Ce n’est pas l’entrée des armés arabes qui provoqua l’exode. Ce fut l’exode qui provoqua l’entrée des armés arabes

Le livre est un recueil de textes publiés de 1959 à 1993. Ils sont une contribution palestinienne incontournable à l’histoire de la Nakba, cette « catastrophe », ce « désastre », ce « malheur » qui désigne l’épuration ethnique (terme que l’on utiliserait aujourd’hui pour décrire de tels faits) menée par l’armée sioniste en Palestine, l’expulsion en 1948 de plusieurs centaines de milliers de palestinien-ne-s.

Walid Khalidi, appuyé sur une documentation variée, montre que contrairement à une légende, les palestinien-ne-s ne sont ni parti-e-s volontairement, ni à l’appel de forces « arabes » extérieures. Le pouvoir de l’État d’Israël n’a d’ailleurs inventé cette fable qu’en 1949, « Ce n’est qu’en 1949, lorsqu’ils réalisèrent que le problème des réfugiés arabes troublait les consciences occidentales, que les sionistes décidèrent de contrer la mauvaise image que ce problème donnait de leur cause. L’histoire de l’ordre d’évacuation arabe ferait d’une pierre deux coups : elle absoudrait les sionistes de toute responsabilité concernant les réfugiés, et rejetterait cette responsabilité sur le Arabes eux-mêmes ». L’auteur détaille la « guerre psychologique et actes de terrorisme » utilisés par l’armée et les groupe terroristes sionistes.

Le récit de « La chute d’Haïfa » est une illustration de cette réalité, sans oublier la duplicité, amicale envers les sionistes, de l’armée britannique.

L’auteur remet à disposition les textes sur les plans Gimmel (plan C) et Dalet (plan D) du pouvoir sioniste. Il montre en quoi ces plans construits ont à voir avec la conquête de territoires. Il reconnaît que l’historien Benny Morris avait admis « courageusement l’évacuation par la force ou par la peur de la plupart des 369 villages palestiniens ».

Walid Khalidi souligne aussi que « la décision de la partition des Nations unies de novembre 1947 ne consacrait nullement le statu quo existant en Palestine. Au contraire, la décision de la partition était une décision révolutionnaire conçue pour une redistribution territoriale radicale en faveur des sioniste ». Faut-il rappeler que huit des treize opérations du plan D « furent conduites en dehors des zones données aux sionistes par les Nation unies ».

J’ai apprécié les analyses sur la « Résolution de partage », accompagnés de réflexions sur l’écriture de l’histoire par les vainqueurs. Cette résolution a « permis aux sionistes de faire l’impasse sur leur responsabilité historique primordiale concernant la fuite et l’expulsion d’environ 750.000 citadins et villageois palestiniens et de produire un alibi pour se dédouaner de toute obligation morale envers eux ».

Le texte le plus intéressant, me semble-t-il, est la réponse aux critiques de Benny Morris. Le grand historien, qui a été le premier Israélien à décrire les réalités de destructions, du refus de retour, de la brutalité envers les palestinien-ne-s, n’en est pas moins devenu un chantre des fables sionistes, (voir pire dans des écrits plus récents). Walid Khalidi souligne, en fin de ce texte, combien il est nécessaire de rechercher, avant même « la naissance de la diaspora palestinienne », les causes dans l’histoire, dont celles liées au sionisme politique.

Une réédition nécessaire, pour ne pas oublier les analyses des palestinien-ne-s, trop souvent écartées. « Aucune réconciliation ne saurait être durable, toutefois, si elle repose sur des éléments sortis de leur contexte historique et basés sur un récit factice du passé. »

En complément possible, l’ouvrage dIlan Pappe : Le nettoyage ethnique de la Palestine, Fayard, 2008, Abîme entre réalité et représentation

Walid Khalidi : Nakba 1947-1948

Institut des Études Palestiniennes – Sindbad, Beyrouth – Arles 2012, 265 pages, 22 euros

Didier Epsztajn

Auteur : entreleslignesentrelesmots

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