Analyse des conclusions publiées par l’Avocate générale de la CJUE concernant l’affaire Front Polisario/Conseil et Commission de l’UE

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« Tous les peuples ont le droit de libre détermination, en vertu duquel ils déterminent librement leur statut politique » (ONU, résolution 1514, décembre 1960) 

Le 2 avril 2024, la Task Force EUCOCO a organisé une conférence internationale de juristes afin d’analyser les récentes opinions publiées par l’Avocate générale Tamara Capeta, de la Cour de justice de l’UE (CJUE), concernant l’affaire Front Polisario/Conseil et Commission de l’UE. La CJUE statuera sur ce différend avant la fin de l’année.

En général, l’Avocat demande à la Cour d’annuler les accords de pêche, accords ignorants le droit à l’autodétermination du peuple sahraoui, et de respecter l’étiquetage correct des produits agricoles issus du Sahara occidental qui, rappelons-le une nouvelle fois, ne fait pas partie du Maroc. Par contre, l’Avocate générale demande d’élargir les préférences tarifaires au Sahara occidental, considérant le Maroc comme « puissance administratrice de facto », et affirmant que le Front Polisario ne représenterait pas les intérêts de tou.te.s les sahraoui.e.s.

Les juristes ont réitéré la jurisprudence de la CJUE, rappelant que le peuple sahraoui dispose du droit à son autodétermination et à l’indépendance, que le Maroc est une puissance occupante n’ayant aucune souveraineté sur le Sahara occidental et, enfin, que les ressources naturelles du Sahara occidental ne peuvent être exploitées qu’avec le consentement du peuple sahraoui, que peut exprimer le Front Polisario car il est son seul et unique représentant. Les experts ont également rappelé que la CJUE doit pleinement tenir compte de ces précédents arrêts pour assurer la pleine cohérence de sa jurisprudence.

Il est regrettable que l’Avocate générale n’ait tourné le dos à ces principes dans ses conclusions sur les préférences tarifaires, préférant plutôt une position politique. Ainsi, Mme Capeta affirme de façon incongrue que « le peuple du Sahara occidental ne compte aucun représentant officiel ou reconnu ». Pourtant, selon les résolutions de l’ONU, mais également les derniers arrêts de la CJUE et de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, le seul représentant reconnu par les institutions internationales du peuple sahraoui est bien le Front Polisario, mouvement de libération nationale. De même, Mme Capeta a ajouté que « le Conseil ne doit pas recueillir directement le consentement du peuple du Sahara occidental au moment de la conclusion d’un accord avec le Maroc ». En effet, selon la jurisprudence, le peuple sahraoui, qui dispose de droits souverains à l’égard de son territoire national et de ses ressources naturelles, doit consentir à toute activité économique, ou autre, relative au Sahara occidental. Or, ce consentement qui, pour être valable, doit être libre et authentique, ne peut être exprimé que par le Front Polisario, comme l’a constaté le Tribunal de l’UE, car il est le seul et unique représentant de ce peuple reconnu sur le plan international. Enfin, Mme Capeta affirme également que « l’Union européenne considère le Maroc comme la puissance administrante du territoire du Sahara occidental»  et qu’« une puissance administrante peut toutefois, dans certaines circonstances, conclure un accord international au nom d’un territoire non autonome tel celui du Sahara occidental ». Selon le droit international, l’ONU et l’Union Africaine, le Maroc est une puissance occupante n’ayant donc aucune souveraineté sur le Sahara occidental et ne représentant pas les intérêts du peuple sahraoui. Il n’a d’ailleurs jamais eu la qualité de puissance administrante, qu’il rejette en considérant le Sahara occidental comme partie intégrante du territoire marocain. En outre, selon le droit de la décolonisation, les engagements souscrits par la Puissance administrante n’exprime pas la volonté libre et authentique du peuple concerné. Par conséquent, l’occupant marocain ne peut d’aucune façon signer un accord au nom du peuple sahraoui, dont il nie jusqu’à l’existence-même.

En conclusion, l’Avocate générale a ignoré les trois données juridiques fondamentales de l’affaire – le Front Polisario comme seul représentant du peuple sahraoui, le respect de l’exigence du consentement et le droit de ce peuple à disposer de lui-même – constituant le cadre juridique intangible applicable à la question sahraouie. Ce cadre s’applique à tous et à toutes, qu’il s’agisse de l’Union européenne ou des entreprises étrangères, y compris marocaines, devant obtenir l’autorisation du Front Polisario ou simplement quitter ce territoire.

Au vu de l’incompatibilité partielle des conclusions de l’Avocate générale avec les données du droit international les plus élémentaires, le mouvement de solidarité avec le peuple sahraoui attend avec confiance la décision finale que la Cour prendra au cours de cette année 2024. En effet, dès lors que la Cour maintiendra sa jurisprudence antérieure en 2016 et 2018, les futurs arrêts ne pourront qu’être positifs pour le Sahara occidental. Le Conseil et la Commission, suivis par le Parlement européen, n’auront d’autre choix que de s’en tenir au strict respect du droit international et des résolutions des Nations unies. Ce sera alors un grand progrès, une clarification supplémentaire des droits inaliénables du peuple sahraoui dans sa juste lutte pour son droit à l’autodétermination et à l’indépendance. 

Comité belge de soutien au peuple sahraoui
https://comitebelgesaharaoccidental.wordpress.com/2024/04/24/analyse-des-conclusions-publiees-par-lavocate-generale-de-la-cjue-concernant-laffaire-front-polisario-conseil-et-commission-de-lue/

Auteur : entreleslignesentrelesmots

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