était pourtant ce que la gauche attendait d’elles, absolument, et les hommes de gauche pensaient que ces changements étaient révolutionnaires et exigeaient que les femmes s’y soumettent. Les années 60 ont vraiment été des jours de glorieuse liberté pour les hommes. 

Nous ne devrions pas être surprises que, alors que de plus en plus de perversions masculines étaient promues et normalisées, celles-ci étaient très populaires auprès des hommes de gauche. Dans les années 70, il y avait un soutien important pour le mouvement pédophile en Grande-Bretagne et ailleurs, y compris dans votre pays, j’en parle dans un chapitre du livre. Et l’équivalent de ça aujourd’hui est le soutien de la gauche pour le mouvement des hommes qui s’habillent en femme et qui exigent que l’on reconnaisse et célèbre leur moquerie vicieuse et leur caricature des femmes qu’ils nomment « identité de genre ». Bien sûr, le transvestisme est lié à la satisfaction sexuelle, et jusqu’aux années 90, quand des hommes mettaient des talons aiguille, tout le monde savait qu’il s’agissait de sexe. Maintenant nous sommes censés respecter et protéger ces hommes, et ils envahissent les sports féminins, les opportunités ouvertes aux femmes et d’autres catégories d’intérêts ayant à voir avec leurs fétichismes sexuels. Il y a un soutien international presque total de la soi-disant gauche pour eux, une adhésion aussi entière que pour le mouvement Black Lives Matter. Cela montre très clairement qu’ils agissent dans l’intérêt des hommes, de leurs frères – et certains de ces frères sont noirs – et qu’ils ont abandonné les femmes. Je ne suis pas sûre qu’ils aient jamais vraiment soutenu les femmes mais quand j’étais membre d’un parti de gauche dans les années 80, je ne pense pas que la situation était aussi mauvaise qu’elle l’est maintenant.

FS : A partir de la « révolution sexuelle » des 70s, les travestis ont intelligemment et avec succès travaillé à transformer leur image publique de paraphilie (perversions sexuelle) à minorité opprimée demandant ses droits. Comment ont-ils atteint ce but ?

SJ : J’explique dans le livre que ces hommes ont promu leurs perversions sexuelles de multiples façons similaires à la légitimation de la pédophilie par les lobbies pédophiles, ont promu leur masochisme, toutes sortes de perversions et de transvestisme. Pour donner un exemple lié au sado-masochisme, il y a actuellement une campagne visant à éliminer toutes les limites légales existantes concernant ce que l’on peut faire aux femmes sexuellement. Les féministes s’y sont opposées dans ce pays, nous avons maintenant une loi contre la strangulation des femmes – c’est juste un exemple. Ces hommes, ces fétichistes, malgré tous leurs efforts, ne réussissent pas toujours à obtenir ce qu’ils veulent mais ils ont eu beaucoup de succès dans le cas des travestis. Il y a maintenant diverses lois qui soutiennent cette idée absurde que les hommes peuvent devenir des femmes, on demande aux femmes d’abandonner totalement le mot « femme », et elles sont persécutées par la police si elles refusent d’appeler « femmes » des hommes qui gardent leur barbe et portent des habits d’homme. Et qui sont complètement soutenus.

Un autre groupe qui cautionne leurs positions est la sexologie, qui fait campagne pour légitimer les hommes qui prétendent être des femmes et soutient que leurs motifs ne sont pas sexuels mais découlent d’une identité de genre innée. Ceux des sexologues qui refusent de valider ça le font malgré les campagnes qui sont lancées contre eux, contre leurs enfants et contre leur job. Ces campagnes sont extraordinaires mais certains refusent néanmoins de capituler et de changer leur position.

Une autre de leurs stratégies est de changer le langage. Par exemple, dans le cas de la pédophilie, ils ont remplacé « pédophilie » par MAPs (minority attracted persons, personnes attirées par les mineur.es). Pour ce qui est du transvestisme, il y a eu de nombreux changements, il y a eu des campagnes demandant l’adoption d’expressions comme « désordres de l’identité de genre » ou, dans le cas des hommes qui désiraient porter des vêtements de femme, ce qui il y a 25 ou 30 ans était appelé fétichisme a été renommé « dysphorie de genre » de nos jours, parce que cette expression ne renvoie pas à quelque chose qui serait une pathologie, ils ne veulent pas que leur terrible moquerie des femmes puisse être vue comme une maladie, ils veulent que ce soit vu comme quelque chose de naturel et de positif. Ils ne veulent pas revenir à ce langage, et bien sûr, ils veulent se débarrasser du mot « femme », au sens de tout ce qui n’est pas homme, et ils disent que les femmes qui ne sont pas biologiquement mâle, c’est-à-dire nous, nous devons mettre le mot « cis » devant notre nom de femme et nous appeler quelque chose d’autre. Donc ils veulent un changement général du langage, de multiples façons.

Une autre de leurs stratégies pour obtenir la normalisation et la protection de leurs pratiques inclut la création de groupes de soutien en ligne consacrés à la promotion de la pornographie ; ils sont soutenus par l’industrie du sexe et ils créent des campagnes destinées à prendre le contrôle d’organisations de lobbying, par exemple les campagnes pro-travestis prennent le contrôle d’organisations lesbiennes ou gays comme Stonewall au Royaume-Uni –] c’est le cas de presque toutes les organisations gays traditionnelles à l’international maintenant – et ils les utilisent pour leurs propres objectifs, ce qui est très problématique pour les lesbiennes et pour les gays. Et ils essaient aussi d’infiltrer d’autres institutions sociales, comme les écoles, le système de santé, etc. et ils les parasitent pour propager leur idéologie. Et il est utile de comparer le succès de ces campagnes avec le peu de succès qu’ont eu les femmes pour obtenir l’accès à n’importe quoi, à commencer par l’avortement : l’excitation sexuelle des hommes passe toujours avant le droit des femmes à contrôler leur corps, les exigences des hommes sont toujours rapidement satisfaites, pour preuve la campagne pour faire passer des lois affirmant que les hommes sont des femmes qui a été couronnée de succès, et très rapidement.

FS : Vous venez de parler des activistes du genre essayant de pénétrer dans les écoles, et il y a le problème des drag queens invités dans les écoles primaires, soi-disant pour éduquer les enfants à la diversité. Mais le contenu de ces spectacles et des pages de ces drag queens est clairement sexuel, et vous signalez leur permissivité envers l’abus sexuel des enfants. Les pseudos qu’utilisent ces drag queens sont très révélateurs : Avery Goodlay, Malestia Child, Phallic Cunt, Flowjob. Il y a aussi de très jeunes enfants (11 ans) qui font des drag shows (spectacles de travestis) dans des clubs gays. Quelles sont les intentions réelles de ces hommes qui organisent des spectacles de travestis pour les enfants ?

SJ : Les spectacles de travestis dans les écoles primaires, dans les bibliothèques scolaires et autres endroits similaires existent depuis quelques années, et bien sûr, ils disent que c’est pour promouvoir la diversité, que c’est très progressiste et que les conseils éducatifs et autres structures similaires devraient les soutenir parce qu’ils visent à éduquer les enfants à ce qu’ils appellent « diversité ». Je ne vois pas pourquoi la diversité serait toujours une bonne idée, et bien sûr il ne s’agit pas de diversité. S’il s’agissait vraiment de diversité, toutes sortes de gens seraient invités dans les écoles et les librairies pour éduquer les enfants, par exemple les lesbiennes. Les lesbiennes ne sont jamais invitées, et les gays qui ne font pas de travestisme non plus. Les personnes avec des handicaps non plus.

FS : En effet…

SJ : Donc il s’agit d’un programme très particulier de pratiques et d’idéologie concernant les hommes qui ressentent une excitation sexuelle lorsqu’ils imitent les stéréotypes féminins, des stéréotypes féminins très sexualisés, et qui s’adonnent à des pratiques, font des mouvements et ont des « noms de guerre » typiques de la prostitution, dans laquelle ces hommes pourraient normalement travailler. Pourquoi font-ils ça ? Une des raisons est l’argent : ils sont rémunérés avec des fonds publics pour le faire. Et gagner de l’argent de cette façon, cela leur permet d’éviter la prostitution, à laquelle ils seraient forcés de recourir sans ça. A la question de savoir si c’est de l’abus sexuel sur mineur.es, la réponse ne fait pas de doute : les enfants sont utilisés dans des spectacles de travestis à un très jeune âge, comme vous le dites. Ces enfants qui performent dans des spectacles de travestis le font devant une audience d’hommes gays, ils sont en contact avec eux, les mouvements de ces enfants sont sexualisés et on leur jette de l’argent. Il y a de plus en plus d’hommes dans ces drag shows dont on a découvert qu’ils regardaient de la pornographie juvénile ou qu’ils ont commis des actes pédophiles, c’est essentiellement ce qui se passe avec ces hommes mais je ne pense pas que leur motivation principale soit d’abuser sexuellement des enfants. Je pense que ce qui est en jeu dans le drag, c’est le plaisir de la performance, la normalisation de ces pratiques et l’argent. Et en s’adonnant à ces activités, ces personnes font automatiquement certaines choses qu’ils ne souhaitent pas faire : la promotion de la pornographie, de la prostitution et du womanface qu’ils promeuvent comme éducatives et acceptables pour les enfants.

FS : Pouvez-vous expliquer les conséquences de l’effacement du mot « femme » (remplacé par des expressions comme « personne avec vagin », sur le féminisme et la défense des droits des femmes ?

SJ : Le langage est crucial pour notre lutte. Dans les années 70, nous avons rejeté le mot « lady » (dame) au Royaume-Uni, nous avons dit que nous étions des femmes. Maintenant, le mot « femme » est éliminé dans la littérature médicale sur les maladies des femmes, dans la littérature sur le cancer par exemple où, dans la plupart des cas, ce mot n’est plus utilisé. Pourtant, dans la littérature médicale sur le cancer de la prostate, qui concerne les hommes, le mot « homme » est autorisé. Nous nous trouvons dans une situation extraordinaire. Il y a une gigantesque bataille engagée contre les femmes et nous devons comprendre à quel point cette bataille est énorme. Parce que, derrière les marches de protestation des féministes contre les violences et la prostitution et contre les activistes du transvestisme, il y a une campagne internationale de haine des femmes, dans laquelle les incels jouent un grand rôle. Ces hommes disent qu’ils sont en colère contre les femmes qui leur refusent l’accès sexuel, ce qui causerait plusieurs centaines de morts dans le monde – ce sont les idées des incels, mot qui signifie « involontary celibate ». Et il y a d’autres forces de haine des femmes qui sont impliquées dans quelque chose de très effrayant, comme le découvrent certaines féministes qui s’aventurent en ligne dans la manosphère, et c’est très dérangeant pour les femmes.

Je pense que la campagne de ces militants de l’identité de genre n’est qu’une partie d’un mouvement beaucoup plus vaste déterminé à remettre les femmes à leur place une fois pour toutes, et qui est l’expression de la résistance des hommes à devoir accepter des femmes dans des positions de pouvoir. Par exemple, considérez les agressions auxquelles sont confrontées les femmes en politique, agressions auxquelles les hommes ne sont pas confrontés. C’est vrai aussi pour la pornographie, et il me semble que l’ambition de ces hommes est d’aller encore plus loin dans la subordination des femmes, et ce que font les femmes pour riposter à leurs attaques les rend furieux.

Je pense que nous devons voir les luttes de ces mouvements de travestis comme une partie d’une lutte plus large des hommes contre les femmes, ce qui est très différent de ce qui se passait dans les 70s : il y avait la pornographie mais elle était une industrie moins puissante que de nos jours, et moins violente. A à cette époque, nous avions des marches féministes, personne ne nous empêchait d’organiser ces marches, les hommes n’avaient rien à y faire, nous pouvions être des êtres humains sans courir le risque d’être frappées, personne n’essayait de nous arrêter – mais actuellement des femmes sont attaquées. Les hommes n’essayaient pas de nous traîner devant les tribunaux, ils ne s’intéressaient pas le moins du monde à ce que nous faisions. Ce qui se passe maintenant est beaucoup plus préoccupant que ce à quoi nous étions confrontées alors, et nous devons inclure le transvestisme dans la terrible campagne contre les femmes qui a lieu actuellement.

FS : Oui, je suis très surprise (en fait pas surprise) par le fait que le féminisme en tant que mouvement existe depuis presque 200 ans, et regardez ce que nous avons obtenu, qui n’est pas beaucoup, et qui est constamment menacé si l’on considère l’abrogation du droit constitutionnel à l’avortement aux Etats-Unis. Mais observez le succès du transvestisme, qui a été fantastique : ils ont plus obtenu en une vingtaine d’années que nous en près de 200 ans.

SJ : C’est exact. Ils ont eu un succès extraordinaire mais il faut comprendre que ce n’est pas juste un mouvement pour les travestis, c’est une partie de quelque chose de plus grand contre les femmes, et de nombreux hommes dans des positions de pouvoir doivent être très heureux de ce qui se passe malheureusement.

FS : Oui, cela fait partie de quelque chose de plus grand, comme le mouvement incel dont vous parlez dans votre livre.

https://revolutionfeministe.wordpress.com/2023/09/24/la-sexualite-est-construite-a-partir-de-relations-de-pouvoir/

Auteur : entreleslignesentrelesmots

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