Action juridique multiple pour exiger la suspension des livraisons d’armes à Israël (et autres textes)

  • Amira Hass : Il est impossible de quantifier la souffrance à Gaza
  • Ruwaida Kamal Amer : Gaza. Le retour à Khan Younès, une ville détruite par les bombardements, sans compter les bâtiments incendiés
  • Action juridique multiple pour exiger la suspension des livraisons d’armes à Israël
  • Vente d’armes à Israël : pourquoi nous saisissons la justice française
  • Communiqué de l’AFS pour le Cessez-le-feu à Gaza et contre la répression des mouvements de solidarité en France (Avril 2024)
  • L’UE doit suspendre ses liens avec Israël pour empêcher les crimes de génocide à Gaza, déclare le rapporteur de l’ONU
  • Plus de 250 organisations humanitaires et de défense des droits humains appellent à suspendre les transferts d’armes à Israël et aux groupes armés palestiniens
  • Gilbert Achcar : « L’État de Palestine » entre liquidation de la cause et poursuite de la lutte
  • Manifestation de solidarité avec la Palestine à Québec
  • La France doit interdire le commerce avec les colonies israéliennes
  • Dana Mills : Même la Maison Blanche parle de notre histoire
  • Breaking the Silence : Texte
  • Omer Bartov : Génocide, Holocauste et 7 octobre : De l’usage et de l’abus de terminologie
  • « Avant Gaza et Après… » La Société civile palestinienne en résistance !
  • Vidéoconférence / En direct de Palestine « Israël, les prisons de la terreur »
  • Liens avec d’autres textes

Il est impossible de quantifier la souffrance à Gaza

En raison des limites de l’imagination humaine (par opposition à l’imagination des fauteurs de guerre et des fabricants d’armes), et en l’absence d’un tout autre dictionnaire, il n’y a pas de véritable moyen de décrire la destruction et les pertes subies à Gaza après six mois de guerre.

En théorie, il suffirait de visionner les centaines, voire les milliers de clips vidéo qui montrent les enfants tremblants – incapables de contrôler leurs tremblements – après les bombardements israéliens : dans les hôpitaux, dans la rue, certains d’entre eux sanglotant, d’autres incapables de prononcer un mot. Ils sont couverts de poussière et de sang. C’est un détail qui suffit à représenter le désastre. Que ceux qui aiment se venger regardent les vidéos, une par une.

En pratique, dans un journal, les mots doivent suffire. Cela signifie qu’en raison des limites des termes, nous nous réfugions dans les chiffres. Selon l’UNICEF, à la fin du mois de janvier, 17 000 enfants « errent » dans la bande de Gaza sans être accompagnés d’un adulte. Leurs parents ont été tués, ils n’ont pas pu être extirpés des ruines. Ou bien les enfants se sont perdus lors des déplacements massifs vers le sud.

Et c’est sans compter les 14 000 enfants (sur environ 33 000 morts recensés) qui ont été tués jusqu’à présent par les bombardements israéliens. A cela s’ajoutent des milliers d’enfants qui ont perdu des membres, souffrent de brûlures, se promènent avec des blessures qui se sont infectées en l’absence de bandages et de médicaments, et souffriront de troubles post-traumatiques pour le reste de leur vie. Quel est leur avenir ? Il est impossible de quantifier la souffrance. Est-il possible de quantifier le coût de leur traitement et de leurs besoins spécifiques, ainsi que les répercussions sur l’économie ?

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Pour chaque décompte de morts, de blessés et d’orphelins qui ne sont pas les nôtres, il y a un piège. C’est général, c’est abstrait pour nous. Même lorsqu’il s’agit de 44 membres d’une même famille, tués dans un seul attentat, comme la famille du Dr Abdel Latif al Haj, sur laquelle j’ai déjà écrit (Haaretz, 1er janvier 2024). Plus le nombre est élevé, moins nous pouvons comprendre ce que cela signifie. Psychologiquement, nous pouvons éviter de comprendre le trou béant causé par les bombardements israéliens dans une société à l’égard de laquelle nos sentiments vont de l’ignorance de notre domination à notre haine.

Mais si nous oublions la quantité et racontons une seule histoire, ce sera une unique histoire. Et elle devrait atteindre le seuil de l’histoire la plus horrible de toutes pour être comprise. Lorsque je parlerai de l’histoire unique à la fin, je dirai: c’est un détail représentatif, qui contient le tout. Et ce n’est pas le plus horrible.

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Voici un autre chiffre : « Les Palestiniens de Gaza représentent désormais 80% de toutes les personnes confrontées à la famine ou à la faim sévère dans le monde », selon le rapport intérimaire conjoint – publié la semaine dernière – de la Banque mondiale, de l’Union européenne et des Nations unies.

Comparez cette affirmation avec la déclaration devant la Haute Cour de justice du lieutenant-colonel Nir Azuz, de l’Unité de coordination des activités gouvernementales dans les territoires (COGAT), selon laquelle « en ce qui nous concerne, la quantité de nourriture qui entre [à Gaza] permet une solution raisonnable pour la population ».

L’officier a été appelé à défendre la position du gouvernement contre une pétition d’organisations israéliennes de défense des droits de l’homme demandant d’autoriser des livraisons d’aide illimitées, afin d’enrayer la propagation de la faim et de la mort par inanition à Gaza (Haaretz, 6 avril 2024), « Epidemics, Famine, Untreated Wounds: Things Are About to Get Much Worse en Gaza »). L’écart entre les deux affirmations – ou entre la réalité et le déni – nécessite une définition qui fait défaut dans le lexique disponible.

RapportBMGazaMars24

L’objectif du rapport conjoint (BM, UE, ONU) est de présenter une estimation des dommages matériels subis jusqu’à présent, qui servira de base aux premiers efforts de réhabilitation. Les données relatives aux dégâts matériels sont plus faciles à quantifier, et peut-être aussi plus faciles à comprendre.

A la fin du mois de janvier 2024, les destructions matérielles dans la bande de Gaza étaient estimées à environ 18,5 milliards de dollars. C’est le coût de 50 avions de combat que l’administration Biden souhaite vendre à Israël, sous réserve de l’approbation du Congrès, comme le rapporte CNN. C’est le montant des indemnités que le Canada a accepté de verser à 300 000 personnes en raison de la discrimination et de la négligence dont ont été victimes les enfants des peuples indigènes dans le système scolaire, entre 1991 et 2022. C’est 92,5 millions de salaires mensuels moyens à Gaza (environ 200 dollars avant la guerre).

Si cette somme semble atteignable, il faut rappeler que les besoins de reconstruction sont plus coûteux que le coût des dommages, comme le note le rapport. Par exemple, lors de la guerre de 2014 à Gaza, les dégâts se sont élevés à 1,4 milliard de dollars. Les coûts de reconstruction se sont élevés à 3,9 milliards de dollars. Lors du tremblement de terre en Turquie et en Syrie en février 2023, les dégâts ont été estimés à 3,7 milliards de dollars. Les coûts de reconstruction, à 7,9 milliards de dollars.

Le volume des décombres dans la bande de Gaza, qu’il faudra déblayer pour commencer la reconstruction, est de 26 millions de tonnes. Il faudra des années pour les déblayer, selon le rapport. Combien d’années ? Le rapport ne fait aucune promesse, puisqu’il ne s’agit pas d’une estimation précise.

Tout d’abord, l’étendue des dégâts depuis début février n’a pas encore été mesurée (elle comprend, par exemple, les ruines du complexe hospitalier Al-Shifa et les maisons environnantes). Deuxièmement, pour des raisons évidentes de sécurité, les équipes ne peuvent pas se rendre sur place et l’évaluation se fait à distance. Troisièmement, nous ne savons pas combien de temps la guerre va durer.

Parmi les décombres, il y a des munitions non explosées, ce qui rend le processus de déblaiement et de recyclage plus dangereux, plus long et plus coûteux. Si Israël impose les mêmes restrictions et difficultés que par le passé pour l’acheminement des matières premières et des équipements, le processus sera encore plus long.

Le coût des dommages environnementaux, l’un des secteurs examinés par le rapport conjoint, est estimé à environ 411 millions de dollars. En réalité, on ne sait pas très bien comment on est arrivé à ce calcul, mais les conséquences immédiates et à long terme sont faciles à comprendre: la contamination supplémentaire des eaux souterraines, la pollution de l’air et du sol par des rebuts dangereux, y compris des munitions, les produits chimiques toxiques émis par toutes les bombes, les déchets médicaux dispersés partout, la pollution causée par les eaux usées non traitées qui inondent les rues et finissent dans la mer.

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De tous les secteurs détruits (infrastructures d’eau et d’électricité, système de santé, écoles, usines et commerces, fermes, bref, tout), le coût des dommages aux habitations est le plus élevé: 13,3 milliards de dollars. A la fin du mois de janvier, 62% des maisons de la bande de Gaza étaient totalement ou partiellement détruites, soit 290 820 unités d’habitation.

Je suppose que le terme « partiellement détruit » correspond aux dégâts subis par les appartements et les maisons de certains de mes amis à Gaza : ils n’ont plus de murs intérieurs, plus de toit, plus de fenêtres et de portes, plus de tuyaux, plus de planchers, plus d’escaliers, avec des murs extérieurs tordus et pleins de fissures. « Totalement détruit », c’est comme l’appartement d’un ami, au septième ou huitième étage, dans un complexe résidentiel qui, en un seul bombardement, s’est transformé en une bouillie de béton froissé.

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La quantification n’inclut pas le contenu des appartements. Simples ou élégants. Bijoux en or ou bibliothèques privées, si chères au cœur de leurs propriétaires. Leurs livres ont servi à un moment donné de bois d’allumage, faute de combustible ou de bois.

La quantification suggérée par le rapport n’inclut évidemment pas : la nostalgie de la mer vue de la fenêtre, les histoires et les poèmes enregistrés sur un ordinateur de bureau sans sauvegarde. Les peintures. L’importance de la maison pour les personnes qui ont grandi dans le désastre fondateur de la guerre de 1948 : quitter la maison et en être expulsé. Les souvenirs des premiers pas de la fille. La fierté et la joie lorsque les économies lentement accumulées ont permis d’obtenir un appartement séparé des parents ou des frères et sœurs.

Les chanceux – comme les habitants de Gaza ne cessent de le répéter aujourd’hui – ont effectivement été déracinés au début de cette guerre, mais ils vivent avec le reste de la famille élargie dans un appartement loué à un prix exorbitant à Rafah, ou chez des parents, avec une densité d’une douzaine de personnes ou plus par pièce. On entend de plus en plus parler de querelles et de tensions à l’intérieur de cette cocotte-minute. « J’en ai assez. J’envisage d’aller vivre sous une tente avec mes enfants », dit une amie. Ses tentatives pour se rendre en Egypte ont été vaines jusqu’à présent.

Même ceux qui sont partis à l’étranger n’y sont pas vraiment. Ils vivent le cauchemar jour et nuit. C’est le cas de Mona (nom fictif), la petite-fille de Naifa Al-Nawati. Mona, sa mère, son mari et ses enfants sont arrivés en Egypte il y a plus d’un mois. Ils ont essayé de parler tous les jours à la famille restée sur place, dans l’immeuble Al Islam 3, dans la rue Ahmad Bin Abdel Aziz, à l’ouest de la maternité de l’hôpital Al-Shifa de Gaza.

Ils ont parlé à leurs oncles et tantes, ainsi qu’à leurs enfants. Ils n’ont pas pu parler à leur grand-mère de 94 ans: elle souffre de la maladie d’Alzheimer et a besoin de soins infirmiers et d’une surveillance 24 heures sur 24. « Elle ne peut même pas prendre un verre d’eau toute seule. » En raison de ses maladies et de sa dépendance, la famille est restée dans la ville de Gaza, malgré les ordres israéliens de se déplacer vers le sud au début de la guerre. « J’ai des amis dont les mères sont mortes dans une tente à Rafah », m’a dit Mona au téléphone, dans une sorte de justification inutile pour expliquer pourquoi sa grand-mère n’a pas été entraînée vers le sud.

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Au début de l’incursion terrestre et pendant les batailles dans la zone de l’hôpital Al-Shifa en novembre, la famille Al-Nawati a trouvé refuge dans les quartiers est de la ville. Plus tard, ils sont retournés dans leur bâtiment, qui a été partiellement endommagé lors des échanges de tirs. Le 18 mars, les Forces de défense israéliennes (FDI) ont de nouveau assiégé Al-Shifa, y menant des combats face à des hommes armés des organisations militantes palestiniennes.

Comme tout a commencé par une attaque surprise après minuit, les Al-Nawati et les autres habitants du bâtiment n’ont pas pu sortir et sont restés retranchés dans leurs maisons, sans nourriture ni eau, pendant quatre jours. Autour d’eux, les échanges de tirs et les rugissements des chars. « Le 21 mars, vers 11 heures du matin, une force des FDI a fait irruption dans l’appartement après avoir fait sauter la porte d’entrée », m’a raconté Mona.

Elle m’a raconté ce qu’elle avait entendu lors d’une conversation fragmentée avec sa tante à Rafah, lors d’une liaison téléphonique avec elle coupée à plusieurs reprises. Les forces qui ont fait irruption dans la maison ont rassemblé les hommes qui se trouvaient dans le bâtiment dans une pièce séparée, où on leur a demandé de se déshabiller, on leur a bandé les yeux, puis on les a menottés et interrogés.

Mona ne sait pas combien ils étaient, mais elle affirme qu’ils n’étaient pas nombreux, car la plupart des habitants des appartements adjacents avaient déjà quitté l’immeuble. Au même moment, les soldats ont ordonné aux femmes de laisser leurs maris et leurs enfants adultes derrière elles et de partir vers le sud. Les femmes de la famille ont demandé aux soldats de laisser l’une d’entre elles rester dans la maison avec la grand-mère âgée, qui est dépendante d’elles.

Sur la base du rapport qu’elle a reçu de ses parentes, Mona m’a dit que « les soldats qui ont fait irruption dans la maison de ma grand-mère se sont comportés raisonnablement bien, par rapport à leur comportement dans d’autres endroits, et au moins il a été possible de leur parler ».

Tout le monde à Gaza connaît les images et les témoignages sur les corps de civils retrouvés, abattus, dans les maisons où l’armée est entrée. Tout le monde connaît les histoires d’humiliation, y compris les photos des soldats. Pourtant, malgré leur relative gentillesse, les soldats ont refusé que l’une des femmes de la famille reste avec la grand-mère dans l’appartement. Ils ont promis aux femmes d’emmener Al-Nawati à l’hôpital Al-Shifa !

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Les femmes qui se trouvaient dans l’immeuble sont arrivées dans le sud de la bande de Gaza vers le soir, et à peu près au même moment, les hommes ont été libérés, et elles ne savaient même pas que la vieille femme avait été laissée derrière. Depuis lors, la famille n’a pas été en mesure de savoir ce qui est arrivé à la femme de 94 ans, et s’est tournée vers Hamoked [organisation de défense des droits de l’homme basée en Israël et fondée par la Dresse Lotte Salzberger dans le but déclaré d’aider « les Palestiniens soumis à l’occupation israélienne qui cause des violations graves et continues de leurs droits »], qui a déposé jeudi dernier une requête en habeas corpus devant la Haute Cour, en exigeant que les FDI déterminent ce qui est arrivé à la femme qui était sous leur garde.

Le porte-parole des FDI a déclaré à Haaretz à la fin de la semaine dernière qu’il n’était pas au courant de cet événement. La semaine dernière également, Mona m’a écrit qu’après que l’armée eut nettoyé la zone, ses cousins ont cherché sa grand-mère dans la maison elle-même et dans ce qui restait de l’hôpital, et n’ont trouvé aucune trace d’elle. « Personne ne les a informés qu’elle était entrée à Al-Shifa, et la maison a été complètement brûlée, et ils n’y ont pas trouvé son corps. Où l’ont-ils emmenée ? Nous sommes arrivés à une situation où nous pensons qu’il est est préférable qu’elle soit morte. »

Lorsque je lui ai posé la question, Mona a expliqué : « Mercredi [la semaine dernière], ils ont vu tous les corps qu’ils soient en décomposition, intacts ou enterrés à Shifa. Elle n’en fait pas partie. Dans le bâtiment, ils n’ont rien trouvé, à l’exception des corps de ma cousine de 28 ans et de son mari au septième étage. Le toit est entouré de fenêtres en verre. Ma cousine est venue d’Allemagne – où vivent ses parents – pour se marier à Gaza, deux mois avant la guerre. Elle était enceinte de jumeaux. Nous pensons qu’un drone les a tués, puis que les corps ont été brûlés avec le bâtiment. Ce sont les seuls corps qui ont été retrouvés dans le bâtiment. Nous ne savions pas jusqu’à présent ce qu’ils étaient devenus. »

« Et il n’y a aucune trace de ma grand-mère », poursuit Mona. « Nous avions peur qu’ils trouvent son corps dans la maison et qu’elle soit morte seule, et nous avions peur que les chars l’écrasent dans la rue, s’ils l’avaient laissée seule pour qu’elle arrive à l’hôpital Al-Shifa. Nous avions peur de tout. Nous avions peur de l’étendue de sa souffrance si elle était vraiment morte seule, et nous avions peur de sa souffrance si elle était encore en vie. »

Après la publication de cet article en hébreu, Mona m’a écrit pour m’informer que ses cousins ont fouillé à nouveau la maison et ont trouvé les restes brûlés de sa grand-mère, dans son lit. 

Amira Hass
Article publié dans Haaretz le 10 avril 2024 ; traduction rédaction A l’Encontre
http://alencontre.org/moyenorient/palestine/il-est-impossible-de-quantifier-la-souffrance-a-gaza.html

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Gaza. Le retour à Khan Younès,
une ville détruite par les bombardements,
sans compter les bâtiments incendiés

Des milliers de Palestiniens et Palestiniennes sont revenus dans la ville de Khan Younès ces derniers jours, après le retrait soudain des forces israéliennes dimanche. Ce qui les attendait était une scène de dévastation totale, à tel point que beaucoup étaient incapables de reconnaître leurs anciennes maisons et rues. Des quartiers entiers ont été détruits par les bombardements, les tirs d’obus et les bulldozers, laissant à peine une trace. Khan Younès n’est plus qu’une ville de décombres et de cendres.

Avant la guerre, la ville et ses environs abritaient environ 400 000 personnes, ce qui en faisait la deuxième zone municipale de la bande de Gaza après la ville de Gaza. Ce nombre a plus que doublé au cours des premières semaines de la guerre, car Israël avait ordonné à tous les habitant·e·s du nord de la bande d’évacuer vers le sud, alors même qu’il continuait à bombarder Khan Younès. Lorsque les troupes israéliennes ont complètement assiégé la ville au début du mois de février, de nombreux Palestiniens ont été contraints de s’échapper par un «couloir de sécurité», ce qui a entraîné des sévices et des humiliations pour ceux qui ont fait le voyage.

L’armée ayant évacué Khan Younès ces derniers jours, les anciens habitants de la ville étaient impatients de revenir après deux mois ou plus afin de voir ce qu’il en restait. En parcourant les rues autrefois animées et aujourd’hui pratiquement méconnaissables, beaucoup ont été choqués par ce qu’ils ont découvert.

« Je suis un ressortissant de cette ville, mais je ne reconnais plus ses rues », a déclaré Ahmed Suleiman, 35 ans, originaire du camp de réfugiés de Khan Younès, au magazine +972. « Je suis arrivé au rond-point Bani Suhaila [l’une des principales intersections de la ville] et j’ai vu une grande dévastation, juste un tas de sable – on aurait dit un désert. »

Ahmed Suleiman, qui a cherché refuge à Rafah après avoir fui Khan Younès, décrit ce qu’il a trouvé lorsqu’il a atteint le camp de réfugiés : « Toutes les maisons de plain-pied avaient disparu, il ne restait plus que des maisons à plusieurs étages, gravement endommagées par les bombardements et les incendies. Lorsque je suis arrivé à mon immeuble, la porte avait été détruite et certaines fenêtres étaient brûlées et cassées. Je suis entré dans l’immeuble et j’ai inspecté les étages les uns après les autres. Ils étaient tous complètement carbonisés. Mon appartement se trouve au quatrième et dernier étage; en le voyant de la rue, j’espérais que tout irait bien. Mais quand je suis arrivé, j’ai trouvé beaucoup de dégâts. »

« J’ai commencé à me souvenir des moments passés avec mes enfants dans cette maison », a-t-il poursuivi. « J’ai beaucoup cherché les jouets de mes enfants pour pouvoir leur rapporter quelque chose de la maison. Je n’en ai trouvé que quelques-uns, dont certains étaient brûlés et d’autres cassés. J’ai pris ce que j’ai pu et je l’ai donné à mes enfants. »

En inspectant sa maison, Ahmed Suleiman a rencontré plusieurs de ses voisins qui étaient également revenus pour constater les dégâts. « Beaucoup d’entre eux étaient en état de choc et de tristesse face à l’ampleur des destructions. Nous nous demandions à qui appartenait cette maison. Où est passé ce magasin ? Comment retrouver cette rue ? Lorsque j’ai vu des vidéos de la ville sur les réseaux sociaux, je me suis dit que les destructions n’étaient pas si graves. Mais la réalité est différente. C’est très effrayant. On a l’impression d’être dans un cauchemar douloureux. »

« La ville est devenue grise à cause des destructions et des décombres », a poursuivi Ahmed Suleiman. « Les couleurs et la joie de la ville ont malheureusement disparu. Je ne sais pas comment je vais y revenir avec mes enfants et vivre ici sans maison. Mon appartement est complètement détruit. Il n’y a aucune infrastructure dans la région. Je vais attendre un peu que les choses essentielles à la vie reviennent dans la ville, puis je monterai une tente à côté de la maison jusqu’à ce qu’elle soit reconstruite. »

Les rues sont désormais du sable
« La ville ressemble à une étendue déserte, maintenant », a déclaré Hanadi Al-Astal, 40 ans, à +972 lors de son retour à Khan Younès. Elle a fui la ville en décembre et s’est installée à proximité de l’Hôpital européen où elle et son mari travaillent, avec leurs cinq enfants.

« Chaque jour, je me disais que je retournerais bientôt chez moi », a-t-elle déclaré. « J’attendais le moment où l’armée se retirerait, et c’est donc avec beaucoup d’impatience que je me suis rendue sur place après leur départ le dimanche 7 avril. Je priais pour que tout se passe bien, que je puisse à nouveau dormir dans ma maison. Mais en marchant le long de la route, j’ai trouvé une grande désolation. Les rues sont réduites à du sable. J’ai pu voir quelques vestiges de la station-service, mais elle a été entièrement détruite au bulldozer. »

« Lorsque je me suis approché de ma maison, j’ai vu de terribles dégâts et j’ai eu très peur de ce que j’allais trouver à l’intérieur », poursuit Hanadi Al-Astal. « J’ai été choquée. Je suis entrée dans la maison et je l’ai trouvée brûlée. Il ne restait plus aucune pièce. La cuisine était entièrement brûlée. J’ai cherché dans ce qui était la chambre de mes enfants leurs vêtements et tout ce que je pouvais trouver d’utile. J’ai beaucoup pleuré. Mon cœur se consumait face à toute cette destruction. Je n’arrivais pas à y croire. Khan Younès est devenu un cauchemar. Ce n’est pas du tout un endroit où l’on peut vivre. »

Lorsque Hanadi Al-Astal est revenue à l’Hôpital européen [pas très éloigne de Khan Younès] avec les quelques vêtements qu’elle avait réussi à récupérer, sa fille était folle de joie. « Elle en était très heureuse, comme s’il s’agissait de nouveaux vêtements qu’elle voyait pour la première fois. C’étaient ses vêtements qu’elle portait souvent, mais elle perdait l’espoir de les revoir un jour. Elle m’a demandé de chercher d’autres de ses affaires, mais je ne sais pas si je pourrai y retourner. La maison n’est pas habitable. Ma tête va exploser à force de penser à l’avenir. Je ne sais pas ce que nous allons faire. Allons-nous y retourner et y installer une tente ? Vais-je voyager en dehors de Gaza ? J’ai besoin de beaucoup d’argent pour pouvoir partir. Je ne sais pas ce que nous allons faire. »

Mamdouh Khader, 33 ans, raconte que lorsqu’il est revenu à Khan Younès après un déplacement de deux mois à Rafah, il a marché pendant trois jours pour voir le plus possible de ce qui restait. « Je n’arrivais pas à croire à la destruction que j’ai vue », a-t-il confié à +972. « De nombreux points de repère ont été retirés de la ville. Mon quartier a été complètement détruit ; c’était une montagne de gravats. Je n’ai pas pu retrouver ma maison. »

« Il y avait une aire de jeux en face de notre maison qui a été complètement détruite au bulldozer et qui s’est transformée en montagnes de décombres », a-t-il poursuivi. « J’ai cherché la mosquée qui se trouvait à côté de notre maison, mais elle n’était plus qu’un tas de gravats à cause des bombardements qui avaient frappé la région. J’ai marché vers l’hôpital Nasser le long d’une rue sablonneuse, qui avait été rasée au bulldozer, et le sable recouvrait les portes des écoles situées à côté de l’hôpital. Les cimetières situés derrière l’hôpital avaient également été rasés. Je me promenais et je me demandais: quelle est cette zone ? Où est cet endroit ? »

Malgré l’ampleur des destructions, Mamdouh Khader est déterminé à retourner vivre dans le quartier qui était autrefois le sien. « J’étais très fatigué pendant mon déplacement à Rafah, j’attendais à chaque instant de retourner dans ma ville. Malheureusement, l’occupation a complètement défiguré cette belle ville. Je ne sais pas comment elle se relèvera et retrouvera sa vitalité. Les destructions sont énormes et ne peuvent être décrite avec des mots. Mais j’attendrai que les conduites d’eau soient installées dans la région, je monterai une tente et j’y dormirai avec mes enfants. » 

Ruwaida Kamal Amer
Ruwaida Kamal Amer est une journaliste indépendante de Khan Younès.
Article publié sur le site israélien +972 le 11 avril 2024 ; traduction rédaction A l’Encontre
http://alencontre.org/moyenorient/palestine/gaza-le-retour-a-khan-younes-une-ville-detruite-par-les-bombardements-sans-compter-les-batiments-incendies.html

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Action juridique multiple pour exiger
la suspension des livraisons d’armes à Israël

Alors que le bilan s’alourdit à Gaza et que l’offensive israélienne prend une allure de génocide, l’ASER, Amnesty et un collectif d’organisations et syndicats, dont Attac, engagent, devant le Tribunal administratif de Paris, trois procédures d’urgence exigeant que le gouvernement français suspende la vente d’armes françaises à Israël.

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Durant la semaine du 8 avril et avant le 12 avril, des avocats d’Action Sécurité Éthique Républicaines (ASER), d’un collectif d’ONGs représentant Attac, la Fédération des Tunisiens pour une Citoyenneté des deux Rives (FTCR), l’Association France Palestine Solidarité (AFPS), l’Association des Marocains de France (AMF), le Comité pour le Respect des Libertés et des Droits de l’Homme en Tunisie (CRLDHT), l’Union Syndicale Solidaires, ainsi que d’Amnesty International France ont déposé respectivement, ou sont sur le point de le faire, trois référés devant le Tribunal administratif de Paris concernant les autorisations de transferts d’armes délivrées par les autorités françaises au bénéfice d’Israël.

Quatre organisations s’associent également via des interventions volontaires à la procédure d’urgence lancée par ASER soit l’ACAT-France, Stop Fuelling War, Sherpa et à celle initiée par Amnesty International France soit la Ligue des droits de l’Homme (LDH).

Ces trois démarches juridiques distinctes ont pour objectif de faire respecter les engagements internationaux de la France. En effet, Il existe clairement un risque que les armes et les équipements militaires que la France exporte vers Israël soient utilisés pour commettre de graves crimes contre des populations civiles dans la bande de Gaza occupée. Ce faisant, la France viole les règles internationales relatives notamment au Traité sur le commerce des armes et risque de devenir complice de violations du droit international – y compris de crimes de guerre – et d’un possible génocide.

Nos ONGs soulignent que ces démarches contentieuses s’inscrivent dans un contexte de très graves violations du droit international humanitaire justifiant une urgence dans la réponse de la justice. Tous les États parties à la Convention des Nations unies pour la prévention et la répression du crime de génocide (1948), dont la France, ont l’obligation de prévenir la commission du génocide et de s’abstenir de contribuer à sa commission. 

Les déclarations ci-dessous sont de la seule responsabilité de leurs auteurs.

Le Président d’ASER, Benoît Muracciole a déclaré : « Le gouvernement français a l’obligation de respecter les engagements internationaux de la France au regard de l’article 6 paragraphes 2&3 du Traité sur le commerce des armes, et de suspendre tout transfert quand ces armes ou ces biens pourraient servir à commettre un génocide, des crimes contre l’humanité, des crimes de guerre. »

Le Président d’Amnesty International France, Jean-Claude Samouiller a déclaré : « La France ne peut pas ignorer le fait que des composants français pourraient être utilisés dans la bande de Gaza car assemblés dans des armes israéliennes. Peu importe la quantité et le montant des matériels de guerre transférés, la France n’a qu’une seule responsabilité :
s’assurer que ses transferts d’armes n’emportent pas un risque substantiel d’être utilisés pour commettre ou faciliter des violations graves des droits humains et du droit international humanitaire. » 

La Présidente de l’AFPS, Anne Tuaillon a déclaré : « Agir pour l’arrêt d’un génocide en cours n’est pas une option, c’est une obligation. Et la première des obligations est de cesser le commerce des armes avec Israël. L’action judiciaire dont nous sommes partie prenante s’inscrit dans cette exigence que nous formulons vis-à-vis des autorités françaises. »

Yves Rolland, Président de l’ACAT-France : « En vendant des armes à Israël, la France contribue au risque de faire basculer son droit légitime à se défendre en génocide. Il est urgent de suspendre ces transferts, conformément au Traité sur le commerce des armes que la France a ratifié. » 

Fondements
Alors que la CIJ, le 26 janvier, a statué sur le caractère plausible d’un génocide en cours et qu’elle a établi le 28 mars que la situation continuait à se détériorer dans la bande de Gaza, la famine n’étant plus seulement un risque mais une réalité, la France comme tous les États parties à la Convention sur le génocide, a une obligation d’agir pour mettre fin à cette situation. Elle s’ajoute à celles qui sont formulées par le Traité sur le Commerce des Armes, ratifié par la France, et par la Position commune de l’Union européenne en matière d’exportation d’armes.

Or il apparaît de plus en plus clairement, à travers les réponses du gouvernement aux différentes interpellations écrites et orales qui lui ont été adressées, que la France continue de livrer du matériel de guerre à l’État d’Israël. Avec l’affaire Eurolinks révélée par le média d’investigation indépendant Disclose, ces livraisons de matériels militaires sont apparues au grand jour. 

Nos organisations, chacune porteuse de son histoire et de la logique d’élaboration de son action contentieuse, ont décidé de coordonner leurs actions et de s’adresser à la presse et à l’opinion française par ce communiqué commun. C’est une situation inédite, qui répond à l’extrême gravité des crimes commis par le gouvernement israélien contre le peuple palestinien dans la Bande de Gaza. 

Déroulé et résumé des démarches 
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Le 9 avril 2024, maître Matteo Bonaglia pour le compte de l’ONG Action Sécurité Éthique Républicaines (ASER) a saisi le Tribunal administratif de Paris au moyen d’une procédure d’urgence à laquelle les associations Acat France, Stop Fuelling War et Sherpa s’associeront par intervention volontaire. Le référé suspension auquel il est recouru vise à demander la suspension d’une licence d’exportations de matériels de guerre relevant de la catégorie ML3 (munitions et éléments de munitions) à destination d’Israël. 

* Puis Maîtres William Bourdon et Vincent Brengarth, pour le compte d’un collectif d’associations et de syndicats, a saisi le Tribunal administratif de Paris au moyen d’une procédure d’urgence. Le référé-liberté auquel il est recouru vise à demander la suspension de toutes les licences d’exportation de matériels de guerre et de biens à double usage à destination d’Israël. 

* Enfin, Maîtres Marion Ogier et Lionel Crusoé, pour le compte d’Amnesty International France, doivent saisir le Tribunal administratif de Paris au moyen là aussi d’une procédure d’urgence sous la forme d’un référé-liberté. Il s’agit d’obtenir la suspension des licences d’exportation de matériels de guerre pour les catégories ML5 (matériels de conduite de tir) et ML15 (matériels d’imagerie) à destination de l’État d’Israël. La Ligue des droits de l’Homme (LDH) s’y associe par une intervention volontaire qu’elle forme à l’appui de cette requête. 

Contexte
La décision de la CIJ du 26 janvier 2024 a mis sur le devant de la scène la question des ventes d’armes à Israël comme enjeu de droit international. Des démarches contentieuses ont déjà été engagées dans différents pays par des collectifs d’ONGs au Danemark et aux Pays-Bas ; avec succès dans ce dernier pays. Dès le 5 février, la Région wallone (Belgique) a annoncé la suspension temporaire de deux licences d’exportation de poudre à Israël sous la pression des ONGs. L’Espagne, l’Italie et le Canada ont suspendu temporairement et en partie leurs transferts d’armes. Au niveau international, le Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies a officiellement demandé le vendredi 5 avril l’arrêt des ventes d’armes à Israël. La France s’est abstenue lors du vote. 

https://france.attac.org/actus-et-medias/salle-de-presse/article/communique-action-juridique-multiple-pour-exiger-la-suspension-des-livraisons-d

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Vente d’armes à Israël :
pourquoi nous saisissons la justice française

Avec une dizaine d’ONG, nous demandons dans trois actions juridiques distinctes, la suspension des livraisons d’armes à Israël. Explications.

Entre le 8 avril et le 12 avril, des avocats d’Action Sécurité Éthique Républicaines (ASER), d’un collectif d’ONGs représentant Attac, la Fédération des Tunisiens pour une Citoyenneté des deux Rives (FTCR), l’Association France Palestine Solidarité (AFPS), l’Association des Marocains de France (AMF), le Comité pour le Respect des Libertés et des Droits de l’Homme en Tunisie (CRLDHT), l’Union Syndicale Solidaires, ainsi que d’Amnesty International France, ont déposé trois référés devant le Tribunal administratif de Paris concernant les autorisations de transferts d’armes délivrées par les autorités françaises au bénéfice d’Israël.

Trois organisations s’associent également via des interventions volontaires à la procédure d’urgence : l’ACAT-France et Stop Fuelling War pour la procédure lancée par ASER et la Ligue des droits de l’Homme (LDH) pour celle que nous avons initiée.

Ces trois démarches juridiques distinctes ont pour objectif de faire respecter les engagements internationaux de la France.

  • Déroulé et résumé des démarches  
    Le 9 avril 2024, maître Matteo Bonaglia, pour le compte de l’ONG Action Sécurité Éthique Républicaines (ASER), a saisi le Tribunal administratif de Paris au moyen d’une procédure d’urgence à laquelle les associations Acat France et Stop Fuelling War s’associeront par intervention volontaire. Le référé suspension auquel il est recouru vise à demander la suspension d’une licence d’exportations de matériels de guerre relevant de la catégorie ML3 (munitions et éléments de munitions) à destination d’Israël. 

  • Puis Maîtres William Bourdon et Vincent Brengarth, pour le compte d’un collectif d’associations et de syndicats, doit saisir le Tribunal administratif de Paris au moyen d’une procédure d’urgence. Le référé-liberté auquel il est recouru vise à demander la suspension de toutes les licences d’exportation de matériels de guerre et de biens à double usage à destination d’Israël. 

  • Enfin, Maîtres Marion Ogier et Lionel Crusoé, pour le compte d’Amnesty International France, doivent saisir le Tribunal administratif de Paris au moyen là aussi d’une procédure d’urgence sous la forme d’un référé-liberté. Il s’agit d’obtenir la suspension des licences d’exportation de matériels de guerre pour les catégories ML5 (matériels de conduite de tir) et ML15 (matériels d’imagerie) à destination de l’Etat d’Israël. La Ligue des droits de l’Homme (LDH) s’y associe par une intervention volontaire qu’elle forme à l’appui de cette requête.

La France viole les règles internationales
Parmi ces démarches juridiques donc, le référé-liberté porté par Amnesty International France et associant la LDH, qui a été déposé le jeudi 12 avril 2024 auprès du Tribunal administratif de Paris.

Notre objectif : obtenir la suspension des licences d’exportation de matériels de guerre pour les catégories ML5 (matériels de conduite de tir) et ML15 (matériels d’imagerie) à destination de l’Etat d’Israël.

En effet, Il existe clairement un risque que les armes et les équipements militaires que la France exporte vers Israël soient utilisés pour commettre de graves crimes contre des populations civiles dans la bande de Gaza occupée. Ce faisant, la France viole les règles internationales relatives notamment au Traité sur le commerce des armes et risque de devenir complice de violations du droit international – y compris de crimes de guerre – et d’un possible génocide.

Nos ONGs soulignent que ces démarches contentieuses s’inscrivent dans un contexte de très graves violations du droit international humanitaire justifiant une urgence dans la réponse de la justice. Tous les Etats parties à la Convention des Nations unies pour la prévention et la répression du crime de génocide (1948), dont la France, ont l’obligation de prévenir la commission du génocide et de s’abstenir de contribuer à sa commission.

XXXXLa France ne peut pas ignorer le fait que des composants français pourraient être utilisés dans la bande de Gaza car assemblés dans des armes israéliennes. Peu importe la quantité et le montant des matériels de guerre transférés, la France n’a qu’une seule responsabilité : s’assurer que ses transferts d’armes n’emportent pas un risque substantiel d’être utilisés pour commettre ou faciliter des violations graves des droits humains et du droit international humanitaire.
Jean-Claude Samouiller, Président d’Amnesty International France

L’obligation d’agir face au risque de génocide dénoncé par la CIJ

Alors que la CIJ, le 26 janvier, a statué sur le caractère plausible d’un génocide en cours et qu’elle a établi le 28 mars que la situation continuait à se détériorer dans la bande de Gaza, la famine n’étant plus seulement un risque mais une réalité, la France comme tous les Etats parties à la Convention sur le génocide, a une obligation d’agir pour mettre fin à cette situation. Elle s’ajoute à celles qui sont formulées par le Traité sur le Commerce des Armes, ratifié par la France, et par la Position commune de l’Union européenne en matière d’exportation d’armes.

Or il apparaît de plus en plus clairement, à travers les réponses du gouvernement aux différentes interpellations écrites et orales qui lui ont été adressées, que la France continue de livrer du matériel de guerre à l’Etat d’Israël. Avec l’affaire Eurolinks révélée par le média d’investigation indépendant Disclose, ces livraisons de matériels militaires sont apparues au grand jour.

Nos organisations, chacune porteuse de son histoire et de la logique d’élaboration de son action contentieuse, ont décidé de coordonner leurs actions. C’est une situation inédite, qui répond à l’extrême gravité des crimes commis par le gouvernement israélien contre le peuple palestinien dans la Bande de Gaza.

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Les ventes d’armes à Israël : un enjeu de droit international

La décision de la CIJ du 26 janvier 2024 a mis sur le devant de la scène la question des ventes d’armes à Israël comme enjeu de droit international. 

Des démarches contentieuses ont déjà été engagées dans différents pays par des collectifs d’ONGs au Danemark et aux Pays-Bas ; avec succès dans ce dernier pays. 

Dès le 5 février, la Région wallone (Belgique) a annoncé la suspension temporaire de deux licences d’exportation de poudre à Israël sous la pression des ONGs. 

L’Espagne, l’Italie et le Canada ont suspendu temporairement et en partie leurs transferts d’armes. 

Au niveau international, le Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies a officiellement demandé le vendredi 5 avril l’arrêt des ventes d’armes à Israël. La France s’est abstenue lors du vote.   

https://www.amnesty.fr/controle-des-armes/actualites/france-action-juridique-multiple-pour-exiger-suspension-livraisons-armes-a-israel

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Communiqué de l’AFS pour le Cessez-le-feu à Gaza et contre la répression des mouvements de solidarité en France – Avril 2024

L’Association française de sociologie tient à exprimer sa solidarité avec le peuple palestinien face aux attaques sans précédent de l’État d’Israël sur Gaza faisant courir un risque génocidaire. Nous nous joignons aux appels incessants pour un cessez-le-feu permanent, un droit au retour des réfugié·es, une aide internationale pour la reconstruction de Gaza et la libération des otages retenus par le Hamas (nous renvoyons notamment au communiqué de l’Association Internationale de Sociologie https://www.isa-sociology.org/en/about-isa/isa-human-rights-committee/statement-on-the-situation-in-israel-and-palestine). 

En tant qu’universitaires, nous faisons également part de notre vive inquiétude quant à la répression des mouvements pour la paix au sein des universités. Nos lieux de travail ont vocation à être des espaces de débat libres et d’exercice de l’esprit critique. Nous sommes extrêmement attentifs à ce que la parole pour l’émancipation et la justice sociale y ait toujours une place. Nous condamnons ainsi sans ambiguïté et sans concession tous les actes et expressions d’antisémitisme sous toutes leurs formes, contre lesquels la sociologie peut servir à lutter. Nous condamnons également l’instrumentalisation de la lutte contre l’antisémitisme qui conduit, par exemple, un Premier ministre à se saisir d’une manifestation à l’appel de la Coordination universitaire européenne contre la colonisation en Palestine (CUCCP), pour s’ingérer de manière inédite et inappropriée dans la vie des établissements d’enseignement supérieur. Ces interférences gouvernementales sont inadmissibles et remettent gravement en cause les principes d’indépendance et de liberté académiques. Les pressions subies par la communauté académique depuis le mois d’octobre, dénoncées dans plusieurs tribunes relayées notamment par L’Humanité et le Cercle des Chercheurs sur le Moyen-Orient (CCMO) ne sont pas dignes d’une démocratie qui se doit de favoriser les travaux en sciences sociales et leur diffusion. Des événements scientifiques et culturels touchant de près ou de loin à la question palestinienne ont été annulés ou reportés sine die. Nombre de spécialistes du Proche-Orient se sentent aujourd’hui dans l’impossibilité de s’exprimer librement sur leurs propres objets de recherche, redoutant des sanctions (ou menaces de sanction comme à l’Université Savoie Mont-Blanc, l’EHESS, au CNRS, etc.).

Enfin, et même si nos manifestations de soutien envers nos collègues palestinien·nes peuvent sembler de peu de poids, nous leur adressons toute notre solidarité. Qu’elles et ils sachent qu’aucun jour ne passe sans que nos regards ne soient tournés avec effroi vers le massacre en cours. Nous nous prononçons donc en faveur de la mobilisation des universités françaises, des étudiant·es et des personnels, pour la Palestine. Nous soutenons le boycott des institutions académiques israéliennes lorsqu’elles sont impliquées dans la colonisation des territoires palestiniens et dans la répression des Palestinien·nes. 

Communiqué par CS

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L’UE doit suspendre ses liens avec Israël pour empêcher les crimes de génocide à Gaza, déclare le rapporteur de l’ONU

L’Union européenne devrait suspendre ses relations commerciales et institutionnelles avec Israël afin de prévenir les crimes de guerre qui s’apparentent à un génocide dans la bande de Gaza, a déclaré le rapporteur spécial des Nations unies sur la Palestine.

L’UE a « l’obligation » de suspendre son accord d’association avec Israël, selon le rapporteur spécial des Nations Unies sur la Palestine, Francesca Albanese. Elle estime que l’offensive israélienne viole les dispositions de ce texte sur les droits de l’Homme.

La représentante de l’ONU a d’ailleurs récemment conclu que le seuil du crime de génocide avait été atteint à Gaza.

« Israël a les moyens politiques, financiers et économiques de poursuivre ses activités comme si de rien n’était. Il n’a aucune incitation à changer de comportement », assure Francesca Albanese.

« L’Europe est le principal partenaire commercial d’Israël, qui représente, je crois, 30% de ses échanges commerciaux, et dispose donc d’un pouvoir considérable qu’elle devrait utiliser. En fin de compte, il ne s’agit pas d’une option, mais d’une obligation, car l’article 2 de l’accord d’association prévoit la suspension en cas de violation des droits de l’Homme », ajoute-t-elle.

Une récente initiative des dirigeants irlandais et espagnol appelant la Commission européenne à suspendre l’accord UE-Israël s’est heurtée à la résistance d’autres États membres désireux de maintenir la position de solidarité de l’Union avec Israël.

La décision de suspendre l’accord nécessiterait le soutien unanime des 27. Or, les dirigeants de l’UE se sont constamment opposés sur leur position collective concernant le conflit qui a éclaté à la suite de l’attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre.

Francesca Albanese estime que la réticence de l’UE à utiliser les mesures en son pouvoir pour demander des comptes à Israël perpétue l’impunité du gouvernement israélien et révèle une « déconnexion » entre la classe politique européenne et la grande partie de la société européenne qui a constamment appelé à un cessez-le-feu dans la bande de Gaza assiégée.

Elle souligne également que les dirigeants de l’UE devaient prendre des contre-mesures plus concrètes à l’encontre de l’Etat hébreu, notamment en révoquant la reconnaissance diplomatique et en imposant des sanctions ciblées aux responsables gouvernementaux.

La suspension formelle des relations commerciales devrait s’étendre aux « sociétés privées enregistrées sous les juridictions nationales des Etats membres de l’UE », suggère-t-elle.

Francesca Albanese constate aussi que les conditions de suspension de l’accord d’association UE-Israël étaient en place avant le 7 octobre et le déclenchement de la guerre à Gaza, étant donné la longue histoire d’Israël en matière d’établissement de colonies et « l’annexion continue et annoncée du territoire palestinien occupé », qui constituait déjà un crime de guerre.

Son rapport, qui accuse également Israël de subvertir le langage du droit international – comme les concepts de bouclier humain et de dommages collatéraux pour fournir une couverture légale au génocide – a été rejeté par Israël qui évoque un document « obscène ».

Appels à l’examen du financement de l’UE pour les entreprises militaires israéliennes
S’exprimant aux côtés de Francesca Albanese au Parlement européen, l’eurodéputé espagnol Manu Pineda (la Gauche), qui préside la délégation pour les relations avec la Palestine, critique l’UE pour avoir prétendument financé des entreprises militaires en Israël qui permettent aux forces armées de ce pays de mener leurs opérations.

Il estime que les fabricants de drones qui fournissent leur technologie aux forces armées israéliennes ont reçu des fonds du projet Horizon Europe de l’UE, une affirmation récemment corroborée par une analyse de deux observateurs indépendants, Statewatch et Informationsstelle Militarisierung (IMI).

« D’autres entreprises et institutions militaires israéliennes ont reçu des millions d’euros pour le développement de drones au cours des dernières années, malgré l’interdiction supposée du financement par l’UE de projets militaires et de défense », ont précisé en mars les observateurs dans leur analyse.

Selon l’eurodéputé, les « mains de l’UE sont tachées de sang » parce qu’elle n’a pas veillé à ce que ses fonds ne contribuent pas à l’offensive israélienne.

« Il est honteux que l’Union européenne continue d’acheter et de vendre à Israël des armes qui sont utilisées au combat et qui tombent sur la tête d’enfants palestiniens dans la bande de Gaza », dénonce Manu Pineda.

Cette décision intervient alors que la pression s’accroît sur le président américain et sur le gouvernement allemand pour qu’ils cessent d’envoyer des armes à Israël.

Les États-Unis et l’Allemagne fourniraient à eux deux environ 99% de toutes les armes qu’Israël reçoit de gouvernements étrangers. Les ventes d’armes de l’Allemagne à Israël sont estimées à 300 millions d’euros pour la seule année 2023.

Berlin a contesté mardi les accusations portées par le Nicaragua devant la plus haute juridiction de l’ONU, selon lesquelles l’Allemagne faciliterait des crimes de génocide en vendant des armes à Tel-Aviv, affirmant que ces accusations n’avaient « aucun fondement en fait ou en droit ».

https://fr.euronews.com/my-europe/2024/04/10/lue-doit-suspendre-ses-liens-avec-israel-pour-empecher-les-crimes-de-genocide-a-gaza-decla

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Plus de 250 organisations humanitaires et de défense des droits humains appellent à suspendre les transferts d’armes à Israël et aux groupes armés palestiniens

Une lettre ouverte appelle tous les États membres de l’ONU à cesser d’alimenter la crise à Gaza et à éviter d’exacerber la catastrophe humanitaire et les pertes de vies civiles. 

Nous, les organisations soussignées, appelons tous les États à cesser immédiatement les transferts d’armes, de pièces détachées et de munitions à Israël, ainsi qu’aux groupes armés palestiniens, tant qu’il existe un risque qu’elles soient utilisées pour commettre ou faciliter de graves violations du droit international humanitaire ou des droits humains. 

Les bombardements et le siège israéliens privent la population civile des éléments de base nécessaires à la survie et rendent Gaza inhabitable. Aujourd’hui, la population civile de Gaza est confrontée à une crise humanitaire d’une gravité et d’une ampleur sans précédent. 

Violations du droit international humanitaire
Les attaques menées par des groupes armés palestiniens ont tué environ 1 200 personnes et ont pris des centaines d’israéliens et d’étrangers en otage, dont des enfants, et continuent de détenir plus de 130 otages à l’intérieur de Gaza. Les groupes armés à Gaza ont continué de tirer sans distinction des roquettes sur les centres de population en Israël, perturbant les classes des enfants à l’école, et déplaçant et menaçant la vie et le bien-être des civils. Les prises d’otages et les attaques sans distinction constituent des violations du droit international humanitaire et doivent cesser immédiatement. 

Les agences humanitaires, les groupes de défense des droits humains, les responsables des Nations unies et plus de 153 États membres ont appelé à un cessez-le-feu immédiat. Toutefois, Israël continue d’utiliser des armes et des munitions explosives dans des zones densément peuplées, ce qui entraîne de graves conséquences humanitaires pour la population de Gaza. Les dirigeants du monde entier ont exhorté le gouvernement israélien à réduire le nombre de victimes civiles, mais les opérations militaires israéliennes à Gaza continuent de tuer des personnes à un rythme sans précédent, selon des déclarations récentes du Secrétaire général de l’ONU. Les États membres ont la responsabilité légale d’utiliser toutes les démarches possibles pour garantir la protection des civils et le respect du droit international humanitaire. La dernière source de subsistance à Gaza – une réponse humanitaire financée par la communauté internationale – a été paralysée par l’intensité des hostilités, y compris des tirs sur des convois humanitaires, des interruptions récurrentes des services de communication, des routes endommagées, des restrictions sur les aides essentielles, une interdiction quasi totale des biens commerciaux, et un processus bureaucratique lourd pour envoyer de l’aide à Gaza. 

Destructions et dommages causés aux civils
La campagne militaire d’Israël a détruit une grande partie des maisons, des écoles, des hôpitaux, des infrastructures d’approvisionnement en eau, des abris et des camps de réfugiés de Gaza ; ces bombardements sans distinction, ainsi que la répétition de dommages disproportionnés aux civils qu’ils causent systématiquement, sont inacceptables. Le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme a mis en garde contre le « risque accru de crimes d’atrocité » commis à Gaza et a appelé tous les États à empêcher que de tels crimes ne se produisent. Depuis cet appel, la crise humanitaire à Gaza n’a pourtant fait que s’aggraver : 

  • Plus de 33 000 Palestiniens, dont au moins 14 500 enfantsont été tués dans les six derniers mois, selon le ministère de la Santé à Gaza. Des milliers d’autres sont ensevelis sous les décombres et présumés morts. 

  • Plus de 75 000 personnes ont été blessées, dont beaucoup ont subi des séquelles permanentes qui les laisseront avec un handicap à vie ; parmi eux, plus de 1 000 enfants palestiniens ont été contraints d’être amputés de leurs membres supérieurs ou inférieurs. 

  • Un nombre indéterminé de civils palestiniens, parmi lesquels des enfants, ont été illégalement détenus, selon l’ONU, et doivent être libérés. 

  • Des Palestiniens continuent d’être tués presque chaque jour dans les zones vers lesquelles le gouvernement israélien leur a demandé de fuir. Au cours de la première semaine de 2024, une frappe aérienne israélienne a tué 14 personnes – pour la plupart des enfants – près d’une zone désignée par les forces israéliennes comme « zone humanitaire ». 

  • Plus de 70% de la population de Gaza, soit environ 1,7 million de personnes, ont été déplacées de force. Beaucoup ont suivi les ordres émis par Israël de se déplacer vers le sud et se retrouvent aujourd’hui coincés dans de minuscules zones qui manquent de tout, incapables de permettre la vie humaine, et qui sont devenues un terrain propice à la propagation des maladies. 

Des enfants et des familles menacés de famine

  • La moitié de la population de Gaza – environ 1,1 million de Palestiniens – est confrontée à des niveaux catastrophiques de faim et de famine, le chiffre le plus élevé jamais enregistré par l’organisme humanitaire technique chargé d’évaluer l’insécurité alimentaire sur la base de données factuelles, la famine étant désormais imminente dans le nord de la bande de Gaza. L’ensemble de la population de la bande de Gaza – environ 2,2 millions de personnes – est confrontée à des niveaux élevés d’insécurité alimentaire aiguë.

  • Plus de 70% des maisons de Gaza, une grande partie de ses écoles et de ses infrastructures d’eau et d’assainissement ont été détruites ou endommagées et ont laissé la population avec très peu d’accès à l’eau potable. 

  • Aucun établissement médical de l’enclave n’est pleinement opérationnel, et ceux qui fonctionnent partiellement sont submergés de cas de traumatismes et affectés par des pénuries de médicaments, de matériel médical et de médecins. Plus de 489 employés médicaux ont été tués. 

  • Au moins 243 travailleurs et travailleuses humanitaires à Gaza ont été tués par les bombardements israéliens, plus que dans tout autre conflit de ce siècle. 

Gaza est aujourd’hui l’endroit au monde le plus dangereux pour un enfant, un journaliste et un travailleur humanitaire. Les hôpitaux et les écoles ne devraient jamais devenir des champs de bataille. Ces conditions ont créé une situation de désespoir total à l’intérieur de Gaza, conduisant les hauts responsables de l’aide humanitaire à déclarer qu’il n’y avait plus les conditions nécessaires pour entreprendre une réponse humanitaire appropriée à Gaza. Cela ne changera pas tant que le siège, les bombardements et les combats ne cessent pas. En janvier, les Nations unies ont décrit l’accès humanitaire en janvier comme « significativement détérioré ». Les forces israéliennes ont refusé à plusieurs reprises de donner l’autorisation aux convois humanitaires d’atteindre les zones situées au nord de Wadi Gaza, où la population court le plus grand risque de famine. 

Ces dernières semaines, de hauts responsables israéliens ont commencé à appeler à l’expulsion des civils palestiniens hors de Gaza. Le transfert forcé à l’intérieur de Gaza et la déportation d’une partie de la population au-delà des frontières, sans aucune garantie de retour, constitueraient de graves violations du droit international, équivalant à un crime d’atrocité. 

Nous exigeons un cessez-le-feu immédiat 
Nous exigeons un cessez-le-feu immédiat et appelons tous les États à mettre fin aux transferts d’armes susceptibles d’être utilisées pour commettre des violations du droit international humanitaire et des droits humains. Le Conseil de sécurité de l’ONU doit assumer sa responsabilité de maintenir la paix et la sécurité mondiales en adoptant des mesures visant à mettre un terme aux transferts d’armes au gouvernement israélien et aux groupes armés palestiniens et à empêcher les transferts d’armes risquant d’être utilisées pour commettre des crimes internationaux, et cela immédiatement.

Tous les États ont l’obligation de prévenir les crimes d’atrocité et de promouvoir le respect des normes qui protègent les civils. Il est grand temps que la communauté internationale soit à la hauteur de ces engagements. 

Note aux rédactions : 

  • Cette déclaration a été initialement publiée le 24 janvier 2024, avec le soutien de 16 organisations humanitaires. Depuis sa publication, plus de 250 organisations de la société civile à travers le monde ont soutenu l’appel. Cette déclaration a été mise à jour pour refléter les chiffres exacts au 10 avril 2024, y compris le nombre de personnes tuées, dont des enfants, des travailleurs humanitaires et de santé, le nombre de personnes blessées et les derniers chiffres relatifs à l’insécurité alimentaire publiés par la classification intégrée des phases de la sécurité alimentaire.

  • Depuis la publication de la déclaration originale le 24 janvier 2024, les événements suivants se sont produits :

– Le 26 janvier 2024, la Cour internationale de justice (CIJ) a pris des mesures provisoires dans l’affaire de l’Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide dans la bande de Gaza (Afrique du Sud c. Israël).- Le 12 février 2024, la Cour néerlandaise a ordonné au gouvernement des Pays-Bas de cesser de fournir des pièces d’avions de combat F35 à Israël dans les sept jours, en raison du risque de violations graves du droit humanitaire international.

– Le 23 février 2024, les experts de l’ONU ont publié une déclaration commune affirmant que les exportations d’armes vers Israël doivent cesser immédiatement, déclarant : « La nécessité d’un embargo sur les armes à destination d’Israël est renforcée par l’arrêt de la Cour internationale de justice du 26 janvier 2024 selon lequel il existe un risque plausible de génocide à Gaza et par les graves préjudices que continuent de subir les civils depuis lors. » – Le 25 mars 2024, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté la résolution 2728 exigeant un cessez-le-feu immédiat pour le mois de Ramadan.

Le 28 mars 2024, la CIJ émet des mesures conservatoires supplémentaires, accompagnées d’observations de la Cour selon lesquelles « la famine est en train de s’installer ».

Le 5 avril 2024, le Conseil des droits de l’homme des Nations unies a adopté une résolution visant à « mettre fin à la vente, au transfert et au détournement d’armes, de munitions et d’autres équipements militaires à destination d’Israël, la puissance occupante… afin d’empêcher de nouvelles violations du droit international humanitaire et des violations et atteintes aux droits de humains ».

Signataires
https://www.medecinsdumonde.org/press_release/plus-de-250-organisations-humanitaires-et-de-defense-des-droits-humains-appellent-a-suspendre-les-transferts-darmes-a-israel-et-aux-groupes-armes-palestiniens/

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« L’État de Palestine »
entre liquidation de la cause et poursuite de la lutte

Face à la catastrophe actuelle qui dépasse la Nakba de 1948 en horreur, atrocité, létalité, destruction et déplacement de population, « l’Autorité palestinienne » a lancé depuis Ramallah une nouvelle requête au Conseil de sécurité des Nations Unies pour sa reconnaissance comme État membre de l’organisation internationale au même titre que les autres États membres. (Traduit de l’arabe.)

La condition palestinienne s’est détériorée au-delà de tout ce qu’elle a connu en plus de 75 ans de souffrance et d’oppression, depuis que le mouvement sioniste s’est emparé de la majeure partie des terres de Palestine entre le fleuve et la mer et a achevé d’occuper ce qui restait moins de vingt ans après. Face à la catastrophe actuelle qui dépasse la Nakba de 1948 en horreur, atrocité, létalité, destruction et déplacement de population, « l’Autorité palestinienne » (AP) a lancé depuis Ramallah une initiative censée compenser les souffrances du peuple palestinien, à savoir une nouvelle requête au Conseil de sécurité des Nations Unies pour la reconnaissance de l’AP de Ramallah comme État membre de l’organisation internationale au même titre que les autres États membres.

Réjouis toi, peuple de Palestine. Tes énormes souffrances n’ont pas été en vain. Elles sont même sur le point de franchir un grand pas sur la voie d’une « solution » à ta cause, cette même « solution » (ici dans le sens de liquidation) à propos de laquelle Joe Biden – le partenaire du gouvernement sioniste dans la guerre génocidaire en cours sur la terre de Palestine – a affirmé, dès les premiers jours de la campagne effrénée lancée il y a plus de six mois, qu’il devenait urgent d’éteindre le volcan palestinien qui continue d’entrer en éruption inévitablement et par intermittence, mais à un rythme accéléré au cours des dernières années. La vérité est que Biden, à son retour à la Maison Blanche en tant que président, a cherché avant tout un « succès » politique facile au Moyen-Orient en s’efforçant d’amener le royaume saoudien à monter dans le train de la « normalisation avec Israël », que son prédécesseur, Donald Trump, avait engagé sur une nouvelle voie avec les Accords d’Abraham conclus avec la complicité des Émirats arabes unis.

Biden s’était rendu compte qu’essayer de faire avancer la soi-disant « solution à deux États » l’amènerait à une confrontation avec son « cher ami » Benjamin Netanyahu. Il choisit d’éviter cela pour des raisons opportunistes et en raison de sa passion pour le sionisme, auquel il a ouvertement déclaré un jour son adhésion personnelle. Les efforts de son administration se sont donc concentrés sur la voie de la « normalisation », négligeant celle de la « solution » jusqu’à ce que le volcan explosât à nouveau avec l’opération lancée par le Hamas et la guerre d’anéantissement menée par Israël qui s’en est suivie, sans précédent en folie et intensité de destruction depuis au moins un demi-siècle, non seulement au Moyen-Orient mais dans le monde entier. La « solution » (liquidation) est donc revenue sur la table, et le président américain a appelé à la « revitalisation » de l’AP de Ramallah. Cette dernière s’y est vite conformée, interprétant la demande à sa guise, non pas comme le remplacement par des élections démocratiques de son chef vieillissant et dépourvu de toute légitimité, mais plutôt comme le remplacement de son premier ministre par un autre aux ambitions politiques moindres, d’une manière qui n’a trompé personne.

L’AP s’est ainsi enhardie à exiger officiellement qu’on lui accorde un siège de membre ordinaire à l’ONU, au lieu de la seule décision qui aurait pu la racheter devant l’histoire, qui aurait été de déclarer la désobéissance civile à Israël de son « autorité », dépourvue de toute autorité sauf pour servir les objectifs de l’occupation et qui regarde, impuissante, non seulement l’anéantissement de Gaza, mais aussi le génocide rampant en cours en Cisjordanie même. Et s’il leur était impossible de mettre fin à leurs relations avec l’État sioniste, il aurait mieux valu pour eux d’annoncer la dissolution de leur « autorité » plutôt que de continuer à participer à la liquidation de la cause de leur peuple. Car s’ils sont aujourd’hui plus près que jamais d’obtenir le siège souhaité, ce n’est pas grâce à leurs prouesses diplomatiques, mais seulement parce qu’accorder à « l’État de Palestine » l’adhésion à part entière à l’ONU est devenu le moyen le moins coûteux pour les gouvernements occidentaux de prétendre contrebalancer quelque peu leur soutien inconditionnel à la guerre génocidaire en cours, qui a trop duré et s’est aggravée en horreur, jusqu’à l’actuel usage de la famine comme arme de guerre.

La Grande-Bretagne elle-même, par la bouche de son ministre des affaires étrangères et ancien premier ministre, a annoncé sa disposition à envisager de reconnaître « l’État » de l’AP, tandis que d’autres pays européens, dont l’Espagne suivi par la France, ont commencé à se préparer à une reconnaissance similaire. Il convient de noter que le même gouvernement britannique qui exprime sa disposition à cette reconnaissance, rejette l’appel lancé par des experts juridiques britanniques officiels et non officiels à cesser de fournir des armes à l’État d’Israël, car cela constitue une violation du droit international en partageant la responsabilité d’une guerre qui viole les règles les plus fondamentales de ce droit en matière de conduite des guerres. Il est donc devenu certain que les efforts visant à accorder à l’AP un siège régulier à l’ONU ne seront pas bloqués par un veto français ou britannique, de sorte que la seule question qui reste en suspens est de savoir ce que fera l’administration américaine. Elle a été la première à appeler à la création d’un « État palestinien », mais elle ne veut pas rompre complètement ses relations avec Netanyahu, ni d’ailleurs avec la majeure partie de l’establishment sioniste qui s’oppose à une telle démarche. Elle craint également de renforcer la position de Netanyahu en le présentant comme défenseur obstiné des intérêts sionistes face à toutes les pressions, y compris celles du grand frère et complice dans le crime. L’administration Biden pourrait donc à nouveau recourir à l’abstention sous un prétexte quelconque, avec une grande lâcheté.

Quant au résultat, il sera comme la montagne qui a accouché d’une souris, car accorder à la « Palestine » (c’est-à-dire près de dix pour cent de son territoire historique) un siège ordinaire à l’ONU n’est rien de plus qu’une souris en comparaison de l’immense montagne d’épreuves que le peuple palestinien a endurées et qu’il endure encore. Quelle valeur accorder, en effet, à un État fondé sur des territoires fragmentés sous le contrôle total de l’État sioniste, de telle sorte que sa prétendue souveraineté serait d’un type qui lui ferait envier les bantoustans créés dans le passé par le régime de l’apartheid en Afrique du Sud ?

Le seul progrès qui pourrait être réalisé par une reconnaissance internationale de l’État de Palestine serait que la première déclaration de cet État après sa reconnaissance inclue une insistance sur la cessation immédiate de l’agression en cours, un appel à imposer des réparations à l’État sioniste pour les crimes qu’il a commis, l’exigence que tous les détenus palestiniens soient libérés et que toutes les forces armées et colons sionistes soient retirés de tous les territoires occupés en 1967, y compris la Jérusalem arabe. Cela devrait être combiné avec un appel à la communauté internationale pour permettre le retour de tous les réfugiés palestiniens qui le souhaitent, et leur hébergement dans les colonies après l’évacuation des colons sionistes, tout comme les pionniers sionistes se sont installés dans les villes et villages palestiniens dont ils se sont emparés à la suite de la Nakba de 1948 après les avoir vidés de leurs habitants d’origine. Seule une telle position pourrait faire de la reconnaissance internationale de l’État de Palestine une étape dans la lutte au long cours contre le sionisme, au lieu d’être un pas vers la liquidation de la cause palestinienne.

Traduction de ma tribune hebdomadaire dans le quotidien de langue arabe, Al-Quds al-Arabi, basé à Londres. Cet article est paru le 9 avril en ligne et dans le numéro imprimé du 10 avril. Vous pouvez librement le reproduire en indiquant la source avec le lien correspondant.

Gilbert Achcar
https://blogs.mediapart.fr/gilbert-achcar/blog/090424/l-etat-de-palestine-entre-liquidation-de-la-cause-et-poursuite-de-la-lutte

El « Estado de Palestina », entre liquidar la causa y continuar la lucha
https://vientosur.info/el-estado-de-palestina-entre-liquidar-la-causa-y-continuar-la-lucha/

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Manifestation de solidarité avec la Palestine à Québec

Le 7 avril dernier, plusieurs centaines de personnes se sont réunies devant l’Assemblée nationale à Québec pour dénoncer les attaques génocidaires contre le peuple palestinien de Gaza. Elles ont scandé des slogans dénonçant la complicité du gouvernement canadien et du gouvernement du Québec et ont demandé que ces gouvernements exigent un cessez-le-feu immédiat. Les manifestant-e-s se sont ensuite dirigé-e-s vers le consulat américain pour dénoncer sa complicité des États-Unis dans les massacres de l’armée israélienne.

Nous présentons ci-dessous, la prise de parole faite à l’ouverture de la manifestation qui a rappelé les revendications de cette importante mobilisation et la diversité des appuis à cette dernière.

Nous publions également, à la suggestion de Serge Roy, l’intervention de Jesse Greener de Voix Juives indépendantes [1] lors du passage de la manifestation devant le consulat des États-Unis.

À la manifestation Tout le monde dans la rue pour la Palestine le 7 avril 2024 à Québec j’ai été impressionné par le discours de Jesse Greener de Voix Juives Indépendantes. Le discours a été prononcé devant le consulat des États-Unis sur la rue de la Terrasse-Dufferin dans le Vieux-Québec. Plus de 500 personnes ont participé à la manifestation partie de l’Assemblée nationale. Le discours a soulevé les appuis des manifestantes et manifestants. Je vous invite à lire la transcription de cette prise de parole convainquante.
Serge Roy, militant de Québec

Intervention de Jesse Greener de Voix Juives Indépendantes SOLIDARITÉ AVEC LE PEUPLE PALESTIEN

Je vous apporte des salutations de Voix Juives indépendantes, l’organisation la plus grande de personnes juives progressistes au Canada.

Aujourd’hui je dirai quelques mots sur le Sionisme, d’une perspective juive progressiste.

D’abord, c’est quoi le Sionisme ? Au fond, c’est une idéologie politique. Plus précisément, il s’agit d’un mouvement nationaliste apparu au 19eme siècle pour établir un pays pour des juifs en Palestine.

C’est bien connu qu’on n’a pas besoin d’être juif, pour être Sioniste. Par exemple, nous sommes devant le consulat américain. Les États-Unis sont dirigés par Joe Biden, le Sioniste le plus puissant sur la planète. Geonocide Joe, comme il est appelé, est bien connu pour avoir dit que, si Israël n’existait pas, les États-Unis devraient l’inventer.

L’histoire n’est pas trop différente ici au Canada. Notre système économique, notre industrie intellectuelle, etc. sont profondément connecté avec ceux d’Israël. Donc, même si les Canadien-ne-s critiquent le génocide israélien, son militarisme, son nationalisme, ses droits inégaux qui favorisent sa population juive blanche, le Canada reste un pays Sioniste.

On comprend tout cela. Mais il y a un autre point sur la question du Sionisme qui a besoin d’être dit. Beaucoup de juifs ne sont pas Sioniste. Par exemple, je ne suis pas moi-même sioniste. 

Informellement, mon organisation Voix Juives Indépendantes a été aussi anti-Sioniste. Mais, je suis heureux de vous le dire, en janvier dernier, nous avons officiellement annoncé que Voix juives indépendantes est une organisation anti-sioniste.

Avec cela, nous nous joignons à d’autres organisations juives populaires comme Jewish Voices for Peace aux États-Unis. On peut dire clairement qu’on est en opposition à la suprématie religieuse et raciale de l’état israélien. Et qu’on s’oppose à l’occupation des terres palestiniennes et le traitement odieux de ces peuples. En effet, nous voyons clairement que le Sionisme constitue les racines qui poussent le fascisme militaire croissant en Israël actuellement.

Dernièrement, j’ai dit quelques mots sur des effets invisibles du Sionisme. Comme beaucoup d’entre vous le savez, la pâque juive s’approche. C’est un temp pour réfléchir sur les injustices dans le monde, passé et présent. Nous racontons des histoires des juifs anciens fuyant l’esclavage d’Égypte ; et les attaques qu’ils ont subies quand ils ont été les plus vulnérables. Pour notre famille et tant d’autres, c’est le moment de relier ces leçons aux luttes actuelles pour réaliser l’égalité et la libération auxquelles les gens sont encore confrontés.

De telles réflexions font partie intégrante de la tradition juive de la discussion et du débat. Elles contribuent également à maintenir notre culture dynamique et moderne.

Malgré tout cela, je viens d’apprendre que ma famille a été bannie de notre synagogue pour le Séder de pâque juive cette année à cause de notre participation dans les manifestations comme celle d’aujourd’hui. En effet, c’est dû à une influence Israélienne dans notre synagogue qui ne veut pas que les participants soient en notre présence. Ils sont inquiets des juives et des juifs qui voient que le génocide israélien démontre clairement que l’histoire de pâque juive est directement liée aux luttes des Palestiniens d’aujourd’hui pour survivre.

Il semble peut-être que c’est une ironie que notre synagogue ait été colonisée par les influences de l’état israélien. Mais encore, une fois, sionisme n’a aucun rapport avec judaïsme, ou la culture juive. Et c’est pourquoi les juifs doivent aussi y résister.

Et pour résister au sionisme, nous devons regarder qui le soutient. Ce sont les pays de l’ouest comme les États-Unis, le Canada et l’Allemagne qui ont poussé le sionisme à ses limites.

Donc, à Joe Biden et Justin Trudeau, les Juifs progressistes disent cessez de nous utiliser, nous les Juifs et notre culture comme des boucliers humains pour vos objectifs politiques, militaristes et économiques. On dit d’arrêter d’armer Israël et commencez dès maintenant à le forcer à un cessez-le-feu !

Au nom de ma famille et de Voix juives indépendantes on vous remercie pour l’invitation à vous adresser la parole aujourd’hui.

[1] Voix juives indépendantes Canada (VJI) est une organisation issue de la base ancrée dans la tradition juive qui s’oppose à toute forme de racisme et qui promeut la justice et la paix pour tous en Israël-Palestine. VJI dispose de comités locaux actifs partout au Canada, dans les villes et sur les campus universitaires.

https://www.pressegauche.org/Manifestation-de-solidarite-avec-la-Palestine-a-Quebec

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La France doit interdire le commerce avec les colonies israéliennes

Nous appelons le président de la République et les parlementaires français à mettre fin à l’importation de biens et de services produits dans les colonies israéliennes en Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est. Alors que la Cour internationale de justice (CIJ) a reconnu, le 26 janvier, le risque de génocide à l’encontre de la population civile de la bande de Gaza, la France doit prendre des mesures concrètes pour contraindre l’Etat d’Israël à s’attaquer aux causes profondes des cycles répétés de violences, liés à la colonisation territoriale et économique du territoire palestinien occupé. Elle doit interdire le commerce avec les colonies israéliennes.

La question de la colonisation du territoire occupé de Cisjordanie peut paraître éloignée de la catastrophe humanitaire dans la bande de Gaza. Pourtant, la colonisation, qui constitue un crime de guerre au regard de la quatrième convention de Genève, est au cœur de la spirale de tensions et de violences entre Israéliens et Palestiniens. Aujourd’hui, environ 700 000 colons israéliens sont installés en Cisjordanie, dont plus de 225 000 à Jérusalem-Est, au prix, notamment, d’accaparements de terres et de biens de la population palestinienne, de violences, de déplacements forcés et d’un système inégal d’accès aux services essentiels comme l’eau, l’électricité ou encore le transport.

Plus de 32 500 personnes ont été tuées dans la bande de Gaza, en majorité des femmes et des enfants. Mais les attaques et les violences des colons et de l’armée israélienne contre les communautés palestiniennes ont aussi atteint un niveau inégalé en Cisjordanie, où plus de 430 Palestiniens ont été tués depuis le 7 octobre.

Occupation illégale

Le président de la République a rappelé à juste titre qu’à la réponse d’urgence d’un cessez-le-feu dans la bande de Gaza doit se joindre une réponse politique à la question israélo-palestinienne. Or, la colonisation, outre d’être facteur de violences, rend irréalisable une issue politique entre les deux peuples en déniant aux Palestiniens une égalité en droits à même de leur permettre de négocier une solution de paix juste et durable.

En 2016, la résolution 2334 du Conseil de sécurité, adoptée à l’unanimité des membres permanents, a reconnu l’illégalité de l’occupation israélienne du territoire palestinien. En conséquence, elle exige de l’Etat d’Israël l’arrêt immédiat et complet de « toutes ses activités de peuplement dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est » et « demande à tous les Etats (…) de faire une distinction, dans leurs échanges en la matière, entre le territoire de l’Etat d’Israël et les territoires occupés depuis 1967 ».

Deux ans plus tard, en 2018, la loi Israël Etat-nation du peuple juif indique cependant que « l’Etat considère le développement des colonies juives comme une valeur nationale et agit pour encourager et promouvoir leur création et leur renforcement ». L’accélération de la colonisation en Cisjordanie démontre l’impunité dont bénéficie l’Etat d’Israël et le manque de volonté des Etats occidentaux, dont la France, à faire respecter le droit international.

L’importation par la France de produits et de services issus des colonies, encourage de fait la commission du crime de guerre que sont la colonisation et son cortège de violences envers les Palestiniens. En 2022, la France a importé 1,5 milliard d’euros de biens israéliens, dont une partie proviennent des colonies. Cela concerne notamment les fruits et légumes cultivés de manière intensive dans la vallée du Jourdain et vendus en France.

Principe de différenciation

Le commerce des produits des colonies permet leur viabilité économique et, par effet d’entraînement, joue un rôle indéniable dans le maintien de la colonisation et son expansion territoriale et économique. En outre, de nombreuses entreprises françaises ont des activités dans les colonies. C’est le cas du groupe Carrefour, qui a noué des partenariats avec des entreprises liées à la colonisation, et distribue des produits estampillés de son logo dans des magasins situés dans les colonies.

Le développement d’une relation économique entre la France et Israël autour de l’activité des colonies viole par ailleurs l’obligation des Etats de ne pas reconnaître et de ne pas prêter assistance au maintien d’une situation illégale telle que la colonisation, et le principe de différenciation qui vise à exclure les activités et organisations liées aux colonies israéliennes des relations bilatérales avec Israël, régulièrement rappelé par la diplomatie française.

En interdisant l’importation des biens et services des colonies sur son territoire, la France se mettrait en accord avec ses nombreuses déclarations condamnant la colonisation israélienne de la Cisjordanie et jouerait un rôle moteur au sein de l’Union européenne pour faire respecter le droit international et agir en faveur de l’arrêt de la colonisation.

Notre pays ferait par ailleurs preuve de cohérence politique, en envoyant le message clair à l’Etat d’Israël qu’un ordre international fondé sur le droit international et les droits humains est seul capable de créer un avenir de paix entre Israéliens et Palestiniens.

Premiers signataires : Patrick Baudouin, président de la LDH (Ligue des droits de l’homme) ; Rony Brauman, ancien président de Médecins sans frontières ; Véronique Bontemps, anthropologue, CNRS/IRIS-EHESS ; Sylvie Bukhari-de Pontual, présidente du CCFD-Terre solidaire ; Stéphanie Latte Abdallah, directrice de recherche CNRS (Centre d’études en sciences sociales du religieux-EHESS) ; François Leroux, président de la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine ; Eléonore Morel, directrice générale de la Fédération internationale pour les droits humains ; Elias Sanbar, écrivain, ancien ambassadeur de la Palestine auprès de l’Unesco ; Jean-Claude Samouiller, président d’Amnesty International France ; Dominique Vidal, journaliste et historien.

Liste complète des signataires ICI.

Lire la tribune dans LE MONDE
https://www.ldh-france.org/10-avril-2024-tribune-collective-la-france-doit-interdire-le-commerce-avec-les-colonies-israeliennes-publiee-dans-le-monde/

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Même la Maison Blanche parle de notre histoire

La semaine dernière, +972 Magazine et Local Call ont publié une enquête inédite de Yuval Abraham qui est rapidement devenue le sujet d’une conversation mondiale sur la guerre à Gaza. L’enquête a révélé des détails sur le système d’intelligence artificielle Lavender, qu’Israël a largement utilisé pour sélectionner les cibles de ses attaques dans la bande de Gaza, alimentant ainsi le nombre sans précédent de victimes civiles palestiniennes de cette guerre.

Il faut des mois de travail acharné pour produire une seule enquête de ce type, qui nécessite l’intervention de journalistes, de rédacteurs en chef, d’avocats et d’autres personnes. Soutiendrez-vous +972 pour que nous puissions en faire plus ?

Notre article a été partagé par des journalistes influents, des militants des droits de l’homme et d’autres personnalités publiques. Des médias comme The Guardian, The Washington Post, Le Monde, Haaretz, CNN, BBC, Business Insider, The Independent et d’autres ont rapporté notre histoire pour leur public. La Maison Blanche et le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, ont tous deux exprimé leur inquiétude quant à l’utilisation de l’IA dans l’assaut israélien actuel, en conséquence directe de notre enquête. La parlementaire palestinienne Aida Touma-Suleiman a cité des passages de notre rapport dans un discours à la Knesset.

Bien que nous soyons une petite équipe sans beaucoup de ressources, notre reportage de pointe a eu un impact – et la réponse montre clairement à quel point ce type de journalisme d’investigation sans peur est nécessaire en ce moment périlleux.

Nous sommes une organisation indépendante à but non lucratif et nous ne gagnons pas d’argent avec des publicités ou un paywall. Nous n’avons pu publier cette enquête que grâce au soutien de nos membres. Allez-vous les rejoindre ? Six mois après le début de cette terrible guerre, nous avons plus que jamais besoin de votre soutien pour poursuivre notre travail en tant que petite équipe de journalistes israéliens et palestiniens attachés à la vérité et à la justice.

Nous avons besoin de vous pour poursuivre ce travail crucial. Rejoignez-nous dès aujourd’hui.

Dana Mills
Responsable du développement des ressources, +972 Magazine
Traduit avec DeepL.com (version gratuite)

Rappel : Yuval Abraham : « Lavander » : la machine d’intelligence artificielle qui dirige les bombardements israéliens à Gaza
https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/04/07/israel-palestine-en-quoi-ca-nous-concerne-autres-textes/

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J’étais le commandant d’une section d’infanterie des FDI envoyée dans la bande de Gaza pendant l’opération « Bordure protectrice » en 2014. Voici ce dont je me souviens de cet été-là : le ciel brûlant la nuit, le bruit incessant des bombardements, la destruction et le sentiment de danger dans l’air. Je me souviens d’avoir perdu cinq de mes soldats au cours d’une nuit de combat, et de m’être entendu dire par nos commandants que cette fois-ci, il ne s’agissait pas d’un simple round de combat.

Je me souviens également d’être rentré chez moi et d’avoir réalisé qu’on nous avait menti, que nos hommes politiques n’avaient pas d’autre solution à offrir aux citoyens israéliens ou au peuple palestinien qu’une guerre et une occupation sans fin. C’est la raison pour laquelle j’ai décidé de témoigner de mon action au sein de Breaking the Silence.

Il ne s’agissait pas seulement de la violation des ordres ou de la violence arbitraire qui va de pair avec une occupation militaire sur des civil·es. Il s’agissait de la manière dont l’occupation fonctionne au quotidien, de la prétendue logique qui sous-tend les missions de routine que nous effectuons en tant que soldats, et de l’escalade de l’usage de la force que nous utilisons à chaque nouveau round de combat à Gaza. J’ai pris la parole pour exiger la fin de l’occupation de la Cisjordanie et de Gaza, et une véritable solution pour apporter la sécurité aux Israélien·nes et aux Palestinien·nes…

Faire un don aujourd’hui

Lorsque j’ai rompu le silence, je ne suis pas allé dans un confessionnal, je n’étais pas à la recherche d’une expiation. J’ai choisi de parler parce que je crois que ma société doit voir la réalité qu’elle choisit d’ignorer – les missions que nous envoyons nos enfants accomplir, et le résultat des politiques menées en notre nom.

Breaking the Silence est la seule organisation qui recueille, vérifie et publie les témoignages d’anciens soldats qui mettent en lumière la réalité de la politique israélienne à Gaza et en Cisjordanie. L’organisation m’a donné une plateforme pour m’exprimer – pour exiger que le gouvernement cesse de faire payer le prix de son manque de leadership et de sa lâcheté politique à des civil·es innocent·es des deux côtés.

En 2014, on nous avait promis que cette guerre serait la dernière, mais après la tragédie du 7 octobre, Israël a lancé une nouvelle guerre contre Gaza qui a coûté d’innombrables vies et mis en danger les otages qui sont toujours retenus à Gaza. « Nous vivrons toujours par l’épée », a promis Netanyahou, mais c’est lui qui vit de nos épées, tandis que nous, Israélien·nes et Gazaoui·es innocent·es, sommes celles et ceux qui meurent.

Nous n’étions pas les derniers soldats envoyés pour mener à bien cette politique – et nous ne sommes pas les derniers à rompre le silence. En ce moment même, alors que vous lisez ces mots, des soldats qui ont combattu dans la guerre en cours à Gaza se présentent pour partager la vérité sur la mission qu’ils ont été envoyés accomplir.

Mais recueillir leurs témoignages nécessite des ressources. Et en ce moment même, nous ne pouvons pas nous permettre d’ignorer leurs voix. Cette semaine, Breaking the Silence a lancé une campagne de crowdfunding pour s’assurer d’avoir les ressources nécessaires non seulement pour écouter chaque soldat qui se présente pour partager son histoire, mais aussi pour les utiliser comme plateforme de changement – et il leur reste trois jours pour atteindre leur objectif. Allez-vous les aider à faire en sorte que les anciens soldats puissent continuer à faire entendre leur voix contre l’occupation à un moment où les enjeux n’ont jamais été aussi importants ?

Faites un don pour soutenir notre travail

Par solidarité, 
Snir Klein
Traduit avec DeepL.com (version gratuite)

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Génocide, Holocauste et 7 octobre :
De l’usage et de l’abus de terminologie

Si l’Holocauste a été la justification la plus évidente de la nécessité de créer un État juif, quel rôle a-t-il joué dans l’histoire d’Israël au cours des sept dernières décennies ? Pour la plupart des Juifs et des Juives du monde entier, la création d’un État juif comme refuge pour les Juifs et les Juives du monde entier semblait être la seule conclusion logique de l’Holocauste. Mais ce qui apparaissait comme un acte de justice suprême s’est empêtré dans un acte d’injustice dès sa création. Parce que l’injustice de l’expulsion de 750 000 Palestinien·nes de ce qui est devenu l’État d’Israël – et le refus de les laisser revenir – est survenue si peu de temps après l’Holocauste, et parce que le déplacement de la plupart des habitants arabes de la Palestine a été effectué par des Juifs/Juives qui avaient elleux-mêmes été récemment déplacé·es d’Europe, la Shoah et la Nakba sont devenues inextricablement liées. Pourtant, les victimes respectives de ces deux événements ont rejeté avec insistance la dure réalité de cet enchevêtrement, précisément parce qu’elles percevaient leur propre catastrophe comme constitutive de leurs identités individuelles et collectives.

Depuis lors, l’Holocauste a joué un rôle croissant dans la perception qu’ont les Israélien·nes d’elleux-mêmes et dans leur rhétorique politique. Ironiquement, alors que le nombre de celles et ceux qui ont survécu à l’enfer du nazisme a progressivement diminué, l’importance de la Shoah dans la vie publique israélienne s’est accrue. Aujourd’hui, le conflit avec les Palestinien·nes, ou plutôt les différentes formes de domination de 7 000 000 de Juifs et de Juives sur 7 000 000 de Palestiniens, ne peut être vu qu’à travers le prisme déformant d’un événement historique qui n’a que peu de rapport avec la réalité de l’occupation et de l’oppression. Et pourtant, l’Holocauste continue de jouer un rôle majeur à la fois en excusant l’occupation comme un rempart essentiel contre un autre Holocauste, et – comme ce fut le cas en Israël pendant plusieurs décennies jusqu’au 7 octobre – en maintenant l’occupation cachée derrière un ensemble de murs de séparation, de clôtures et de routes de contournement. De cette manière, le pouvoir antidémocratique et oppressif sur l’autre moitié de la population a été réprimé comme n’ayant aucun rapport avec un Israël juif progressiste, prospère et tourné vers l’Occident.

Finalement, la catastrophe éclairante de l’Holocauste est devenue, pour la plupart des Israélien·nes, une vaste et laide feuille de vigne, dont l’effet combiné a été une lamentable combinaison d’auto-victimisation et d’apitoiement sur soi avec l’autosatisfaction, l’orgueil démesuré et l’euphorie du pouvoir, où un côté de l’équation justifiait l’autre. Les préoccupations éthiques et les scrupules moraux ont été balayés comme marginaux ou distrayants face au cataclysme ultime qu’est le génocide des Juifs et des Juives. Ce qui a longtemps été le syndrome du « plus jamais ça » est ainsi devenu son exact opposé, le syndrome du « encore et toujours », une terreur intériorisée, irrationnelle et trompeuse d’un nouvel Holocauste, toujours tapi au coin de la rue, dont on ne peut se libérer qu’en s’en prenant à ses propres doutes et malaises, ainsi qu’à toute menace extérieure réelle ou perçue, en les enfonçant, en les faisant entrer par effraction et en les faisant exploser. Il ne s’agit pas là d’un état mental ou d’une conception historique propice à la tolérance, à la compréhension, à la modération et à la réconciliation.

Certes, il y a toujours eu d’autres forces dans la société israélienne qui se sont opposées à ce qu’on appelle l’holocausticisme, ou Shoah-tiyut, arguant que la prévalence croissante de la paranoïa de l’Holocauste et les craintes d’un antisémitisme universel provoquaient précisément ce qu’elles cherchaient à prévenir, à savoir une résistance croissante des peuples dont les terres sont occupées et un désenchantement croissant à l’égard d’Israël de la part de ses plus grand·es partisan·es étranger·es. Mais même les forces les plus libérales en Israël ne se sont jamais entièrement libérées de cette mentalité constitutive de l’Holocauste, comme on peut le constater après le 7 octobre avec ce que l’on a appelé le « dégrisement » de la gauche israélienne. Ainsi, nous entendons régulièrement parler de la « prise de conscience » de la gauche que, contrairement à ses espoirs, il s’est avéré que les Palestinien·nes veulent réellement perpétrer un nouvel Holocauste sur Israël. Par conséquent, les Israélien·nes n’ont pas d’autre choix que de faire tout ce qu’il faut pour se protéger, quoi qu’en dise le reste du monde.

Cette mentalité a été cultivée par le Premier ministre Benjamin Netanyahu et ses gouvernements successifs pendant des décennies. C’est sous sa direction que la définition de l’antisémitisme de l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (IHRA) a été poussée par les représentant·es israélien·nes dans le monde entier, rendant la critique des politiques israéliennes équivalente à de l’antisémitisme et l’antisémitisme équivalant à une intention génocidaire – une partie intégrante de la lutte palestinienne contre l’occupation israélienne. Les réponses agressivement critiques que nous entendons aujourd’hui en Allemagne, en France, en Grande-Bretagne et aux États-Unis à l’égard de celles et de ceux qui appellent à mettre fin non seulement au massacre à Gaza, mais aussi à l’ensemble de l’appareil d’occupation, témoignent du succès de la rhétorique de Netanyahou, qui présente la résistance à l’occupation comme génocidaire, et la colonisation illégale comme une juste réponse juive aux holocaustes passés et à venir. 

L’abus de terminologie est donc devenu un outil politique et un instrument d’obscurcissement et de propagande. C’est pour cette raison qu’en tant qu’universitaires attachés à la vérité, à la justice et à la transparence, nous devons insister sur ce que nous voulons dire lorsque nous utilisons ces termes et dénoncer ceux qui les utilisent à mauvais escient, intentionnellement ou par ignorance. En effet, ce n’est qu’en clarifiant nos termes que nous pourrons commencer à progresser vers la résolution de cette crise et ouvrir la voie à la réconciliation politique et à la justice pour tous. Pourtant, c’est beaucoup plus difficile qu’on ne le pense. 

Voici un exemple récent : le 14 février 2024, l’Institut Van Leer de Jérusalem a accueilli un symposium intitulé « La Haye : Gaza, nous et le monde » (http://www.youtube.com/watch?v=q4c_LNHRvx0&t=1s). Le discours principal a été prononcé par le professeur Eyal Benvenisti, titulaire de la chaire Whewell de droit international à l’université de Cambridge et directeur du Centre Lauterpacht de droit international. Hersch Lauterpacht avait défini le terme « crimes contre l’humanité » comme l’extermination de populations civiles en tant qu’êtres humains individuels. À peu près à la même époque, Raphael Lemkin, qui venait d’un milieu juif d’Europe de l’Est similaire, a inventé le terme de génocide comme l’intention de détruire des groupes ethniques, nationaux ou religieux en tant que tels (Philippe Sands, East West Street : On the Origins of Crimes Against Humanity and Genocide [New York : Knopf, 2016]). La discussion à l’Institut Van Leer s’est concentrée sur les implications de la saisine par l’Afrique du Sud de la Cour internationale de justice (CIJ) à l’encontre d’Israël, soupçonné d’avoir perpétré un génocide.

Il est intéressant de noter qu’en dépit de ses références scientifiques, M. Benvenisti a utilisé les termes de génocide et d’antisémitisme de manière plutôt vague. Selon lui, l’action de l’Afrique du Sud n’était pas motivée par le désir d’arrêter la guerre à Gaza, mais visait plutôt à « exploiter la scène internationale pour nier la légitimité de l’État juif » et à « saper le lien profond entre l’existence de l’État en tant que résurrection suite à la tentative d’extermination de son peuple ». C’est pourquoi il a approuvé la description faite par l’équipe de défense israélienne de la plainte de l’Afrique du Sud comme une « diffamation du sang », la reliant ainsi directement aux sources les plus profondes de l’antisémitisme européen. En effet, Benvenisti a déclaré sans ambiguïté que « les critiques à notre encontre … sont en partie motivées par l’antisémitisme ».

À l’inverse, selon M. Benvenisti, le « terrible massacre, le génocide perpétré par le Hamas lors du sabbat noir et les crimes qu’il a commis […] correspondent bien à la définition du génocide ». Interrogé sur cette déclaration au cours de la discussion, M. Benvenisti a réaffirmé qu’à ses yeux « des gens ont été tués et massacrés d’une manière terrible parce qu’ils étaient membres d’un groupe et uniquement pour cette raison ». C’est la définition du génocide selon la convention.

Je cite les déclarations de Benvenisti parce qu’elles démontrent que même parmi les experts des termes en question, d’autres facteurs ont tendance à intervenir lorsqu’il s’agit de discuter de questions impliquant leur propre vision du monde et leurs propres sentiments. Benvenisti n’a fourni aucune preuve que l’Afrique du Sud ou la CIJ étaient motivées par l’antisémitisme, il s’est contenté d’affirmer ce fait, avec l’accord général de son auditoire israélien presque exclusivement juif. Pour les personnes présentes, à l’exception du professeur de droit palestinien Raef Zreik, qui a soulevé quelques questions sur ces affirmations, il s’agissait d’une évidence. De même, l’affirmation de Benvenisti selon laquelle l’attaque du Hamas était génocidaire a été énoncée sans qu’il soit nécessaire de la prouver. Le fait, par exemple, que les militants du Hamas aient également massacré des Bédouin·es et des travailleurs et des travailleuses philippin·es, qui leur ont clairement fait remarquer qu’elles et ils n’étaient pas juifs, n’a pas été pris en compte. M. Benvenisti n’a pas non plus envisagé la possibilité de qualifier l’attaque du Hamas de crime de guerre ou de crime contre l’humanité. En même temps, il a insisté sur le fait que même le soupçon que les actions d’Israël à Gaza, qui ont coûté la vie à plus de 30 000 personnes, dont plus de 10 000 enfants, puissent être criminelles, était clairement antisémite.

Je pourrais également citer de nombreuses déclarations dans le monde accusant Israël de génocide avant même le début de l’opération des FDI à Gaza, ce qui indique à la fois une attente de violence massive – qui n’était pas injustifiée – et, dans certains cas, une compréhension des politiques israéliennes contre les Palestinien·nes comme étant a priori génocidaires. Il n’est pas non plus nécessaire de revenir ici sur les multiples allégations infondées d’antisémitisme contre des présidents·e d’université et des professeur·es, les attaques vicieuses contre les musulman·es et les juifs/juives sur les campus et ailleurs, et le silence assourdissant de tant d’expert·es et de personnalités publiques qui, par crainte d’être étiqueté·es d’une manière ou d’une autre, laissent le champ libre aux extrémistes et contribuent ainsi à la polarisation à laquelle elles et ils s’opposent.

À mon avis, ce dont nous avons besoin aujourd’hui, c’est de clarté et d’objectifs. La terminologie doit être appliquée avec précision, comme un outil de compréhension et de définition des événements plutôt que comme un instrument politique. L’objectif de cette clarté doit être de trouver un moyen de sortir du chaos. Ce n’est pas le lieu d’exposer en détail ce que j’ai à l’esprit. Mais plusieurs questions doivent être posées d’emblée. Premièrement, la violence ne peut résoudre ce conflit. Deuxièmement, l’idée qu’Israël peut gérer la question palestinienne en la mettant sous le tapis ne peut plus être envisagée. Les 14 millions de personnes qui vivent entre le fleuve et la mer doivent se voir offrir un moyen de coexister dans la paix, la justice et la dignité. Troisièmement, les dirigeants politiques des deux camps, ainsi que leurs politiques, ont été profondément discrédités et doivent être remplacés. Quatrièmement, seule une intervention et un engagement internationaux massifs, en particulier mais pas exclusivement par les États-Unis, peuvent commencer à pousser les deux parties à changer le paradigme politique des dernières décennies et à rechercher la réconciliation. La mise en place d’un horizon politique de partage de la terre changera également la réalité actuelle. 

Enfin, si nous voulons prendre au sérieux le slogan de l’après-guerre « plus jamais ça », le moment est venu de le faire. Il est déjà trop tard pour des dizaines de milliers d’innocent·es. Il est temps de s’éloigner de l’abîme et de faire tout ce qui est en notre pouvoir, en tant qu’universitaires, étudiant·es· et citoyen·nes, pour convaincre nos gouvernements d’obliger les belligérants à arrêter les massacres et à apporter la paix à la région et à ses peuples. 

Omer Bartov
Omer Bartov est titulaire de la chaire Samuel Pisar d’études sur l’Holocauste et le génocide à l’université Brown. Né en Israël et formé à l’université de Tel Aviv et au St. Antony’s College d’Oxford, il a beaucoup écrit sur les crimes de guerre, les relations interethniques et les génocides. Son dernier ouvrage s’intitule Genocide, The Holocaust and Israel-Palestine : First-Person History in Times of Crisis (2023).
https://antisemitismstudies.com/omer-bartov.html
Traduit avec DeepL.com (version gratuite)

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Avant Gaza et Après…3
La Société civile palestinienne en résistance !

Présentation du Cahier du REF (Résistances Palestiniennes)
Vendredi 19 avril 2024 de 18h00 à 20h00

MALTAIS ROUGE
40 Rue de Malte, 75011 Paris

CONTEXTE
Le Cahier n°9 du REF sur les « Résistances Palestiniennes » contient 21 articles, édités en trois langues (arabe, français et anglais), évoquant la réalité quotidienne et les mobilisations des Palestinien·ne·s en Cisjordanie, à Gaza et en Israël autour de questions sociales cruciales : Qu’est-ce qu’avoir 20 ans aujourd’hui en Palestine ? Quels regards les jeunes Palestiniens portent-ils sur l’avenir ? Quel espace d’expression et de résistance par le digital ? Quelle réalité pour la communauté LGBTQIA+ en Palestine ? Quels sont les conséquences environnementales de la colonisation dans la Vallée du Jourdain ? Le travail éditorial a été coordonné par l’équipe du REF et un Comité de pilotage rassemblant plusieurs organisations membres (Engagé.e.s & Déterminé.e.s, l’iReMMO, le CRLDHT, le CARI, le Comité pour le développement et le Patrimoine, la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine).

La question palestinienne est revenue au centre de la scène politique internationale. Au moment où ce nouveau Cahier du REF consacré aux Résistances palestiniennes partait chez l’imprimeur, un conflit meurtrier explosait à nouveau au Proche Orient entre les Territoires palestiniens de Gaza et de Cisjordanie, et en Israël. Depuis 2013, Les Cahiers du REF donnent la parole aux sociétés civiles méditerranéennes, afin qu’elles partagent leurs analyses et constats de terrain, leurs espoirs, leurs inquiétudes, mais aussi qu’elles parlent de leurs pratiques, des initiatives concrètes qu’elles mettent en place, des luttes qu’elles portent pour la justice et l’égalité. Ce Cahier est l’aboutissement d’un travail de collecte de témoignages d’acteurs des sociétés civiles palestiniennes et internationales, entamé en octobre 2022 lors d’une délégation du REF en Palestine. 

Descriptif

En partenariat avec le Comité pour le Respect des Liberté et de Droits de l’Homme (CDP), le Comité pour le Patrimoine et le Développement (CDP) et la Fédération des Tunisiens Citoyens des deux Rives (FTCR) et le REF-Réseau Euromed France, la présentation du Cahier n°9 sur les « Résistances Palestiniennes aura lieu le vendredi 19 avril 2024 de 18h à 20h00 auMALTAIS ROUGE 40 Rue de Malte, 75011 Paris.

Les interventions s’articuleront autour du Cahier du REF ainsi que les actions des organisations de la société civile dans ce contexte, Il sera suivi d’un échange avec la salle.

Les interventions seront en anglais et en français, une interprétation consécutive de l’anglais au français sera assurée. Une diffusion sur facebook sera réalisée durant ce temps de présentation.

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Vidéoconférence / En direct de Palestine
« Israël, les prisons de la terreur »

Visioconf 16-04-2024

Mardi 16 avril à 19h : Vidéoconférence
« Israël, les prisons de la terreur »

Depuis 1967, plus de 950 000 Palestinien·nes ont été emprisonné·es par les autorités israéliennes. Depuis le 7 octobre, le nombre d’arrestations et d’ordres de détention administrative ont augmenté de façon exponentielle. Il y a eu plus d’arrestations ces 6 derniers mois que sur toute l’année 2022. Au 4 avril, il y avait 9 400 prisonniers politiques détenus dans les prisons israéliennes.

Nos invités :
Sahar Francis
 est la directrice de l’ONG Addameer qui soutient les prisonniers palestiniens et défend les droits humains. Elle fera un état des lieux de la situation actuelle des prisonniers politiques palestiniens, des conditions de détention et des violations des droits humains.
Munther Amira est un représentant de la résistante populaire non violente et ancien prisonnier politique arrêté à de multiples reprises. Relâché il y a un mois après son arrestation violente du 18 décembre 2023, il avait perdu 32kg en raison des conditions de détention inhumaines. Il témoigne.
Anne Tuaillon, présidente de l’AFPS, fera la modération.

La visioconférence sera diffusée en direct sur le compte YouTube de l’AFPS
>> Voir le compte youtube de l’AFPS

Association France Palestine Solidarité (AFPS)
21 ter Rue Voltaire 75011 Paris 
Tél. : 01 43 72 15 79 
Suivez l’AFPS sur 
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Instagram (@afps.officiel)  Youtube (@francepalestine) 

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Ruba Salih : Gaza entre traumatisme colonial et génocide
Ce n’est pas avec les outils de celles et ceux qui vivent dans la « paix » que nous pouvons comprendre et analyser ce qui se passe aujourd’hui ; cela n’est envisageable (à supposer que cela soit même possible pour ceux qui ne vivent pas à Gaza ou dans les territoires palestiniens occupés) qu’à partir d’un espace défini par les effets de la violence et des traumatismes coloniaux.
https://www.visionscarto.net/gaza-entre-traumatisme-colonial-et-genocide
« Nos camarades étudiant.es convoqué.es par les services antiterroristes pour leur soutien à la Palestine »
Des syndicats, partis politiques et personnalités dénoncent la répression dont sont victimes des étudiant.es. de Solidaires étudiant.es EHESS convoqué.es par les services de lutte contre le terrorisme pour leur soutien au peuple palestinien.
https://www.politis.fr/articles/2024/04/nos-camarades-etudiant-es-convoque-es-par-les-services-antiterroristes-pour-leur-soutien-a-la-palestine/
La RTBF doit demander l’exclusion d’Israël à l’Eurovision
Fournir une vitrine culturelle et médiatique à l’État Israël dans le contexte actuel paraît plus qu’inopportun.
https://www.lalibre.be/debats/opinions/2024/03/28/la-rtbf-doit-demander-lexclusion-disrael-a-leurovision-RBRI2OM5BZEE7P5VFMWWOLGXEM/

Auteur : entreleslignesentrelesmots

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