Notre féminisme est indivisible, les droits des êtres humains sont indivisibles (+ autres textes)

  • Aseel Mousa, Emma Graham-Harrison : Le tribut de la guerre sur l’éducation à Gaza jette une ombre sur l’avenir des enfants
  • Emma Danion : Gaza : Israël a tué 19 600 Palestinien-ne-s, dont 7 870 enfants, après plus de deux mois de bombardements
  • Notre féminisme est indivisible, les droits de l’homme sont indivisibles
  • La violence sexiste en tant qu’arme de guerre lors des attaques du Hamas du 7 octobre
  • Samah Salaime : La libération des femmes ne doit pas s’arrêter d’un côté ou de l’autre de la barrière de Gaza
  • Rajaa Natour : Nous, Palestinien·nes, sommes aussi des meurtrier·es
  • « Monsieur le Président… », le monde de la culture appelle à un cessez-le-feu immédiat à Gaza
  • Disqualifier n’est pas penser : pour la libre expression des désaccords

Le tribut de la guerre sur l’éducation à Gaza
jette une ombre sur l’avenir des enfants

Avec le déracinement des élèves et des professeurs et la destruction des bâtiments, il est vraisemblable qu’il faudra de nombreux mois avant que les cours puissent reprendre.

Mohammad Mosa a emballé son ordinateur portable quand il a fui sa maison en octobre en espérant qu’il pourrait encore zoomer dans les classes entre les frappes aériennes. Ce garçon de 14 ans souhaite obtenir une bourse d’études sur résultats et a déjà étudié pendant des guerres.

Deux mois plus tard, la seule chose nouvelle qu’il a apprise, c’est comment cuire du pain sur un feu en plein air. L’intensité des bombardements et la rigueur du blocus ont signifié que la vie des civils à Gaza s’est transformée en combat quotidien pour survivre, et l’éducation en est l’une des nombreuses victimes.

« Il n’y a absolument aucune forme d’éducation ou de scolarité à Gaza en ce moment », a dit Jonathan Crick, porte-parole de l’Unicef à Jérusalem. « Il y avait approximativement 625 000 élèves [d’âge scolaire] dans la Bande de Gaza avant l’escalade des hostilités et aucun d’entre eux ne suit des cours maintenant. Le niveau de la violence et la continuité des hostilités, l’intensité des bombardements qui ont lieu ne permettent pas l’éducation. »

Hors de Gaza, cette tragédie est passée relativement inaperçue au milieu de crises encore plus urgentes. Plus de 7 700 enfants ont été tués, des milliers blessés, et il n’y a pas de fin des bombardements en vue. D’autres meurent de faim, sont gravement malades ou risquent de l’être parce qu’ils n’ont accès ni à de l’eau potable ni à l’hygiène.

Il faudra de nombreuses semaines, et plus vraisemblablement de nombreux mois, avant que des enfants puissent à nouveau étudier à Gaza. Pour les survivants, ce fossé dans leur éducation – qui s’ajoute au temps perdu avec la Covid et les conflits antérieurs – va projeter une ombre durable sur leur avenir, qui s’ajoutera à l’héritage des traumatismes et aux pertes dues à cette guerre.

Il n’y a aucune perspective de réouverture d’écoles tandis que les frappes aériennes et les attaques font rage avec une intensité qui n’a pas épargné les salles de classe, les enseignants et les étudiants de Gaza. Suha Musa, qui était professeure de maths à l’école de garçons d’Al-Zaytoun à l’ouest de Gaza, a dit : « J’aime beaucoup mes élèves et je pense à eux tout le temps. Avant, leur plus grand souhait était d’obtenir une note parfaite à leurs examens. Maintenant, ils pensent à la façon de survivre à la mort et au déplacement. »

A la mi-décembre, 352 bâtiments scolaires avaient été endommagés, plus de 70% des infrastructures éducatives de l’enclave, peut-on voir dans les chiffres de l’ONU. Beaucoup de ceux qui sont encore debout servent d’abris, dont plus de 150 écoles de l’UNRWA et environ 130 écoles gérées par les autorités locales. « Il ne peut évidemment y avoir aucune sorte de cours quand les abris sont déjà surpeuplés », a dit Crick.

Il y a des centaines de membres du personnel qui, comme leurs élèves, ne reviendront jamais dans leurs salles de classe. Au moins 200 professeurs ont été tués et plus de 500 ont été blessés. Les survivants sont éparpillés – plus de 80% de la population ont été déplacés – et hors d’état de travailler ou d’étudier. Ils ont faim, soif et froid, et très peu accès à l’électricité ou à internet.

« Mes amis de l’école, de mon club de boxe et de mon club de langue anglaise ont tous fui la ville de Gaza, et la connexion est difficile à cause du peu de connexion internet », a dit Mohammad, dont la maison est dans une zone où les troupes israéliennes mènent des combats au sol avec les militants du Hamas.

En plus des défis logistiques, il y a le traumatisme constamment en hausse, les nouvelles de la famille et des amis tués, blessés ou absents. Même avant le début de la guerre en cours, quatre sur cinq des enfants de Gaza vivaient dans la dépression, la peur et le chagrin.

« J’ai appris que mon ami Ahmed Yaghi est à Khan Younis, et les nouvelles d’aujourd’hui ont mentionné des bombardements dans cette zone », a dit Mohammad. « Je n’ai pas pu le joindre pour prendre de ses nouvelles, et puis j’ai appris la nouvelle dévastatrice que mon ami Ibrahim et la totalité de sa famille ont été tués. »

Il a pleuré quand il a appris ces morts. Comme beaucoup d’autres enfants à Gaza, ses rêves se résument maintenant à espérer que les bombes s’arrêtent. « Quand le bombardement a recommencé [après le cessez-le-feu temporaire], cela a semblé insupportable. J’espère simplement la fin de la guerre afin que nous puissions reprendre une vie normale », a-t-il dit.

Éducateurs et associations d’aide avertissent que, si on arrive à un accord sur un cessez-le-feu de longue durée, un retour à quoi que ce soit qui ressemble à la normalité à Gaza demandera un temps très long étant donnée l’importance des dommages.

« Quand nous parlons d’éducation, nous parlons d’un système, comme pour les soins de santé », a dit Crick. « Il est absolument impossible de remettre en place ces systèmes sans un cessez-le-feu humanitaire de longue durée. Si l’on veut aider les enfants correctement et suffisamment, c’est essentiel. »

Les salles de classes seront le premier gros problème parce qu’elles manquaient déjà avant ce conflit. De nombreuses écoles fonctionnaient déjà en double vacation, un groupe de bâtiments accueillant une « école » le matin et un autre groupe d’élèves l’après-midi – et donc les dégâts sur un seul bâtiment peut signifier que deux écoles ne peuvent plus fonctionner. « Vous pouvez juste imaginer le défi que cela représentera de relancer un système éducatif correct, quand il était déjà dans une situation tellement catastrophique », a dit Crick.

Et puis, il y a l’équipement et le matériel d’enseignement. Dans les écoles qui sont encore debout, les réfugiés désespérés ont utilisé les chaises et les bancs en bois pour faire la cuisine parce qu’il n’y a pas de gaz.

Les associations d’aide peuvent envoyer des tentes et de l’équipement, mais le personnel enseignant sera beaucoup plus difficile à remplacer. Les étudiants de l’université et ses collègues qui pleurent Refaat Alarir, poète qui a été tué par une frappe aérienne israélienne, ont dit que ses cours leur manqueraient autant que ses écrits.

« Enseigner était pour lui une vocation, pas une profession », a dit Akram Habib, collègue du département d’anglais à l’Université Islamique de Gaza, où Alarir enseignait Shakespeare. « Je ne pense pas qu’aucun professeur puisse le remplacer pour l’instant. Il a toujours encouragé ses étudiants à être créatifs, à penser de manière créative. Il ne voulait pas qu’ils suivent simplement ce qu’il disait. »

Alarir n’était pas dans l’université quand il est mort, mais le campus a lui aussi été bombardé, et parmi les autres victimes du corps enseignant, il y a le président de l’université, Soufyan Tayeh, tué avec sa famille par une autre frappe aérienne israélienne.

Même si les salles de classe sont reconstruites, les manuels scolaires fournis et de nouveaux professeurs formés, Musa craint que les enfants voient leurs écoles différemment, après que tant d’entre eux y aient passé du temps entassés, souffrant du froid, de la faim, de la saleté et de la terreur.

« L’image que les élèves ont de leurs écoles, la façon dont ils les apprécient, a changé après qu’elles soient devenues des abris », a-t-elle dit. « Leur santé mentale sera certainement affectée par les conditions difficiles qu’ils ont subies. Ils auront besoin de beaucoup de temps pour se préparer à étudier de nouveau. »

Aseel Mousa, Emma Graham-Harrison, The Guardian, 19 décembre 2023
Traduction J.Ch. Pour l’Aurdip
https://aurdip.org/le-tribut-de-la-guerre-sur-leducation-a-gaza-jette-une-ombre-sur-lavenir-des-enfants/

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Gaza : Israël a tué 19 600 Palestinien-ne-s, dont 7 870 enfants,
après plus de deux mois de bombardements

Selon un rapport de l’OCHA du 2  décembre 2023, Israël a tué au moins 19 667 Palestiniens et Palestiniennes depuis le 7 octobre, et en a blessé plus de 52 500.

Les bombardements israéliens terrorisent Gaza et redoublent en intensité, en fréquence et en aveuglement. Le dernier rapport d’OCHA estime à plus de 19 667 le nombre de Palestiniens et Palestiniennes assassiné-e-s par Israël depuis le 7 octobre, dont au moins 7 870 enfants

La maternité à l’intérieur du complexe médical Nasser à Khan Younis a été bombardée par Israël ce lundi 18 décembre. Des dizaines de morts et de blessé-e-s ont pour l’instant été reporté-e-s mais le nombre exact de victimes de cette attaque ciblée d’Israël reste encore inconnu.

Selon OCHA, le 16 décembre dans la matinée, 14 personnes ont été tuées lorsque deux maisons ont été frappées à Jabalia, au nord de Gaza. De nombreuses autres personnes sont toujours coincées sous les décombres. Près de 30% de la bande de Gaza ont été désignées comme zones à évacuer sur la carte en ligne de l’armée israélienne qui a été diffusée le 1er décembre. L’accès à ces informations est entravé par les interruptions récurrentes des télécommunications et le manque d’électricité. En effet, depuis le 14 décembre, la bande de Gaza connaît – à nouveau – des coupures des services de télécommunications et d’Internet. Il s’agit de la cinquième coupure depuis le 7 octobre. 

Au cours du week-end du 16 et 17 décembre 2023, les bombardements israéliens aériens, terrestres et maritimes se sont poursuivis dans toute la bande de Gaza, les frappes aériennes les plus intenses ayant été signalées à Khan Younis, dans le sud, et dans les zones d’Ash Shuja’iyeh, d’At Tuffah et d’Ad Darraj, dans la ville de Gaza. Les opérations terrestres intenses et les combats entre les forces d’occupation israéliennes et les groupes armés palestiniens se sont poursuivis ces derniers jours, en particulier à Khan Younis et Rafah, dans le sud de la bande de Gaza.

Martin Griffiths, le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et coordonnateur des secours d’urgence des Nations Unies, alertait le lundi 4 décembre dernier sur l’urgence absolue d’imposer un cessez-le-feu à Israël dans la bande, en signalant – à nouveau – qu’aucun endroit n’est sûr à Gaza.

Le secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, a quant à lui invoqué – pour la première fois depuis sa prise de fonction en 2017 – l’article 99 de la charte des Nations Unies en réponse à la situation humanitaire catastrophique à Gaza. Cet article permet au secrétaire général d’alerter le Conseil de sécurité de toute question qu’il estime susceptible de menacer le maintien de la paix et de la sécurité internationales.

Le nombre de blessé-e-s a désormais dépassé les 52 500 personnes, et la majorité d’entre elles est confrontée a un défaut de soin compte tenu de l’épuisement des ressources sanitaires et du personnel de santé des hôpitaux gazaouis depuis déjà plusieurs semaines. Les infrastructures de santé sont sans cesse menacées, à l’image du bombardement le 2 décembre de l’hôpital al-Awda, quelques heures seulement après la fin de la trêve. Il s’agit d’un des rares hôpitaux toujours fonctionnels dans le nord de Gaza. Un véhicule de Médecins Sans Frontières a aussi été visé par un tank israélien le 1er décembre dernier, alors qu’il tentait d’évacuer le bande de Gaza. L’organisation alerte sur l’urgence absolue d’imposer un cessez-le-feu à Gaza. Dans une annonce du 7 décembre 2023, MSF France signale que l’hôpital Al-Aqsa reçoit plus de tué-e-s que de blessé-e-s, que l’hôpital et la morgue sont pleines. 

Israël, armé d’un système d’intelligence artificielle implacable, a tué au moins 316 personnes et blessé 664 autres à Gaza en moins de 24 heures dans la seule journée du dimanche 3 décembre, selon OCHA et le ministère de la Santé de Gaza.

Israël a ciblé le quartier de Khan Younès, au sud de la bande de Gaza, et lui a asséné des bombardements intenses et particulièrement violents. Les résident-e-s de la région sont sommé-e-s d’évacuer Khan Younès, sans savoir où aller comme aucun endroit n’est sûr à Gaza.

Les journalistes sur place, comme Motaz Azaiza (@motaz_azaiza) et Bisan Owda (@wizard_bisan1), alertent sur l’escalade des bombardements en termes de fréquence et de violence depuis le début du mois de décembre et font part de l’affaissement du moral à mesure des jours qui défilent sans l’imposition d’un cessez-le-feu permanent. 56 journalistes palestinien-ne-s ont déjà été assassiné-e-s par Israël depuis le 7 octobre, selon un rapport du 3 décembre du Centre de Protection des Journalistes.

Au cours des neuf dernières semaines, Israël a tué au moins 19 667 Palestinien-ne-s à Gaza, dont 7 870 enfants – sans compter les personnes qui se trouvent toujours sous les ruines des bâtiments détruits par Israël – et a forcé environ 1,9 million de Palestinien-ne-s de Gaza à quitter leurs maisons par ses bombardements incessants et aveugles. Ces chiffres dépassent désormais ceux de la Nakba, lorsque des milices armées ont massacré 15 000 Palestinien-ne-s et ont violemment chassé 75% de la population palestinienne de leurs maisons et de leurs terres afin d’établir l’État d’Israël en 1948.

Emma Danion pour l’Agence Média Palestine, le 4 décembre 2023, mis à jour le 22 décembre 2023
https://agencemediapalestine.fr/blog/2023/12/22/gaza-israel-a-tue-plus-de-15-523-palestinien-ne-s-dont-6-600-enfants-apres-bientot-deux-mois-de-bombardements/

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Notre féminisme est indivisible, les droits des l’homme sont indivisibles

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Six organisations de femmes arabes, dont Na’am Arab Women in the Center, ont publié une prise de position contre la violence à l’égard de toutes les femmes pendant cette guerre :

Les féministes du monde entier ont fait des efforts remarquables pour s’opposer au silence des femmes et à la remise en question de leur voix, en particulier en période de conflit et de guerre, où les femmes subissent souvent les pires conséquences.

Leurs avancées significatives dans la lutte contre les agressions sexuelles en temps de guerre ont conduit à l’adoption de la résolution 1325 des Nations unies, qui met l’accent sur la participation, la protection et la représentation des femmes pendant les conflits armés. En outre, la résolution 1820 a joué un rôle crucial dans la protection des femmes contre le viol et la violence sexuelle pendant les guerres et les conflits.

Il est essentiel de ne pas douter de la crédibilité des revendications ou des orientations prises par les femmes ou leurs proches lorsqu’ils s’adressent à des organisations spécialisées dans ces questions. Le corps des femmes ne devrait jamais être exploité à des fins politiques.

Les femmes qui ont subi une agression ont le droit de recevoir le soutien médical, psychologique et émotionnel nécessaire. Elles doivent avoir la liberté de choisir avec qui partager leur expérience et quelles informations divulguer. En tant qu’organisations féministes palestiniennes, nous nous opposons à toutes les formes de violence, non seulement pendant les guerres ou au sein des familles, mais dans tous les contextes.

Nous nous opposons avec véhémence à l’occupation, au racisme, à la discrimination, à la domination masculine et à l’extrémisme, quels que soient l’époque ou le lieu. Notre position ferme contre les agressions sexuelles, le harcèlement et le viol reste inébranlable, et nous soutenons toutes les femmes qui s’expriment, indépendamment de leur nationalité, de leur religion ou de leur appartenance ethnique.

Nous ne remettons pas en question les rapports des organisations israéliennes qui luttent contre les agressions sexuelles à l’encontre des femmes israéliennes concernant les événements du 7 octobre et les violences sexuelles qu’elles ont subies.

Dans ce contexte, nous appelons les femmes, les militantes féministes et les personnes actives dans les organisations de femmes en Israël qui ont élevé la voix contre les événements du 7 octobre et les violences sexuelles qu’elles ont subies à s’y opposer et à condamner hardiment toutes les violations, y compris les meurtres, les démolitions et les déplacements qui se produisent dans la guerre implacable contre le peuple palestinien, affectant particulièrement les femmes et les enfants à Gaza. Les intimidations, les menaces et les difficultés rencontrées par les femmes lors des détentions ne doivent pas être négligées.

Enfin, il est essentiel de se rappeler que toute violation, sous quelque forme que ce soit, est un acte d’oppression qui ne peut être justifié. Nos valeurs féministes nous dictent de ne pas accepter d’excuses pour la violation des droits de l’homme.

Organisations de femmes arabes contre le viol
Organisations féministes palestiniennes
Na’am Arab Women in the Center.
3 décembre 2023:
https://www.awc-naam.com/post/arab-women-s-organizations-against-rape
https://europe-solidaire.org/spip.php?article69109

Il nostro femminismo è indivisibile, i diritti umani sono indivisibili
https://andream94.wordpress.com/2023/12/07/israele-gaza-donne-arabe-contro-lo-stupro/#more-1507

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La violence sexiste en tant qu’arme de guerre
lors des attaques du Hamas du 7 octobre

La prise de position rassemble les différents récits et rapports rendus publics jusqu’à présent. Il s’agit notamment de témoignages de survivantes ayant assisté à des actes de violence sexuelle, de descriptions faites par le personnel de sécurité et d’urgence, et de comptes rendus visuels qui ont circulé en ligne.

Avertissement : ce document contient des descriptions de violences sexuelles.

Le 7 octobre 2023, le Hamas a lancé une attaque aveugle et meurtrière. Au cours des semaines qui ont suivi, alors que nous continuons à éprouver un chagrin personnel et collectif – comme tous les autres habitant·es de ce pays – nous avons recueilli des informations sur les événements de cet horrible samedi. Ce faisant, nous cherchons à reconstituer le tableau complet des violences perpétrées.

En tant qu’organisation de défense des droits des êtres humains moralement motivée par la défense du droit à la santé de toutes les personnes vivant entre la rivière et la mer, notre obligation professionnelle est d’enquêter, d’analyser et de reconnaître toute violation de ce droit. Cette prise de position met en lumière les violences sexuelles et sexistes commises lors des attaques du Hamas du 7 octobre. Notre principale préoccupation est de répondre à la douleur et aux besoins physiques et émotionnels des victimes de ces violences – et de celles et ceux qui en ont été témoins – sur leur long chemin vers la guérison.

Le document de synthèse rassemble les différents récits et rapports rendus publics jusqu’à présent. Il s’agit notamment de témoignages de survivantes ayant assisté à des actes de violence sexuelle, de descriptions faites par le personnel de sécurité et d’urgence, et de comptes rendus visuels qui ont circulé en ligne. Bien entendu, les informations publiées à ce jour ne sont que partielles. Cela s’explique à la fois par l’absence d’analyse systématique des preuves médico-légales d’abus sexuels et par l’état des corps de certaines victimes et l’urgence de les identifier et de les évacuer, parfois sous le feu de l’ennemi.

Pourtant, même si les informations disponibles sont partielles, il est de notre devoir de nous pencher sur ces événements. Nous devons reconnaître que les violences sexuelles et sexistes ont fait partie des attentats du 7 octobre. Nous devons présenter toutes les informations connues à ce jour afin d’encourager la poursuite de la documentation et du signalement et d’inciter à l’ouverture d’une enquête sur ces incidents en tant que crimes contre l’humanité. En outre, nous cherchons à souligner l’importance de veiller à ce que le système de soins de santé soit prêt à offrir un traitement adéquat, professionnel et informé à toutes les personnes qui ont subi des crimes sexuels et sexistes ou qui en ont été témoins. Enfin, nous réitérons l’urgence – y compris dans ce contexte – de libérer les otages actuellement détenus à Gaza. Les personnes qui ont subi des violences sexuelles ou en ont été témoins ont besoin de soins médicaux et de santé mentale d’urgence, ce qui leur est probablement refusé à l’heure actuelle.

En tant que membres des communautés de la santé et des droits des êtres humains, il est de notre devoir de soutenir les victimes. En tant que société, nous devons être prêts à reconnaître les violences sexuelles perpétrées le 7 octobre 2023. Nous devons briser les cycles du silence et de la honte et créer l’espace et les conditions nécessaires à la guérison des survivantes.

https://www.phr.org.il/en/gender-based-violence-eng/
Traduit avec DeepL.com (version gratuite)

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La libération des femmes ne doit pas s’arrêter d’un côté ou de l’autre
de la barrière de Gaza

Les principes féministes nous obligent à nous tenir aux côtés des femmes palestiniennes massacrées à Gaza et des femmes israéliennes qui témoignent de violences sexuelles.

Les deux luttes les plus importantes de ma vie sont la lutte contre la violence sexiste et la lutte contre l’occupation israélienne. J’ai toujours considéré que ces luttes étaient inextricablement liées, les deux luttant pour la libération et l’égalité des groupes opprimés : les femmes et les Palestinien·nes. Mais pour la première fois, j’ai l’impression que ces deux mondes s’affrontent.

Depuis le début de la guerre, nous avons tous été poussés à choisir un camp – soutenir ou condamner, être pour ou contre. Ce langage, que nous connaissons si bien dans la boîte à outils du patriarcat, a également pénétré les bastions féministes. Encore sous le choc, les féministes juives et palestiniennes ont été contraintes de prendre position : croire ou nier que les femmes juives ont été victimes de violences sexuelles lors de l’assaut du 7 octobre mené par le Hamas sur le sud d’Israël. Cette question a été noyée dans la guerre des récits au lendemain de ces attaques et dans le cadre des bombardements israéliens en cours sur la bande de Gaza.

Je pense que des crimes sexistes ont été commis le 7 octobre. Même si nous ne savons pas exactement ce qui s’est passé, ni la forme ou l’ampleur des violences sexuelles perpétrées ce jour-là – bien que nous ayons quelques indications – je crois que cela s’est produit parce que j’ai étudié l’histoire des femmes dans les zones de guerre.

Nous savons que le viol systématique et les abus sexuels à l’encontre des filles et des femmes sont un phénomène courant dans les zones de guerre. Les hommes armés, ivres de pouvoir, considèrent le corps des femmes comme faisant partie du champ de bataille. Ceux qui attaquent des civil·es pour les assassiner, les intimider, les contrôler et les occuper, et ceux qui prennent des innocent·es en otage, ne se contentent probablement pas de mettre un pistolet sur la tempe d’une femme.

Nous savons, par exemple, ce qui s’est passé en ex-Yougoslavie, lorsque des soldats serbes ont violé des milliers de femmes bosniaques, dont l’histoire n’a été révélée que lorsque des enfants non désirés ont été découverts dans des camps de réfugié·es. Il a fallu de nombreux mois pour que le tableau complet des viols systématiques apparaisse.

Nous savons ce qui est arrivé aux femmes pendant les combats en République démocratique du Congo ; nous savons ce que les soldats de Boko Haram ont fait aux filles en Afrique du Nord ; et nous savons ce que les soldats britanniques et américains ont fait aux femmes en Irak. Nous savons ce qu’il est advenu des femmes yazidis qui ont été faites prisonnières par ISIS ; nous connaissons l’esclavage sexuel auquel les femmes et les filles syriennes ont été soumises pendant la guerre ; et nous savons que les femmes autochtones du Canada ont été violées et assassinées dans les forêts.

Des horreurs similaires ont également été perpétrées contre des femmes en Algérie, au Myanmar, au Darfour et au Rwanda. Et oui, ici même, il y a des histoires horribles de violence sexuelle contre les femmes palestiniennes pendant la Nakba. Ces crimes n’ont été ni photographiés, ni documentés, ni enquêtés, et seules les histoires des survivantes – nos grands-mères – subsistent.

La prévalence historique et géographique des violences sexuelles ne diminue en rien le traumatisme et la douleur vécus par les femmes israéliennes ni la solidarité que nous devons leur témoigner ; au contraire, elle souligne la raison pour laquelle leurs témoignages doivent être pris au sérieux.

S’il est important qu’une enquête approfondie soit menée, il ne faut pas oublier que les histoires de crimes sexistes dans les zones de guerre ne sont généralement révélées que très lentement. Il faut à de nombreuses survivantes de violences sexuelles des années, voire une vie entière, pour pouvoir parler de ce qui leur est arrivé. Trop souvent, cependant, le patriarcat réduit au silence, diminue ou nie la vérité, et il est donc crucial de dire : nous croyons les femmes.

Et c’est sur la base de ces mêmes principes féministes que nous devons également nous tenir aux côtés des femmes palestiniennes de Gaza qui subissent des souffrances indicibles aux mains de l’armée israélienne depuis le 7 octobre. Notre lutte pour la libération des femmes ne doit pas s’arrêter d’un côté ou de l’autre de la barrière de Gaza.

Le féminisme israélien à l’offensive
Affirmant que les groupes internationaux de femmes ont fait preuve d’un manque de solidarité avec les femmes israéliennes après le 7 octobre, l’appareil féministe sioniste dominant est passé à l’offensive. Il s’en prend non seulement à celles et ceux qui se taisent, mais aussi à celles et ceux qui ont osé demander une enquête externe sur les crimes sexistes commis le 7 octobre, les qualifiant de racistes qui ont pris le parti des Palestinien·nes et abandonné les femmes israéliennes.

La cible centrale de cette rhétorique a été ONU Femmes, que les organisations féministes israéliennes ont accusé de nier les violences sexuelles contre les femmes israéliennes – un produit, bien sûr, de l’« antisémitisme » de l’ONU. La vérité est plus simple : ONU Femmes, comme toutes les organisations appartenant au dinosaure colossal qu’est l’ONU, travaille très, très lentement.

ONU Femmes aurait dû, en effet, réagir plus rapidement aux informations faisant état de violences sexuelles le 7 octobre. Sa première déclaration, publiée le 13 octobre, était fade et vague, comprenant un appel à l’arrêt des combats et à la prévention des dommages causés aux innocent·es, en particulier aux femmes et aux enfants. Une deuxième déclaration, publiée le 1er décembre, allait plus loin : elle s’alarmait des « nombreux récits d’atrocités fondées sur le sexe et de violences sexuelles au cours de ces attaques » et indiquait que l’organisation soutenait la commission d’enquête des Nations unies sur les crimes de guerre commis par les deux camps, y compris les violences sexuelles.

Exiger que les horreurs du 7 octobre fassent l’objet d’une enquête et soient documentées, notamment en recueillant les témoignages des survivantes, ne diminue en rien la gravité de ce qui s’est passé. S’en prendre au mouvement féministe mondial ne reflète pas non plus une solidarité plus vigoureuse avec les victimes. Au contraire, cela place les féministes dans une position de défense et d’hésitation et exige inutilement un test de loyauté des valeurs féministes que sont la fraternité,/sororité l’engagement pour la libération de toutes les femmes indépendamment de leur race ou de leur nationalité, et l’obligation de soutenir et de préserver la dignité des victimes.

En outre, une grande partie de cette rhétorique efface totalement le bombardement de Gaza par Israël depuis le 7 octobre, qui a eu des conséquences effroyables sur la vie des femmes palestiniennes dans la bande de Gaza. Des dizaines de milliers de femmes ont été tuées ou blessées, leurs enfants démembrés et leurs bébés prématurés privés d’oxygène. Les femmes accouchent dans des tentes, allaitent et ont leurs règles sans accès à l’eau potable, aux produits d’hygiène, à l’intimité ou à des vêtements propres.

Ces chiffres et ces images ne touchent pas les femmes en Israël, mais le reste du monde voit ce qui se passe et doit également se préoccuper de l’aspect féministe de l’assaut israélien sur Gaza. Aujourd’hui, la balance du sang et de l’horreur penche du côté palestinien ; on ne peut l’ignorer, mais la souffrance des femmes en Israël et à Gaza ne doit pas non plus être une compétition.

Notre combat doit se poursuivre ensemble
Il serait beaucoup plus facile pour moi de me plonger dans des vidéos de femmes tuées à Gaza et, au moins jusqu’à la fin de la guerre, d’être une Palestinienne tranchante et une féministe floue. À cet égard, je peux comprendre les femmes juives pour qui il était plus facile de retourner dans leur propre camp national et de rejoindre les rangs des partisans de la guerre. Mais le repli sur soi en ce moment trahit les valeurs féministes pour lesquelles nous nous sommes battues ensemble pendant tant d’années et nuit en fin de compte au bien-être des femmes israéliennes et palestiniennes.

Il y a cinq ans, j’ai fait partie d’un groupe de féministes palestiniennes et juives qui se sont associées pour lutter contre des projets visant à faciliter l’obtention d’un permis de port d’arme en Israël, ce qui, nous le savions, entraînerait une augmentation des abus domestiques et de la violence à l’encontre des femmes. Cette réforme a été proposée par Gilad Erdan, qui était à l’époque ministre israélien de la sécurité publique et qui représente aujourd’hui Israël aux Nations unies. Malheureusement, certaines féministes israéliennes considèrent aujourd’hui Erdan comme un partenaire dans leur lutte en raison de la guerre qu’il mène contre ONU Femmes dans le sillage du 7 octobre.

De même, nous ne pouvons pas considérer le Premier ministre Benjamin Netanyahu, qui a porté atteinte à la vie des femmes israéliennes et palestiniennes de bien des manières, comme un partenaire simplement parce qu’il proclame au monde : « Où êtes-vous ? Vous vous taisez parce que ce sont des femmes juives ».

En tant que féministe palestinienne, je me tiens aux côtés de mes collègues et partenaires féministes juives en cette période de profonde détresse, et j’attends d’elles qu’elles se tiennent également à mes côtés et aux côtés de la cause du féminisme palestinien alors qu’Israël massacre nos sœurs à Gaza. J’attends d’elles qu’elles aient le courage de se lever et d’appeler à un cessez-le-feu immédiat, qui sauvera la vie d’innombrables mères et enfants qui, sinon, seront tuées ou blessées.

La lutte contre le militarisme et la militarisation est depuis des années un combat commun aux féministes juives et palestiniennes. Aujourd’hui, cette lutte est plus importante que jamais.

Tout comme je ne nie pas les expériences des femmes israéliennes, j’attends des féministes juives et du reste du monde qu’elles reconnaissent les effets de la violence sexiste qu’Israël exerce depuis longtemps à l’encontre des femmes palestiniennes : violences sexuelles commises par des soldats aux points de contrôle, mauvais traitements infligés aux prisonnières, et la manière dont les soldats israéliens à Gaza dégradent actuellement les femmes palestiniennes même en leur absence, en prenant plaisir à fouiller dans leurs affaires intimes après qu’elles ont été déplacées de force de leur maison.

Je suis fière de mes amies des organisations de femmes palestiniennes et de la déclaration qu’elles ont publiée, que j’ai également signée, et qui affirme clairement : « Notre position ferme contre les agressions sexuelles, le harcèlement et le viol reste inébranlable, et nous soutenons chaque femme qui s’exprime, indépendamment de sa nationalité, de sa religion ou de son appartenance ethnique. »

« Nous ne remettons pas en question les rapports des organisations israéliennes qui luttent contre les agressions sexuelles à l’encontre des femmes israéliennes concernant les événements du 7 octobre », poursuit la déclaration. « À la lumière de ce qui précède, nous appelons […] les membres des organisations de femmes en Israël qui ont élevé la voix contre l’agression sexuelle [subie] le 7 octobre à condamner hardiment toutes les violations, y compris les meurtres, les démolitions et les déplacements survenus dans le cadre de la guerre implacable contre le peuple palestinien, qui touche en particulier les femmes et les enfants de Gaza ».

Les agressions sexuelles ne sont pas une question de gain politique. Nos luttes en tant que féministes palestiniennes et juives sont étroitement liées et doivent inclure l’opposition à l’occupation, au racisme, à la discrimination, au patriarcat et au fondamentalisme en tout temps et en tout lieu. Nous ne réussirons pas si nous sommes divisées ; notre combat doit se poursuivre ensemble.

Une version de cet article a d’abord été publiée en hébreu sur Local Call. Lisez-le ici.

Samah Salaime, 22 décembre 2023

Samah Salaime est une militante et écrivaine féministe palestinienne.
https://www.972mag.com/palestinian-jewish-feminists-women-liberation-gaza-fence/
Traduit avec DeepL.com (version gratuite)

Il nostro femminismo è indivisibile, i diritti umani sono indivisibili
https://andream94.wordpress.com/2023/12/07/israele-gaza-donne-arabe-contro-lo-stupro/#more-1507

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Nous, Palestinien·nes, sommes aussi des meurtrier·es

C’est un acte moral délibéré et puissant de la part des Palestinien·nes de dire, même lorsque près de 20 000 Palestinien·nes ont été tué·es à Gaza : « Nous tuons aussi des Israélien·nes ». Et le récit palestinien, notre demande de libération nationale, ne survivra pas seulement à cette révélation et à cet aveu : Il renaîtra

C’est l’heure du sang. Mais je ne parle pas du sang de mon peuple palestinien, qui continue de couler à Gaza, mais de celui des Israélien·nes juifs et juives.

Quelle ironie, n’est-ce pas ? Car à l’heure où j’écris ces lignes, près de 20 000 Palestiniens·ne ont été tué·es à Gaza, dont de nombreuses et de nombreux civils, et moi, Palestinienne, je choisis délibérément de parler de vos mort·es et non des nôtres.

Je choisis de parler de votre perte et de votre deuil non pas parce que nous devons « équilibrer » les deux récits, non pas parce qu’il est important de présenter une situation politique complexe, ni pour faire entendre une voix différente au milieu de l’échec honteux des dirigeants palestiniens.

J’écris ces mots principalement à l’intention des jeunes femmes palestiniennes, dont certaines ont osé m’écrire en privé pour me confier qu’à chaque fois que le récit national palestinien dominant les aveugle sur un certain scénario, elles reviennent en arrière et lisent mes articles et mes messages sur les médias sociaux qui leur offrent un point de vue différent.

Mais j’écris aussi ces mots aux femmes juives israéliennes qui sont mes partenaires dans la lutte pour mettre fin à l’occupation.

C’est à elles que je m’adresse :

Belles âmes, je me souviens parfaitement du jour où le poids de vos pertes s’est abattu dans toute sa lourdeur et n’a commencé à se dissiper que lorsque j’ai admis que nous, les Palestinien·nes, assassinions aussi des Israélien·nes. Je connais bien le jour, l’heure et le moment de cette « confession » qui s’est déroulée dans la cuisine d’un ami juif. C’était avant la guerre, mais les événements du 7 octobre – et le refus de certain·es Palestinien·nes et partisan·es de la cause palestinienne de reconnaître les atrocités, sans parler de celles et ceux qui les décrivent comme des actes de résistance – m’ont fait revisiter ce moment.

J’étais là avec un autre ami palestinien israélien et nous étions tous les trois assis·es à la table de la cuisine, essayant d’écrire de la poésie. Mais en réalité, nous avons allumé cigarette sur cigarette dans la faim, la colère, l’impuissance, et nous avons discuté de l’éternelle « situation » dans laquelle nous nous trouvons, quand soudain je me suis sentie submergée par la violence du conflit israélo-palestinien.

Mes âmes sœurs en résistance, je vais le confesser. Je n’avais pas prévu cet aveu, je n’avais pas pensé ou imaginé que je pourrais un jour le prononcer. Peut-être que, comme beaucoup de Palestinien·nes, j’ai résisté, j’ai nié, j’ai lutté. J’ai essayé de toutes mes forces d’échapper à cette phrase, mais l’horreur a étouffé mon âme. J’ai crié dans le miroir : il n’y a pas de place pour plus de sang – la tragédie d’un seul peuple est déjà assez insupportable ! Comment vais-je gérer le fardeau de deux peuples ?

Je me suis répété que je n’avais rien à voir avec l’effusion de sang israélien. Après tout, mon expertise nationale est la perte et le chagrin des Palestinien·nes. Je dois en parler, la transmettre, la mettre en valeur et l’utiliser si nécessaire. En outre, je dois être cette histoire.

Pendant des années, cette confession faite à la table de cuisine m’est restée en travers de la gorge. Je craignais les campagnes de persécution, le discours de trahison, la destruction de mon récit palestinien.

Ce jour-là, c’est la première fois que j’ai pu prononcer cette phrase en entier. Ma voix tremblait et je sortais quelque chose de maladroit. Ma langue n’était pas habituée à ce mouvement étrange dans lequel elle dit soudainement « Nous tuons aussi des Israélien·nes ».

Après tout, j’avais l’habitude de dire seulement « ce sont eux les meurtriers » et maintenant je dois aussi dire « nous ». Je me souviens que mon amie juive a légèrement tremblé, alarmée. Je connais très bien ce regard : elle ne croyait pas que moi, la femme palestinienne qui sert à contrecœur de représentante du collectif palestinien, puisse prononcer une telle phrase. À l’époque, je ne pouvais même pas imaginer que je serais capable de lancer une telle bombe nucléaire sur le récit palestinien.

Un silence dur et violent s’est abattu sur nous trois : aucune cigarette, aucune tasse de café, aucune orange confite n’a pu le rompre. Nous savions que votre sang avait été versé, sa voix affaiblie nous parvenait, mais le sang palestinien versé avant le 7 octobre avait toujours prévalu dans mon esprit et dans celui de tant de Palestinien·nes. Puis vinrent les images et les noms de ces milliers de personnes tuées à Gaza, parmi lesquelles tant d’enfants morts sous les décombres des bombes israéliennes censées chercher des membres du Hamas, mais qui les ont trouvés.

Ce n’est pas seulement le 7 octobre qui m’a permis de voir vos mort·es et de rapprocher de mon cœur ces pertes irrémédiables, c’était et c’est toujours un choix éthique, moral et politique conscient. Ce choix ne devrait pas être soumis à la mesure de la cruauté d’un événement spécifique, ni au discours palestinien dominant qui a perdu sa boussole, ni aux déclarations de politiciens palestiniens moralement défaillants. C’est un acte délibéré, puissant, parce qu’il place la sentinelle de la « morale » au-dessus d’un nationalisme parfois aveuglant.

Mes ami·es, cette confession a été catastrophique sur le plan narratif, mais elle m’a libéré. Pourtant, mon esprit était occupé par des questions telles que : « Quelle histoire vais-je raconter maintenant ? Quel récit palestinien vais-je créer à partir du fardeau de la compassion pour les Israélien·nes juifs et juives et les Palestinien·nes ? Comment le récit national palestinien peut-il survivre à une telle révélation ?

Mes ami·es palestinien·nes, vous serez surpris·es. Le récit palestinien peut survivre et même renaître si nous reconnaissons ce massacre et le dénonçons pour créer un récit palestinien alternatif sans deux poids deux mesures. En tant que Palestinien·nes, nous ne survivrons que si nous décidons que l’histoire que nous nous sommes racontée ne fonctionne plus. Nous ne survivrons que si nous entreprenons le douloureux voyage de création d’un autre récit, de sorte que toute violence soit une ligne rouge.

Je n’ai pas peur de dire cela et de continuer à exiger la libération nationale. Cette confession ne justifie pas l’occupation, la déportation, la violence des colons en Cisjordanie et dans la vallée du Jourdain, ni le bombardement de Gaza. Plus encore, elle ne devrait pas être en contradiction avec le récit national séculaire palestinien, qui est profondément moral.

Si notre juste revendication de libération nationale est d’abord et avant tout une exigence morale humaine avant d’être politique, elle ne peut en aucun cas contenir une contradiction morale fondamentale qui nous autorise à verser le sang des autres, simplement parce que le récit palestinien dominant les définit comme des « ennemi·es » qui doivent être combattus à tout prix.

Chères femmes palestiniennes, « à tout prix » est l’équivalent du « droit d’Israël à se défendre ». « À n’importe quel prix », c’est s’enfoncer à l’infini dans les pertes de vies israéliennes et refuser de les voir. « À tout prix », c’est nourrir le loup assoiffé de vengeance et non celui qui a soif de liberté.

Chères femmes palestiniennes et israéliennes, cette compréhension convient à toutes celles qui savent qu’elles partagent cet endroit sur terre, à toutes celles qui aspirent à y vivre librement, sans la peur et l’insécurité accablantes qui menacent de nous consumer tous.

Rajaa Natour, 21 décembre 2023
We Palestinians Are Also Murderers – Opinion – Haaretz.com

Traduit avec DeepL.com (version gratuite)
Communiqué par M. H. L.

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« Monsieur le Président… »,
le monde de la culture appelle à un cessez-le-feu immédiat à Gaza

Depuis les attaques du 7 octobre et les représailles d’Israël sur Gaza, le monde de la culture avait déjà appelé à manifester pour la paix le 19 novembre. Face aux bombardements incessants sur les civils et aux otages toujours retenus, des personnalités emblématiques ont écrit cette tribune à Emmanuel Macron :

« Monsieur le Président,
Notre humanité, et le sens que nous lui donnons, se défait chaque jour un peu plus. C’est avec un effroi et une douleur immense que nous voyons se dérouler une catastrophe insoutenable à Gaza. Ce monde dont on nous tend aujourd’hui le miroir, nous n’y croyons pas plus que nous ne le voulons. Nous, citoyennes et citoyens, membres du monde de la culture, appelons à la reconnaissance des droits de tout être humain. Nous rappelons qu’ils sont universels et inconditionnels. Nous disons l’impossible justification morale des immenses désastres, humains, matériels et éthiques, qui gisent à Gaza, désormais décrite par un représentant de l’ONU comme « l’enfer sur terre » [1]. Exiger la fin d’un massacre et le respect des droits fondamentaux des êtres humains ne peut pas prêter à controverse quand l’Histoire nous a appris le prix du silence. Nous, de toutes les origines et de toutes les confessions, unis par la condamnation de cette catastrophe, vous adressons cette lettre et vous demandons de tout mettre en œuvre pour que ce massacre cesse. Nous vous demandons, Monsieur le Président, d’agir, de vous faire la voix de notre désaccord, de notre révulsion, et de notre espoir. Cette lettre vous appelle à votre devoir. Nous nous lèverons, nous manifesterons, nous écrirons, nous interpellerons, nous nous réunirons, jusqu’à ce qu’il y ait les signes d’un nouveau jour. Nous saluons les récents votes de la France au Conseil de sécurité et à l’Assemblée générale des Nations unies, qui, de toute évidence, ne sont pas suffisants. Nous vous exhortons à poursuivre cet élan et à vous faire le représentant de celles et ceux qui, toujours plus nombreux, aux côtés d’innombrables organisations dont l’ONU, Amnesty International, Human Rights Watch, Unicef, Médecins sans frontières ou la Croix-Rouge, exigent un cessez-le-feu immédiat et permanent à Gaza.

Il en va de la dignité humaine. Nous sommes horrifiés par la mort de plus de 19 000 Palestiniens dont plus de 7 000 enfants et par l’inacceptable politique d’apartheid mise en place par le gouvernement israélien en Palestine, qu’Amnesty International – dans le sillage de nombreuses organisations des droits humains palestiniennes, israéliennes et internationales [2] – qualifie de « système cruel de domination et de crime contre l’humanité » [4]. Nous sommes horrifiés par la mort de plus de 1 200 Israéliens le 7 octobre et la prise d’otages, pour lesquels nous appelons au retour immédiat. Nous partageons l’immense douleur de toutes celles et ceux confrontés à des pertes injustes. Nous exigeons l’égalité des droits pour les Israéliens et les Palestiniens. Nous condamnons unanimement les personnes, les organisations et les États responsables ou complices des massacres de civils innocents. Nous condamnons unanimement la haine, où qu’elle soit, et qui qu’elle touche. Nous rejetons sans réserve l’islamophobie et l’antisémitisme, qui nourrissent l’un et l’autre les mêmes abysses. Nous dénoncerons aussi désormais tous les actes d’intimidation, de censure et de mise au pas. Nous dénoncerons toute tentative d’entrave à la liberté d’expression de celles et ceux qui défendent l’égalité des êtres. Nous ne céderons pas aux attaques de celles et ceux qui veulent le crime, la rage, la guerre et l’aveuglement, et qui tentent d’imposer le silence à celles et ceux qui élèvent leurs voix contre l’intolérable.

Nous sommes guidés par les valeurs qui constituent la raison d’être de la culture et de l’humanité, et par ce regard que l’on se doit de garder toujours rivé sur le sort que l’on y fait à l’autre. Nous rejoignons aujourd’hui les millions de personnes qui demandent partout la fin de ce désastre.

Nous sommes et resterons bouleversés par l’injustice, mus par la solidarité, et unis pour la reconnaissance des droits de tous les êtres humains.

Monsieur le Président, Il est encore temps de sauver les cœurs vivants et battants de Gaza, et avec eux notre humanité à toutes et tous. »

[1] Courrier international, 13/12/2023, Verbatim. « À Gaza, c’est “l’enfer sur terre, alerte ce représentant de l’ONU », consulté le 14/12/2023.
[2]
 Human Rights Watch, « A threshold crossed ; Israeli authorities and the crimes of apartheid and persecution », 27/04/2021 – B’tselem« New B’tselem report : State Business : Israel’s misappropriation of land in the West Bank through settler violence », 01/11/2021 – Al-Haq« Institutionalized impunity : Israel’s failure to combat settler violence in the occupied palestinian territory », 26 /11 /2013.
[3] 
Amnesty International, « L’apartheid d’Israël contre la population palestinienne : un système cruel de domination et un crime contre l’humanité », 01/02/2022.

La pétition est à retrouver sur le site La Culture pour un cessez-le-feu permanent et immédiat. Vous pouvez également la signer en cliquant ici.

Signataires : Noée Abita ; Antoine d’Agata ; Kamir Aïnouz ; Sofia Alaoui ; Aïtor Alfonso ; Oulaya Amamra ; Méryll Ampe ; Silvia Ammon ; Gil Anselmi ; Danielle Arbid ; Swann Arlaud ; Lotte Arndt ; Cynthia Arra ; Ariane Ascaride ; François Aubart ; Guillaume Aubry ; Gaspard Augé ; Cédric Aurelle ; Philippe Azoury ; Rosa Attab ; Agnès B. ; Laëtitia Badaut Haussmann ; Ismail Bahri ; Bonnie Banane ; Eva Barois de Caevel ; Lauren Bastide ; Éric Baudelaire ; Marie Bechetoille ; Melha Bedia ; Leila Bekhti ; Aurélien Bellanger ; Neil Beloufa ; Yasmine Benkirane ; Meryem Benmbarek ; Meriem Bennani ; Dali Benssalah ; Farid Bentoumi ; Houda Benyamina ; Flavien Berger ; Omar Berrada ; Victoire du Bois ; Lucie Borleteau ; Mohamed Bourouissa ; Rachida Brakni ; Iris Brey ; Celeste Brunnquell ; Tania Bruna-Rosso ; Laure Calamy ; Eric Cantona ; Baptiste Carrion-Weiss ; Laetitia Casta ; Christophe Chemin ; Marie Chênel ; Luc Chessel ; Louise Chevillotte ; Antoine Chevrollier ; Julie Crenn ; Jagna Ciuchta ; Clara 3000 ; Corine ; Alain Damasio ; Jean-Pierre Daroussin ; Jonathan Debrouwer ; Claire Denis ; Virginie Despentes ; Émilie Dequenne ; Audrey Diwan ; Alice Diop ; Mati Diop ; Malik Djoudi ; Caroline Ducey ; Elodie Dufour ; Virginie Efira ; Sayyid El Alami ; Ismaël El Iraki ; Mohamed El Khatib ; Didier Eribon ; Annie Ernaux ; Pauline Etienne ; Cécile B. Evans ; Adèle Exarchopoulos ; Imane Farès ; Corentin Fila ; Sophie Fontanel ; Jackson Tennessee Fourgeaud ; Florian Gaîté ; Vanina Géré ; Hélène Giannecchini ; Sara Giraudeau ; Félix de Givry ; Brigitte Giraud ; Thierry Godard ; Fiona Godivier ; Alain Gomis ; Lilith Grasmug ; Faïza Guene ; Naïla Guiguet ; Sophie Guillemin ; Alice Guittard ; Habibitch ; Rym Hachimi ; Joana Hadjithomas ; Adèle Haenel ; Zita Hanrot ; Arthur Harari ; Kaoutar Harchi ; Arthur Harel ; Loïc Hecht ; Clotilde Hesme ; Izia Higelin ; Armel Hostiou ; Cédric Ido ; Tewfik Jallab ; Alma Jodorowsky ; Khalil Joreige ; Katia Kameli ; Karim Kattan ; Reda Kateb ; Farida Kelfa ; Martha Kirszenbaum ; Tarik Kiswanson ; Lyna Khoudri ; Cédric Klapisch ; Ariane Labed ; Lafawndah ; Geoffroy de Lagasnerie ; Rebecca Lamarche-Vadel ; Emilie Lauriola ; Charlotte Le Bon ; J. M. G. Le Clézio ; Erwan Le Duc ; Noëlig Le Roux ; Thomas Lélu ; Alice de Lencquesaing ; Thomas Lévy-Lasne ; Julien Lilti ; Philippe Lioret ; Florence Loiret Caille ; Judith Lou Levy ; ​​Édouard Louis ; Marie-Ange Luciani ; Ingrid Luquet-Gad ; Alex Lutz ; Saif Mahdhi ; Paul Maheke ; Maïwenn ; Enora Malagré ; Guslagie Malanda ; Philippe Mangeot ; Felix Maritaud ; Laila Marrakchi ; Valerie Massadian ; Chloé Mazlo ; Mohamed Mbougar Sarr ; Elli Medeiros ; Salma Mochtari ; Christophe Montenez ; Pedro Morais ; Lucas Morin ; Anna Mouglalis ; Léa Mysius ; Estelle Nabeyrat ; Stanislas Nordey ; Émilie Notéris ; Lewis OfMan ; Felipe Oliveira de Baptista ; Owlle ; Philippe Parreno ; Caroline Pascal ; Daphné Patakia ; Antonin Peretjatko ; Nahuel Perez Biscayart ; Amélie Pichard ; François Piron ; Bettina Pittaluga ; Caroline Poggi ; Clara Ponsot ; Paul B. Preciado ; Philippe Quesne ; Tahar Rahim ; Natacha Ramsay-Levi ; Jules Reinartz ; Jérémie Renier ; Camille Richert ; Olivia Ross ; Badroudine Said Abdallah ; Ludivine Sagnier ; Céline Salette ; Thomas Salvador ; Maud Santini ; Meriem Sebti ; Niels Schneider ; Pierre Schoeller ; Liv Schulman ; Patrick Sobelman ; Apolonia Sokol ; Artus Solaro ; Zinedine Soualem ; Mohamed Sqalli ; Eleonora Strano ; Mara Taquin ; Sandra Terdjman ; Florence Tetier ; Jenna Thiam ; David Thion ; Antoine Thirion ; Ramdane Touhami ; Claire Touzart ; Justine Triet ; Nadia Turincev ; Arnaud Valois ; Marine Vazzoler ; Gisèle Vienne ; Karin Viard ; Jonathan Vinel ; Hugo Vitrani ; Camille Vivier Eduardo Williams ; Arieh Worthalter ; Maud Wyler ; Jean Pascal Zadi ; Sofiane Zermani ; Rebecca Zlotowski ; Khadija Zeggaï ; Dali Zourabichvili.

https://www.telerama.fr/debats-reportages/monsieur-le-president-le-monde-de-la-culture-appelle-a-un-cessez-le-feu-immediat-a-gaza-7018583.php

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Disqualifier n’est pas penser : pour la libre expression des désaccords

Des intellectuels et des chercheurs du monde entier, dont Etienne Balibar, Joan W. Scott ou Enzo Traverso, jugent, dans cette tribune à « l’Obs », trop virulentes les réactions à un texte de Didier Fassin sur Gaza et s’alarment d’un climat de surveillance et d’autocensure.

Le 1er novembre 2023, Didier Fassin, médecin et anthropologue, professeur au Collège de France et à l’Institute for Advanced Study à Princeton, a publié un texte dans lequel, s’appuyant sur des déclarations d’universitaires, d’experts et de représentants d’institutions internationales, il alertait sur le risque qu’un génocide soit commis à Gaza dans le cadre de l’opération « Glaive de Fer » lancée le 11 octobre par l’armée israélienne en réponse aux attaques terroristes du Hamas du 7 octobre 2023.

Dans ce texte, Didier Fassin mettait en parallèle le génocide perpétré [dans l’actuelle Namibie] par les Allemands contre le peuple Herero en 1904 et les actuels bombardements indiscriminés contre des cibles civiles accompagnés d’un siège total privant la population d’eau, de nourriture, d’électricité et de soins.

Ce texte a suscité depuis sa parution de nombreuses réponses de la part de collègues et intellectuels, qui au prétexte de contester la pertinence de cette comparaison, mettent en cause l’intégrité de l’universitaire et jettent le doute sur ses motivations. Nous ne revenons pas ici sur le détail des divergences d’appréciation quant à la pertinence de ce parallèle, dont Didier Fassin a insisté sur le fait qu’il s’agissait de révéler une structure historique pour prévenir le pire. La prolongation casuistique de cette querelle masque ce qui se joue véritablement dans les attaques répétées contre l’anthropologue.

L’expression de désaccords et le développement d’interprétations différentes et contradictoires font partie intégrante du travail quotidien des sciences sociales. Que certain.e.s considèrent qu’une comparaison ou une démonstration n’est pas entièrement probante, cela est un aspect tout à fait courant du débat de sciences sociales. Didier Fassin a répondu avec dignité mais fermement à chacun.e de ses contradicteurs, défendant l’urgence de penser une situation qualifiée de génocidaire par de nombreux observateurs, afin d’en interrompre le cours.

Gare au double tabou
Il ne s’agit pas de savoir à quel génocide on peut comparer les violences actuellement perpétrées à Gaza, mais des conditions dans lesquelles on peut s’exprimer sur la situation au Moyen-Orient. La virulence des réactions suscitées par le texte a fait apparaître un double tabou : le tabou de l’acte même de comparer, et le tabou de l’usage du terme génocide, fondé sur le présupposé de l’impossibilité absolue que des juifs israéliens puissent commettre eux-mêmes un génocide, idée impensable et intolérable. Dès lors, toute mise en perspective historique et toute distance réflexive qui sont le propre d’une démarche rigoureuse en sciences sociales apparaissent comme forcément suspectes. Les procédés rhétoriques employés contre l’intervention de l’anthropologue caricaturent ses propos et reposent sur des procédés déloyaux et intellectuellement malhonnêtes en recourant à l’insulte. L’objectif des textes de ses procureurs n’est pas de rendre possible un dialogue ou même une « disputatio », mais bien de disqualifier le « professeur au Collège de France ».

C’est exactement pour cela et contre cette vision du monde que la démarche de sciences sociales qu’incarne Didier Fassin doit être défendue. Elle fait le pari que, même face aux atrocités les plus cruelles, on peut conserver une pensée complexe, universaliste et humaniste. Car c’est bien la capacité de penser la situation actuelle dans sa complexité historique et géopolitique qu’il faut pouvoir défendre. On ne doit pas simplement pouvoir pleurer ensemble les vies israéliennes et palestiniennes. On doit pouvoir penser ces vies ensemble, au double sens de les penser collectivement, en solidarité, et de conceptualiser les responsabilités spécifiques qui incombent à tous les acteurs politiques concernés.

Généralisation de l’autocensure
Parmi les réponses au texte de Didier Fassin, celles qui entreprennent ouvertement de disqualifier la personne et le statut de son auteur, par des procès d’intention, des raccourcis, et même des insultes visent à réduire au silence cette pensée complexe et humaniste. Il s’agit là de la continuation d’un processus de mise sous surveillance et de censure de la recherche en sciences sociales en cours depuis 2015. Les propos du ministre de l’Intérieur Valls accusant les chercheurs de justifier le terrorisme en tentant d’en proposer des explications, les menaces inquisitoriales contre les universités prétendument islamo-gauchistes, ont réduit considérablement l’espace possible d’intervention publique pour les chercheurs.

Nous sommes aujourd’hui, en France, face à un tournant, à la fois du fait de l’extension de ce phénomène de censure, de l’intensification de la violence et de la généralisation de l’autocensure qui en résulte. Les tentatives répétées de criminalisation des symboles et discours de solidarité à l’égard des Palestiniens en Allemagne ou en France, ou la pratique du doxing – une pratique malveillante visant à divulguer au public des informations plus ou moins vraies sur une personne ou un groupe sans leur consentement – sur les campus américains relèvent d’un même processus de transformation du débat démocratique en culture de l’auto-justice et du vigilantisme.

D’après un sondage mené sur 936 universitaires spécialistes du Moyen-Orient, 82% des personnes interrogées et 98% des professeurs non titulaires affirment s’auto-censurer. Le caractère systématique, violent, et autoritaire de l’intimation au silence par l’accusation d’antisémitisme crée un climat délétère préjudiciable à la démocratie et à la construction intellectuelle et politique du monde d’après le conflit. Car il faudra bien un monde d’après. Et nous n’aurons d’autre choix que de le reconstruire, ensemble. La coupure intellectuelle et politique que ce climat de surveillance et d’autocensure risque de générer entre les pays occidentaux et une grande partie du reste du monde, pas seulement arabe et musulman, du fait de l’indifférence manifestée à l’égard du massacre de masse en cours à Gaza, rend chaque jour cet espoir de reconstruction et de paix globale plus précaire. Les intellectuel.le.s ont leur rôle à jouer dans ce futur. Nous refusons qu’elles et ils soient réduit.e.s au silence.

Daniel Aarão Reis, professeur à l’Université Fédérale Fluminense, Niterói, Rio de Janeiro, Brésil
Nadia Abu El-Haj, Ann Olin Whitney Professor, Department of Anthropology, Co-Director of the Center for Palestine Studies at Columbia
Lila Abu-Lughod, Columbia University
Lahouri Addi, professeur émérite à l’IEP de Lyon
Zahra Ali, sociologue, Rutgers University-Newark
Ahmed Abbès, mathématicien, directeur de recherche
Ariella Aïsha Azoulay, professor of Modern Culture & Media Studies and Comparative Literature, Brown University
Paola Bacchetta, professor of Gender & Women’s Studies at University of California, Berkeley
Etienne Balibar, philosophe, Université de Paris-Ouest Nanterre
Fadi Bardawil, anthropologue
Jean-François Bayart, professeur à l’IHEID (Genève)
Yazid Ben Hounet, Laboratoire d’Anthropologie Sociale (CNRS, EHESS, Collège de France)
Leila Benhadjoudja, sociologue, professeure à l’Université d’Ottawa
Elizabeth Bernstein, professor and Chair, Women’s, Gender, & Sexuality Studies and Professor of Sociology, Barnard College, Columbia University
Karim Emile Bitar, professeur à l’université Saint Joseph, Beyrouth
Rony Brauman, ancien Président résident de Médecins Sans Frontières. Enseigne à l’Humanitarian and Conflict Response Institute (HCRI)
Benjamin Claude Brower, historien, Texas (Austin)
Claude Calame, historien, directeur d’études, EHESS, Paris
Isabelle Clair, sociologue, directrice de recherche au CNRS
Sonia Combe, historienne, Centre Marc Bloch, Berlin
Marianne Dautrey, réalisatrice
Daho Djerbal, historien, Université d’Alger
Muriam Haleh Davis, Associate Professor of History, UCSC
Sonia Dayan-Herzbrun, sociologue. Professeure émérite à l’Université Paris Cité
Mathias Delori, chercheur en sciences politiques au CNRS
Karima Dirèche, historienne, Directrice de recherche CNRS
Ivar Ekeland, président honoraire de l’Université Paris-Dauphine
Anver Emon, professor, University of Toronto
Catherine Fennell, Associate Professor Anthropology, Columbia University
Mayanthi  Fernando, anthropologue
Dominique Fougeyrollas, sociologue
Burhan Ghalioun, académicien, ex-professeur de sociologie à La Sorbonne Nouvelle Paris
Lewis R. Gordon, philosophe
Neve Gordon, professor of Human Rights Law, Queen Mary University of London
Sari Hanafi, professeur Department of Sociology, Anthropology & Media Studies,  ancien président de l’International Sociological Association (2018-23)
Michael Harris, mathématicien, Columbia University New York
Béatrice Hibou, directrice de recherche au CNRS, Ceri-Science Po
Marianne Hirsch, English and Comparative Literature, Columbia University
Pervez Hoodbhoy, professeur Physics Department, Quaid-e-Azam UniversityIslamabad, Pakistan
Hervé Joubert-Laurencin, professeur d’esthétique et d’histoire du cinéma
Olivia C. Harrison, professor of French and Comparative Literature Director, Comparative Studies in Literature and Culture University of Southern California
Gerd-Rainer Horn, professeur d’Histoire Politique, Institut d’Études Politiques de Paris
Viqar Husain, professor, Mathematics Department University of New Brunswick
Richard Jacquemond, Aix-Marseille Université
Nicolas Jaoul, IRIS, anthropologue (CNRS)
Aurélia Kalisky, chercheuse en littérature comparée au Centre Marc Bloch, Berlin
Aissa Kadri, professeur émérite des universités, Paris
Rashid Khalidi, Edward Said Professor of Modern Arab Studies, co-editor of Journal of Palestine Studies, Columbia University
Azadeh Kian, sociologue, Paris
Michel Kokoreff, professeur de sociologie Université Paris 8 
Stéphane Lacroix, 
politiste
Stéphanie Latte Abdallah, directrice de recherche au CNRS (CéSor-EHESS)
Eliane de Latour, anthroplogue, cinéaste, directrice émérite CNRS
Jean-Marc Lévy-Leblond, professeur émérite de l’université de Nice
Darryl Li, associate Professor of Anthropology, University of Chicago
Chowra Makaremi, anthropologue, CNRS Paris
Nadia Marzouki, politiste 
Anat Matar
, dept. of philosophy, Tel Aviv University
Sofiane Merabet, professeur Associé (USA), Département d’Anthropologie, Université du Texas à Austin
Anna-Louise Milne, director of Research and Graduate Studies University of London
A. Dirk Moses, professor, City College of New York
Béligh Nabli, professeur des Universités en droit public
Ussama Makdisi, Chancellor’s Chair and Professor of History, University of California Berkeley
Denis Merklen, sociologue, professeur à la Sorbonne Nouvelle, directeur de l’Institut des hautes études de l’Amérique latine
Anna-Louise Milne, director of Research and Graduate Studies University of London
Timothy Mitchell, professeur au département de Middle Eastern, South Asian, and African Studies Columbia University
Jean-Pierre Olivier de Sardan, directeur de recherche émérite au CNRS (France), directeur d’études à l’EHESS, chercheur au LASDEL (Niger)
Adi M. Ophir, professeur émérite, Tel Aviv University
Mhamed Oualdi, professeur, Sciences Po-Paris.
Marie-Anne Paveau, professeure en sciences du langage, USPN-Paris 13
Richard Peña, Director Emeritus, New York Film Festival Professor of Film and Media Studies, Columbia University
Alain Quemin, professeur de sociologie à l’université Paris-VIII, membre sénior de l’Institut universitaire de France
Bruce Robbins, Old Dominion Foundation Professor in the Humanities, Columbia University
Catherine Rottenberg, professor of Feminist Media Studies, Goldsmiths College, University of London
Carlo Rovelli, Aix-Marseille University, professeur
Olivier Roy, politiste
Noah Salomon, Associate Professor of Religious Studies, University of Virginia
Ranabir Samaddar distinguished Chair, Calcutta Research Group
Felwine Sarr, distinguished Professor of French and Francophone Studies, Duke University
Thomas Serres, assistant Professor of Politics, UCSC
David Scott, Ruth and William Lubic Professor, Department of Anthropology, Columbia University
Joan W. Scott, professeure émérite, Institute for Advanced Study, Princeton, N.J.
Elizabeth Shakman Hurd, politiste
Adam Shatz, US editor of the London Review of Books
James Schamus, réalisateur, professor of Professional Practice, Columbia University
Shela Sheikh, lecturer at the Centre for Cultural Studies, Goldsmiths, University of London,
Réjane Sénac, politiste
Emmanuelle Sibeud, professeure d’histoire contemporaine, Université Paris 8
Fatou Sow, sociologue, Centre national de la recherche scientifique, Université Cheikh Anta Diop de Dakar.
Pierre Stambul, porte-parole de Union juive française pour la paix
Penni Stewart, professeur émérite, York University Canada
Vladimir Tasic, professor of mathematics, Professor of Mathematics, University of New Brunswick, Canada »
Melissa Thackway, Sciences-Po Paris /Inalco (enseignante-chargée de cours)
Jon Thompson, professeur émérite, department of Mathematics and Statistics, Fredericton, New Brunswick, Canada
James Turk, director, Centre for Free Expression Toronto Metropolitan University
Enzo Traverso, historien, Professor in the Humanities, Cornell University
Benoît Trépied, anthropologue, chargé de recherche au CNRS
Gayatri Chakravorty Spivak, University Professor Columbia University
Françoise Vergès, Senior Fellow Researcher, Sarah Parker Centre, UCL
Claudine Vidal, sociologue, directrice de recherches émérite au CNRS
Mara Viveros-Vigoya, anthropologue, professeure à la Universidad Nacional de Colombia
Lloyd Waugh, Honorary Research Professor, University of New Brunswick
Niza Yanay, professeur émérite, Ben-Gurion University

https://aurdip.org/tribune-disqualifier-nest-pas-penser-pour-la-libre-expression-des-desaccords/

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Noël est annulé en Palestine occupée
Dans un communiqué du vendredi 15 décembre 2023, les représentants chrétiens palestiniens appellent leurs fidèles à annuler les festivités de Noël.
https://agencemediapalestine.fr/blog/2023/12/19/gaza-les-chretiens-palestiniens-appellent-a-annuler-les-celebrations-de-noel/
Mona Chollet : Le monde d’après
La dystopie post-7 octobre
https://www.la-meridienne.info/Le-monde-d-apres
Dan Sheehan : Ce sont les poètes et les écrivains et écrivaines qui ont été tué.e.s à Gaza
Un de mes rêves est que mes livres et mes écrits parcourent le monde, que ma plume ait des ailes pour qu’aucun passeport non tamponné ou refus de visa ne puisse la freiner dans sa course. Un autre de mes rêves est de fonder une petite famille, d’avoir un petit fils qui me ressemble et de lui raconter une histoire au moment du coucher en le berçant dans mes bras.
https://agencemediapalestine.fr/blog/2023/12/23/ce-sont-les-poetes-et-les-ecrivains-et-ecrivaines-qui-ont-ete-tue-e-s-a-gaza/
Feras Kilani : Combien y a-t-il de groupes armés à Gaza et qui sont-ils ?
https://www.bbc.com/afrique/articles/c99ezy1r55lo

Auteur : entreleslignesentrelesmots

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