La FIDH salue la reconnaissance d’un risque plausible de génocide par l’État d’Israël (+ autres textes)

  • Joshua Frank : Rendre la bande de Gaza invivable pour les générations à venir
  • Ziad Medhouk : Bonjour de Gaza, la détruite et la dévastée !
  • Uri Weltmann : Debout ensemble : Le mouvement pour la paix en Israël
  • Déclaration de l’Afrique du Sud saluant les mesures conservatoires ordonnées par la Cour internationale de justice à l’encontre d’Israël
  • Décision historique de la CIJ : la FIDH salue la reconnaissance d’un risque plausible de génocide par l’État d’Israël.
  • Cour Internationale de Justice : Israël au banc des accusés, victoire du droit !
  • LDH : La Cour Internationale de Justice intime l’ordre à Israël de protéger la population de Gaza contre tout risque de génocide
  • Owen Jones : Le mépris total de l’Occident pour la vie des Palestiniens ne sera pas oublié
  • Fin des massacres en Palestine et soutien aux universitaires et chercheur·es
  • Stephanie Kirchgaessner : « Des règles différentes » : des politiques spécifiques permettent aux États-Unis de fournir des armes à Israël malgré les allégations d’abus
  • Philippe Lazzarini : Graves allégations contre le personnel de l’UNRWA dans la bande de Gaza

Rendre la bande de Gaza invivable pour les générations à venir

Sur une plage typique du centre de Gaza, à un kilomètre au nord du camp de réfugiés d’Al-Shati, aujourd’hui rasé, de longs tuyaux noirs serpentent à travers des collines de sable blanc avant de disparaître sous terre. Une image diffusée par les Forces de défense israéliennes (FDI) montre des dizaines de soldats posant des canalisations et ce qui semble être des stations de pompage mobiles qui doivent prélever de l’eau dans la mer Méditerranée et l’acheminer dans des tunnels souterrains. Selon divers rapports, le plan consiste à inonder le vaste réseau de puits et de tunnels souterrains que le Hamas aurait construit et utilisé pour mener à bien ses opérations.

« Je ne donnerai pas de détails, mais il s’agit d’explosifs servant à détruire et d’autres moyens visant à empêcher les militants du Hamas d’utiliser les tunnels pour attaquer nos soldats », a déclaré le chef d’état-major de Tsahal, le lieutenant-général Herzi Halevi. « Tout moyen qui nous donne un avantage sur l’ennemi qui [utilise les tunnels], qui le prive de cet atout, est un moyen que nous étudions pour son usage. Et voir si c’est une bonne idée… »

Alors qu’Israël teste déjà sa stratégie d’inondation, ce n’est pas la première fois que les tunnels du Hamas sont soumis au sabotage par l’eau de mer. En 2013, l’Egypte voisine a commencé à inonder les tunnels contrôlés par le Hamas qui auraient été utilisés pour la contrebande de marchandises entre la péninsule du Sinaï et la bande de Gaza. Pendant plus de deux ans, l’eau de la Méditerranée a été déversée dans le réseau de tunnels, causant des dégâts à l’environnement dans la bande de Gaza. Les nappes phréatiques ont rapidement été polluées par la salinité et, par conséquent, la terre est devenue saturée et instable, provoquant des affaissements du sol et la mort de nombreuses personnes. Des champs agricoles autrefois fertiles ont été transformés en mares de boue salée, et l’eau potable, déjà rare à Gaza, s’est encore dégradée.

La stratégie actuelle d’Israël visant à noyer les tunnels du Hamas causera sans aucun doute des dommages similaires et irréparables. « Il est important d’avoir à l’esprit », prévient Juliane Schillinger, chercheuse à l’université de Twente (située à Enschede), aux Pays-Bas, « qu’il ne s’agit pas seulement d’eau à forte teneur en sel : l’eau de mer le long de la côte méditerranéenne est également polluée par les eaux usées non traitées, qui sont continuellement déversées dans la Méditerranée par le système d’égouts défectueux de Gaza. »

Bien entendu, cela semble faire partie d’un objectif israélien plus ample : non seulement démanteler les capacités militaires du Hamas, mais aussi dégrader et détruire encore plus les aquifères menacés de Gaza (déjà pollués par les eaux usées qui s’échappent des canalisations vétustes). Les responsables israéliens ont ouvertement admis que leur objectif est de faire en sorte que Gaza soit un endroit invivable, une fois qu’ils auront mis fin à leur campagne militaire impitoyable.

« Nous combattons des animaux humains et nous agissons en conséquence », a déclaré le ministre de la Défense Yoav Gallant peu après l’attaque du Hamas du 7 octobre. « Nous allons tout éliminer et ils le regretteront. » Et Israël tient aujourd’hui sa promesse.

Comme si ses bombardements aveugles (A Times Investigation Tracked Israel’s Use of One of Its Most Destructive Bombs in South Gaza, New York Times, 21 décembre 2023), qui ont déjà endommagé ou détruit jusqu’à 70% des habitations de Gaza (Jerusalem Post, 30 décembre), ne suffisaient pas, le déversement d’eau polluée dans ces tunnels fera en sorte que certains bâtiments d’habitation restants souffriront également de problèmes structurels. Et si le sol est meuble et peu sûr, les Palestiniens auront du mal à reconstruire.

L’inondation des tunnels par des eaux souterraines polluées « provoquera une accumulation de sel et l’effondrement du sol, ce qui entraînera la démolition de milliers de maisons palestiniennes dans la bande de terre densément peuplée », explique Abdel-Rahman al-Tamimi, directeur du Palestinian Hydrologists Group, la plus grande ONG qui surveille la pollution dans les territoires palestiniens. Sa conclusion est on ne peut plus saisissante : « La bande de Gaza deviendra une zone dépeuplée et il faudra environ 100 ans pour se débarrasser des effets environnementaux de cette guerre. »

En d’autres termes, comme le souligne Abdel-Rahman al-Tamimi, Israël est en train de « détruire l’environnement ». Et à bien des égards, tout a commencé par la destruction des verdoyantes oliveraies de Palestine.

La fin des olives
Au cours d’une année moyenne, Gaza produisait autrefois plus de 5000 tonnes d’huile d’olive provenant de plus de 40 000 arbres. La récolte d’automne, en octobre et novembre, a longtemps été une période de fête pour des milliers de Palestiniens et Palestiniennes. Les familles et les amis chantaient, partageaient les repas et se réunissaient dans les vergers pour faire la fête sous les arbres anciens, qui symbolisaient « la paix, l’espoir et la prospérité ». Il s’agissait d’une tradition importante, d’un lien profond à la fois avec la terre et avec une ressource économique vitale. L’année dernière, les récoltes d’olives ont représenté plus de 10% de l’économie gazaouie, soit un total de 30 millions de dollars.

Bien entendu, depuis le 7 octobre, la récolte d’olives a cessé. La tactique israélienne de la terre brûlée a entraîné la destruction d’innombrables oliveraies. Des images satellites publiées début décembre montrent (The Observers, 12 décembre 2023) que 22% des terres agricoles de Gaza, dont d’innombrables vergers d’oliviers, ont été complètement ravagées.

« Nous avons le cœur brisé à cause de nos cultures, que nous ne pouvons pas atteindre », explique Ahmed Qudeih, un agriculteur de Khuza, une ville du sud de la bande de Gaza. « Nous ne pouvons ni irriguer, ni cultiver nos terres, ni en prendre soin. Après chaque guerre dévastatrice, nous payons des milliers de shekels pour garantir la qualité de nos récoltes et rendre notre sol à nouveau approprié à l’agriculture. »

L’acharnement militaire d’Israël contre Gaza a eu un impact très profond sur la vie humaine (plus de 22 000 morts [actuellement, plus de 25 000 morts], dont un nombre important de femmes et d’enfants, et des milliers d’autres corps ensevelis sous les décombres et que l’on ne peut donc pas dénombrer). Cette dernière vague de violences militaires israéliennes n’est que la continuation particulièrement sinistre d’une campagne, qui dure depuis 75 ans, d’éradication de l’héritage culturel palestinien. Depuis 1967, Israël a déraciné plus de 800 000 oliviers palestiniens, parfois pour faire place à de nouvelles colonies juives illégales en Cisjordanie; dans d’autres cas, pour de prétendues raisons de sécurité ou par pure rage sioniste viscérale (Middle East Monitor, « Illegal Settlers destroy, steal hundreds of olive trees in Bethlehem », 31 mars 2023).

Les oliviers sauvages sont cultivés par les habitants de la région depuis des milliers d’années, depuis la période chalcolithique (âge du cuivre durant le néolithique) au Levant (4300-3300 avant notre ère), et la destruction de ces vergers a eu des conséquences catastrophiques sur l’environnement. « L’abattage des arbres est directement lié à des changements climatiques irréversibles, à l’érosion des sols et à une réduction des récoltes », selon un rapport de la Yale Review of International Studies datant de 2023. « L’écorce pérenne et ligneuse agit comme un puits de carbone… [un] olivier absorbe 11 kg de CO2 par litre d’huile d’olive produit. »

En plus de constituer une récolte et une valeur culturelle, les oliveraies sont vitales pour l’écosystème de la Palestine. De nombreuses espèces d’oiseaux, dont le geai d’Europe, le pinson vert, la corneille à capuchon, la pie-grièche masquée, l’oiseau-soleil de Palestine et la fauvette sarde, dépendent de la biodiversité des arbres sauvages de Palestine, parmi lesquels six espèces sont souvent présentes dans les oliveraies des territoires: le pin d’Alep, l’amandier, l’olivier, le nerprun de Palestine, l’aubépine épineuse et le figuier.

Comme l’ont écrit Simon Awad et Omar Attum (Indiana University Southeast) dans le numéro de décembre 2019 du Jordan Journal of Natural History : « [Les] oliveraies en Palestine pourraient être considérées comme des paysages culturels ou être désignées comme des systèmes agricoles d’importance mondiale en raison de la combinaison de leur biodiversité et de leurs valeurs culturelles et économiques. La valeur de la biodiversité des oliveraies historiques a été reconnue dans d’autres parties de la Méditerranée, certains proposant que ces zones soient protégées parce qu’elles constituent un habitat utilisé par certaines espèces rares et menacées et qu’elles sont importantes pour le maintien de la biodiversité régionale. »

Un olivier ancien et indigène devrait être considéré comme un témoignage de l’existence même des Palestiniens et de leur lutte pour la liberté. Avec son tronc épais et torsadé, l’olivier constitue une mise en garde pour Israël, non pas en raison des fruits qu’il porte, mais à cause des histoires que ses racines racontent sur un paysage écorché et un peuple meurtri qui a été assiégé sans pitié et sans relâche pendant plus de 75 ans.

Le phosphore blanc et les bombes, les bombes et encore les bombes
Tout en contaminant les aquifères et en déracinant les oliveraies, Israël empoisonne désormais Gaza depuis le ciel. De nombreuses vidéos analysées par Amnesty International et confirmées par le Washington Post (12 octobre 2023) montrent des fusées éclairantes et des panaches de phosphore blanc pleuvant sur des zones urbaines densément peuplées. Utilisé pour la première fois sur les champs de bataille de la Première Guerre mondiale pour couvrir les mouvements de troupes, le phosphore blanc est connu pour être toxique et dangereux pour la santé humaine. Son utilisation en milieu urbain est désormais considérée comme illégale au regard du droit international. Or, Gaza est l’un des endroits les plus densément peuplés de la planète. « Chaque fois que le phosphore blanc est utilisé dans des zones civiles surpeuplées, il présente un risque élevé de brûlures atroces et de souffrances à vie », déclare Lama Fakih, directeur pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord à Human Rights Watch (HRW).

Si le phosphore blanc est hautement toxique pour l’homme, des concentrations importantes ont également des effets délétères sur les plantes et les animaux. Il peut perturber la composition du sol, le rendant trop acide pour les cultures. Et ce n’est là qu’une partie de la masse de munitions qu’Israël a déversées sur Gaza au cours des trois derniers mois. Cette guerre (si l’on peut appeler « guerre » un assaut aussi asymétrique) a été la plus meurtrière et la plus destructrice de l’histoire récente (Julia Frankel, AP, January 11, 2024). Selon certaines estimations, elle est au moins aussi grave que les bombardements alliés sur l’Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale, qui ont anéanti 60 villes allemandes et tué un demi-million de personnes, d’après les estimations.

Comme les forces alliées de la Seconde Guerre mondiale, Israël tue sans discernement. Sur les 29 000 missiles/bombes air-sol tirés, 40% ont été des bombes non guidées larguées sur des zones résidentielles très peuplées (CNN, December 22, 2023). Les Nations unies estiment qu’à la fin du mois de décembre, 70% des écoles de Gaza, dont beaucoup servaient d’abris aux Palestiniens et Palestiniennes fuyant l’assaut israélien, avaient été gravement endommagées (Boston Review, December 20, 2023). Des centaines de mosquées et d’églises ont également été touchées et 70% des 36 hôpitaux de Gaza ont été touchés et ne fonctionnent plus.

Une guerre qui dépasse toutes les prévisions
« Gaza est l’une des campagnes de représailles des civils les plus intenses de l’histoire », affirme Robert Pape, historien à l’université de Chicago. « Elle se situe désormais clairement dans le quartile supérieur des campagnes de bombardement les plus dévastatrices de l’histoire. »

Il est encore difficile d’appréhender les dégâts infligés, jour après jour, semaine après semaine, non seulement aux infrastructures et à la vie civile de Gaza, mais aussi à son environnement. Chaque bâtiment qui explose laisse derrière lui un nuage de poussière toxique et de vapeurs qui réchauffent le climat. « Dans les zones touchées par un conflit, la détonation d’explosifs peut libérer d’importantes quantités de gaz à effet de serre, notamment du dioxyde de carbone, du monoxyde de carbone, des oxydes d’azote et des particules », explique Erum Zahir, professeur de chimie à l’université de Karachi (TRTWorld, November 2023).

La poussière dégagée par l’effondrement des tours du World Trade Center le 11 septembre 2001 a fait des ravages parmi les premiers intervenants. Une étude réalisée en 2020 a révélé que les sauveteurs étaient « 41% plus susceptibles de développer une leucémie que les autres individus ». Quelque 10 000 New-Yorkais ont souffert de problèmes de santé à court terme à la suite de l’attaque, et il a fallu un an pour que la qualité de l’air dans le sud de Manhattan revienne à son niveau d’avant le 11 septembre.

Bien qu’il soit impossible d’analyser tous les impacts des bombardements israéliens incessants, on peut supposer que la destruction en cours de Gaza aura des effets bien pires que ceux du 11 septembre sur la ville de New York. Nasreen Tamimi, directrice de l’Autorité palestinienne pour la qualité de l’environnement, estime qu’une évaluation environnementale de Gaza aujourd’hui « dépasserait toutes les prévisions » (Euronews.green, 20 décembre 2023).

L’accès à l’eau potable était au cœur du casse-tête auquel étaient confrontés les Palestiniens de Gaza, même avant le 7 octobre, et les bombardements incessants d’Israël n’ont fait que l’exacerber de manière effroyable. Un rapport de l’UNICEF datant de 2019 indique que « 96% de l’eau de l’unique aquifère de Gaza est impropre à la consommation humaine ».

L’électricité intermittente, conséquence directe du blocus israélien, a également endommagé les installations sanitaires de Gaza, entraînant une contamination accrue des eaux souterraines qui, à son tour, a provoqué diverses infections et des épidémies massives de maladies d’origine hydrique évitables. Selon HRW, Israël utilise le manque de nourriture et d’eau potable comme outil de guerre, ce qui, selon de nombreux observateurs internationaux, constitue une forme de punition collective – un crime de guerre de forte gravité. Les forces israéliennes ont intentionnellement détruit des terres agricoles et bombardé des installations d’eau et d’assainissement dans ce qui semble être un effort pour rendre Gaza littéralement invivable.

« Je dois marcher trois kilomètres pour obtenir 4 litres [d’eau] », a déclaré Marwan, 30 ans, à HRW. Comme des centaines de milliers d’autres habitants de Gaza, Marwan a fui vers le sud avec sa femme enceinte et ses deux enfants au début du mois de novembre. « Il n’y a pas de nourriture. Si nous parvenons à trouver de la nourriture, c’est sous forme de conserves. Nous ne mangeons pas tous bien. »

Dans le sud de Gaza, près de la ville surpeuplée de Khan Younès, les eaux usées s’écoulent dans les rues car les services d’assainissement ont cessé de fonctionner. Dans la ville de Rafah, où tant de Gazaouis ont dû se réfugier [sur ordre de l’armée israélienne], les conditions sont plus que désastreuses. Les hôpitaux de fortune de l’ONU sont débordés, la nourriture et l’eau manquent et la famine est en nette augmentation. Fin décembre, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a recensé plus de 100 000 cas de diarrhée et 150 000 infections respiratoires dans une population gazaouie d’environ 2,3 millions d’habitants. Ces chiffres sont probablement très inférieurs à la réalité et augmenteront sans aucun doute au fur et à mesure que l’offensive israélienne se poursuivra. En effet, 1,9 million de personnes ont déjà été déplacées, soit plus de 85% de la population, et la moitié d’entre elles sont maintenant menacées de famine, selon l’ONU.

« Depuis plus de deux mois, Israël prive la population de Gaza de nourriture et d’eau, une politique encouragée ou approuvée par de hauts responsables israéliens et qui reflète l’intention d’affamer les civils comme méthode de guerre », rapporte Omar Shakir de Human Rights Watch.

Rarement, si ce n’est jamais, les auteurs de massacres (qui craignent la saisine par l’Afrique du Sud de la Cour internationale de justice de La Haye pour actes de génocide de la part d’Israël) n’ont exposé aussi clairement leurs cruelles intentions. Comme l’a dit le président israélien Isaac Herzog dans un effort méprisant de justifier les atrocités auxquelles sont confrontés les civils palestiniens, «c ’est une nation entière qui est responsable [du 7 octobre]. Cette rhétorique selon laquelle les civils n’étaient pas conscients, pas impliqués, n’est absolument pas vraie. Ils auraient pu se soulever, ils auraient pu se battre contre ce régime diabolique [du Hamas]. »

La violence infligée aux Palestiniens par un Israël soutenu de manière si frappante [la livraison quotidienne de munitions nullifie les déclarations de Biden] par le président Biden et son équipe de politique étrangère ne ressemble à rien de ce dont nous avions été témoins auparavant, plus ou moins en temps réel, dans les médias et sur les réseaux sociaux. Gaza, ses habitants et les terres qui les ont nourris pendant des siècles sont en train d’être saccagés et transformés en un enfer trop invivable, dont l’impact sera ressenti – c’est une certitude – pour les générations à venir. 

Joshua Frank
Joshua Frank, journaliste californien reconnu et co-rédacteur du site CounterPunch. Il est l’auteur de Atomic Days: The Untold Story of the Most Toxic Place in America (Haymarket Books, octobre 2022).
Article publié sur le site TomDispatch, le 11 janvier 2024 ; traduction rédaction A l’Encontre
http://alencontre.org/moyenorient/palestine/rendre-la-bande-de-gaza-invivable-pour-les-generations-a-venir.html

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Bonjour de Gaza, la détruite et la dévastée !

Croyez-moi : ma détermination, mon courage, ma résilience, ma patience et mon optimisme n’arrivent pas à dépasser ma détresse totale.
Après presque quatre mois depuis le début de cette agression horrible de l’occupation contre la population civile de la bande de Gaza, la situation sur place est de plus en plus catastrophique et terrifiante.
La vie a un goût amer, en fait, il n’y a pas de vie à Gaza.

La vie est paralysée totalement
Il n’y a rien : ni nourriture, ni eau, ni médicaments, ni électricité, ni gaz, ni lait, ni pain, ni fruits, ni légumes, ni viande, ni poulet, ni poissons, ni moyens de transport, ni logement et ni perspectives.
Des milliers d’élèves sont privés de leurs cours, et des dizaines de milliers d’étudiants sont privés de leurs études.
Des milliers de fonctionnaires, d’employés et d’ouvriers sont privés de leur travail et de leurs salaires.
Rien ne fonctionne à Gaza actuellement : aucune administration et aucun commerce.
Je suis très triste
Je suis malheureux, je souffre au quotidien comme tous les habitants de cette région dévastée et laissée à son sort par une communauté internationale officielle complice.
Et je suis en train de supporter l’insupportable
J’ai décidé d’écrire ce témoignage pour partager ma peine avec vous les ami.es et les solidaires de bonne volonté, vous êtes mon seul confort dans cet enfer quotidien
Quand j’ai un accès à internet, j’essaie de donner des nouvelles, le problème que pour arriver à un point internet je dois marcher deux kilomètres et devant ce point, il y a un monde fou et que chacun a le droit à trente minutes seulement. Tout le monde veut avoir des nouvelles de sa famille au sud et le réseau de communication est souvent perturbé et détruit par les bombardements.
Je vois vos très nombreux messages de soutien et de sympathie, les personnes qui proposent des aides et des dons, je vous remercie beaucoup. Je disais toujours que le plus important, c’est la solidarité morale et politique, en plus, moi je suis un simple citoyen palestinien de Gaza, je vis comme tous les habitants, et je ne veux pas être privilégié avec mon réseau et mes nombreux ami.es et connaissances.
Même si je ne réponds pas, car le réseau internet est très faible, vos messages me soulagent moi le citoyen palestinien de Gaza, qui a tout perdu et qui essaie de survivre avec le peu d’espoir qui lui reste.

Mon quotidien est très difficile et très compliqué
C’est vrai que j’ai vécu beaucoup de guerres, d’agressions, d’offensives et de carnages.
Mais je n’ai jamais vécu une situation horrible comme celle-ci depuis mon enfance.
Actuellement, déplacé d’un quartier à un autre et d’une maison à une autre chez les proches et les cousins, car les bombardements se poursuivent jour et nuit partout dans cette prison à ciel ouvert et fermé, et les chars peuvent arriver dans n’importe quel quartier à tout moment.
Le problème que dans chaque foyer il y a de 30 à 40 personnes qui y habitent, entre habitants et déplacés, et on doit faire face à cette situation exceptionnelle.
Je suis devenu sans domicile et sans-abri et je dois accepter tout dans ces maisons d’accueil.
Je ne peux pas ni lire ni écrire dans ces maisons, à cause du bruit, et la présence de dizaines de personnes, en plus, j’ai perdu mes ordinateurs et ma bibliothèque avec ses 3000 livres en français après la destruction de mon appartement début décembre dernier. Je n’ai rien pu récupérer de mes affaires, mes vêtements, mes diplômes, mes livres publiés, mes recherches et mes cours.
Tout le monde rentre chez lui avant 17h, et on dort vers19h. Le soir on s’éclaire avec des lampes qu’on recharge le matin avec les panneaux solaires. Heureusement qu’il y a toujours du soleil à Gaza, en fait les panneaux solaires ont beaucoup aidé les habitants de Gaza pour avoir un peu de lumière en rechargeant leurs lampes, leurs batteries et leurs téléphones portables pendant cette période d’obscurité et de panne électrique depuis le début de cette agression début octobre dernier.
Pour moi, la nuit, je n’arrive pas à dormir, je pense à mon frère assassiné avec toute sa famille, et je pleure seul, je reviens à mes beaux souvenirs avant cette agression, j’essaie de rêver et d’espérer un meilleur avenir, mais en vain.
Moi, qui remontais le moral des jeunes et des enfants de Gaza traumatisés, je suis devenu sous le choc et traumatisé par la succession des événements tragiques qui ont frappé ma famille et tous les citoyens de Gaza ces derniers mois, et je ne trouve personne pour effacer mes larmes et pour calmer ma colère énorme.

Mon cœur saigne tout le temps
Croyez-moi, je ne suis pas pessimiste, et j’aime beaucoup la vie comme tout le peuple palestinien, mais sur place, notre contexte est inimaginable, inacceptable et horrible !
Pour la nourriture, on mange un seul repas par jour et quelques fois un repas tous les deux jours. Il n’y a rien sur les marchés pour manger, souvent une assiette de riz et quelques morceaux de pain, et si on boit une tasse de café ou du thé, c’est un luxe pour nous.
Dans chaque maison, les hommes et les femmes s’activent pour préparer le repas en utilisant le feu de bois, parce qu’il n’y a pas de gaz.
Ce n’est pas l’argent qui manque, mais les produits alimentaires et essentiels, car aucun produit n’entre à Gaza depuis 4 mois et il n’y a pas d’aide humanitaire qui arrive dans le nord de la bande de Gaza.
En plus, il n’y a aucune organisation internationale ou association locale qui s’occupent des personnes démunies et déplacées qui sont très nombreuses actuellement dans la bande de Gaza.
Selon un dernier rapport des Nations-Unies début janvier 2024, 90% des habitants de Gaza souffrent de l’insécurité alimentaire.

Les gens ici ont commencé à mourir de faim
Sans oublier que les prix sont multipliés par dix, et les rares produits disponibles sont très chers.
Une petite bouteille d’eau minérale coûte actuellement à Gaza 5 euros, auparavant son prix ne dépassait même pas 0,10 centièmes.
Un kilo de riz qui coûtait deux euros (3$CAN) est passé à 10 euros, un kilo de farine de 12 euros, on l’achetait avant à un euro. Un œuf vaut 3 euros, alors que le plateau de 30 œufs coûtait 4 euros avant l’agression.
Tout est très cher à Gaza, et rien n’est disponible sur les marchés.
S’ajoute à tout cela, qu’il n’y pas ni fruits ni légumes, en fait, tous les terrains agricoles au nord de la bande de Gaza ont été détruits.
Pour l’eau, pas d’eau potable pour boire, et même l’eau à usage domestique, il n’arrive pas dans les robinets. Et elle coûte très cher dans les quelques stations qui fonctionnent encore, car plusieurs puits d’eau ont été détruits.
Plusieurs maladies contaminées touchent les habitants.
Le pire qu’il n’y a aucune autorité, aucun gouvernement et aucun service municipaux qui gèrent et qui contrôlent la situation très critique.
Chacun se débrouille seul pour survivre.
Par contre, les Palestiniens de Gaza sont solidaires entre eux, mais quelquefois, les gens n’ont rien pour donner, parce qu’il n’y a rien sur place.
Le matin, le souci de chacun est de cherche à quoi nourrir sa famille et cherche de l’eau avec énormément de difficultés
Quand je marche dans les rues de Gaza, je deviens très malheureux, car dans chaque quartier, il y a des maisons, bâtiments, immeubles et infrastructures civiles détruits et endommagés.
J’apprends chaque jour l’assassinat de mes cousins, proches, amis, collègues, voisins et étudiants, ça me rend très triste, car je suis impuissant et je ne peux pas dire un mot de condoléances à leurs familles.

Le sentiment d’impuissance est horrible
Imaginez-vous, il n’y aucune boulangerie ni magasin, ni pharmacie, ni restaurant et ni café ouvert.
Le pire, les gens ici sont très tristes. Ils sont préoccupés par leur quotidien tragique, ils pensent à leurs proches disparus et ils essaient de chercher de la nourriture et de l’eau pour leurs enfants, personne ne parle à personne, aucun échange, aucun sourire, tout le monde sont sous le choc. Dans chaque famille, il y a des morts, des blessés, des déplacés et des maisons détruites.
Quelques fois, je me demande comment les gens ici font pour survivre et pour exister toujours.
Pour la situation sanitaire, elle est dramatique. Aucun hôpital ne fonctionne, tous les hôpitaux sont hors service, il y a seulement trois cliniques dans toute la ville de Gaza qui arbitre 300 000 habitants et déplacés, dans chaque clinique, il a seulement cinq ou six médecins bénévoles débordés qui reçoivent
5000 patients par jour, sans de vrais médicaments à donner, ou des médicaments expirés.
Personnellement, je suis actuellement malade, je ne trouve aucun laboratoire pour faire des analyses ni pharmacie ni hôpital pour me soigner.
L’armée la plus morale au monde a assassiné 27 000 palestiniens de Gaza jusqu’à présent parmi eux 22 000 enfants et femmes, et en a blessé 70 000.
Sans oublier, la destruction de presque 65% des infrastructures civiles.
Le problème que cette armée lâche et criminelle n’a réalisé aucun objectif fixé pour ce gouvernement d’extrême droite.
C’est de la folie meurtrière et l’impunité totale, sans aucune réaction internationale officielle.
Les Palestiniens de Gaza, malgré leur colère et leur malheur, apprécient beaucoup les manifestations de solidarité partout dans le monde pour dénoncer ce génocide répété et pour appeler à un cessez-le-feu immédiat dans la bande de Gaza.
Quatre mois très difficiles pour moi et pour tous les habitants de Gaza avec des événements douloureux, ces quatre mois étaient tous terribles.
Le mois d’octobre 2023, au début de l’agression, c’est vrai qu’il y avait des bombardements intensifs, mais j’ai été très occupé, j’accordais des interviews à des médias francophones, j’avais accès à internet et je donnais des témoignages quotidiens et des contacts réguliers avec les amis et les groupes de solidarité avec la Palestine dans le monde francophone, les marchés étaient ouverts et il y avait un peu de nourriture
Le mois de novembre dernier, la situation est devenue très compliquée, avec le début de l’opération terrestre, l’évacuation de ma famille au sud, et l’arrivée des chars dans mon quartier, j’ai été encerclé chez-moi dans mon quartier dévasté.
Le mois de décembre 2023 était un mois noir pour moi avec l’assassinat de mon frère et toute sa famille, la destruction de mon appartement et notre immeuble, et mon obligation de quitter mon quartier pour trouver refuge chez les proches.
Le mois de janvier 2024 a connu la poursuite des bombardements et l’arrivée des chars dans toute la ville de Gaza, et mon obligation de nouveau de chercher d’autres maisons pour y habiter.
Il y a beaucoup d’événements à raconter, j’aurais besoin des pages et des livres pour décrire notre quotidien très difficile sous les bombes et sous le choc avec cette situation humanitaire catastrophique et ce désastre sans précédent, et je ne crois pas encore que je suis toujours vivant, car je vois la mort mille fois par jour, même si je n’ai pas peur de la mort, cependant, je suis inquiet pour notre avenir.

L’aspect positif de tout cela, qui me rend fier de moi : je n’ai pas de haine

Amitiés palestiniennes de Gaza qui n’est plus Gaza 
Et de Ziad qui n’est plus Ziad

Ziad Medhouk
Ziad Medhouk est professeur de français à l’Université Al-Aqsa à Gaza. Écrivain et poète palestinien d’expression française. il est diplômé de l’Université de Paris VIII St-Denis. Auteur de plusieurs livres publiés en France et aussi au Québec, il est notamment connu pour son plus récent, chez Babelio. Être non-violent à Gaza! Il a obtenu plusieurs distinctions internationales pour son action pour la paix. Il avait accordé une entrevue au téléjournal de Radio-Canada le 10 octobre dernier. Nous publions son témoignage qui a circulé ces derniers jours dans les réseaux de solidarité en France.
https://alter.quebec/22466-2/

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Debout ensemble : Le mouvement pour la paix en Israël

La plus grande manifestation depuis le début de la guerre contre Gaza a défié la police et rassemblé tous ceux et toutes celles qui appellent à un cessez-le-feu dans les rues de Tel-Aviv.

JEUDI 18 janvier, plus de 2 000 personnes ont défilé dans les rues de Tel-Aviv, appelant à un accord de cessez-le-feu qui mettrait fin aux hostilités à Gaza, dans la plus grande manifestation pour la paix à l’intérieur d’Israël depuis le début de la guerre.

La marche et le rassemblement ont été soutenus par plus de 30 organisations et organisés conjointement par Standing Together et Women Wage Peace.

« Nous souffrons tous de la dure réalité que nous vivons. La douleur des familles endeuillées, des personnes kidnappées, des personnes déracinées et forcées de quitter leur foyer. Nous sommes toutes horrifiées lorsque nous entendons parler des victimes civiles, y compris des enfants, dans à gaza et dans la bande de Gaza », peut-on lire dans la déclaration appelant à la marche.

« Pour beaucoup, il est désormais clair que seul un accord de cessez-le-feu permettra de rendre les otages vivant·es à leurs familles et de mettre un terme au massacre d’innocent·es ».

« Mais le gouvernement extrémiste de Netanyahou, Ben Gvir et Smotrich va dans l’autre sens : il parle de transfert de population et de « migration volontaire », il rejette la possibilité de négociations diplomatiques avec l’OLP et l’Autorité palestinienne, et il ne nous promet rien, si ce n’est encore de nombreuses années de guerre et de souffrances. Pour nous, qui vivons en Israël, il n’y a que deux options : soit la paix israélo-palestinienne, soit une guerre éternelle ».

Les manifestant·es – des citoyen·nes juifs et juives et palestinien·nes d’Israël – se sont rassemblé·es dans le centre de Tel-Aviv, près du centre Dizengoff, et ont défilé dans les rues en scandant en hébreu et en arabe : « Juifs et Arabes refusent d’être ennemis », « Paix, égalité, justice sociale », « À Gaza et à Sderot, les enfants veulent vivre », « Notre réponse à l’aile droite : Israël et la Palestine ». Elles et ils tenaient des pancartes bilingues sur lesquelles on pouvait lire : « Seule la paix apportera la sécurité » et « La majorité exige un accord de cessez-le-feu ».

Initialement prévue la semaine précédente, la police avait ordonné l’annulation de la manifestation, citant comme raison officielle des « inquiétudes quant à une possible incitation ».

Les organisateurs et les organisatrices de Standing Together et Women Wage Peace ont été soutenu·es par le département juridique de l’Association pour les droits civils en Israël, menaçant la police d’une action en justice devant la Cour suprême. Finalement, sous la pression de l’opinion publique, la police a autorisé la manifestation, tout en modifiant l’itinéraire du défilé.

Les dirigeant·es de Standing Together notent avec satisfaction que les éléments du mouvement pacifiste qui, jusqu’à présent, hésitaient à réclamer ouvertement un accord de cessez-le-feu ou à remettre en question les objectifs de la guerre, ont désormais officiellement rejoint les manifestations dans les rues, reflétant ainsi un changement plus large de l’opinion publique à l’intérieur d’Israël.

La marche s’est achevée sur la place de la Cinémathèque, où plusieurs orateurs et oratrices juifs/juives et palestiniens/palestiniennes se sont adressé·es à la foule.

« J’ai survécu à ces horreurs, mais beaucoup trop de mes ami·es n’y ont pas survécu », a déclaré Neta Peleg, originaire du kibboutz Beeri, qui a été pris par les militants du Hamas le 7 octobre et où plus de 90 civil·es ont été assassiné·es.

« Je suis incroyablement en colère contre notre gouvernement, qui nous a trahi·es, qui nous a sacrifié·es. Chaque jour qui passe, de nouvelles personnes sont tuées. Nous devons parvenir à un accord qui ramènera les otages – maintenant ! Nous devons arrêter cette guerre et renvoyer ce gouvernement dans son pays ».

Neta Heiman, militante de Women Wage Peace, est la fille de Ditza Heiman, qui a été capturée par le Hamas le 7 octobre et libérée en novembre : « Le kibboutz où je suis née, Nir Oz, a été victime d’un massacre. Plus d’un quart de ses habitant·es ont été assassiné·es ou kidnappé·es, les maisons ont été pillées et l’armée n’est arrivée qu’après le départ des derniers terroristes.

« J’étais incroyablement en colère contre les monstres du Hamas qui avaient enlevé ma mère âgée, mais aussi incroyablement en colère contre les dirigeants de l’État d’Israël qui, au cours des vingt dernières années, n’ont pas compris qu’il ne fallait pas « gérer le conflit », mais y mettre un terme. Si nous avions emprunté une autre voie, celle de la paix, le 7 octobre aurait pu être évité ».

Rula Daood, codirectrice nationale de Standing Together, a déclaré : « En tant que citoyenne palestinienne d’Israël, j’entends tous les éloges funèbres, en hébreu et en arabe, venant à la fois de la société israélienne et de la bande de Gaza ».

« Nous devons changer de cap. L’avenir de nos deux peuples dépend de l’instauration d’une paix israélo-palestinienne, qui est le seul moyen de nous apporter à tous sécurité et sûreté. Le chemin est long, mais nous savons que là où il y a de la lutte, il y a de l’espoir ».

Uri Weltmann, 22 janvier 2024
Uri Weltmann est l’organisateur national de terrain de Standing Together, un mouvement politique populaire composé de citoyen·nes· juifs/juives et palestiniens/palestiniennes d’Israël qui fait campagne pour la paix, l’égalité et la justice sociale.
https://www.morningstaronline.co.uk/article/standing-together-peace-movement-inside-israel
https://portside.org/2024-01-22/standing-together-peace-movement-inside-israel
Traduit avec DeepL.com (version gratuite)

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Communiqué de presse, 26 janvier 2024
Déclaration de l’Afrique du Sud saluant les mesures conservatoires ordonnées par la Cour internationale de justice
à l’encontre d’Israël

Ce jour marque une victoire décisive pour l’état de droit au niveau international et une étape importante dans la quête de justice pour le peuple palestinien. Dans un arrêt historique, la Cour internationale de justice (CIJ) a déterminé que les actions d’Israël à Gaza sont plausiblement génocidaires et a indiqué des mesures conservatoires sur cette base. Cette décision est capitale pour la mise en œuvre de l’état de droit au niveau international. L’Afrique du Sud remercie la Cour pour sa décision rapide.

Le Conseil de sécurité des Nations unies va maintenant être officiellement informé de l’ordonnance de la Cour, conformément à l’article 41, paragraphe 2, du statut de la Cour. Le droit de veto exercé par des États individuels ne peut pas être autorisé à contrecarrer la justice internationale, en particulier à la lumière de la situation qui ne cesse de s’aggraver à Gaza en raison des actes et des omissions d’Israël en violation de la convention sur le génocide.

Les États tiers sont désormais informés de l’existence d’un risque grave de génocide à l’encontre du peuple palestinien à Gaza. Ils doivent donc également agir de manière indépendante et immédiate pour empêcher Israël de commettre le génocide et s’assurer qu’ils ne violent pas eux-mêmes la convention sur le génocide, y compris en aidant ou en assistant à la commission d’un génocide. Cela impose nécessairement à tous les États l’obligation de cesser de financer et de faciliter les actions militaires d’Israël, qui sont plausiblement génocidaires.

Par-dessus tout, les mesures conservatoires sont directement contraignantes pour Israël, qui est tenu, en vertu de l’ordonnance de la Cour et de la convention sur le génocide elle-même, de mettre fin à tous ses actes plausiblement génocidaires, tels que ceux soulevés par l’Afrique du Sud dans sa requête et sa demande d’indication de mesures conservatoires. Il n’existe aucune base crédible permettant à Israël de continuer à prétendre que ses actions militaires sont pleinement conformes au droit international, y compris à la convention sur le génocide, compte tenu de l’arrêt de la Cour.

L’Afrique du Sud espère sincèrement qu’Israël n’agira pas pour contrer l’application de cette ordonnance, comme il a publiquement menacé de le faire, mais qu’il agira au contraire de manière à s’y conformer pleinement, comme il est tenu de le faire.

L’Afrique du Sud continuera d’agir au sein des institutions de la gouvernance mondiale pour protéger les droits, y compris le droit fondamental à la vie, des Palestiniens de Gaza – qui restent exposés à des risques urgents, notamment l’assaut militaire israélien, la famine et la maladie – et pour obtenir l’application juste et égale du droit international à tous, dans l’intérêt de notre humanité collective. En particulier, l’Afrique du Sud continuera à faire tout ce qui est en son pouvoir pour préserver l’existence du peuple palestinien en tant que groupe, pour mettre fin à tous les actes d’apartheid et de génocide à l’encontre du peuple palestinien et pour marcher avec lui vers la réalisation de son droit collectif à l’autodétermination, car, comme l’a exprimé Nelson Mandela dans une déclaration mémorable, « notre liberté est incomplète sans la liberté des Palestiniens ».

L’indication par cette Cour de mesures conservatoires au titre de la convention sur le génocide marque une étape historique importante vers cet objectif.

Pour plus d’informations : Clayson Monyela (chef de la diplomatie publique) +27828845974

Publié par le service des relations internationales et de la coopération
https://dirco.gov.za/statement-by-south-africa-welcoming-the-provisional-measures-ordered-by-the-international-court-of-justice-against-israel/
Traduction MUV pour l’Audirp
https://aurdip.org/declaration-de-lafrique-du-sud-saluant-les-mesures-conservatoires-ordonnees-par-la-cour-internationale-de-justice-a-lencontre-disrael/

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Décision historique de la CIJ : la FIDH salue la reconnaissance d’un risque plausible de génocide par l’État d’Israël.

La Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) salue la décision historique de la Cour internationale de Justice (CIJ) qui ordonne à l’État d’Israël de se conformer aux obligations qui lui incombent en vertu de la Convention pour la prévention et la répression de génocide de 1948. Suite à cette décision juridiquement contraignante, adoptée à une majorité écrasante, et sans appel, la FIDH demande à Israël d’agir conformément à ses obligations en vertu du droit international, et appelle les États à prendre des mesures concrètes et urgentes pour empêcher que de nouveaux crimes internationaux soient commis, dont le crime de génocide en cours. Les États doivent désormais contribuer à établir la responsabilité des auteurs de ces crimes et ne pas se rendre complices des crimes commis par Israël.

Paris, La Haye – le 26 janvier 2024 – Ce vendredi 26 janvier à La Haye, la Cour internationale de Justice (CIJ) a ordonné à Israël de prendre des mesures conservatoires visant à protéger le peuple palestinien d’« un risque réel et imminent d’un préjudice irréparable ». La FIDH, qui regrette que la Cour n’ait pas ordonné explicitement un cessez-le-feu, mesure conservatoire indispensable qui permettrait la fin des hostilités, salue néanmoins une décision historique qui reconnaît un risque plausible de génocide par l’État d’Israël et constitue une étape importante pour l’État de droit dans le monde.

« Les États et les individus ne peuvent plus faire semblant d’ignorer le génocide en cours. Plus que jamais, les États et les individus doivent continuer à faire pression pour que les responsables rendent des comptes, que des sanctions soient prises et que l’on mette fin au massacre de Gaza », déclare Diana Alzeer, vice-présidente de la FIDH et représentante d’Al-Haq, l’une de ses organisations membres en Palestine.

Dans cette décision, la Cour considère que « la population civile de la bande de Gaza demeure extrêmement vulnérable » et rappelle que « l’opération militaire conduite par Israël après le 7 octobre 2023 a notamment fait des dizaines de milliers de morts et de blessés et causé la destruction d’habitations, d’écoles, d’installations médicales et d’autres infrastructures vitales, ainsi que des déplacements massifs de population ».

La CIJ enjoint ainsi l’État d’Israël à veiller, avec effet immédiat, à ce que son armée ne commette aucun acte constitutif du crime de génocide, à prévenir et punir la commission et l’incitation au génocide à l’encontre des Palestinien.nes de Gaza, à prendre des mesures immédiates et efficaces pour permettre la fourniture des services de base et de l’aide humanitaire, à prendre des mesures pour prévenir la destruction et à assurer la conservation des éléments de preuve liés à d’éventuelles violations de la Convention de 1948. Elle ordonne également à Israël de soumettre un rapport, sous un mois, sur l’ensemble des mesures prises pour respecter cette ordonnance.

« En ordonnant ces mesures conservatoires fortes et en exigeant qu’Israël lui rende des comptes, la Cour tente de protéger les populations civiles, de mettre fin au cycle de violences répétées et massives dont font l’objet les Palestinien.nes, d’empêcher la perpétration de nouveaux crimes internationaux et de permettre l’acheminement de l’aide humanitaire sur la bande de Gaza. La CIJ a joué son rôle en rappelant que tous les États se doivent de respecter le droit international », analyse Yosra FRAWES, Responsable du Bureau Afrique du Nord et Moyen-Orient de la FIDH.

Depuis les massacres du 7 octobre, perpétrés par le Hamas et d’autres groupes armés en Israël, de nombreux pays ont affirmé leur soutien inconditionnel à l’État d’Israël et s’abstiennent, contrairement à leurs obligations internationales, de prendre les mesures nécessaires pour faire cesser les attaques et les destructions dirigées contre la population civile dans la bande de Gaza. La décision de la Cour est donc une étape cruciale pour mettre fin à l’inertie et au silence. La FIDH appelle ces pays, et la communauté internationale dans son ensemble, à suspendre immédiatement l’aide financière et l’assistance militaire à Israël, et à mettre un terme au soutien économique et diplomatique à un régime d’apartheid responsable de violations, de crimes internationaux, y compris le génocide, et d’abus systématiques contre la population palestinienne.

« Au vu des déclarations de certains hauts responsables israéliens, la FIDH s’inquiète de la possibilité qu’Israël ne respecte pas la décision de la Cour, alors même que ce pays est membre de la Cour et partie à la Convention sur la prévention et la répression du crime de génocide de 1948 », souligne Yosra FRAWES.

La FIDH demande à Israël d’agir conformément à ses obligations en vertu du droit international. La FIDH exhorte aussi le Conseil de sécurité des Nations unies, et plus particulièrement la France, en tant que présidente du Conseil, à veiller à la mise en œuvre de cette décision, et à lever les différents blocages pour permettre l’adoption d’une résolution visant à imposer des sanctions en cas de non-respect des mesures conservatoires demandées par la CIJ.

Rappel de la procédure : 
Dans sa requête déposée le 29 décembre 2023 devant la Cour internationale de Justice, l’Afrique du Sud, en qualité de partie à la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide du 9 décembre 1948, développe les raisons qui la conduisent à porter des allégations de génocide à l’encontre de l’État d’Israël. Dans l’attente de la décision au fond, l’Afrique du Sud demandait à la CIJ d’indiquer neuf mesures conservatoires visant à protéger le peuple palestinien contre « un nouveau préjudice grave et irréparable » et de faire en sorte qu’Israël respecte les obligations qui lui incombent au titre de la Convention sur le génocide, c’est à dire prévenir et punir le génocide.

Durant son audience du jeudi 11 janvier 2024, l’Afrique du Sud a évoqué le nombre élevé de victimes civiles à Gaza, les destructions d’infrastructures civiles, les restrictions dans l’accès à l’eau, aux soins et aux équipements médicaux. Prétoria a aussi évoqué les déclarations de hauts responsables israéliens confirmant que les civil.es seraient aussi pris pour cibles.

Lors de son audience du vendredi 12 janvier 2024, l’État d’Israël a présenté ses arguments en affirmant mener des offensives contre le Hamas visant uniquement à se défendre et à protéger sa population. L’accusation de l’Afrique du Sud serait selon Israël « une description délibérément organisée, décontextualisée et manipulatrice de la réalité des hostilités actuelles ».

https://www.fidh.org/fr/regions/maghreb-moyen-orient/israel-palestine/decision-historique-de-la-cij-la-fidh-salue-la-reconnaissance-d-un

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Cour Internationale de Justice :
Israël au banc des accusés, victoire du droit !

La Cour Internationale de Justice (CIJ) a rendu ce vendredi 26 janvier sa décision sur les mesures conservatoires demandées par l’Afrique du Sud contre Israël au sujet du génocide en cours dans la bande de Gaza.

Elle a affirmé sa compétence à statuer sur la requête de l’Afrique du Sud dans le cadre de la Convention pour la prévention et la répression du risque de génocide et a rejeté la demande d’Israël de radier l’affaire.

Tout en rappelant que pour l’instant elle n’en était pas à statuer sur le fond, la Cour considère qu’il existe un risque sérieux de génocide et que des mesures conservatoires sont nécessaires pour préserver les droits de la population palestinienne.

Après avoir rappelé la définition du génocide – un ensemble d’actes qui visent à détruire en tout ou en partie un groupe national, ethnique, racial ou religieux – la présidente a décrit, nombre de rapports à l’appui, ce que subit depuis le 7 octobre la population de la bande de Gaza : des dizaines de milliers de morts et de blessés, les destructions massives de bâtiments, les déplacements forcés, la privation de nourriture, d’eau et de soins. Elle a ainsi estimé que l’existence même des habitants de la bande de Gaza est menacée et évoqué les traumatismes terribles des survivants.

Elle a également rappelé les nombreux discours déshumanisants des responsables politiques israéliens et considéré qu’il existe un lien direct entre ces discours et le risque de génocide à Gaza. Elle a considéré qu’il y avait un risque réel et imminent qu’un préjudice irréparable soit causé aux droits des habitants de Gaza.

En conséquence de quoi la Cour ordonne à Israël :

– de prévenir tout acte génocidaire, d’empêcher ses militaires de commettre de tels actes et d’assurer l’entrée dans la bande de Gaza de nourriture, d’eau, de médicaments et d’autres besoins humanitaires

– de s’abstenir de commettre des actes constitutifs d’un génocide et de poursuivre les auteurs d’incitation au génocide

– de soumettre sous un mois un rapport avec les mesures prises pour s’acquitter des ordonnances de la Cour.

Bien que la Cour n’ordonne pas explicitement un cessez-le-feu, l’obligation de laisser entrer l’aide humanitaire impose de facto ce cessez-le-feu.

L’AFPS se réjouit de la décision historique de la CIJ. Les décisions de la CIJ sont définitives, contraignantes et sans appel, et tous les États doivent se conformer à leurs obligations légales en prenant toutes les mesures possibles pour s’assurer qu’Israël respecte la décision de la Cour et mette en œuvre intégralement et sans délai les mesures provisoires ordonnées.

La décision de la CIJ accroît la responsabilité juridique des États qui doivent mettre fin au génocide israélien en cours.

L’AFPS s’adresse donc solennellement au gouvernement français et particulièrement à son ministre de l’Europe et des Affaires étrangères qui a affirmé la semaine dernière devant l’Assemblée nationale : « accuser Israël de génocide dépasse le seuil moral ». La première réaction de la diplomatie française n’est absolument pas conforme à gravité de la situation. Non seulement elle ne précise pas comment elle va contraindre Israël à appliquer les décisions de la Cour, mais on comprend qu’elle va contester auprès d’elle la qualification de génocide. Nous rappelons donc à messieurs Macron et Séjourné qu’au-delà de la responsabilité de la France, c’est leur responsabilité personnelle et morale dans une potentielle complicité du crime de génocide qu’ils engagent.

Les décisions de la CIJ ont été toutes prises à la quasi-unanimité de ses 17 juges, monsieur Séjourné, allez-vous reconnaître, comme la Cour vient de le faire, que le risque de génocide à Gaza est plausible ?

La démarche de l’Afrique du Sud redonne toute sa place au droit international. La France s’est engagée à respecter la décision de la Cour Internationale de Justice : il faut donc passer aux actes maintenant ! Il faut contraindre Israël à respecter les ordonnances de la Cour ? C’est une obligation autant juridique que morale.

Il ne suffit pas de rappeler à Israël qu’il doit se conformer au droit, il faut le lui imposer, comme il faut lui imposer par tous les moyens le cessez-le-feu, y compris par des sanctions. Et en tout premier lieu, cesser de vendre des armes à Israël !

Le Bureau national de l’AFPS, le 26 janvier 2024
https://www.france-palestine.org/Cour-Internationale-de-Justice-Israel-au-banc-des-accuses-victoire-du-droit

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La Cour Internationale de Justice intime l’ordre à Israël de protéger la population de Gaza contre tout risque de génocide
Communiqué LDH

La LDH (Ligue des droits de l’Homme) prend acte de l’analyse faite par la Cour internationale de justice (CIJ), dans une ordonnance d’urgence, à la suite de la plainte de l’Afrique du Sud contre Israël pour crime de génocide.

Outre l’exigence formulée de libération immédiate des otages israéliens, la LDH se félicite des motifs retenus par les juges de la CIJ, à 15 voix contre 2, pour reconnaître la légitimité de leur saisine, et en particulier de la nécessité qu’Israël prenne des mesures immédiates afin de protéger la population palestinienne de Gaza, et engage des poursuites contre celles et ceux qui incitent à des mesures de génocide au sens de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide.

La LDH relève avec satisfaction qu’au vu de l’urgence de la protection, sans attendre le prononcé d’une décision sur le fond quant à des éléments constitutifs d’un génocide, la Cour demande à l’Etat d’Israël de prendre immédiatement « toutes les mesures en son pouvoir pour prévenir la commission, à l’encontre des Palestiniens de Gaza, en particulier les actes suivants : meurtre de membres du groupe ; atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe ; soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ; mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe. »

La décision de la CIJ ne fait que rappeler avec force que le droit international s’applique à tous les Etats, et la communauté internationale – dont la France – doit maintenant en imposer le respect sans délai à Israël, sous peine de faillir à son obligation d’agir pour prévenir la commission du génocide.

Paris, le 26 janvier 2024
https://www.ldh-france.org/la-cour-internationale-de-justice-intime-lordre-a-israel-de-proteger-la-population-de-gaza-contre-tout-risque-de-genocide/

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La CIJ ordonne à Israël de prendre des mesures pour empêcher les actes de génocide à Gaza
Dans un premier verdict dans l’affaire opposant l’Afrique du Sud à Israël pour « génocide » présumé à Gaza, la Cour internationale de Justice (CIJ) a ordonné vendredi qu’Israël prenne immédiatement des mesures pour garantir que son armée ne viole pas la Convention sur le génocide.
La Cour, basée à La Haye, a également demandé à Israël de laisser davantage d’aide entrer dans l’enclave palestinienne. Toutefois, elle n’a pas ordonné à Israël de cesser ses opérations militaires.
https://news.un.org/fr/story/2024/01/1142662
Application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide dans la bande de Gaza (Afrique du Sud c. Israël) – Ordonnance du 26 janvier
https://aurdip.org/application-de-la-convention-pour-la-prevention-et-la-repression-du-crime-de-genocide-dans-la-bande-de-gaza-afrique-du-sud-c-israel-ordonnance-du-26-janvier/
Documents importants suite au verdict du 26 janvier 2024 donné par la Cour concernant l’application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide dans la bande de Gaza (Afrique du Sud contre Israël)
https://jacquesfath.international/2024/01/27/cour-internationale-de-justice/
Oui Monsieur le ministre, les mots ont un sens
Suite à l’ordonnance du 26 janvier de la Cour internationale de justice (Afrique du Sud c. Israël), un communiqué du Ministère des Affaires étrangères indique que « la France annonce vouloir rappeler à la Cour que le crime de génocide nécessite l’établissement d’une intention ». Le Collectif de Juristes pour le Respect des engagements internationaux de la France (CJRF) déplore la lecture partiale de la diplomatie française « tant la motivation de la Cour est limpide. »
https://blogs.mediapart.fr/cjrf/blog/270124/oui-monsieur-le-ministre-les-mots-ont-un-sens
Procédure pour génocide à Gaza – La France doit appeler d’urgence Israël à mettre en oeuvre les mesures conservatoires de la Cour internationale de Justice
https://plateforme-palestine.org/La-France-doit-appeler-d-urgence-Israel-a-mettre-en-oeuvre-les-mesures

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Le mépris total de l’Occident pour la vie des Palestiniens
ne sera pas oublié

Nos élites politiques et médiatiques sont complices du cauchemar de Gaza. Tout vestige d’autorité morale a été perdu à jamais.

Quelle est la valeur d’une vie palestinienne ? Pour ceux qui conservent des illusions et qui ne sont pas déjà enterrés dans les décombres de Gaza avec des familles entières – comme les Zorob, les Kashtan, les Attalah – Joe Biden a offert une réponse définitive la semaine dernière. Dans une déclaration marquant le 100e jour depuis le début de l’horreur actuelle, il a montré à juste titre de l’empathie pour le sort des otages – dont l’enlèvement par le Hamas représente un grave crime de guerre – et de leurs familles traumatisées. Pourtant, il n’a pas mentionné une seule fois les Palestiniens.

Le fait que les hommes politiques et les médias n’aient pas pris la peine de dissimuler leur mépris pour la vie des Palestiniens aura des conséquences. En effet, ce phénomène n’est pas nouveau, et ces répercussions sont aujourd’hui violemment ressenties. Si les nations puissantes du monde n’avaient pas ignoré aussi effrontément le fait que trois quarts de million de Palestiniens ont été chassés de chez eux il y a 76 ans, et qu’environ 15 000 d’entre eux ont été victimes de morts violentes, les graines de l’amère récolte d’aujourd’hui n’auraient pas été plantées. Les élites politiques et médiatiques ont commencé comme elles voulaient continuer. Combien savent que l’année dernière, avant les atrocités indéfendables commises par le Hamas le 7 octobre, 234 Palestiniens ont été tués par les forces israéliennes dans la seule Cisjordanie, dont plus de trois douzaines d’enfants ? La vie n’est pas chère, dit-on. Elle n’a apparemment pas de sens si vous êtes Palestinien.

Si l’on avait accordé ne serait-ce qu’un peu de valeur à la vie palestinienne, des décennies d’occupation, de siège, de colonisation illégale, d’apartheid, de répression violente et de massacres n’auraient peut-être jamais eu lieu. Opprimer les autres devient difficile à soutenir lorsque leur humanité est acceptée.

Même les personnes résignées à l’indifférence occidentale à l’égard de la vie des Palestiniens auraient pu s’attendre à ce que, après un tel carnage meurtrier, la digue finisse par céder. Il est certain que 10 000 enfants victimes d’une mort violente ou 10 enfants amputés d’une ou des deux jambes chaque jour, souvent sans anesthésie, susciteraient de vives émotions. Il est certain que les 5 500 femmes enceintes qui accouchent chaque mois – dont beaucoup subissent des césariennes sans anesthésie – ou les nouveau-nés qui meurent d’hypothermie et de diarrhée susciteraient un dégoût irrépressible. Les projections selon lesquelles, en l’espace d’un an, un quart de la population de Gaza pourrait mourir du seul fait de la destruction du système de santé par Israël ne manqueraient-elles pas de susciter des demandes pressantes pour que quelque chose, n’importe quoi, soit fait pour mettre fin à cette obscénité ? Les récits incessants de travailleurs humanitaires, de journalistes ou de médecins massacrés avec plusieurs membres de leur famille – voire toute leur famille – à cause d’un missile israélien ne finiraient-ils pas par déclencher un chœur écrasant dans la société occidentale : c’est une folie abjecte, il faut que cela cesse ?

Ce n’est pas le cas et c’est pourquoi les conséquences seront sévères.

La dévalorisation de la vie des Palestiniens n’est pas une supposition, c’est un fait statistique. Selon une nouvelle étude de la couverture médiatique dans les principaux journaux américains, pour chaque décès d’Israélien, les Israéliens sont mentionnés huit fois, soit 16 fois plus par décès que les Palestiniens. Une analyse de la couverture de la BBC par les spécialistes des données Dana Najjar et Jan Lietava a révélé une disparité tout aussi dévastatrice, et que des termes humanisants tels que « mère » ou « mari » étaient utilisés beaucoup moins souvent pour décrire les Palestiniens, tandis que des termes émotifs tels que « massacre » ou « boucherie » étaient presque toujours appliqués aux victimes israéliennes des atrocités commises par le Hamas.

Tout cela aura un impact profond. Tout d’abord, oubliez les futures revendications occidentales en matière de droits de l’homme et de droit international. Une grande partie du monde considère déjà avec mépris cette suffisance, qui n’est que la dernière ruse pour promouvoir les intérêts stratégiques des pays qui se sont enrichis aux dépens du reste du monde : des siècles de colonisation souvent génocidaire ont engendré un cynisme durable, tout comme des bains de sang plus récents tels que la guerre en Irak, ou le soutien actif à des tyrannies flexibles sur de nombreux continents. Après que l’Occident a armé et soutenu Israël alors qu’il imposait une mort massive à Gaza par les bombes, les balles, la faim, la soif et la destruction des installations médicales, personne d’autre que les crédules en phase terminale ne prêtera plus jamais l’oreille à de telles affirmations.

Mais les élites politiques et médiatiques occidentales ne devraient pas seulement paniquer à propos des autres pays. Elles sont également confrontées à un effondrement moral chez elles. Dans des pays comme les États-Unis et la Grande-Bretagne, les jeunes générations ont grandi en prenant le racisme beaucoup plus au sérieux que celles qui les ont précédées, et les sondages montrent qu’elles sont beaucoup plus favorables aux Palestiniens que les citoyens plus âgés. Ils sont des utilisateurs assidus des réseaux sociaux, où ils voient des images des atrocités sans fin à Gaza, et des soldats israéliens qui commettent allègrement des crimes de guerre pour amuser le public. L’avocate irlandaise Blinne Ní Ghrálaigh, en exposant le cas de l’Afrique du Sud contre Israël devant la Cour internationale de justice, a décrit cette situation comme « le premier génocide de l’histoire où les victimes diffusent leur propre destruction en temps réel dans l’espoir désespéré et jusqu’à présent vain que le monde puisse faire quelque chose ». Pour les jeunes générations exposées à de nombreux clips vidéo montrant des mères hurlant en serrant les corps sans vie de leurs nouveau-nés, tout cet épisode s’est avéré instructif.

Que pensent alors ces jeunes de la couverture médiatique ou des déclarations des hommes politiques qui ne semblent pas considérer la vie palestinienne comme ayant la moindre valeur ? Quelles conclusions tirent-ils sur les populations minoritaires croissantes des pays occidentaux dont les élites médiatiques et politiques font si peu d’efforts pour dissimuler leur mépris pour la vie palestinienne qui s’éteint à une échelle aussi biblique ?

Oui, nous avons vu comment le refus de traiter les Palestiniens comme des êtres humains a rendu inévitable le cauchemar d’aujourd’hui. Nous pouvons voir comment les prétentions morales utilisées pour justifier la domination mondiale de l’Occident sont définitivement réduites à néant. Mais on n’a guère réfléchi à la façon dont les élites politiques et médiatiques des pays occidentaux ont mis le feu à leur autorité morale, la laissant suppurer aux côtés de milliers de cadavres palestiniens non identifiés enterrés sous les décombres. Un tournant, assurément, dont les conséquences ne seront comprises que lorsqu’il sera bien trop tard.

Owen Jones, le 21 janvier 2024
Owen Jones est un chroniqueur du Guardian
Source : The Guardian
Traduction ED pour l’Agence Média Palestine
https://agencemediapalestine.fr/blog/2024/01/22/le-mepris-total-de-loccident-pour-la-vie-des-palestiniens-ne-sera-pas-oublie/

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Fin des massacres en Palestine et
soutien aux universitaires et chercheur·es

Nous, enseignant·es, chercheur·es et étudiant·es de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, assistons avec effroi à des massacres incessants de populations civiles depuis octobre dernier : 1140 morts (dont 36 enfants) en Israël lors des terribles attaques du 7 octobre perpétrées par le Hamas, et à ce jour plus de 25 000 à Gaza (dont 70% d’enfants et de femmes), plus de 62 000 blessés et 1,9 millions de personnes forcées de se déplacer (soit 85% de la population de la bande de Gaza). En Cisjordanie occupée, on dénombre 355 personnes tuées (dont 90 enfants) et un harcèlement permanent de la population par les colons et l’armée israélienne. Nous sommes face à une spirale de la violence sans précédent et que rien ne semble arrêter. La ville de Gaza et les autres noyaux urbains sont en cours de destruction : logements, réseaux de distribution d’eau, hôpitaux, écoles, universités, lieux de culte, etc. Selon le Haut-Commissariat aux droits de l’Homme de l’ONU et selon RSF, qui a porté plainte à la CPI pour le massacre et le ciblage des journalistes à Gaza, des dizaines de journalistes auraient été tués. Les risques de famine et d’épidémie se multiplient et l’aide peine à arriver. La catastrophe humanitaire est en cours et doit être stoppée.

Dans un tel contexte de douleur et de souffrance, nous exprimons notre solidarité avec les étudiant·es, personnels administratifs, universitaires et chercheur·es qui sont touché·es de près ou de loin par le conflit israélo-palestinien.

Nous tenons à rappeler notre attachement aux libertés académiques, au Moyen-Orient et en France, loin des discours partisans et essentialistes.

Nous exprimons ainsi notre solidarité avec les étudiant·es, personnels et enseignant·es des universités palestiniennes affectées par ce conflit, qu’il s’agisse de la destruction des universités à Gaza ou de la multiplication des barrages empêchant leur libre fonctionnement en Cisjordanie occupée. Nous apportons aussi notre soutien aux universitaires et étudiant·es israélien·nes anticolonialistes qui sont menacé·es de sanctions disciplinaires, incluant licenciement ou exclusion, et les campagnes d’intimidation des étudiant·es d’origine palestinienne.

En France, nous soutenons les chercheur·es et universitaires qui travaillent sur la région afin que tou·te·s puissent s’exprimer librement, sans contrainte administrative et politique qui vienne les intimider. Nous réaffirmons notre attachement à la liberté d’expression scientifique, à l’analyse critique et aux débats contradictoires, sources de tout savoir.

Nous condamnons tout acte ou propos raciste, antisémite ou islamophobe, et dénonçons également toute instrumentalisation de ces termes à des fins partisanes de manière à empêcher toute analyse critique et scientifique de la guerre en cours et du conflit israélo-palestinien en général.

Nous joignons notre voix aux appels aux cessez-le-feu immédiat, exigeons la libération des otages israéliens et des « détenus administratifs » palestiniens sans inculpation ni procès, dont nombre d’enfants, et réclamons que la voie militaire mortifère laisse place à une solution politique dans le respect du droit international.

Voir les signataires
https://docs.google.com/forms/d/e/1FAIpQLSdiI_BwH9EbNZjyFiXO2kP1H3zkN1SivGGRfRCGDB7zW8waYg/viewform

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« Des règles différentes » : des politiques spécifiques
permettent aux États-Unis de fournir des armes à Israël
malgré les allégations d’abus

Révélation : un examen de documents internes du Département d’État [des États-Unis] montre que des mécanismes spéciaux ont été utilisés pour protéger Israël des lois des États-Unis sur les droits humains.

De hauts responsables des États-Unis ont tranquillement examiné plus d’une douzaine d’incidents liés à des soupçons de graves violations des droits humains par les forces de sécurité israéliennes depuis 2020, et se sont donné beaucoup de mal pour protéger l’accès continu aux armes états-uniennes des unités responsables de ses violations présumées, contribuant — disent d’anciens responsables américains – au sentiment d’impunité avec lequel Israël a abordé sa guerre contre Gaza.

On estime à 24 000 Palestiniens, principalement des femmes et des enfants, le nombre de personnes tuées par les forces israéliennes depuis l’attaque du 7 octobre contre Israël, un nombre de morts qui a suscité des condamnations du Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, et du Président des États-Unis, Joe Biden, critiqué pour son échec à freiner le bombardement « indiscriminé » d’Israël contre Gaza.

Une enquête du Guardian, basée sur un examen de documents internes du Département d’État et sur des interviews avec des personnes connaissant bien ses délibérations internes délicates, révèle comment des mécanismes spéciaux ont été utilisés dans les dernières années pour protéger Israël des lois américaines sur les droits humains, alors même que des unités militaires d’autres alliés qui reçoivent le soutien des États-Unis – y compris, disent des sources, l’Ukraine – ont été sanctionnées en privé et ont subi les conséquences de leurs violations des droits humains.

Les responsables du Département d’État ont été en effet capables de contourner la loi américaine censée empêcher que les États-Unis soient complices des violations des droits humains par des unités militaires étrangères – la loi Leahy des années 1990, nommée d’après le sénateur du Vermont maintenant retraité Patrick Leahy – parce que, disent d’anciens responsables, des politiques internes extraordinaires du Département d’État ont été mises en place pour montrer son extrême déférence au gouvernement israélien. Aucun arrangement spécial de cette sorte n’existe pour aucun autre allié des États-Unis.

Que la loi Leahy ne soit pas appliquée à Israël inquiète particulièrement son éponyme. Dans une déclaration au Guardian, l’ancien sénateur du Vermont a dit que les objectifs de la loi Leahy étaient de protéger les États-Unis de la culpabilité de graves violations des droits humains par des forces de sécurité étrangères qui reçoivent l’aide américaine et de décourager les violations à l’avenir.

« Mais la loi n’a pas été appliquée de façon cohérente et ce que nous avons vu en Cisjordanie et à Gaza en est un exemple flagrant. Pendant de nombreuses années, j’ai exhorté les gouvernements américains successifs à appliquer la loi dans ce cas, mais cela ne s’est jamais produit », a dit Leahy.

Parmi les incidents examinés depuis 2020 figurent l’assassinat de Shireen Abu Akleh, la journaliste palestino-américaine abattue par les forces israéliennes en mai 2022 ; la mort d’Omar Assad, un Palestino-américain de 78 ans, qui est mort en janvier 2022 après son incarcération dans une prison israélienne ; et l’assassinat extrajudiciaire présumé d’Ahmad Abdu, un homme de 25 ans abattu à l’aube par les forces israéliennes en mai 2021, alors qu’il était assis dans sa voiture.
Un 
rapport de Haaretz décrit comment, après avoir ouvert le feu sur la voiture, les troupes israéliennes ont tiré Abdu hors du véhicule, l’ont trainé à quelques mètres sur la route, ont ensuite abandonné son corps sanglant sur la route et sont partis.

Dans l’examen de la mort d’Abdu, pour laquelle les rapports suggèrent qu’il s’agit d’un cas d’erreur d’identité, des documents internes du Département d’État notent qu’Israël a refusé de répondre aux questions des responsables du Département d’État sur la fusillade.

Dans le cas d’Omar Assad, l’armée israélienne a dit en juin dernier qu’elle n’engageait pas de poursuites pénales contre les soldats impliqués dans sa mort, alors même qu’ils sont soupçonnés de l’avoir tiré d’une voiture, ligoté, les yeux bandés, après l’avoir arrêté à un checkpoint. L’armée a dit que les soldats ne seraient pas poursuivis parce que leurs actions ne pouvaient pas être directement reliées à la mort d’Assad, par arrêt cardiaque, a rapporté The Associated Press. Assad, un citoyen des États-Unis, avait passé environ 40 ans dans le Midwest avant de retourner chez lui en Cisjordanie en 2009.

Des documents internes du Département d’État montrent que les incidents ont été examinés selon une procédure peu connue établie par le Département d’État en 2020 et connue sous le nom de Israel Leahy Vetting Forum (ILVF) [Forum de contrôle Leahy-Israël], dans laquelle des représentants des Bureaux pertinents du Département d’État examinent les rapports sur les allégations de violations des droits humains par les forces israéliennes.

Selon la loi Leahy, pour la plupart des pays et dans la plupart des cas, une unité militaire étrangère se voit accorder une aide ou un entrainement par l’armée américaine après un contrôle par le Département d’État pour toute violation des droits humains signalée. La loi interdit au Département d’État et au Département de la Défense de fournir des financements, de l’aide ou un entraînement aux unités des forces de sécurité étrangères lorsqu’il y a une « information crédible » que ces forces ont commis une grave violation des droits humains.

Dans le cas d’au moins trois pays – Israël, l’Ukraine et l’Égypte – l’échelle de l’aide étrangère est si élevée que l’aide militaire américaine peut être difficile à pister, et que les États-Unis ne savent souvent pas où des armes spécifiques sont arrivées ou comment elles sont utilisées.

Pour combler ce qui était vu comme une faille dans la loi, le Congrès a mis à jour la procédure en 2019, en mettant en place un système qui interdit au gouvernement étranger d’offrir l’aide américaine à toute unité de ses forces de sécurité que les États-Unis identifie comme étant inéligible selon la loi Leahy à cause de graves violations des droits humains. Le Département d’État a mis en place des groupes de travail pour examiner ces pays où l’aide militaire est considérée « intraçable ».

Mais des personnes informées de la procédure, et qui ont parlé sous couvert d’anonymat, ont dit qu’Israël avait bénéficié à l’intérieur de l’ILVF de politiques extraordinaires dont les détails n’avaient pas été divulgués auparavant.

« Personne ne l’a dit, mais tout le monde savait que les règles étaient différentes pour Israël. Personne ne voudra jamais l’admettre, mais c’est la vérité », a dit un ancien responsable du Département d’État.

Premièrement, dans la procédure pour Israël, toutes les parties impliquées dans l’examen ILVF doivent atteindre un consensus pour déterminer si une violation potentielle a eu lieu, et cela doit ensuite être approuvé par le Secrétaire d’État adjoint, disent trois personnes connaissant bien les délibérations internes. En théorie, un Bureau unique pourrait signaler une violation potentielle au niveau du Secrétaire d’État adjoint dans le cadre d’une « note fractionnée », dans laquelle d’autres Bureaux exprimeraient leur désaccord, mais cela ne s’est jamais produit. Parmi les groupes impliqués dans la procédure figurent le Bureau des affaires du Moyen-Orient, le Bureau de la démocratie, des droits humains et du travail, le Bureau des affaires politico-militaires et l’ambassade des États-Unis à Jérusalem.

Pour d’autres pays, ont dit les anciens responsables, la détermination de l’application de la loi Leahy est faite par le personnel du Département d’État, elle n’exige pas le consensus de toutes les parties, ni de notification au Secrétaire d’État ou à son adjoint ou de leur approbation.

Deuxièmement, Israël doit être consulté en cas de violations présumées des droits humains sous examen et il a 90 jours pour répondre à ces affirmations, provoquant ce que certains anciens responsables ont dit être des délais importants. Pour aucun autre pays le gouvernement n’a à être consulté selon les procédures du Département d’État, ont dit d’anciens responsables.

« Une partie de la raison pour laquelle l’ILVF n’a jamais marché, c’est que la procédure est tellement encrassée par des mécanismes de retardement qui n’existent pour aucun autre pays », a dit un ancien responsable du Département d’État.

Un porte-parole du Département d’État a déclaré que les détails des délibérations internes du département ne pouvaient être discutés, mais qu’il n’y avait « aucune exigence qu’un consensus soit atteint parmi les participants d’ILVF pour avancer dans l’évaluation selon la loi Leahy. »

« Le Département mène un contrôle Leahy en conformité avec la loi dans le cas de tous les pays bénéficiant d’une aide applicable, y compris Israël », a ajouté le porte-parole.

En réponse à des questions sur la raison pour laquelle une consultation avec Israël était considérée comme faisant partie de la pratique standard du Département d’État dans les cas de contrôle Leahy-Israël, le porte-parole a dit que le Département « consulte régulièrement les gouvernements étrangers sur les affaires de contrôle Leahy, pas seulement Israël. »

« Une large impunité » 
Certains experts voient une connexion entre l’approche non-interventionniste des États-Unis envers Israël sur les violations des droits humains et la conduite d’Israël dans la guerre à Gaza. Israël reçoit 3,8 milliards de dollars d’aide militaire chaque année et le gouvernement Biden a contourné le Congrès deux fois le mois dernier pour fournir 250 millions de dollars supplémentaires en armes. Les Démocrates progressistes conduits par Bernie Sanders, le sénateur indépendant du Vermont, ont demandé que l’aide à Israël soit conditionné à ce que les États-Unis enquêtent sur les violations potentielles des droits humains par Israël au cours de la guerre à Gaza.

« Je pense qu’Israël a le sentiment d’une large impunité quand il s’agit des conséquences de ses actions à l’intérieur des États-Unis », a dit Josh Paul, un ancien responsable du Département d’État qui s’est imposé comme critique virulent des politiques du gouvernement Biden à propos d’Israël. « Nous pouvons dire qu’Israël devrait respecter le droit humanitaire international. Nous pouvons dire qu’il ne devrait pas étendre les colonies. Mais quand il s’agit des conséquences effectives, il n’y en a aucune et je pense que cela a donné à Israël, aux niveaux élevés du gouvernement, un sentiment d’immunité. »

Paul pense aussi que l’absence d’application de la loi Leahy a un effet sur la manière dont les unités israéliennes se conduisent. En ne faisant pas pression sur Israël à propos des violations Leahy et en ne désignant pas des unités israéliennes individuelles comme violant gravement les droits humains, les États-Uni, dit Paul, ont favorisé une culture d’impunité au niveau des unités que, a-t-il déclaré, « nous voyons aujourd’hui sur le terrain à Gaza » dans les actions de certains soldats israéliens, comme dans les vidéos qui ont circulé montrant des soldats israéliens saccageant des maisons privées à Gaza, détruisant des biens civils et utilisant un langage raciste.

Le double standard des États-Unis sur Israël n’est nulle part plus apparent que dans un accord de 2021 qui a été signé par une haute responsable du Département d’État, Jessica Lewis, qui sert de Secrétaire adjointe aux affaires politiques, et par l’ambassadeur d’Israël aux États-Unis, Michael Herzog.

L’ accord de deux pages de 2021, qui a reçu peu d’attention des médias, a formalisé des changements dans la loi Leahy et inclus une déclaration sur le fait qu’Israël aurait « un système juridique robuste, indépendant et effectif, incluant son système de justice militaire ». Les États-Unis ont signé plus de deux douzaines d’accords similaires avec d’autres pays à cette époque – dont la Grèce, la Jordanie, la Géorgie, l’Ukraine et la Lettonie – mais aucun ne contient des termes cautionnant les systèmes de justice militaire d’autres pays.

Les anciens responsables qui ont parlé au Guardian ont dit qu’ils ne savaient pas comment ces phrases ont été finalement incluses dans l’accord États-Unis – Israël, mais ils ont spéculé que cela avait probablement été ajouté par Israël.

The Guardian a demandé un commentaire sur la question à l’ambassade israélienne à Washington, y compris sur l’origine de la déclaration contenue dans l’accord, mais n’a reçu aucune réponse.

Tim Rieser, un conseiller chevronné de longue date de Leahy, et qui a contribué à écrire la loi Leahy dans les années 1990, a dit que l’inclusion de ces phrases était probablement destinée à aider Israël à éviter un examen selon la loi Leahy, parce qu’elles suggèrent, comme une évidence, que le système de justice militaire est assez indépendant pour traiter n’importe quel cas de violation supposée des droits humains.

« Les phrases ajoutées à l’accord États-Unis-Israël, sans aucune consultation du Congrès, sont factuellement inexactes et suggèrent à tort que la loi [Leahy] n’a pas besoin d’être appliquée », a dit Rieser.

Peu d’organisations ont été aussi critiques du système de justice militaire d’Israël que B’Tselem, un groupe israélien de défense des droits humains.

« Le système d’application de la loi militaire est utilisé par Israël comme un mécanisme de blanchiment dont l’objectif est de bloquer toute critique des politiques d’Israël et de l’armée dans les territoires. Le pourcentage des condamnations des soldats est proche de zéro, même pour les violations les plus sérieuses », a dit Dror Sadot, le porte-parole de B’Tselem.

Paul, ancien responsable du Département d’État qui a démissionné de son poste en protestation contre le « soutien aveugle d’un seul côté » par le gouvernement Biden, a dit qu’il avait longuement argué, de manière interne, que les États-Unis ne devraient pas considérer le système de justice militaire d’Israël comme « un système de justice fonctionnel responsable » quand il s’agit des violations [des droits humains].

« Je pense que son bilan effectif est fait de tapes sur la main, de rétrogradations temporaires et des suspensions à court terme, même pour des violations vraiment sérieuses », a dit Paul.

Paul a dit au Guardian que « de nombreuses personnes », y compris lui-même, ont fait part de leurs inquiétudes à l’intérieur du Département d’État sur le fait que la procédure Leahy « ne marchait pas » et que de graves violations des droits humains se produisaient « sans reddition de comptes ». De fait, aucune unité israélienne n’en est jamais arrivée au point d’être sanctionnée selon la loi Leahy, même quand des allégations crédibles de graves violations des droits humains existaient.

Paul n’a pas voulu nommer ses anciens collègues ni discuter de cas spécifiques qui ont été examinés par le forum, mais il a dit que, typiquement, les inquiétudes du personnel sur les violations israéliennes des droits humains ont été finalement « tuées » à ce qu’il a décrit comme le niveau du front-office ou de la direction d’un Bureau, dans plusieurs des Bureaux impliqués dans le forum, y compris celui des droits humains (DRL).

D’autres cas qui ont été examinés par l’ILVF, mais pour lesquels les responsables américains n’ont finalement pas réussi à parvenir à un consensus et à prendre des mesures, incluent : l’assassinat de Sanad Salem al-Harbad, un Bédouin qui aurait été abattu de deux balles dans le dos par la police israélienne en mars 2022 ; l’assassinat de Ahmad Jamil Fahd, qui aurait été abattu par la police et abandonné, saignant à mort, par une unité d’agents israéliens sous couverture ; l’attaque présumée en détention par la police israélienne de la journaliste Givara Budeiri ; l’assassinat en 2020 d’un homme autiste de 32 ans, non armé, Eyad al-Hallaq, par la police israélienne à Jérusalem-Est ; l’assassinat d’un garçon de 15 ans, Mohammed Hamayel ; et le tir contre une Palestinienne de 16 ans, Jana Kiswani.

Pour les défenseurs de la loi Leahy, comme Rieser, l’absence de reddition de comptes pour l’assassinat d’ Abu Akleh, la célèbre journaliste d’Al Jazeera, est particulièrement exaspérante, et a été l’objet de critiques de Démocrates de haut rang au Capitole.

« Si les États-Unis avaient accepté d’appliquer la loi Leahy en Israël, les forces de défense israéliennes auraient probablement été plus enclines à faire rendre des comptes à leurs soldats, ce qui aurait aidé à éviter les assassinats de civils comme celui de Shireen Abu Akleh et de beaucoup d’autres, et ce que nous voyons aujourd’hui », a dit Rieser. « Ou sinon ils auraient été confrontés à une interruption de l’aide américaine, ce qui aurait été une vraie tache, et une épine dans les relations USA-Israël. »

Abu Akleh a été tuée d’une balle qui a frappé l’arrière de sa tête alors qu’elle couvrait une opération israélienne dans le ville cisjordanienne de Jénine. Une enquête de CNN a montré qu’il n’y avait ni combat actif ni militants palestiniens à proximité d’Abu Akleh dans les instants précédant sa mort et les images obtenues par la chaîne ont corroboré les témoignages suggérant que les forces israéliennes avaient visé la journaliste.

Les Forces de défense d’Israël (IDF) se sont excusées pour l’assassinat l’année dernière, mais le Bureau de l’avocat général militaire en Israël a dit dans une déclaration qu’ils n’avaient pas l’intention d’engager des poursuites ni de lancer une procédure criminelle contre aucun des soldats impliqués.

En une lettre de juillet 2023 au Secrétaire d’État, Antony Blinken, quatre sénateurs démocrates – Chris Van Hollen, Leahy (maintenant retraité), Chris Murphy et Dick Durbin – ont critiqué le gouvernement Biden pour n’avoir pas donné suite aux appels antérieurs en vue d’une « enquête indépendante crédible ». Dans des questions au gouvernement, les sénateurs ont demandé quelles mesures prenait le Coordinateur de la sécurité des États-Unis (USSC), qui conduisait une analyse médico-légale indépendante de la balle qui avait tué Abu Akleh, pour essayer d’établir qui spécifiquement l’avait tué et pourquoi.

Faisant écho aux déclarations de l’IDF, l’USCC a rendu publique une courte déclaration disant qu’il « n’y avait pas de raison de croire que cela avait été intentionnel et que c’était plutôt le résultat de circonstances tragiques ». Le Département d’État a refusé de rendre public un rapport du Coordinateur de l’USSC, le lieutenant-général Michael Fenzel, sur la mort d’Abu Akleh. Citant un haut responsable américain, Axios a rapporté l’an dernier que le rapport de Fenzel ne contenait aucune découverte ni conclusion nouvelles.

Quand la loi Leahy a été promulguée, en 1997, elle avait été conçue avec à l’esprit l’Amérique centrale et la Colombie. Les États-Unis fournissaient des centaines de millions de dollars d’aide militaire pour combattre les narco-trafiquants et les insurgés, mais les groupes de défense des droits humains documentaient de graves violations des droits humains de la part des unités de l’armée et de la police colombiennes. Si le Département d’État ne fait pas d’annonces publiques quand il cible des unités étrangères spécifiques, les experts disent qu’ils pensent que cela a été efficace en Amérique centrale, en Colombie, au Népal et dans d’autres pays.

Israël, disent-ils, est l’anomalie.

« Un nombre inquiétant de rapports » 
Rieser a dit qu’il y avait une longue histoire de correspondances – du gouvernement de W. Bush à celui de Biden – entre Leahy et les Secrétaires d’État successifs, à la recherche de réponses sur les raisons pour lesquelles la loi Leahy n’était pas appliquée dans des cas impliquant des assassinats de Palestiniens.

Dans une lettre de mai 2002 au Secrétaire d’État de l’époque, Colin Powell, qui était en fonction dans le gouvernement de Bush, Leahy faisait part de ses inquiétudes sur le fait que la loi Leahy n’était pas appliquée au Moyen-Orient.

Dans une lettre de janvier 2009 à la Secrétaire d’État d’alors, Condoleezza Rice, Leahy exprimait son incrédulité devant le fait que le Département d’État n’« était informé » d’aucun incident impliquant l’IDF qui déclencherait la loi Leahy.

Un mois plus tard, Leahy adressait une autre lettre à la nouvelle Secrétaire d’État, Hillary Clinton, qui faisait partie du gouvernement Obama. Il y joignait des copies de sa correspondance avec la précédente Secrétaire d’État.

Une lettre de février 2016 de Leahy au Secrétaire d’État d’alors, John Kerry, mentionnait « un nombre inquiétant de rapports sur de graves violations possibles des droits humains par les forces de sécurité en Israël et en Égypte », y compris des « assassinats extra-judiciaires par l’armée et la police israéliennes ».

Une lettre d’octobre 2017 à Rex Tillerson, qui occupait la fonction de Secrétaire d’État sous Donald Trump, demandait quelles mesures l’ambassade des États-Unis en Israël prenait pour garantir l’application de la loi Leahy à l’IDF.

Plus tard, en mai 2018, dans une lettre de Leahy au Secrétaire d’État à cette date, Mike Pompeo, dans le gouvernement Trump, Leahy demandait un examen selon la loi Leahy des morts par balles d’environ 100 manifestants palestiniens de Gaza, qui avaient été tués depuis mars de la même année. « Si des informations crédibles existent pour déclencher la loi Leahy à propos d’une unité israélienne et si le gouvernement d’Israël ne prend aucune mesure effective pour traduire en justice les individus responsables, une telle unité n’est plus éligible à l’aide américaine », écrivait Leahy.

Dans une lettre de suivi en septembre, Leahy réclamait une « réponse claire », en particulier pour savoir si le gouvernement avait jamais cherché à déterminer quelles unités de l’IDF avaient tiré sur les Palestiniens. Dans une autre lettre, envoyée par Leahy en décembre, il demandait combien de fois l’ambassade américaine avait présenté à Israël des preuves de graves violations des droits humains et combien de fois ces individus avaient été exclus du bénéfice de l’aide américaine.

Plusieurs autres lettres de Leahy font référence à de graves violations des droits humains par l’IDF. Aucun des cas en question n’a mené à la punition d’une unité.

Stephanie Kirchgaessner, 18 janvier 2024
https://www.theguardian.com/world/2024/jan/18/us-supply-weapons-israel-alleged-abuses-human-rights
Traduction CG pour l’Aurdip
https://aurdip.org/des-regles-differentes-des-politiques-specifiques-permettent-aux-etats-unis-fournir-des-armes-a-israel-malgre-les-allegations-dabus/

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Graves allégations contre le personnel de l’UNRWA
dans la bande de Gaza

Amman,
« Les autorités israéliennes ont fourni à l’UNRWA des informations sur l’implication présumée de plusieurs employés·de l’UNRWA dans les horribles attaques contre Israël le 7 octobre.

« Afin de protéger la capacité de l’Office à fournir une assistance humanitaire, j’ai pris la décision de mettre immédiatement fin aux contrats de ces membres du personnel et de lancer une enquête afin d’établir la vérité sans délai. Tout employé·e de l’UNRWA impliqué·e dans des actes de terrorisme devra répondre de ses actes, y compris par des poursuites pénales.

« L’UNRWA réitère sa condamnation la plus ferme des attaques odieuses du 7 octobre et appelle à la libération immédiate et inconditionnelle de tous les otages israélien·nes et à leur retour en toute sécurité auprès de leurs familles.

« Ces allégations choquantes surviennent alors que plus de deux millions de personnes à Gaza dépendent de l’aide vitale que l’Agence fournit depuis le début de la guerre. Quiconque trahit les valeurs fondamentales des Nations unies trahit également ceux que nous servons à Gaza, dans la région et ailleurs dans le monde ».

Philippe Lazzarini, Commissaire général de l’UNRWA, 26 janvier 2024
https://www.unrwa.org/newsroom/official-statements/serious-allegations-against-unrwa-staff-gaza-strip
Traduit avec DeepL.com (version gratuite)

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À Gaza, des images satellite et des vidéos révèlent que 16 cimetières au moins ont été profanés par l’armée israélienne
https://aurdip.org/a-gaza-des-images-satellite-et-des-videos-revelent-que-16-cimetieres-au-moins-ont-ete-profanes-par-larmee-israelienne/
Comment Israël a détruit les écoles et les universités de Gaza
https://aurdip.org/comment-israel-a-detruit-les-ecoles-et-les-universites-de-gaza/
Dépasser le discours de Rafah : un espoir de paix fondé sur le droit international
Lettre d’un collectif d’universitaires, de juristes d’artistes et de politiciens au Premier Ministre belge concernant la guerre à Gaza.
https://aurdip.org/depasser-le-discours-de-rafah-un-espoir-de-paix-fonde-sur-le-droit-international/

Auteur : entreleslignesentrelesmots

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