A propos d’Emek Shaveh (+ autres textes )

  • A propos d’Emek Shaveh
  • Rafi Greenberg, Alon Arad : Pour le bien de la « Terre d’Israël », nous nous entourons de ruines
  • Ibtisam Mahdi : L’anéantissement des trésors multi-civilisationnels de Gaza

 

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Emek Shaveh est une ONG israélienne qui œuvre à la défense des droits du patrimoine culturel et à la protection des sites anciens en tant que biens publics appartenant aux membres de toutes les communautés, de toutes les confessions et de tous les peuples. Nous nous opposons au fait que les ruines du passé soient devenues un outil politique dans le conflit israélo-palestinien et nous nous opposons à ceux qui utilisent les sites archéologiques pour déposséder les communautés privées de leurs droits. Nous considérons les sites patrimoniaux comme des ressources permettant de jeter des ponts et de renforcer les liens entre les peuples et les cultures, et nous pensons que les sites archéologiques ne peuvent constituer la preuve de l’antériorité ou de la propriété d’une nation, d’un groupe ethnique ou d’une religion sur un lieu donné.

L’artefact archéologique raconte une histoire complexe qui est indépendante des dictats et des traditions religieuses. Écouter cette histoire et la faire connaître au grand public peut enrichir notre culture et promouvoir les valeurs de tolérance et de pluralisme. Nous pensons que la richesse culturelle de ce pays appartient aux membres de toutes les communautés, nations et confessions. Un site archéologique n’est pas seulement constitué de ses couches excavées, mais aussi de ses attributs actuels – les personnes qui vivent à l’intérieur ou à proximité du site, leur culture, leur vie quotidienne et leurs besoins.

Nous considérons la pratique de l’archéologie comme une activité qui peut bénéficier au bien commun. Les différents moyens d’impliquer les communautés locales dans le travail sur le site où elles vivent ou à proximité, qu’il s’agisse de gérer son patrimoine, de participer à des fouilles conjointes, de développer le site ou de concevoir des visites qui combinent des visites du site avec une introduction à la communauté locale, renforcent la relation d’une communauté avec son environnement plus large, produisent des dividendes économiques et peuvent entraîner des changements sociaux significatifs.

Nous pensons que se familiariser avec l’histoire complexe et diversifiée révélée par la recherche archéologique peut nous apprendre quelque chose d’essentiel sur nous-mêmes et nous permettre d’apprécier la vaste diversité culturelle de ce pays, dans le passé comme dans le présent.

Notre travail :
Maintenir un contact régulier avec les communautés vivant sur ou à proximité de sites archéologiques sensibles à Jérusalem, en Cisjordanie et en Israël. Nous surveillons les activités archéologiques dans ces zones, y compris les violations des droits de propriété palestiniens et des droits du patrimoine culturel. Nous documentons ces questions dans des rapports, des communiqués de presse et des prises de position destinés aux décideurs politiques et au grand public.

Protection des sites patrimoniaux contre les plans de développement et de construction dans l’intérêt du public. Nous déposons des objections auprès des comités de planification et de construction, nous lançons des campagnes publiques et nous prenons des mesures juridiques contre le transfert de sites anciens à des fondations privées ayant des objectifs économiques, religieux ou nationalistes et qui exploitent l’archéologie au service de ces intérêts.

Plaidoyer public auprès des décideurs, des médias et du grand public par le biais de visites, de conférences, de réunions et de colloques afin de sensibiliser à l’utilisation politique de l’archéologie comme moyen de s’approprier des terres et des récits historiques. Nous promouvons un discours pluraliste qui révèle la diversité du patrimoine culturel de ce pays, et de Jérusalem en particulier, et nous travaillons à cultiver une perspective qui considère les sites archéologiques comme le patrimoine commun de toutes les communautés et de tous les peuples qui vivent sur cette terre.

Nous menons des fouilles communautaires destinées à renforcer la relation d’une communauté locale avec un site archéologique et avec son patrimoine local. Les fouilles communautaires augmentent la sensibilisation environnementale et sociale et peuvent renforcer la coopération entre les différentes communautés vivant côte à côte à l’intérieur ou à proximité des sites du patrimoine culturel.

Les principes professionnels et éthiques qui guident notre travail en tant qu’archéologues et professionnel·les du patrimoine :
Nous pensons que les sites du patrimoine peuvent être utilisés pour promouvoir la compréhension entre les membres de différentes nations, cultures et groupes, et ne devraient pas être utilisés comme un moyen de revendiquer la propriété ou les droits historiques sur un site donné.

L’archéologie en général, et à Jérusalem en particulier, révèle le tissu riche et diversifié de l’histoire humaine, qui a un attrait universel.

L’archéologie raconte une histoire indépendante de l’existence, de la culture et des réalisations humaines. Elle n’est ni sélective ni subordonnée aux textes sacrés.

Chaque strate archéologique contribue à la compréhension de l’histoire. L’archéologie ne hiérarchise pas les cultures.

Un site archéologique n’est pas seulement constitué de couches historiques, mais il est significatif de la vie actuelle des personnes qui y vivent ou qui vivent à proximité, et peut constituer un élément central de leur culture et de leur vie quotidienne.

Nous ne cherchons pas à prouver l’existence de liens entre les identités ethniques modernes (israéliennes, palestiniennes ou européennes, par exemple) et les peuples anciens (phéniciens, judéens ou croisés, par exemple).

Parce que l’archéologie offre une vision indépendante des origines humaines et sociales, elle est intrinsèquement critique à l’égard de tous les récits historiques.

Lorsque les récits archéologiques et textuels se chevauchent, chacun sert à éclairer l’autre : les deux sont interprétatifs et aucun ne représente une vérité absolue.

Lorsque les archéologues exproprient des biens publics, l’usage qu’elles et ils font de ces biens doit être justifié, en particulier auprès du public dont les biens ont été expropriés.

https://emekshaveh.org/en/about-us/
Traduit avec DeepL.com (version gratuite)

Nos soutiens
Emek Shaveh remercie les personnes suivantes pour leur soutien généreux :
FDFA
HEKS 
Cordaid
The Royal Norwegian Embassy Tel-Aviv
Irish Foreign Ministry
Oxfam GB
CCFD-Terre Solidaire
Oxfam Novib
European Instrument for Democracy and Human Rights (EIDHR)
EU Peacebuilding Initiative
New Israel Fund
Foundation for Middle East Peace
Beller Moses Family Foundation

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Pour le bien de la « Terre d’Israël »,
nous nous entourons de ruines

« Le caractère systématique de la destruction des sites historiques palestiniens, mentionné dans la plainte déposée contre Israël à La Haye, indique qu’ils n’ont pas été attaqués pour leurs caractéristiques militaires, mais pour le symbole qu’ils représentent, en tant que témoins du lien entre les Palestinien.nes et le lieu où ils vivent. »

Au milieu des massacres et des destructions qu’Israël inflige à la bande de Gaza, la destruction délibérée et même systématique des institutions culturelles, des bâtiments anciens et des collections d’art et d’antiquités se démarque. La mosquée Al-Omari, qui a tenu bon (sur les vestiges d’une église qui l’a précédée) pendant environ 1 300 ans, l’ancien « hammam samaritain », qui a été rénové et réutilisé comme bain public, le « Palais du Pacha » [Qasr al-Basha – E.], vieux de 800 ans, qui servait de centre culturel et de musée, les archives de la ville de Gaza, le musée de Rafah, l’hôtel-musée de la famille Al-Khudari et les vestiges [de l’ancienne ville] d’Anthédon, l’ancien port de Gaza – tout cela et bien d’autres ont été gravement endommagés ou complètement détruits lors de l’attaque actuelle.

Le ciblage de ces sites historiques, qui a même été mentionné dans la plainte déposée contre Israël à La Haye, indique qu’ils n’ont pas été attaqués pour leurs caractéristiques militaires, mais pour le symbole qu’ils représentent, en tant que témoins du lien entre les Palestinien.nes et le lieu où ils vivent. La destruction des sites fait partie de la bataille pour la conscience et la mémoire : la terre appartient – c’est ainsi qu’elles et ils croient en Israël – à qui contrôle son passé, et si nous privons les Palestinien.nes de la mémoire du passé, nous les privons également de leur appartenance au pays et la voie sera ouverte à leur expulsion.

Ce n’est pas une idée nouvelle : avant même le sionisme, des chercheurs et des hommes d’État occidentaux définissaient l’antiquité de la Terre Sainte – et notamment celles de l’époque de la Bible et du Nouveau Testament – comme sa principale ressource et comme la raison de leur dévotion. Ils ont transformé toutes les communautés qui y vivaient à leur arrivée – musulmans, chrétiens, et même les juifs de l’ancien Yichouv [1] – en une sorte de superflu : une couche de fange qui cache la vraie qualité du pays. Dans le meilleur des cas, les habitants de la Palestine étaient définis comme des gardiens inconscients de lieux, de noms et de coutumes qui avaient survécu aux temps bibliques, ou, dans le pire des cas, comme des invités indésirables ou des étrangers qui devaient être tenus à l’écart.

Bien que cette approche soit née dans le cadre des principes de la suprématie européenne, le sionisme politique l’a pleinement adoptée. Depuis sa création, Israël s’emploie à détruire physiquement les vestiges de la présence arabe et à nier l’existence du peuple palestinien. Des centaines de villages ont été détruits et des milliers de maisons dans des villes ont été pillées et expropriées. Les Arabes étaient définis comme un ensemble d’individus dépourvus de toute définition nationale et n’ayant qu’un lien vague avec leur lieu de résidence : candidats permanents à l’expulsion, refus de citoyenneté et – surtout – refus du souvenir de leur existence.

En Israël, il n’existe aucune protection pour les bâtiments, les objets culturels ou les paysages historiques vieux de 200 ou 300 ans. L’archéologie israélienne s’est également réduite à des périodes liées au passé juif et biblique du pays, à quelques exceptions près. Les fouilles archéologiques ont détruit des dizaines de cimetières palestiniens et enlevé des strates des localités des derniers siècles, souvent à la hâte et avec une documentation médiocre. Dans les universités, dans les parcs nationaux et dans la culture populaire, l’histoire et la culture musulmane, chrétienne et palestinienne du lieu n’ont pratiquement aucun droit à une présence. La négation de l’existence d’un peuple palestinien s’est accompagnée de l’occultation des preuves matérielles de sa présence ici.

Ces actes, consistant à détruire les vestiges du passé récent et à cultiver l’ignorance et l’oubli, ont en effet gravement porté atteinte à la mémoire palestinienne, mais ils ont également encouragé un contre-mouvement qui inclut la documentation, la recherche historique et la création artistique, tandis que du côté israélien naquirent des générations qui ne savaient rien des longs épisodes de l’histoire de leur pays. La perception israélienne du passé – ainsi que la perception de l’espace – est criblée de lacunes où se cachent des lieux et des souvenirs refoulés. Nier l’existence des Palestiniens en tant que peuple permet de les combattre sans dire contre qui combat t-on (« manœuvre de haute intensité » [2]), et d’appeler à commettre des crimes de guerre sans en payer le prix (on ne peut pas détruire un peuple qui n’existe pas !).

Certains prétendront qu’il n’y a rien de nouveau à cela : pendant des milliers d’années, les différents conquérants du pays ont tenté d’effacer et d’épurer le souvenir de leurs prédécesseurs. Mais tout chercheur de cette terre pourra témoigner que ces tentatives d’épuration ont échoué, et que la terre – ainsi que les gens qui y vivent – préservent la mémoire de tous ceux qui y ont mis les pieds et de tous ceux qui y ont imposé leur culture : les Cananéens ont été construits par leurs prédécesseurs, et à partir de toutes les cultures qui sont entrées en contact avec eux – en Syrie, en Égypte et dans le Bassin Méditerranéen ; les anciens royaumes d’Israël ont intériorisé des éléments cananéens ; Hasmonéens – des Grecs ; les musulmans – du christianisme byzantin, et ainsi de suite jusqu’à aujourd’hui. Nous reflétons toutes et tous les nombreuses cultures de ce pays. Regardez autour de vous – les styles de construction, la musique provenant des voitures, le stand de viande dans le centre commercial et le paysage humain lui-même – et vous vous rendrez à l’évidence que c’est la réalité.

La tentative d’effacer des périodes entières du passé d’un pays quel qu’il soit, ainsi que l’effacement de lieux et de personnes du paysage, laisse un espace plein de cicatrices et une mémoire collective pleine de lacunes. Lorsqu’il s’agit d’un individu, le refoulement et l’occultation de souvenirs et d’événements produisent une âme endommagée, blessée et tourmentée qui ne sait pas comment recoller les morceaux. Voilà à quoi ressemble aussi l’âme d’un pays qui réprime son passé et en fait disparaître des chapitres. Tous ces effacements, ces espaces blancs sur la carte et dans la mémoire, rendent aussi le présent israélien abimé, instable, manquant de continuité. Il est impossible de relier les racines d’un arbre à ses branches, si l’on coupe une partie du tronc.

Israël continue de s’entourer de ruines, dans l’espoir de pouvoir ainsi protéger une « Terre d’Israël » imaginaire, purifiée de tout ce qui n’est pas juif. Le pays étant aujourd’hui déjà divisé entre sept millions de juifs/juives israéliennes et sept millions de Palestinien.nes, cet espoir d’épuration devient un fantasme et un désir de mort, qui est le reflet du nationalisme religieux palestinien qui cherche à effacer la mémoire des juifs et des Israéliens.

Que faut-il pour qu’une nouvelle réalité culturelle et politique naisse de ses cendres ? Comment allons-nous apprendre à accepter la pluralité inhérente à cette terre ? Serons-nous capables de générer une création culturelle originale et locale, qui reproduira les merveilleuses synthèses de son passé lointain, ou l’héritage de l’État d’Israël se résumera-t-il à des ruines enfumées à l’intérieur et autour de lui ? Il ne fait aucun doute que nous, juives/juifs et Palestinien.nes, devons revenir à la voie de la reconnaissance mutuelle – une profonde reconnaissance de notre appartenance à ce lieu, à toutes ses strates. C’est une route que nous avons déjà commencée à parcourir avant que les actes de terrorisme de masse, les balles meurtrières et la prédation des colonies et du nationalisme ne l’aient bloqué telle une avalanche bloquant une route de montagne et éliminant son existence. Mais si nous n’y revenons pas, à cette route, malgré toutes ses difficultés qu’elle comporte, la danse de mort israélo-palestinienne continuera, et les ruines seront à nouveau la principale gloire et honte de ce pays.

[1] Les juifs qui vivaient en Palestine avant le sionisme.
[2] « Timron atsim » néologisme, jargon militaire qui indiquerait qu’il s’agit d’une deuxième étape d’une guerre, qui suit les « bombardements de préparation » et qui est caractérisée par une incursion massive des forces terrestres.

Rafi Greenberg, Alon Arad
Rafi Greenberg enseigne l’archéologie à l’Université de Tel Aviv ; Alon Arad est archéologue et directeur général de « Emek Shaveh »
« Emek shaveh » est un toponyme biblique (Vallée de Chavé – Genèse 14 ; 17) qui signifie aussi « compromis » ou encore « Juste milieu » : 
https://emekshaveh.org/en/
Source : Haaretz en hébreu du 15 février 2024, 17:48, 15 בפברואר 2 :
https://www.haaretz.co.il/opinions/2024-02-15/ty-article-opinion/.premium/0000018d-ad6b-da6e-af9f-ad6ba1e00000
https://www.europe-solidaire.org/spip.php?article69804

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L’anéantissement des trésors multi-civilisationnels de Gaza

La guerre d’Israël a ruiné des milliers d’années de riche patrimoine à Gaza, les expert·es palestinien·nes qualifiant cette destruction de génocide culturel.

Depuis le début des bombardements israéliens sur la bande de Gaza, d’innombrables trésors du patrimoine culturel palestinien ont été endommagés ou détruits. Comme une grande partie du reste de l’enclave assiégée, ces repères inestimables et bien-aimés de l’histoire de notre peuple – sites archéologiques, structures religieuses millénaires et musées abritant des collections anciennes – sont aujourd’hui en ruine.

Le patrimoine culturel est une composante essentielle de l’identité d’une nation et revêt une signification symbolique énorme, comme le reconnaissent et le protègent d’innombrables conventions, traités et organismes internationaux. Pourtant, le pilonnage de Gaza par Israël, qui en est à son cinquième mois, témoigne d’un mépris insensible pour ces témoignages des milliers d’années de la riche histoire culturelle de Gaza, à tel point qu’il pourrait s’apparenter à un génocide culturel.

Les chercheurs et les chercheuses tentent désespérément de répertorier ces sites et de déterminer leur état actuel, mais ils ne parviennent pas à suivre le rythme du carnage. Si la perte de vies humaines est la plus grande tragédie de toute guerre, la destruction par Israël du patrimoine culturel physique de Gaza poursuit à peu près le même objectif : l’effacement du peuple palestinien. En effet, de nombreuses personnes interrogées dans le cadre de cet article estiment que c’est précisément la raison pour laquelle ces sites sont pris pour cible.

Trésors nationaux
Hamdan Taha est un érudit et archéologue de renom, ancien directeur général du département palestinien des antiquités à Gaza. Dans une interview accordée au magazine +972 après avoir réussi à quitter la bande de Gaza, il a souligné le rôle historique et civilisationnel profond joué par la Palestine en général, et Gaza en particulier, malgré leur petite taille géographique.

« Gaza a été le témoin d’un brassage culturel où les civilisations se sont entrecroisées, donnant naissance à un patrimoine culturel riche et diversifié », a-t-il expliqué. M. Taha a notamment évoqué le port de Gaza, qui a été pendant des siècles une plaque tournante du commerce méditerranéen et un lieu de ce multiculturalisme.

« Le patrimoine culturel reflète notre identité nationale », a-t-il poursuivi. « Il est le témoin des époques historiques et civilisationnelles que notre patrie a traversées. C’est un trésor national. »

Selon M. Taha, l’importance nationale de ces sites et leur potentiel pour attirer le tourisme et relancer l’économie de Gaza « ont conduit Israël à altérer intentionnellement des bâtiments historiques et archéologiques, dans le but d’effacer le lien entre la population de Gaza, sa terre et son histoire ». Israël, a ajouté M. Taha, « veut déconnecter la population de Gaza de l’histoire de la terre, tout en essayant constamment de créer son propre récit et sa propre association avec l’endroit. »

Pendant la guerre de 2014 contre Gaza, Taha et d’autres archéologues ont formé un comité pour évaluer officiellement les dommages causés par les attaques d’Israël. Elles et ils ont travaillé à la restauration et au catalogage de toutes les antiquités de Gaza, en partie pour se préparer à de futurs bombardements. Cependant, l’ampleur de la guerre actuelle a eu raison de leurs efforts.

Compte tenu des bombardements incessants de la bande de Gaza depuis le 7 octobre, il est extrêmement difficile pour Taha et d’autres expert·es d’évaluer l’ampleur des dégâts, malgré les efforts des universitaires palestinien·nes et étranger·es qui surveillent la situation à distance.

« La plupart des informations que nous obtenons proviennent de journalistes et d’individus qui capturent des scènes soit par coïncidence, soit en passant par le lieu en question », a-t-il expliqué. « Nous nous appuyons également sur les informations fournies par les habitant·es vivant à proximité des zones ciblées et sur les informations de dernière minute. D’après ces témoignages, il semble que les bombardements israéliens n’aient pas laissé grand-chose derrière eux.

Il est difficile pour les expert·es de suivre l’évolution de la situation alors qu’elles et ils sont pris pour cible.

Ismail al-Ghoul, qui réside actuellement dans la ville de Gaza et travaille pour Al Jazeera, est l’un des photojournalistes qui documentent ces ruines. Il a photographié les ruines de l’église byzantine, vieille de 1 600 ans, dans le quartier de Jabalia, ainsi que le Hammam al-Sammara, un établissement de bains vieux de plusieurs siècles, dans le quartier de Zeitoun.

« Le dernier bain historique de la bande de Gaza, dont l’histoire s’étend sur près de mille ans, est aujourd’hui en ruines », déplore-t-il. « La plupart des habitant·es de Gaza ont visité ce bain et ont vécu une expérience magnifique et inoubliable. Même les visiteurs et les visiteuses de Gaza ont cherché à avoir un aperçu de ses célèbres propriétés curatives et thérapeutiques ».

Al-Ghoul a également photographié les ruines du Qasr al-Basha (palais du Pacha), datant du XIIIe siècle, qui se distingue par la remarquable préservation de ses détails architecturaux. Plus de 90% du palais a été détruit par les bombardements israéliens et les bulldozers qui ont suivi, ne laissant qu’une petite partie encore debout.

Malgré le dévouement de photojournalistes comme al-Ghoul, la guerre a empêché de documenter toute l’étendue des dégâts. « Il est difficile pour les expert·es de suivre l’évolution de la situation alors qu’elles et ils sont eux-mêmes en déplacement, qu’ilelles et s sont pris pour cible et qu’elles et ils se déplacent continuellement d’un endroit à l’autre », explique M. Taha. « Nous avons perdu plus de 10 expert·es en antiquités, dont quatre archéologues.

Parmi les autres sites du patrimoine qui ont été gravement endommagés, on trouve la grande mosquée Omari, la plus grande et la plus ancienne du nord de la bande de Gaza, dont l’histoire remonte, selon certains témoignages, à 2 500 ans. La structure a été entièrement détruite, à l’exception de son minaret. La mosquée incarnait la richesse et la diversité de l’histoire de la bande de Gaza : à l’origine un ancien temple païen, elle a ensuite été transformée en église byzantine, puis en mosquée lors des conquêtes islamiques.

La mosquée Sayyed Hashim de la ville de Gaza a également été gravement endommagée. Située dans la vieille ville, la mosquée abritait la tombe de Hashim ibn Abd Manaf, le grand-père du prophète Mahomet, qui est si étroitement identifié à la ville que celle-ci est souvent appelée « Gaza de Hashim » dans la littérature palestinienne. L’église Saint Porphyre, appelée localement « église orthodoxe grecque », qui, construite en 425 après J.-C., est l’une des plus anciennes églises du monde, a également été endommagée, et l’un des bâtiments situés à proximité de l’église a été complètement détruit.

M. Taha a souligné que les dégâts ne se sont pas limités au seul nord de la bande de Gaza. Le musée de Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le seul musée de la région, a été entièrement détruit. Le musée Al Qarara, près de Khan Younis, qui possédait une collection d’environ 3 000 objets datant des Cananéens, la civilisation de l’âge du bronze qui vivait à Gaza et dans une grande partie du Levant au deuxième siècle avant J.-C., a été gravement endommagé. Le sanctuaire d’Al-Khader, dans la ville centrale de Deir al-Balah, qui revêt une importance particulière car il s’agit du premier et du plus ancien monastère chrétien construit en Palestine, a également été endommagé lors du bombardement d’une zone située à proximité.

Dans toute la bande de Gaza, Israël a endommagé et détruit des sites historiques séculaires ainsi que des sites affiliés à l’islam et au christianisme. Tout est visé.

« Toute l’histoire de Gaza est sur le point de s’effondrer ».

Haneen Al-Amassi, chercheuse en archéologie et directrice exécutive de la fondation Eyes on Heritage, lancée l’année dernière, considère que la destruction des sites archéologiques fait partie d’une campagne plus large contre la vie des Palestinien·nes.

« Les sites archéologiques sont des preuves tangibles et physiques attestant du droit des Palestiniens·ne à la terre de Palestine et de leur existence historique sur celle-ci, depuis l’âge de pierre jusqu’à nos jours », a-t-elle déclaré à +972. « La destruction de ces sites dans la bande de Gaza de manière aussi brutale et systématique est une tentative désespérée de l’armée d’occupation d’effacer les preuves du droit du peuple palestinien sur sa terre ».

Mme Al-Amassi a énuméré de nombreuses pertes importantes. L’ancien port de Gaza, également connu sous le nom de port d’Anthedon ou d’Al-Balakhiya, qui remonte à 800 ans avant J.-C., a été détruit. Dar al-Saqqa (maison Al-Saqqa) dans le quartier de Shuja’iya, à l’est de la ville de Gaza, construite en 1661 et considérée comme le premier forum économique de Palestine, a également été gravement endommagée.

La destruction de ces monuments et sites archéologiques, a souligné Mme Al-Amassi, représente une perte importante pour le peuple palestinien, une perte qu’il sera difficile, voire impossible, de compenser. « Il est impossible de restaurer ces monuments malgré les bombardements incessants », a-t-elle déclaré. « Et avec le silence honteux des acteurs/actrices internationaux, les bombardements sur les sites archéologiques de Gaza ne feront que se multiplier. Toute leur histoire et leur caractère sacré sont sur le point de s’effondrer ».

Même lorsqu’ils ne sont pas la cible principale des bombardements israéliens, les sites archéologiques continuent d’être gravement endommagés. Al-Amassi a déploré le musée Khoudary, également connu sous le nom de Mat’haf al-Funduq (hôtel-musée) dans le nord de Gaza, qui abritait des milliers de pièces archéologiques uniques, dont certaines remontaient aux périodes cananéenne et grecque ; le musée a été considérablement endommagé par le bombardement de la mosquée Khalid ibn al-Walid adjacente.

De même, le Khan d’Amir Younis al-Nawruzi, un fort historique construit en 1387 au centre de la ville méridionale de Khan Younis, a été endommagé par le bombardement du bâtiment municipal voisin. Le monastère de Saint Hilarion à Tell Umm el-Amr près de Deir al-Balah, qui date de plus de 1600 ans, et la maison Al-Ghussein de la ville de Gaza, un bâtiment historique datant de la fin de la période ottomane, ont également été endommagés lors du bombardement des zones voisines.

L’Observatoire euro-méditerranéen des droits des êtres humains, basé à Genève, a accusé Israël de « viser intentionnellement toutes les structures historiques de la bande de Gaza ». Le ministère du tourisme et des antiquités de Gaza a fait la même déclaration dans un communiqué de presse publié fin décembre : « L’occupation commet délibérément un massacre contre les sites historiques et archéologiques de la vieille ville de Gaza, assassinant l’histoire et les traces des civilisations qui ont traversé la bande de Gaza pendant des milliers d’années. »

Ces destructions, ciblées ou non, constituent une violation de la convention de La Haye de 1954, qui vise à protéger le patrimoine culturel en temps de paix comme en temps de guerre. Mme Al-Amassi espère que l’Autorité palestinienne inclura ces violations dans sa requête auprès de la Cour pénale internationale.

Une accélération brutale de pratiques anciennes
Comme l’ont souligné de nombreuses et nombreux chercheurs, les destructions en cours à Gaza s’inscrivent dans le droit fil des pratiques d’effacement et d’appropriation mises en œuvre de longue date par Israël. Eyad Salim, historien et chercheur en archéologie à Jérusalem, a énuméré plusieurs sites du patrimoine qui ont été détruits par les forces israéliennes depuis la Nakba de 1948.

« Dans les villages palestiniens détruits en 1948, les mosquées, les sanctuaires islamiques et les sites patrimoniaux ont été soit fermés, soit détruits, soit convertis en synagogues », a-t-il déclaré. « Il s’agit d’une question longue et complexe ».

D’autres exemples incluent la destruction des quartiers Sharaf et Mughrabi de la vieille ville de Jérusalem au lendemain de la guerre de 1967 afin de créer une place devant le mur occidental, ainsi que de nombreuses tombes de musulmans vertueux. Salim souligne que divers organismes publics – l’armée, l’Autorité des antiquités et l’Administration civile – ont tous joué un rôle dans cette destruction et cette appropriation.

« Pour mettre en œuvre son plan de construction de l’« État juif », Israël est confronté à des défis identitaires, géographiques et démographiques », poursuit-il. « Il s’attribue donc des villes, des villages, des sites urbains, la mode, la nourriture, l’artisanat et les industries traditionnelles [palestiniens], qu’il promeut dans les forums internationaux et qu’il utilise dans le cadre de son projet de judaïsation ».

Une grande partie de cet effacement se produit subtilement, en rendant simplement difficile la survie des institutions du patrimoine culturel palestinien. C’est particulièrement évident à Jérusalem, a expliqué Salim, où la municipalité impose des taxes déraisonnablement élevées, surveille les institutions culturelles, demande arbitrairement des informations, bloque le financement, les menace de fermeture et interdit toute indication de soutien officiel du gouvernement palestinien aux institutions de Jérusalem.

Ce dont nous sommes actuellement témoins à Gaza, cependant, c’est d’une accélération brutale de l’effacement du patrimoine palestinien par Israël. La destruction rapide de nombreux sites précieux au cours des premières semaines de la guerre a rapidement suscité l’inquiétude des archéologues et des chercheurs du monde arabe.

Les 11 et 12 novembre, l’Égypte a accueilli la 26e conférence internationale des archéologues arabes organisée par la Ligue arabe des archéologues, qui était axée sur la solidarité avec la population de Gaza.

La Palestine était représentée par Husam Abu Nasr, un historien de Gaza qui accompagnait sa mère pour un traitement médical en Égypte lorsque la guerre a éclaté. Abu Nasr a présenté un rapport sur les musées de la bande de Gaza qui avaient été endommagés jusqu’à ce moment de la guerre. La Ligue a créé un fonds destiné à soutenir la reconstruction et la restauration de tous les sites et institutions du patrimoine, ainsi que de tous les établissements d’enseignement qui ont été détruits à Gaza. Elle a également promis de donner des conseils sur les efforts de restauration à la fin de la guerre.

« En ciblant les bâtiments et les sites historiques, les archéologues, les universitaires et les chercheurs, Israël cherche à effacer l’identité palestinienne, et en particulier l’identité gazaouie, et à la rendre dépourvue d’histoire et de civilisation », a déclaré M. Abu Nasr à +972. « Israël veut effacer notre mémoire nationale, promouvoir la distorsion des faits et lutter contre le récit palestinien. Ce faisant, a-t-il souligné, il s’agit d’une violation du droit international et du droit humanitaire ».

Mettant en perspective la destruction du patrimoine de Gaza par Israël, M. Taha a souligné que « les vies humaines sont ce qu’il y a de plus important, et rien ne vient avant. Mais en même temps, la préservation et la protection du patrimoine et de la culture font partie intégrante de la protection du peuple et de son esprit ».

« Les Palestinien·nes de Gaza, mais aussi l’humanité dans son ensemble, subiront une grande perte si Israël continue à détruire le patrimoine culturel de la bande de Gaza sans en subir les conséquences. »

Dans une déclaration à +972, le porte-parole de l’IDF a déclaré : « Les FDI évitent autant que possible d’endommager les antiquités et les sites historiques. Comme l’ont montré les FDI pendant la guerre, l’assimilation et l’utilisation de l’environnement civil par le Hamas sont d’une ampleur sans précédent ».

« Le Hamas utilise systématiquement des bâtiments publics à vocation civile, notamment des bâtiments gouvernementaux, des établissements d’enseignement, des institutions médicales, des édifices religieux et des sites patrimoniaux », poursuit le communiqué. « Dans le cadre de la destruction des capacités militaires du Hamas, il existe, entre autres, un besoin opérationnel de détruire ou d’attaquer les structures dans lesquelles l’organisation terroriste place une infrastructure de combat. Il s’agit notamment de structures que le Hamas a régulièrement converties en lieux de combat. Les FDI sont attachées au droit international et agissent conformément à celui-ci et aux valeurs des FDI ».

Ibtisam Mahdi, 17 février 2024
Ibtisam Mahdi est une journaliste indépendante de Gaza, spécialisée dans les reportages sur les questions sociales, en particulier celles qui concernent les femmes et les enfants. Elle collabore également avec des organisations féministes de Gaza dans le domaine du reportage et de la communication.
https://www.972mag.com/the-obliteration-of-gazas-multi-civilizational-treasures/
Traduit avec DeepL.com (version gratuite)

Auteur : entreleslignesentrelesmots

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