Il n’y aura pas de changement social sans élimination de la domination masculine

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« Éliminer les inégalités entre les sexes est non seulement une exigence politique, c’est aussi une condition pour l’émancipation individuelle et collective des femmes comme des hommes »

Comme nous le rappelle les auteur-e-s, l’émancipation des femmes est toujours un processus inachevé, l’égalité n’existe pas ici et maintenant, « il y a bien loin entre l’égalité sur le papier et dans la réalité ».

Des évolution significatives, comme « le fait pour les femmes de contrôler leur fécondité et ainsi de dissocier sexualité et procréation constitue un fait historique majeur dans l’évolution de l’humanité », mais toujours « la traite des femmes à destination de la prostitution », les violences contre les femmes, dont les violences conjugales et les viols, les pratiques d’élimination des bébés filles en Asie, etc. Les auteur-e-s soulignent que « jamais le monde politique ne tolérerait aujourd’hui un tel niveau de violences structurelles et chroniques s’il concernait toute autre « catégorie » de la population ».

Les auteur-e-s soulignent comment le capitalisme utilise les inégalités du patriarcat, comment il s’en nourrit, « elles lui sont indispensables, particulièrement celles qui concernant le travail rémunéré et non rémunéré ». Elles et il mettent donc l’accent sur « Éradiquer les inégalités entre les femmes et les hommes implique, ce n’est pas nouveau, de changer de modes de production et de reproduction de la force de travail ». Agir pour l’égalité entre les femmes et les hommes, l’égalité des êtres humains « est un moyen de contrecarrer le fonctionnement du système capitaliste en s’en prenant à ses profits ».

Pointer la convergences entre les luttes contre les inégalités économique et les inégalités de genre « ne signifie pas assimiler ces luttes l’une à l’autre ». Les auteur-e-s rappellent : « Les différents rapports sociaux de domination (de classes, de sexes, de « races ») se superposent et s’articulent dans un entrecroisement dynamique complexe, et il est inopérant et contre-productif de subordonner les uns aux autres », et, pour qu’il n’y aucune ambiguïté, « nous contestons une vision où les luttes de classes seraient le seul moteur du changement social ». Il s’agit donc de construire des alliances, de « s’appuyer » sur le potentiel émancipateur des idées féministes pour créer un projet alternatif de société, « un nouvel imaginaire qui sous-tende un projet politique, capable d’animer, de rêver, de motiver, d’emporter l’adhésion, de susciter l’engagement, d’être une force propulsive ».

« La démarche de ce livre est de partir des besoins concrets des femmes pour leur émancipation et pour l’égalité avec les hommes, et d’identifier les obstacles qui s’opposent à la satisfactions des besoins » et « Le féminisme est donc ici mobilisé sur un domaine particulier, le terrain socio-écomique et politique ». Les auteur-e-s vont mettre l’accent sur la politisation des besoins, la satisfaction des besoins liés à la petite enfance et à l’aide aux personnes en perte d’autonomie, à la relance d’activités non productivistes tournées vers la satisfaction des besoins sociaux, à l’extension de la socialisation, à la valorisation du travail féminin, à la réduction du temps de travail, etc…

  1. Du besoin de crèche au renouveau de l’État social
  • Permettre aux femmes de « travailler » (d’avoir un emploi)

  • Face à la marchandisation en cours le service public

  • Un cercle vertueux autour de l’égalité

  • Pour un État social émancipateur

  1. Des inégalités de salaire à la valorisation des métiers féminisés et au modèle d’égalité

  • Une inégalité salariale qui dure

  • Comment agir contre la discrimination salariale à l’égard des femmes ?

  • Un questionnement fécond sur la valeur d’un travail

  • Un enjeu bien au-delà de l’élimination des inégalités salariales

  • La valorisation de l’économie de soin et du lien social

  • Quel modèle d’égalité ?

  1. Du temps pour vivre, un projet émancipateur

  • Les temps différents des femmes et des hommes

  • Des préjugés tenaces

  • Le temps partiel : un outil de flexibilité pour le patronat

  • Le temps partiel pénalise les femmes

  • La réduction du temps de travail : une nécessité pour l’émancipation

  • Les enseignements des 35 heures

  • La RTT, revendication indigeste pour le capitalisme

  • La RTT, levier pour un nouveau modèle de production et de consommation

  • La RTT, levier pour l’égalité

  • La retraite, amplificateur d’inégalités

  1. Les luttes féministes : pour un nouvel imaginaire social

  • L’égalité maintenant : le féminisme pour changer la société

  • Des avancées insuffisantes dans tous les domaines de la vie publique

  • La lutte idéologique : un enjeu sociétal et démocratique

  • Élargir l’horizon conceptuel

  • De la responsabilité et du pouvoir

Je ne souligne que quelques points :

  • la critique des droits liés au couple, et en particulier la fiscalité et la protection sociale : « Chaque personne doit donc disposer de droits propres à la protection sociale et doit être reconnue comme une personne autonome par le système fiscal »

  • les analyses de la discrimination systémique à l’encontre des emplois majoritairement « féminins », de l’invisibilité et de la non-reconnaissance des compétences des femmes, de la double journée de travail…

  • La critique des rôles sociaux : « le maintien de rôles sociaux séparés des femmes et des hommes, même si ces rôles étaient également valorisés, ne peut pas assurer l’égalité entre sexes »

  • Le rôle central de la revendication de baisse radicale du temps de travail, entre autres, comme « outil de réunification du salariat autour de la reconstruction d’une norme de durée collective de travail »

Trois remarques. L’imposition de « quota », d’« affirmation action » aurait méritée d’être développée. Par ailleurs, en n’indiquant pas que les hommes, en tant que groupe social et individuellement, sont bénéficiaires des discriminations systémiques, du système patriarcal, les auteur-e-s passent sous silence leur rôle dans le partage inégal des tâches, dans l’invisibilisation du travail des femmes, dans leur « insouciance » du combat des féministes. Ce mutisme se double d’un silence peu compréhensible sur la nécessaire auto-organisation non mixte des femmes.

Quoiqu’il en soit un petit livre bien venu et des analyses autour du travail qui devraient être prises en compte, quotidiennement, dans toutes les organisations qui se réclament de l’émancipation.

Attac / Fondation Copernic : Le féminisme pour changer la société

Coordination Christaine Marty

Catherine Bloch-London, Esther Jeffers, Huayra Llanque, Marc Mangenot, Sandra Rigoni, Marie-Hélène Tissot, Stéphanie Treillet

Editions Syllepse, Editions Syllepse – Le féminisme pour changer de société, Paris 2013, 106 pages, 5 euros

Didier Epsztajn

 

Auteur : entreleslignesentrelesmots

notes de lecture

2 réflexions sur « Il n’y aura pas de changement social sans élimination de la domination masculine »

  1. Vous contestez dans l’article que les luttes de classe soient les moteurs du changement social, sans doute elles ne sont pas le seul mais c’est bien parce que la lutte de classe est dans les choux que le féminisme régresse à la vitesse grand V.
    Le problème est que dans le déroulement même de ces luttes il y un sexisme que les organisations les plus progressistes ne voient même pas .
    On a beaucoup parlé des grèves dans l’automobile PSA, elles ont été au cœur de l’actualité.
    Qui parle des grèves de caissières? qui parle jamais des formes particulières que prennent les luttes de femmes et de leurs revendications dans les entreprises où elles sont majoritaires. Les mouvements y sont moins nombreux parce que les responsables syndicaux étant fréquemment des hommes ils ne reprennent pas ce que disent les femmes sur leur travail, je le sais, je l’ai vécu !

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