Qui peut traduire qui ?

Qui peut traduire

Les éditions double ponctuation (:?!;) ont publié fin 2021 l’ouvrage Faut-il se ressembler pour traduire ?Légitimité de la traduction, paroles de traductrices et traducteurs ; ouvrage qui vient entre autres approfondir les questionnements sur « le genre » et « la race » dans le domaine de la traduction.

La question de base peut se décliner comme suit : Un homme peut-il traduire une femme ? Un-e hétérosexuel-le peut-iel traduire un-e homosexuel-le ? Un-e blanc-he, un-e noir-e ? et ainsi de suite.

L’élément déclencheur de ce Faut-il se ressembler pour traduire ? est la polémique qui a eu lieu en mars 2021, autour de la traduction de The Hill We Climb d’Amanda Gorman, jeune poétesse noire américaine ; The Hill We Climb est le poème qu’elle a déclamé lors de l’investiture de Joseph Biden, sur sa sollicitation, et qui a fait une trainée de poudre au niveau international, avec des désignations de traducteur-ices par les maisons d’éditions (après l’achat de droits mirobolant). A gros trait, la polémique débute lorsque la journaliste néerlandaise Janice Deul déplore qu’en Hollande une personne blanche ait été désignée pour traduire Gorman. Les tribunes, les articles se succèdent. L’absence de « diversité » dans le milieu livresque apparait lors de cet épisode (je parlerai pour ma part de rapport de domination, de discrimination et d’exclusion) : « aux Etats-Unis, une étude (…) a révélé que 83% des traducteurs actifs étaient blancs et seulement 1,5% « noirs ou africains-américains » ».

Plus d’une douzaine d’auteur-ices impliqué-es dans le monde de la traduction se saisissent du Faut-il se ressembler pour traduire ? et déroulent leurs réflexions à ce sujet : Virginie Buhl, Frank Heibert, Clara Nizzoli, etc. ; autant d’approches jusque dans le ton. Mais, au-delà de la polémique entourant les traductions du texte de Gorman, les différentes interventions permettent de découvrir les enjeux liés au métier de traducteur-ice et la place de celui-ci dans le monde de l’édition. Implicitement, les articles donnent à voir et préciser aussi les qualités requises dans l’acte de traduire : empathie, apprentissage permanent, humilité, sensibilité, style, lucidité sur ses propres manques, connaissances diverses, …, « penser l’autre en soi ».

Quant à la question initiale, les avis des participant-es sont variés, souvent nuancés, parfois polémiste, parfois contradictoires, sollicitant d’autres controverses passées, misant sur des raisonnements par l’absurde – parfois très rigolo –, cherchant à définir des axes de résolutions des problèmes, ou encore abordant la question avec un pragmatisme salutaire, comme par exemple dans le texte de Lori Saint-Martin.

Une publication pour alimenter un débat qui sans nul doute ressurgira, bientôt.

Un apprenti traducteur, blanc,
légitime pour chroniquer ce livre ?

éd. Double ponctuation (:?!;), 166 pages, 14€.

Auteur : entreleslignesentrelesmots

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