L’art de la nouvelle ne saurait se résumer à la qualité de la chute. Certes, ce moment où tout bascule, où tout s’éclaire ou s’obscurcit reste très important. Mais le chemin ouvert pour la lectrice ou le lecteur doit être semé d’indices, de traces, d’hypothèses ou de brouillages. Samanta Schweblin ne craint pas de fournir des indices dès le titre et pourtant…
Du quotidien brouillé aux limites du féerique ou du fantastique, chacun-e- trouvera ici matière à plaisirs, à réflexions ou à surprises. Et appréciera la limpidité ou la précision de la langue.
De la nouvelle qui donne le titre au recueil « Des oiseaux plein la bouche », à l’humour féministe « Des femmes désespérées », au difficile examen de passage au métier de tueur , de l’inquiétant désir « Dans la steppe » à « Des têtes contre l’asphalte » ou au « Vers la joyeuse civilisation » et son retournement, « Une dernière sensation de peur les gagne tous sans exception : ils craignent qu’en arrivant à destination, il n’y a rien », etc.
Certaines nouvelles peuvent être considérées comme des variations autour de thématiques comme l’art contemporain ou le trou…
Être, paraître, se faire comprendre, se tourner vers l’avenir, « Son image est aussi floue et obscure qu’un mauvais présage au bout de la route », ou se débattre avec les réalités.
Un recueil à savourer.
Samanta Schweblin : Des oiseaux plein la bouche
Traduit de l’espagnol (argentine) par Isabelle Gugnon
Seuil, Paris 2013, 237 pages, 20 euros
Didier Epsztajn